eJournals Vox Romanica 62/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2003
621 Kristol De Stefani

Innovations du centre et archaïsmes du Nord-Est: fruits du contact des langues en Gaule mérovingienne?

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2003
Martina  Pitz
vox6210086
Innovations du centre et archaïsmes du Nord-Est: fruits du contact des langues en Gaule mérovingienne? Considérations sur le Nord-Est du domaine d’oïl dans la perspective d’une linguistique de contact «Le bilinguisme est chose fréquente; il a été fréquent dans le passé, et il importerait de déterminer quel en a pu être le rôle dans le développement des langues», notait Antoine Meillet en 1933. «Quand on fait l’histoire des langues, il convient de tenir compte des périodes où il y a eu bilinguisme. On l’a trop peu fait, et l’on a trop souvent agi comme si l’on perdait de vue que toute extension de la langue comporte une période plus ou moins prolongée de bilinguisme» (Meillet 1933: 63s.) 1 . L’influence d’éléments extra-linguistiques sur l’évolution des langues, et principalement celle des facteurs économiques, sociaux et culturels, n’est plus guère remise en question de nos jours. De même, l’impact des phénomènes d’interférence sur la genèse et la diffusion des innovations linguistiques paraît indubitable. On reste néanmoins très conscient de la différence de nature entre les causes immédiates de telle ou telle innovation et son développement ultérieur pour lequel certaines régions peuvent se montrer plus réceptives, donc plus innovantes que d’autres. Les raisons de cette variabilité sont des plus diverses, et l’analyse de sa dynamique reste l’un des axes de recherche les plus prisés et les plus controversés. Sur un point, cependant, cette interrogation problématique semble se cantonner dans un certain automatisme: on fait appel à l’interférence pour déceler les conditions de base des innovations, généralement difficiles à reconstruire, alors qu’on tend à recourir à la variation pour déterminer les facteurs socioculturels entraînant leur adoption dans un contexte donné et décrire les processus de nivellement liés à leur diffusion. De ce fait, la diglossie et le plurilinguisme au sein de groupes préalablement définis constituent des schémas d’analyse fréquemment utilisés pour expliquer les changements les plus complexes et les plus «radicaux», susceptibles d’avoir provoqué la scission définitive d’un continuum linguistique. Mais les débats scientifiques, toujours passionnants voire passionnés, ont aussi clairement démontré que l’effet précis de cette interférence et l’interaction concrète de deux systèmes linguistiques sur le plan phonétique, morphologique ou syntactique sont 1 On notera que des réflexions similaires se trouvent déjà chez Saussure 1976: 40s. Il convient donc de nuancer les propos de Hunnius 1998 qui considère que le concept d’interférence ne s’est imposé qu’avec Weinreich 1953. Même si cet ouvrage marque incontestablement les vrais débuts de la linguistique de contact, les premiers débats théoriques relatifs aux concepts de base sont beaucoup plus anciens. Voir à ce sujet Tesch 1978: 31s. 87 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est très difficiles à évaluer. Le plus souvent, les retombées d’une situation de bilinguisme historique ne semblent «mesurables», ne serait-ce qu’approximativement, que pour le seul domaine de la transférence 2 , c’est-à-dire par les emprunts lexicaux et onomastiques. On a toutes les raisons de penser que pour l’histoire linguistique, tant pour le gallo-roman que pour les variétés du germanique occidental génitrices de l’ancien haut allemand, l’époque mérovingienne apparaît comme une période de juxtaposition de différentes formes de bilinguisme, voire même de trilinguisme, si l’on veut bien concéder le statut de langue aux diverses variétés orales qui donneront naissance aux langues romanes. Meillet fut l’un des premiers à avoir clairement mis l’accent sur ce point - presque au même moment d’ailleurs que les historiens et les germanistes allemands de l’«École rhénane» autour de Franz Steinbach et de Theodor Frings, dont les travaux sur la «genèse des espaces culturels» marqueront fortement Walther von Wartburg 3 , mais indépendamment de ces derniers et en s’appuyant sur des théories plus anciennes (Schlemmer 1983: 172s.). Pour Meillet, ce bilinguisme devait être compris comme un phénomène déterminé par des contingences politiques et limité aux couches supérieures de la population, mais néanmoins porteur d’impulsions novatrices dont certaines pouvaient avoir des conséquences importantes. Steinbach, quant à lui, n’était pas seulement persuadé d’une présence considérable de colons germaniques dans les régions concernées par ce qu’il aimait à appeler la «conquête franque» 4 ; il plaidait aussi pour une «civilisation mixte» que ces colons auraient contribué à fonder et dont l’impact linguistique lui paraissait bien plus prégnant. Car ce melting pot aurait surtout produit un latin dépravé, fortement imprégné de vulgarismes de toute sorte, y compris des germanismes, dont la valeur hautement symbolique aurait considérablement favorisé le rapprochement des cultures. La force intégrative de cet élément purement linguistique aurait donc largement contribué à instaurer une société nouvelle ouvrant le chemin à la civilisation médiévale. Si l’on veut se résoudre à suivre cette hypothèse, on n’hésitera pas à voir dans ce latin «mérovingien» un vec- 2 Pour cette notion voir Lüllwitz 1972: 191. Selon Werner 1981: 220s. et Hunnius 1998: 82, elle se rapporterait à des emprunts délibérés d’unités lexicales ou onomastiques, et il conviendrait de la distinguer des phénomènes d’interférence proprement dits dont ils soulignent le caractère involontaire. L’interférence ne toucherait donc le lexique que de façon exceptionnelle. Mais nous manquons pour l’instant d’études empiriques ciblées qui permettraient de savoir si l’interférence constitue réellement - et dans tous les cas - un mécanisme de sélection inconscient et non intentionnel. 3 A ce sujet, voir Pitz 2000, 2003 qui jette un regard critique sur la vision de la situation linguistique en Gaule mérovingienne véhiculée par la recherche allemande des années 1920-30. Pour situer les synthèses monumentales de Walther von Wartburg et d’Ernst Gamillscheg sur l’influence du superstrat germanique dans leur contexte historiographique, on se reportera à l’examen de la romanistique des années 1930-40 chez Hausmann 2001: 522 ainsi qu’aux témoignages d’époque de Meier 1941: 54s. et Krauss 1997: 30. 4 Sur cette notion problématique qui, pour de multiples raisons, a été complètement abandonnée par les historiens et les archéologues, voir entre autres Werner 1996 et Geary 2002: 130s. 88 Martina Pitz teur très important d’innovation sociale, sans laquelle la formidable expansion du royaume fondé par Clovis aurait été impossible. Mais on concédera aussi que ce foreigner talk, ciment présumé de l’identité du royaume, aurait perdu cette fonction initiale relativement tôt, sans doute dès le début de la période carolingienne, puisqu’il a pu être abandonné sans la moindre réticence lors de la Renaissance carolingienne. Les réflexions linguistiques du cercle de Charlemagne marqueraient donc aussi une étape importante dans l’accomplissement de ce processus d’assimilation. Or, depuis plusieurs décennies, les romanistes comme les germanistes se penchent sur des problèmes essentiels liés à la différenciation progressive de cette vaste entité entre Loire et Rhin dont la perception comme espace culturel relativement homogène paraît encore assez plausible aujourd’hui, du moins pour la période antérieure au viii e siècle (Geary 2002: 154s.). Et même si les deux disciplines n’ont pas encore pu déterminer les véritables causes de certaines innovations éminemment importantes pour l’évolution ultérieure du gallo-roman comme de l’ancien haut allemand, on notera avec intérêt que la diffusion de ces phénomènes intervient justement à l’époque de l’expansion et de la consolidation de la souveraineté franque. Le germaniste évoquera ici la seconde mutation consonantique, constitutive de l’ancien haut allemand, en signalant notamment sa distribution curieuse «en éventail» dans l’aire occidentale du moyen allemand (Haubrichs 1987; Venema 1997; Pitz 1999; Schwerdt 2000; Pitz/ Vòllono 2003), alors que le romaniste fera intervenir la «polarisation» du gallo-roman «donnant naissance à deux langues standard embryonnaires, la langue d’oïl et la langue d’oc» (Lodge 1997: 78). D’étonnants parallélismes peuvent d’ailleurs être décelés au sujet des hypothèses expliquant la différenciation des espaces linguistiques, aussi bien français qu’allemands. Des interférences prosodiques ont été prises en compte pour expliquer la genèse de la mutation consonantique de l’ancien haut allemand (Schwerdt 2000: 381); des substitutions phonétiques (Venema 1997: 462) sont tenues pour responsables de son développement ultérieur. Lors de la séparation du proto-français d’avec le latin, von Wartburg attribue un rôle important à la morphosyntaxe simplifiée de locuteurs bilingues dont le latin n’était pas la langue maternelle; on voit même se profiler l’idée d’un accent étranger adopté par la population indigène pour des raisons de prestige et influençant par ricochet le système en usage. Après une longue période de scepticisme durant laquelle on a pu mettre en évidence que l’opposition linguistique nord-sud reposait en principe sur des structures beaucoup plus anciennes (Müller 1970), la thèse de von Wartburg faisant intervenir le superstrat francique pour expliquer les diphtongaisons constitutives du proto-français semble de nouveau assez largement répandue, étant peutêtre vécue comme la plus pertinente aux yeux de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, tendent à expliquer les évolutions linguistiques par des phénomènes plus globaux de civilisation (Lodge 1997: 110s.). Force est de constater que les débats actuels portent surtout sur des problèmes chronologiques, alors que la question fondamentale de la pertinence d’une telle hypothèse attribuant des faits linguis- 89 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est tiques extrêmement lourds de conséquences au particularisme rigoureusement limité à un petit groupe de bilingues, aussi puissants soient-ils sur le plan politique, n’est plus guère abordée. Ces parallélismes rapidement évoqués ici sont connus depuis longtemps et ont partiellement appuyé les hypothèses audacieuses de l’«École rhénane». L’idée de la «fondation de l’unité européenne par les Francs» (tel est le titre d’un rapport de recherche co-signé par Steinbach: Steinbach/ Petri 1939) que le iii e Reich a tenté d’instrumentaliser politiquement en employant notamment des arguments linguistiques, a ainsi servi, comme la recherche historique a pu le démontrer au cours des dernières années (Schöttler 2 1999), pour légitimer une «réorganisation» de l’Europe sous la direction de l’Allemagne national-socialiste, ce qui la rend grandement responsable de cette grande tragédie du xx e siècle que fut l’hégémonie nazie sur l’Europe. Ceci explique sans doute que des approches pluridisciplinaires tentant de faire converger les perspectives des romanistes et des germanistes au sujet de ces «processus d’évolution offrant des parallélismes marquants dans les langues romanes et germaniques» (Buridant 1987, avant-propos) soient si souvent évoquées de nos jours comme potentialité méthodologique, tout en étant rarement traduites dans les faits. Il existe néanmoins un consensus assez général pour affirmer que cette approche pluridisciplinaire semble la plus appropriée pour rendre compte de la pluralité linguistique du royaume franc; et il est généralement reconnu que cette «double perspective» devient indispensable pour aborder le phénomène linguistique le plus marquant de cette époque charnière, à savoir la genèse de la frontière linguistique romano-germanique. Cette dernière se forgea durant les viii e et ix e siècles au sein même du nouveau royaume d’Austrasie, souvent sans conditions géographiques particulières, aiguillant ainsi de façon définitive l’évolution ultérieure de l’une et de l’autre langue (Pfister 1978; Pitz 2001; Haubrichs à paraître). Ce travail philologique mené dans la perspective résolue d’une linguistique de contact s’est surtout concentré sur les zones limitrophes de la future limite des langues où le besoin d’un examen critique des matériaux analysés et des méthodes proposées par les partisans de l’«École rhénane» était particulièrement bien ressenti. De ce fait, on a un peu perdu de vue qu’au sein de ce vaste espace culturel situé entre la Loire et le Rhin, espace susceptible d’avoir subi une forte influence franque, la Loire ne fut pas la seule limite géographique et historique dont l’impact linguistique soit clairement avéré. De nombreuses isoglosses convergent aussi au niveau de la ligne séparant les provinces romaines de la Belgica Secunda et de la Lugdunensis Prima de la province de la Lugdunensis Secunda, dont le tracé fut perpétué jusqu’aux temps modernes par les limites diocésaines. Dans de nombreuses études phonétiques, lexicales et onomastiques spécialisées (Schmitt 1974; Pfister 1982; Monjour 1989; Wolf 1992; Lepelley 2001, etc.), le nord-est du domaine d’oïl, limité par cette ligne historique, est ainsi présenté comme une entité linguistique à part entière, dépassant largement le clivage des dialectes. C’est sans doute à travers l’ouvrage d’Alf Monjour que cette opposition entre les régions du 90 Martina Pitz centre et la périphérie nord-orientale, dont la genèse reste extrêmement problématique, se dessine le plus nettement. On a tenté de l’expliquer par des différenciations linguistiques et ethniques fort anciennes, remontant à une époque antérieure à la romanisation de la Gaule, le nord-est correspondant alors à l’ancienne zone d’habitat des Belges (Monjour 1989: 356s.); mais des problèmes liés à «la différenciation du proto-roman en fonction de l’âge de la colonisation romaine» (Wüest 1998) ont aussi été pris en considération. Le nord-est ayant été romanisé plus précocement et plus intensément que les régions du centre en raison de sa grande importance militaire (Wightman 1985: 53s.), un latin relativement archaïque, se caractérisant par une intonation particulière (Schürr 1954) et par des archaïsmes lexicaux (Schmitt 1974; Pfister 1982) pourrait y avoir été introduit au moment même de la romanisation. Avec le temps, un conservatisme prononcé, lié à la situation périphérique des régions concernées, s’y serait ajouté, provoquant notamment un retard considérable lors de l’adoption de certaines innovations phonétiques éminemment importantes comme les palatalisations ou les sonorisations (Pfister 1987; 1992). On pourrait même envisager l’hypothèse qu’une tendance à conserver les anciennes voyelles longues, propice à la diphtongaison de ces dernières, découle directement de ces attitudes conservatrices (Banniard 1997: 49) qu’un sentiment d’insécurité provoqué par les incursions germaniques répétées aurait contribué à accentuer, car on sait par ailleurs que dans les zones voisines du limes romain, les menaces barbares ont créé un besoin de distinction dans bien d’autres domaines de la vie sociale et culturelle. De ce fait, les particularités des parlers du nord-est seraient donc largement dues à des phénomènes linguistiques intervenant au cours de l’Antiquité tardive, même si la localisation géographique des régions concernées à la périphérie du domaine gallo-roman a incontestablement renforcé ce particularisme durant les siècles suivants. Bien que la recherche philologique ait beaucoup insisté sur le fait que les données archéologiques paraissent aussi signaler une présence franque relativement importante pour ces régions du nord-est 5 , l’influence germanique proprement dite n’interviendrait donc dans la genèse de ces parlers que dans la seule et unique mesure où des bouleversements sociaux dus à l’intervention de «barbares» auraient provoqué des attitudes linguistiques bien particulières (Pitz à paraître a). Quoiqu’il en soit, Monjour (1989: 369s.) estime, non sans raison, qu’à l’état actuel de nos connaissances, ces questions fondamentales ne sauraient être résolues de manière concluante et que toute explication mono-causale risquerait d’apporter plus de confusion que d’éclaircissements. 5 Il convient de signaler que l’interprétation des matériaux funéraires livrés par l’archéologie mérovingienne donne encore lieu à de vives controverses (cf. p. ex. Périn 1980; Stein 1989; Ament 1992; Brather 2000); en aucun cas, ces matériaux ne sauraient fournir une vision globale des habitats. 91 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact du superstrat francique en Gaule mérovingienne dans ce contexte précis, on doit d’abord s’interroger sur l’existence effective d’indicateurs valables, au-dessus de tout soupçon, susceptibles de nous renseigner sur cette question problématique qui continue de susciter de vives controverses parmi les spécialistes (Meier 1977). Il faut donc déterminer avec précision la valeur concrète des différentes catégories de matériaux. Les processus de transférence lexicale nous renseignent sur les domaines de la vie sociale et culturelle, et par conséquent sur les groupes sociaux particulièrement exposés à ces influences, pour lesquels on peut supposer une certaine réceptivité à tel ou tel élément «barbare». La répartition géographique des emprunts lexicaux nous fournit des indications sur l’extension présumée d’anciennes zones de contact et sur la diffusion ultérieure de certaines catégories de mots (Pfister 1973). On en conclut généralement que toute tentative de reconstruction de ces anciennes aires bilingues s’étendant des deux côtés de la future limite des langues doit se fonder avant tout sur la répartition de certains types d’emprunts désignant des objets de la vie quotidienne et appartenant plus ou moins distinctement au vocabulaire agricole (Pfister 1995: 65; Haubrichs 1998a: 109). Il convient néanmoins de souligner que dans le domaine du lexique, la valeur des renseignements fournis par la géolinguistique dépend de critères multiples et variés dont notamment la répartition concrète des «choses» désignées. On peut supposer que pour le vocabulaire agricole, «l’attachement au sol» des lexèmes étudiés doit être particulièrement fort, ce qui en ferait en effet un indicateur pertinent. Mais il s’est malheureusement avéré que ce genre de mots n’apparaît que très rarement dans les sources écrites et se limite généralement à certaines catégories de sources de type documentaire comme les censiers, les assises ou les rapports de droits dont la majeure partie n’est pas publiée. On est donc souvent contraint en analysant ce vocabulaire de se contenter d’attestations récentes fournies par les dialectologues, sans pouvoir retracer l’histoire des mots (Pitz 2002b: 43). Or, la «mise en examen» récente des méthodes scientifiques proposées par l’«École rhénane» a clairement démontré que pour les périodes reculées qui nous intéressent ici, toute tentative de reconstruction des anciennes aires linguistiques se fondant exclusivement sur des données récentes reste problématique. Les mots bien documentés à travers les sources historiques sont relativement rares. À titre d’exemple, on pourra citer afr. wain ‘blé d’automne’ 6 (froment, seigle, orge) ‘semailles d’automne’ ‘période durant laquelle on pro- 6 Depuis le moyen âge classique jusqu’aux débuts des temps modernes, en Lorraine du moins, cette dernière acception est de loin la plus fréquente. Le poids considérable des attestations dans lesquelles notre mot signifie ‘blé’ transparaît surtout à travers l’exploitation systématique des rapports de droits qui fournissent une multitude d’attestations nouvelles. Pour les xiv e et xv e siècles, Jean Coudert (Nancy) qui prépare une édition critique des rapports de droits en langue française pour l’actuel département de la Moselle a eu l’amabilité de me communiquer, parmi beaucoup d’autres, les formes suivantes: Bronvaux: croweez aulz . . . wayns; Lucy: III quartellez moitie wayn moitie avoine (Archives départementales de Meurthe-et-Moselle G 521). Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude. 92 Martina Pitz cède aux semailles d’automne’ (FEW 17: 459s., s. ‘Aussaat’) ‘automne’ 7 . Il me semble qu’avec ce sémantisme, le mot n’est attesté que dans les parlers du nord-est. Ce n’est que dans une acception beaucoup plus large qu’il connaît une plus grande diffusion (afr. gain ‘nourriture pour le bétail’, puis ‘herbe’; mfr. gains ‘récolte’, etc.: FEW 17: 458); ces dernières formes témoignent donc d’un rayonnement ultérieur. Même si nous manquons malheureusement d’attestations précoces en latin médiéval confirmant l’existence d’une dentale intervocalique originelle, disparue en gallo-roman (Rheinfelder 5 1976: §687; Chambon/ Greub 2000: 165s.), on se résoudra à retenir l’étymologie proposée par von Wartburg, tout en admettant qu’elle n’élucide pas tous les problèmes de détail, surtout en ce qui concerne la morphologie. Ce dernier fait intervenir afranc. weid - a (de Vries 1997: 825, cf. aussi ahd. weida: Schützeichel 5 1995: 313) ou un verbe dérivé de ce lemme, auquel il propose d’ajouter le suffixe latin -amen, -imen 8 . Pour concilier le sémantisme des emprunts gallo-romans, oscillant entre ‘blé’ et ‘herbe’, avec celui qu’on attribue généralement à all. Weide, à savoir ‘pâquis’, il paraît nécessaire d’admettre que malgré les réserves formulées par Seebold 9 , le sens originel du mot dans la langue germanique «donatrice» devait être ‘nourriture’ ( ‘blé’). Il se serait alors «spécialisé» par la suite: ‘terrain qui sert à produire la nourriture (le blé)’ ‘champ de blé moissonné sur lequel le bétail est autorisé à brouter les mauvaises herbes’ ‘terre de pâture’ ‘terrain planté d’herbes’, etc. En effet, une fois la moisson faite, les surfaces cultivables du terrain communal étaient mises en pâture 10 . On pourrait donc aussi 7 Cf. FEW 17: 459s., s. v. ‘Herbst’, la première attestation (v. 1200) provenant de Saint-Amand. Pour la Lorraine, nous disposons d’une attestation importante pour 1235: a tramoes et a wain naueront droiture, cf. Pitz à paraître b, n° 39. Ce corpus de chartes du xiii e s. contient beaucoup d’autres attestations, auxquelles on ajoutera pour les xiv e et xv e s. (corpus Coudert, cf. N6): Fleury: II banjour a wayn (AD Moselle H supplément D 5, n° 88); Chambrey: de wuayn jusqu-a la St. Martin (AD Moselle J 841); Ban Saint-Martin: li menans doit ung owrier a la sarpe . . . et I homme a wayn (AD MM G 521). 8 Lat. -imen est une variante relativement rare de -amen. En latin tardif et médiéval, ce suffixe a surtout servi à former des termes abstraits à base verbale. Pour les nomina actionis attestés en latin médiéval voir Stotz 1998: §63.1, pour l’ancien français voir Baldinger 1950: 143s. Selon Baldinger, le passage de la fonction déverbale à la fonction dénominale est déjà attesté pour l’époque latine, mais d’une manière générale, le suffixe ne paraît pas avoir été très prolifique (cf. néanmoins materiamen ‘bois de construction’, attesté dans la Lex Salica). 9 Selon Kluge/ Seebold 23 1995: 881, l’origine du mot germanique serait incertaine. Il lui paraît peu probable qu’il faille suivre la littérature plus ancienne qui le relie à la famille de germ. *waipif. ‘chasse, pêche’, donc à la racine ie. * ei¿-, * - ‘désirer, vouloir, partir à la chasse de qc.’ ou * -ti- ‘jouissance’. Mais il semble difficile d’avancer une objection de principe contestant la possibilité théorique d’une évolution du sens originel ‘jouissance’ vers celui de ‘chose dont on jouit’, puis ‘nourriture’. Pour plus de détails, voir IEW 1123s. et Ramge 2002: 968 qui attribue à ahd. weida le sens de ‘proie, nourriture’. 10 Cf. p. ex. Bloch 1955: 42: «Mais voici la moisson faite. Les guérets désormais sont vides de blé; ils sont terres ‘vides’ ou ‘vaines’ . . . Les champs qui viennent de porter le blé d’hiver attendent les semences prochaines jusqu’au printemps; ceux qui étaient déjà en blé de mars vont entrer dans l’année en jachère. Tout ce ‘vide’ va-t-il rester improductif? Que non! . . . le sol que nul n’a semé s’offre à la nourriture du bétail». 93 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est compter sur des interférences faisant intervenir afr. wain et afr. vain ‘vide’ pour expliquer l’expression afr. veinne pasture qu’on fait généralement dériver du lat. v nus, mais cette hypothèse reste à vérifier. Quoi qu’il en soit, il s’avère qu’en aucun cas, le sens originel de afr. wain - et donc d’afranc. *weid - a - ne pouvait être identique à celui d’all. Weide ‘lieu planté d’herbes servant de pâture pour le bétail’, car ce type de terrain est désigné autrement dans tous les parlers d’oïl, y compris ceux du nord-est: afr. pastiz (FEW 7: 698; Bambeck 1962: 105s.), pasquis (FEW 7: 705), etc. Comme celui que nous venons d’étudier, d’autres mots franciques d’origine «agricole», liés aux pratiques d’élevage du bétail en usage chez les Francs, ont fait leur entrée dans la terminologie des chasseurs et des guerriers et ont donc connu une très grande diffusion en milieu courtois sous des acceptions plus générales, alors que la signification prédominante dans les parlers du nord-est reste très proche du sens originel du mot francique. On pourra par exemple citer alorr. herde ‘troupeau’ 11 , du germ. *herd f. ‘troupeau’ (Kluge/ Seebold 23 1995: 370; de Vries 1971: 252), d’où ahd. herta (Schützeichel 5 1995: 165; Seebold 2001: 160) qui signifie expressément ‘troupeau communal’ 12 dans les chartes lorraines, alors que d’autres régions ne semblent connaître ce mot que dans des acceptions «secondaires»: ‘horde de guerriers’, ‘volée de rapaces’, ‘troupeau de bêtes sauvages’, etc. 13 . Dans ce cas précis, il est assuré que le mot ne peut pas être interprété comme un emprunt tardif, lié à la proximité de la frontière linguistique 14 , puisque contrairement aux formes transmises par l’ancien et le moyen haut allemand, la dentale sonore a été conservée 15 . Mais pour pouvoir poursuivre ce type d’interrogation, il faudrait pouvoir disposer des nombreux microtoponymes contenus dans certains types de sources historiques, telles que les terriers et les censiers, qui n’ont malheureusement été collectés et exploités en linguistique diachronique que de façon très ponctuelle 16 . Dans le domaine de la macrotoponymie, l’examen des procédés de transférence s’avère surtout utile pour mettre à l’épreuve les méthodes de chronologie pho- 11 Cf. Gregory 1994: 437; Pitz 2001b: 303; Pitz à paraître b n° 204 a. 1259: a cummun pastour qui garde la commune herde de cele ville. Le rapport de droit de Lucy (corpus Coudert, cf. N 6) parle aussi de la herde commune. 12 Cf. aussi les dérivés herdier, du mnéerl. herder ‘berger’ (de Vries 1971: 252), bien attesté en Lorraine, en Wallonie et en Picardie (FEW 16: 198; pour la Lorraine, de nouvelles attestations seront fournies par le corpus Coudert cité en N6) et [chemin] herdal ‘chemin emprunté par le bétail’ (très fréquent dans la microtoponymie lorraine, comme en témoignent les matériaux rassemblés dans le cadre du «Archiv der Siedlungs- und Flurnamen des Saarlandes und des östlichen Lothringen» (ASFSL), établi à l’Institut de germanistique de l’Université de la Sarre par le professeur Wolfgang Haubrichs. 13 Selon FEW 16: 199, le sens de ‘troupe de chevaliers’ est attesté dès 1138. 14 La forme h t transmise par This 1887: 6 pour Faulquemont (Moselle), situé aux abords immédiats de la frontière linguistique, constituerait une exception à cette règle. 15 Cf. Kluge/ Seebold 23 1995: 881: «Das -din dem neuhochdeutschen Wort gilt als Einfluss des Niederdeutschen». 16 On signalera notamment les travaux effectués pour la Wallonie dont Remacle 1992: 15-27 donne la bibliographie complète. 94 Martina Pitz nétique relative, les objets désignés étant souvent localisés de façon extrêmement précise. En se penchant sur ce type d’emprunts, il est possible de déterminer non seulement le moment, mais aussi le lieu de passage de tel ou tel signifiant appartenant à une langue «donatrice» vers une langue «réceptrice»; nous sommes donc très bien renseignés sur les débuts du contact des langues dans telle ou telle région (Haubrichs 1993; Pitz/ Vòllono 2003: 328s.). La toponymie a donc une valeur indéniable en matière de chronologie phonétique, et elle nous fournit des informations importantes sur d’éventuelles concentrations d’habitats francs en milieu gallo-roman, voire, le cas échéant, sur l’existence et la durée de vie de petits îlots linguistiques. Mais si l’on excepte le caractère purement indicatif de ces informations en faveur d’une situation concrète de bilinguisme, elle peut difficilement être mise à contribution pour résoudre les problèmes de genèse et de différenciation des espaces linguistiques. On insistera néanmoins sur le fait que tous ces emprunts onomastiques et lexicaux semblent avoir été intégrés très rapidement sur le plan phonétique, y compris pour ce qui est de la prosodie. D’ores et déjà, il semble donc très difficile de défendre la thèse de von Wartburg en expliquant les traits particuliers des parlers du nord-est par l’influence présumée d’un accent étranger. Si l’on devait s’y tenir, on se verrait contraint d’avancer des arguments extralinguistiques en soutenant, par exemple, que les couches supérieures de la population romane auraient volontairement adapté leurs pratiques langagières à celles de leurs congénères francs en utilisant délibérément un sermo rusticus pour faciliter la communication et pour parer à toute sorte de désavantages, provoquant ainsi un changement de normes (Herman 1989; Banniard 1993) 17 . Si un tel comportement paraît à première vue assez invraisemblable, on pourrait néanmoins signaler certains parallélismes en évoquant, notamment, le renoncement des Gallo-Romans à leurs propres traditions anthroponymiques, dont les raisons doivent être purement socioculturelles (Maas-Chauveau 2002; Pitz 2002b: 430s.). Mais il est évident que ces facteurs liés à l’évolution générale des mentalités devraient être examinés avec beaucoup plus de précision, notamment en ce qui concerne leur extension à des couches de plus en plus larges de la population 18 ; dans ce domaine, les linguistes auront probablement tout à gagner d’une collaboration intense avec les historiens 19 . Mais il convient aussi de tenir compte d’autres phénomènes intervenant dans le domaine de la phonétique historique qui sont plus ou moins directement liés au 17 En aucun cas, les Francs eux-mêmes ne sauraient être à l’origine d’une telle évolution, comme le souligne fort justement Möhren 2000: 59: «Bref, les Germains prononçaient convenablement le latin à la maison, mais à l’étranger, en petit nombre, ils forçaient les Romans, dont ils assimilaient la langue, à prononcer certains sons de leur langue romane d’une façon barbare. C’est exclu». 18 Pour Lodge 1997: 111, il s’agit de détecter les groupes sociaux susceptibles d’avoir fait fonction de «véhicules de l’extension vers le bas», propageant ainsi les innovations proposées par une élite bilingue. 19 Pour le domaine de l’anthroponymie, cette collaboration vient d’être engagée. Voir à ce sujet Geuenich/ Haubrichs/ Jarnut 1999. 95 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est contact des langues. Dans le cadre de la transférence, un certain nombre de phonèmes étrangers doivent être intégrés, et il arrive parfois qu’en raison de difficultés articulatoires insurmontables, cette opération ne puisse s’effectuer que par le biais de substitutions phonétiques 20 ; mais dans l’ensemble, le recours à cette possibilité reste assez exceptionnel. En revanche, pour des raisons socioculturelles évidentes, les groupes linguistiques entrant en contact avec d’autres groupes parlant une langue différente de la leur ont souvent tendance à mettre en avant les parallélismes existant entre ces différentes variétés linguistiques, plutôt que d’en accentuer les différences. Au fur et à mesure où les échanges s’intensifient et que s’amorce une situation de bilinguisme permettant de jongler entre l’une et l’autre langue, les deux systèmes seront donc systématiquement comparés; d’une certaine façon, on pourrait dire que les locuteurs les étalonnent selon des mesures identiques. Et c’est cet ajustage qui produit les interférences, faisant ainsi le bonheur des linguistes, puisqu’il leur permet de déceler des phénomènes linguistiques très anciens, recouverts depuis longtemps par des évolutions plus récentes. En ce qui concerne le domaine du nord-est, l’analyse systématique de ces interférences a, entre autres, permis de déceler les retards considérables évoqués plus haut, au niveau de l’adoption de certaines innovations phonétiques, et il serait important de savoir s’il existe dans ces parlers d’autres particularités phonétiques, morphologiques ou syntactiques auxquelles il faut attribuer un âge fort ancien, sans qu’elles soient nécessairement liées au superstrat francique. Je tenterai donc d’aborder ici un problème phonétique très caractéristique de cette aire linguistique qui n’a pas été suffisamment pris en considération dans ce contexte 21 : A partir du premier siècle de notre ère, la bilabiale occlusive [b] placée en position intervocalique commence à évoluer vers une bilabiale fricative [ß] pour aboutir finalement à la labiodentale [v] (Leumann 1977: 159; Barbarino 1978: 159). Les dimensions chronologiques de ce fait linguistique qui est probablement dû à une tendance générale du latin parlé à articuler de plus en plus faiblement les consonnes occlusives donnent encore matière à discussion; mais on a toutes les raisons de penser que les différences sociales et régionales ont pu provoquer des phénomènes de nivellement sur une période relativement longue, se traduisant par une confusion assez générale des graphèmes b et v 22 . En ce qui concerne la répartition géographique de ces hypercorrections dans les sources épigraphiques de la latinité tardive, on constate néanmoins des différences régionales 20 Pour la Germania submersa, on se reportera au recensement très détaillé de ces phénomènes chez Gamillscheg 2 1970: 353-425; d’autres problèmes de détail sont traités chez Pitz 1997: 788-807. 21 Pour les réflexions suivantes, on se reportera aussi à Pitz à paraître d. 22 Contrairement aux affirmations de la plupart des manuels linguistiques, il n’existe aucune attestation historique au-dessus de tout soupçon, susceptible de confirmer le remplacement de [b] intervocalique par v dès le i er siècle après J.-C. Si l’on examine le dossier de près, force est de constater que ces hypercorrections ne sont véritablement critiquées que par les grammairiens de l’Antiquité tardive; on aurait donc sans doute tort de vouloir trop avancer le moment de la phonématisation de ce fait linguistique, y compris pour la ville de Rome. 96 Martina Pitz assez nettes: en Gaule notamment, l’orthographe est restée correcte sur ce point, à l’exception remarquable mais non élucidée de la provincia Lugdunensis. Dans la mesure où les statistiques nous permettent de nous prononcer - car l’étude de Barbarino 1978: 156 ne recouvre malheureusement pas les régions du nord-est, à savoir la Belgica i et ii et la Germania i et ii - on pourrait donc avancer l’hypothèse que ce changement phonétique y fut accompli assez tardivement; mais les spécialistes considèrent généralement qu’il faut compter sur une articulation labiodentale de [b] intervocalique en Gaule romaine dès le iii e ou le iv e siècle (Lausberg 1967: §366; Kent 1932: §44; Straka 1979: 271, etc.). Ce constat vaut aussi pour la semi-voyelle latine [w] qui avait également évolué vers une spirante bilabiale durant le i er ou le ii e siècle de notre ère (Kent 1932: §61; Lausberg 1967: §373) et qui a aussi fini par rejoindre l’évolution de [b] dans une grande partie de la Romania. Là aussi, le stade labiodental semble avoir été atteint en Gaule entre le iii e et le v e siècle (Straka 1979: 272: iii e s.; Stotz 1996: §108.3, 113s.: v e s. au plus tard). Lors des contacts linguistiques de l’époque mérovingienne, cette situation nécessita la substitution de la semi-voyelle initiale [w] présente dans de nombreux emprunts d’origine francique. Concrètement, celle-ci s’effectua par l’ajout d’une consonne occlusive (franc. *ward n afr. garder, franc. *warnjan afr. garnir, etc.); on obtint donc le groupe consonantique [gw] dont l’élément labial s’amuït dès le xii e ou xiii e siècle, le groupe se réduisant ainsi à la consonne vélaire sonore [g], tout en conservant l’ancienne graphie gu devant les voyelles aiguës. On a souvent remarqué que les parlers du nord-est ne connaissent pas cette substitution phonétique, le w initial des emprunts germaniques y étant conservé tel quel jusqu’à nos jours, s’il n’est pas transformé en v labiodental (Wüest 1979: 271s.; Haubrichs/ Pfister 1989: 25). C’est à Wolfgang Haubrichs et Max Pfister que revient le mérite d’avoir clairement démontré, en s’appuyant sur des anthroponymes germaniques transmis par les sources originales du haut Moyen Âge, que la situation est pour ainsi dire identique, au niveau des scriptae du moins, pour la période antérieure à l’an mil (Haubrichs/ Pfister 1989: 26-31), à la nuance près que pour ces époques reculées, la graphie w est aussi relevée dans des régions situées plus à l’ouest, et notamment en Champagne (Pfister 1978: 160s.) où ce trait peu prestigieux de la langue parlée a dû être progressivement éliminé suite à des phénomènes de «standardisation» de la langue 23 . Le maintien du w germanique est gé- 23 En raison de la convergence apparente des provinces scripturales du Moyen Âge et de la répartition actuelle du phénomène, il ne me paraît pas permis de suivre Möhren 2000: 35s. qui met en doute la pertinence des résultats obtenus par Haubrichs et Pfister en affirmant qu’il s’agirait d’«un problème qui touche à la discussion autour des scriptae et pas vraiment au traitement du w germanique des emprunts». Or, nul ne contestera qu’en latin médiéval, l’emploi de la graphie gu pour w germanique relève avant tout de traditions scripturales romanes. Mais on peut aussi prouver - à partir du xiii e siècle du moins, avec l’émergence de l’écrit documentaire en langue vernaculaire - que les scribes avaient généralement une grande conscience de la pluralité des traditions intellectuelles et scripturales existantes; leurs choix en faveur de telle ou telle tradition paraissent donc assez délibérés. À Metz, pour ne citer que cet exemple que j’ai plus par- 97 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est néralement considéré comme l’un des rares traits différenciateurs permettant de délimiter la zone d’influence des anciens parlers franciques (Monjour 1989: 367), l’hypothèse d’un contact linguistique régulier étant acceptée comme condition sine qua non à l’adoption de ce phonème étranger par la population romane 24 . Parmi les couches supérieures de la population, un mode d’articulation particulier usant abondamment de ce nouveau son [w] se serait même propagé de façon telle dans ces zones de contact qu’il a fini par s’imposer aussi dans un certain nombre de mots d’origine non germanique dont Möhren 2000: 63-76 vient de dresser la liste complète (lat. vespa fr. guêpe, lat. vadum fr. gué, etc.). En général, les connotations sémantiques de ces mots permettent de les attribuer plus particulièrement au vocabulaire des classes dirigeantes qu’à celui des populations rurales, ce qui pourrait plaider en faveur d’un usage lié à un éventuel bilinguisme de ces couches dirigeantes. On devra probablement aussi tenir compte du fait que pour un certain nombre de ces mots, il existe des «partenaires» franciques tout à fait similaires sur le plan phonétique et sémantique, et donc susceptibles d’avoir motivé toutes sortes d’interférences (asax. waspa ‘guêpe’: de Vries 1997: 831; ahd. wat ‘gué’: de Vries 1997: 812, etc.). Mais on concédera volontiers qu’une telle influence reste difficile à prouver. Or, les choses se présenteraient tout à fait autrement s’il fallait donner raison à Möhren 2000: 52 et à Lepelley 2001: 135s. qui, sans se concerter, viennent tous les deux de soumettre l’hypothèse que dans les régions conservatrices du nord-est de la Gaule, la semi-voyelle latine [w] n’avait peut-être pas encore atteint le stade labiodental aux v e et vi e siècles et pouvait très bien avoir conservé son articulation initiale, ou alors n’avoir atteint que le stade intermédiaire de fricative bilabiale. Si l’on suit cette argumentation, l’échange d’emprunts lexicaux à l’initiale quasiment identique ne pose plus le moindre problème, ni du côté des Gallo-Romans ni de celui des Francs, car le [w] francique se présente également comme une semiticulièrement étudié (Pitz à paraître e), on percevait aussi très nettement les différences diatopiques et diastratiques intervenant au niveau de l’oralité; et le traitement du w germanique s’en ressent tout particulièrement. À tous les niveaux, y compris pour le lexique où il ne saurait s’agir d’un problème de scripta, on assiste à partir des années 1230/ 40, à une véritable «poussée innovatrice», propulsant les formes linguistiques venant du centre, sans doute en raison d’usages langagiers changeants au sein des couches supérieures de la population. 24 Cf. Pfister 1978: 160s.; Haubrichs/ Pfister 1989: 24s.; Buchmüller-Pfaff 1990: 552; cf. aussi les positions très réservées de Möhren 2000: 59 et de Schützeichel 2 1976: 230: «Es ist schwer vorstellbar, dass die zahlenmäßig und auf die Dauer ja auch sprachlich dominierenden Romanen . . . die angesetzte ‘westfränkische’ Aussprache angenommen hätten». En revanche, Wack 2002: 79s. recourt à une hypothèse beaucoup plus ancienne qui avait été défendue par Schwarz 1912. Selon lui, dans les environs immédiats de la frontière des langues, une population bilingue aurait continué d’utiliser les mots allemands correspondants pendant des siècles, empêchant ainsi le passage du w germanique à g(u). Cet argument est impossible à soutenir, non seulement pour des raisons socioculturelles, mais aussi - et surtout - parce que la semi-voyelle [w] des parlers germaniques en usage dans les régions avoisinantes de la frontière linguistique se transforma, elle aussi, en labiodentale dès le xiii e siècle et ne peut donc pas être tenue pour responsable du maintien de w dans les parlers romans depuis le xiii e siècle jusqu’à nos jours. 98 Martina Pitz voyelle aux qualités articulatoires similaires à celles de l’actuel w anglais (Braune/ Eggers 13 1975: §104). Le maintien de ce phonème dans les parlers du nord-est ne nécessiterait donc aucune explication particulière, et il deviendrait inutile de recourir à l’idée d’un bilinguisme actif des populations romanes ayant adopté ce son que ces dernières n’auraient nullement eu besoin d’«apprendre» 25 , puisqu’il ne leur était pas étranger. Mais par ailleurs, on serait aussi contraint d’admettre que dans toutes les régions dans lesquelles il y a effectivement eu substitution, l’évolution du [w] latin vers la labiodentale était bel et bien accomplie au moment où se produisent les emprunts lexicaux et où la population romane s’apprêtait à adopter des anthroponymes germaniques. Il me semble néanmoins qu’un détail très important n’a pas été suffisamment pris en compte dans la discussion concernant la genèse de cette substitution phonétique. En effet, la seule carte existante reproduisant la répartition géographique de gu avant l’an mil, à savoir celle de Haubrichs/ Pfister (1989: 28), s’appuie exclusivement sur des attestations anthroponymiques relevées dans les chartes originales des ix e et x e siècles. En aucun cas, ces données ne sauraient refléter des faits linguistiques intervenant au v e , voire au vi e siècle, car il s’avère de plus en plus clairement dans la recherche de la dernière décennie que la population gallo-romane n’a pas abandonné sa propre tradition d’attribution des noms dès les débuts de la période mérovingienne de façon subite et spontanée, au cours d’une ou deux générations. Il s’agit, au contraire, d’un véritable processus d’acculturation s’étalant sur une période allant grosso modo de la seconde moitié du vi e jusqu’au milieu du viii e siècle, avec des variations régionales extrêmement importantes (Geuenich/ Haubrichs/ Jarnut 1999; Pitz 2002b: 428s.; Pitz à paraître f). D’une manière générale, les datations des manuels linguistiques où la substitution de [w] germanique par gu est encore étroitement liée à ce qu’on a voulu appeler la «conquête franque», sont donc devenues problématiques, d’autant plus que cette «conquête», quelle qu’en ait été l’expansion réelle, n’a pu toucher la zone des gu que de façon sporadique. Max Pfister 1973 a démontré que les emprunts lexicaux relevés actuellement dans cette «zone gu » n’y parvinrent généralement pas par le biais d’échanges linguistiques immédiats, mais à la suite de diffusions secondaires difficiles à cerner, et selon des chemins différents pour chaque mot particulier en fonction de contingences socioculturelles variables. En ce qui concerne le vocabulaire juridique et «guerrier» des classes dirigeantes, cette diffusion secondaire doit aussi être mise en relation avec les rapprochements culturels des vii e et viii e siècles dont nous venons de voir les impacts sur le plan anthroponymique. Pour l’Île-de-France et les régions situées plus à l’ouest et au sud, la substitution de [w] germanique par gu n’apparaît donc pas comme un indicateur pertinent pour l’articulation labiodentale de [w] latin avant cette période. 25 Gamillscheg 2 1970: 393: «Hier wurde das fränkische bilabiale w ebenso sprechen gelernt wie das fränkische h». 99 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est Pour les siècles antérieurs, il faut se contenter du témoignage des inscriptions; mais dans la province de Lugdunensis, la proportion exceptionnellement élevée des hypercorrections dans les sources épigraphiques semble bien plaider en faveur d’un changement linguistique en cours. Faut-il donc suivre Barbarino en supposant que cette confusion de b et v pour [w] latin témoigne d’un potentiel innovant de la Lugdunensis dès l’Antiquité tardive? 26 Même si l’on peut faire valoir l’argument que dans les documents provenant de la zone nord-orientale, les graphies uu , vv et w servant à reproduire la semi-voyelle germanique dans les mots franciques transmis par la latinité médiévale (Braune/ Eggers 13 1975: §104s.; Stotz 1996: §113.3) sont aussi fréquemment utilisées dans des mots purement latins (Pei 1932: 102; Pirson 1909: 895), et que cette tendance se poursuit même dans les documents en langue vulgaire (Pitz 1997: 651 N505s.), il semble difficile de répondre à cette question en s’appuyant sur le seul matériel gallo-roman. Mais de nouvelles perspectives s’ouvrent lorsque l’attention est portée vers la Romania submersa, à savoir les régions germanisées situées entre l’actuelle limite des langues et le limes de l’ancien Empire romain. Il s’avère alors que dans une vaste zone recouvrant la vallée de la Moselle, le Luxembourg, la Sarre, le Palatinat et les régions situées sur le Rhin moyen et inférieur, tout toponyme pré-germanique contenant -bou -wen position intervocalique présente actuellement la bilabiale fricative [w] (Pitz à paraître d). Ce constat vaut aussi bien pour les toponymes dans lesquels la première étape de la mutation consonantique de l’ancien haut allemand, à savoir le passage de / t/ à / ts/ ou / s/ , a été accomplie - ces toponymes ayant donc été intégrés très tôt dans les variétés germaniques correspondantes 27 - que pour les toponymes transmis beaucoup plus tardivement. À titre d’exemple, on pourrait citer le lieu-dit Faverota localisé dans la «Romania de la région de Prüm» (Haubrichs/ Pfister 2001) qui semble présenter le suffixe latin tum sous une forme romanisée -ot qu’on imagine difficilement avant le x e siècle 28 . Les reliquats toponymiques confirment donc l’hypothèse selon laquelle la spirante bilabiale des bases pré-germaniques aurait été conservée durant toute la période de la germanisation progressive de ces régions, s’étalant sans 26 Pour Barbarino 1978: 156, la Lugdunensis serait «the only area where an intervocalic merger took place which shows a skewing in favor of V spellings for original / b/ », ce qui l’amène à conclure: «Is the contrast between this data from Lugdunensis and those from other regions to be explained as due to regional differences? If so, Lugdunensis would be most innovating in this respect». 27 Voir, entre autres, Rheinzabern, cne. de Jockgrimm (All., Rhénanie-Palatinat): 300 cop. Tabernis; 365 cop. Tabernis; 390 cop. Tabernas; 1268 cop. Zabern; 1320 or. Zabern; 1468/ 70 or. Rinzabern - Dolch/ Greule 1991: 388; Zabern/ Saverne (France, Dép. Bas-Rhin): 828 cop. ad stratam publicam Tabernensem; 841 Elisazam ad Zabarnam introiit; 1131 Zaberne; 1211 Zabernia; 1213 Zabarna - Gysseling 1960: 1097. Pour la datation de la mutation de / t/ voir Haubrichs 1987. 28 Cf. Wolf 1992: 37s. On ne trouve néanmoins aucune trace de la sonorisation de t intervocalique, intervenant pourtant dès le vii e s.; c’est ce qui a conduit Kleiber/ Pfister 1992: 73 N5 à envisager une autre solution étymologique (suffixe -otta) qui dénierait à notre toponyme toute valeur chronologique pour les questions qui nous intéressent ici. 100 Martina Pitz doute sur plusieurs siècles. Les nouveaux arrivants francs et alémaniques ont apparemment pu entendre dans les toponymes gallo-romans qu’ils rencontraient sur leur passage une articulation bilabiale de [b] et [w] intervocaliques qu’ils ont adoptée telle quelle, sans recourir à une quelconque substitution phonétique. Cette bilabiale romane prit donc le même chemin que la fricative bilabiale francique [ß], représentée actuellement par [w] en position intervocalique et en position postconsonantique dans presque toute l’aire du moyen allemand ainsi que dans une grande partie du haut allemand, notamment dans les dialectes bavarois (Schwitzgebel 1958: 57). La nouvelle articulation labiodentale a néanmoins dû commencer à se répandre dans les parlers gallo-romans du nord-est dès le viii e siècle, du moins comme variante diastratique dans les milieux urbains; c’est ce qu’indique l’hypercorrection f pour v dans TREFERensis, attestée pour la première fois en l’an 749 sur des pièces de monnaie frappées à Trèves 29 . Dans les régions situées sur le Rhin supérieur, on ne peut compter que sur une faible continuité romane. Les toponymes pré-germaniques présentant les traits phonétiques dont il est question ici sont donc relativement rares, mais on est surpris de constater qu’en Alsace notamment, les résultats de [b] et [w] intervocaliques sont représentés non pas par [w], comme nous venons de le voir pour les régions situées plus au nord, mais par [f]. En aucun cas, cette fricative labiodentale sourde ne peut s’expliquer sur la base d’une fricative bilabiale romane rencontrée par les peuplades alémaniques lors de la germanisation de cette région, car les dialectes alsaciens actuels connaissent les mêmes traitements de l’ancienne fricative bilabiale germanique [ß] que ceux de Rhénanie. Cette dernière y aboutit donc à [w], alors qu’elle est généralement représentée par l’occlusive [b] dans les dialectes alémaniques de Suisse (Schwitzgebel 1958: 57). En Suisse, les toponymes prégermaniques dans lesquels [b] et [w] latins ont été assimilés à la bilabiale germanique [ß] connaissent donc aujourd’hui une articulation occlusive se traduisant généralement par la graphie b . De toute évidence, le [f] actuel des toponymes alsaciens est dû à un renforcement articulatoire (Möhren 2000: 52) permettant aux Alamans d’intégrer dans leur propre système phonétique la labiodentale [v] qu’ils ne connaissaient pas et que les parlers gallo-romans de ces contrées possédaient déjà. Car au moment de la «colonisation» alémanique, la fricative labiodentale sonore [v] était absolument inconnue dans toutes les variétés appartenant au germanique occidental dans lesquelles elles ne fut introduite qu’à la suite d’un affaiblissement général des spirantes («westgermanische Konsonantenschwächung»: Braune/ Eggers 13 1975: §137) qui toucha ahd. [f] à partir des dernières décennies du viii e siècle. Comme ce changement phonétique propre à toute l’aire du germanique occidental s’est propagé en partant des parlers des régions sises sur la mer du Nord pour se diriger progressivement vers le sud, les variétés franciques de Rhénanie ont dû être concernées bien avant l’Alsace et la Suisse. Un examen 29 Gilles 1982: 36; Haubrichs 1997: 222; pour l’interprétation de la graphie f voir Weinrich 1958: 95; Blumenthal 1972: 158; Möhren 2000: 20s. 101 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est minutieux de la documentation provenant de cette aire du haut allemand ne permet même pas d’affirmer avec certitude que la sonorisation des spirantes sourdes y ait véritablement fait son entrée; il est donc probable qu’il faille compter sur des variations diatopiques et diastratiques entre f et v (Braune/ Eggers 13 1975: §102a). Sur le plan graphématique, cette variabilité se traduit par l’usage des graphèmes u et v pour ahd. [f], de plus en plus fréquent dès le ix e siècle (Braune/ Eggers 13 1975: §139); et il semble évident que ces changements intervenant dans la langue maternelle des scribes ont aussi dû favoriser les hypercorrections dans la production latine de ces mêmes scribes. A l’initiale notamment, où il ne saurait s’agir de problèmes d’interférence dus à des évolutions parallèles dans les parlers gallo-romans 30 , les graphies de 735/ 37 in figo ( *vico) Delomonze (Haubrichs 1997: 222) fasallo pour vasallo, etc., peuvent être clairement attribuées à des notaires germanophones, d’autant plus qu’une articulation particulière de v, tendant vers f, était apparemment fréquente chez les érudits latinistes dont l’allemand était la langue maternelle, car celle-ci fut souvent critiquée par les grammairiens (Stotz 1996: §232.2). Il me semble donc tout à fait vraisemblable que le changement articulatoire de ahd. f que nous venons de voir plus haut a beaucoup accentué la tendance des locuteurs germanophones à rendre tous les v gallo-romans par f, tendance qu’on aperçoit encore à l’heure actuelle dans le français régional d’Alsace et de Lorraine. En revanche, je ne suis pas convaincue qu’il faille suivre les linguistes germanistes qui y voient généralement la seule explication possible de cette substitution phonétique pour laquelle la seconde moitié du viii e siècle constituerait un terminus post quem. Du point de vue purement chronologique, ces derniers partent généralement de deux strates successives en se fondant exclusivement sur les évolutions intervenant en ancien haut allemand: rom. v ahd. w dans les emprunts intervenant avant la seconde moitié du viii e siècle; rom. v ahd. f à partir du ix e siècle (Braune/ Eggers 13 1975: §137 N2; Wiesinger 1990: 277s., 298), la seconde moitié du viii e constituant une période assez floue en raison de la progression géographique des faits phonétiques de l’ancien haut allemand (Buchmüller-Pfaff 1990: 694s.; Haubrichs 1997: 222; Haubrichs/ Pfister 2001: 182). Or, le résultat de tout processus de transformation dépend avant tout du produit original, c’est-àdire de l’état des parlers gallo-romans au moment où ce processus s’est mis en marche. S’il s’agit de classer dans l’ordre chronologique les résultats phonétiques obtenus en ancien haut allemand, ahd. w reflète donc la bilabiale romane, alors que ahd. f témoigne de la labiodentale, les variétés germaniques traduisant ainsi une évolution phonétique en cours dans un système gallo-roman en pleine mutation. A l’initiale, l’évolution de [w] latin vers la labiodentale a dû s’accomplir un peu plus tôt qu’en position intervocalique, y compris dans l’aire du nord-est. Dans les 30 Pour [f] intervocalique devenant [v] en gallo-roman - ce qui explique les hypercorrections fréquentes dans cette position (referentia, profectus, etc.) - on se reportera à Vielliard 1927: 68. 102 Martina Pitz toponymes pré-germaniques de Rhénanie et des régions mosellanes, la graphie w est de loin la plus fréquente, mais on note aussi un certain nombre de reliquats présentant la graphie f 31 , dont quelques-uns doivent remonter au viii e siècle pour des raisons de chronologie phonétique 32 . En Alsace, en revanche, tous ces toponymes ont systématiquement f , alors qu’en Suisse alémanique, w et f alternent sur des espaces géographiques relativement restreints, tout comme dans la Mosella romana de la région de Trèves, mais avec une prédominance de f inversement proportionnelle à la situation des régions mosellanes. Pour conclure, on retiendra donc que les parlers gallo-romans des régions situées sur le cours supérieur du Rhin ont dû connaître l’articulation labiodentale de [w] latin plus tôt que les parlers du nord-est proprement dit. Mais si l’on essaye de dater plus précisément cette évolution vers la labiodentale en confrontant systématiquement certains critères de chronologie phonétique du gallo-roman et de l’ancien haut allemand, il s’avère que même pour l’Alsace, on ne saurait la dater avant le vii e siècle. Un autre effet de l’interférence constaté dans toutes les anciennes zones de contact consiste à renforcer réciproquement certaines tendances existant de façon indépendante dans chacun des deux systèmes linguistiques concernés, l’intervention d’un autre système disposant de structures similaires 33 agissant alors comme une sorte d’amplificateur. Je tenterai d’illustrer ce phénomène en me référant à une particularité syntactique des parlers du nord-est qui est généralement considérée, avec le traitement du w germanique, comme la seconde «preuve authentique» de l’influence germanique. Il s’agit du problème de l’antéposition de l’adjectif attributif et du mode de formation de certains types de toponymes considérés comme «typiquement germaniques» 34 , dont le déterminant placé au cas oblique, antéposé lui aussi, fait fonction de génitif attributif (Pitz 2002b: 422, 432: «Avricourt-Typus»). L’ordre banal des déterminatifs en latin classique était la postposition (Wydler 1956: 30, 158; von den Driesch 1930), cela va sans dire; mais on 31 La liste des toponymes correspondants est donnée chez Pitz à paraître d. 32 Buchmüller-Pfaff 1990: 694s. signale plusieurs toponymes dans lesquels la palatalisation de [a] tonique due à la présence d’un [i] dans la syllabe suivante («althochdeutscher Primärumlaut» datant du viii e siècle) semble accomplie. En examinant de plus près les étymologies qu’elle propose, il ne s’avère cependant pas nécessaire pour un certain nombre des toponymes en -iacum auxquels elle fait allusion, de partir d’anthroponymes en [a] (cf. p. ex. p. 205 Födelich: 811/ 12 cop. Fedriche, 1140/ 79 Wederich, 1262 or. Vederich, où Veturius ou Vetulius attestés chez Solin/ Salomies 1988: 206 me semblent plus probants que la forme non attestée *Vatirius proposée par Buchmüller-Pfaff). 33 Ce fait fut déjà souligné par Sandfeld [ 1 1936] 2 1982: 69: «L’emprunt semble facilité par le fait que la langue recevante possède d’avance des formes ou des combinaisons qui présentent des points de rattachement». 34 Voir Monjour 1989: 367 qui attire l’attention de ses lecteurs sur «das Zeugnis der Verbreitung spezifisch germanischer Ortsnamentypen», à savoir les toponymes du type Avricourt, «die sich, im Gegensatz zu der pessimistischen Einschätzung von J. Johnson, sehr wohl, zumindest in groben Umrissen, mit einer Dialektgrenze in Übereinstimmung bringen lassen - jener nämlich des nordostfranzösischen Dialektraums». 103 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est sait aussi que dès la période classique, l’antéposition de l’adjectif attributif était une possibilité tout à fait envisageable à laquelle on recourrait notamment pour des effets de rythme et de style (Jensen 1993: 83). Pour les composés nominaux, la séquence progressive est également la règle en français moderne où le déterminant est donc placé derrière le déterminé (Rohrer 1962: 62s.). Depuis la latinité tardive, on rencontre cependant aussi des composés suivant le modèle ‘substantif à fonction attributive + substantif’ dont Leumann 1977: 384, Bader 1962: 297s. et Zamboni 2000: 123s. citent un certain nombre (agricultura ‘agriculture’, aquaeductus ‘tuyau d’alimentation en eau’, aurifodina ‘mine d’or’, etc.). Il ne semble donc pas impossible qu’au niveau de l’oralité, de telles formations aient déjà été assez répandues en Gaule romaine avant l’arrivée des Francs, même s’il paraît indéniable que ce type de néologismes se multiplie considérablement durant la période mérovingienne (Väänäänen 3 1981: 453; Stotz 2002: 133). À l’origine, la répartition géographique de ces formes n’était pas non plus limitée au seul domaine du nord-est, puisqu’elles se trouvent aussi dans des sources épigraphiques d’origine poitevine qui contiennent un certain nombre de composés correspondant tout à fait au modèle Avricourt: Rumuliane petra ‘pierre de Rumulia’, Tauru petram ‘pierre de Taurus’, Teodovaldo labede ‘pierre de Theudowald’, mais Ferrocinctus Filius Lavnone, etc. (Haubrichs 2002: 67). Si, pour ces pierres tombales, la fonction de l’antéposition du génitif consiste bien à mettre en relief le nom du défunt, le même procédé stylistique pourrait bien avoir été utilisé dans les toponymes qui nous intéressent pour faire ressortir le nom du propriétaire éponyme d’un habitat. Et si les attestations poitevines concernaient déjà une région dans laquelle on ne saurait compter sur une influence marquante du superstrat germanique, le témoignage des matériaux toponymiques provenant des régions germanisées de l’ancien Empire romain est encore nettement plus parlant pour la genèse du type Avricourt. Car les nombreux îlots de romanité qui réussirent à se maintenir après la chute de l’Empire romain pendant un laps de temps plus ou moins long (cf. Kleiber/ Pfister 1992; Haubrichs à paraître), devaient, dans un premier temps du moins, adopter une position de repli, même s’ils se sont ouverts par la suite au nouveau monde «barbare» et ont fini par se fondre dans la population germanophone. Il est donc très peu probable que les toponymes constituant ces îlots linguistiques correspondent à des habitats fondés au haut Moyen Âge 35 . Et même si des arguments archéologiques devaient plaider en faveur d’une telle éventualité pour certains de ces objets, la structure morphologique des toponymes ne pourrait en aucun cas refléter une influence germanique. On peut même affirmer, grâce à des méthodes de chronologie phonétique, que les Francs n’ont pris connaissance de 35 Cette possibilité est pourtant évoquée par Ament 1992: 267: «Zumindest für das Rheinland halte ich es für ausgeschlossen, dass die -(i)acum-Namen und die sonstigen Ortsnamen vorgermanischer Prägung im ländlichen Bereich samt und sonders in römischer Zeit entstanden und Anzeiger für eine Namenkontinuität seit der Antike sind. Vielmehr ist es unabweisbar, dass solche Namen auch noch in der Merowingerzeit gebildet und zur Benennung von Siedlungen aus nachantiker Wurzel verwendet worden sind». Cf. aussi la réponse critique de Haubrichs 1998. 104 Martina Pitz ces noms qu’assez tardivement (Buchmüller-Pfaff 1990: 631-731; Haubrichs 1997; Haubrichs/ Pfister 2001, etc.). Il semble donc assuré que les nombreuses formations toponymiques avec antéposition d’un adjectif attributif qu’on relève dans ces zones germanisées suivent un modèle authentiquement roman qui s’était développé durant l’Antiquité tardive. Il s’agit tout d’abord de toponymes dérivés d’anciens microtoponymes, comme Kallmuth ( *calvu monte) et Pedrello monte ( *petrellu monte 36 ) près de Remagen, Bonefand près de Ediger sur le cours inférieur de la Moselle ( *bonam fontem: Jungandreas 1962: 93), Belmach en Lorraine germanophone ( *bella maceria) 37 , etc., auxquels s’ajoutent des formations explicitement destinées à désigner un habitat et datant elles aussi de l’Antiquité tardive, telles que Longeville/ Lubeln ( *longa villa) 38 ou Longuich ( *longu vico) 39 . Trois toponymes formant une sorte d’îlot en pleine Wetterau (Hesse supérieure) 40 semblent particulièrement révélateurs: Dortelweil 41 ( *torcula villa) contient l’adjectif torculus ‘propre au pressurage’ (Georges 8 1985: 3150), le toponyme signifiant ainsi ‘villa, sur laquelle on pratique le pressurage’ 42 . Petterweil, attesté en 825 sous la forme villa petrina 43 , est à rattacher à l’adjectif petr nus ‘de 36 L’étymologie proposée part d’un adjectif dérivé de *petrella ‘petit caillou’, cf. FEW 8: 316. D’après Haubrichs à paraître, le toponyme Pedrello monte est attesté en 770/ 71. Il constitue donc une preuve intéressante de la sonorisation de la dentale devant r. Cf. aussi Richter 1932: §122; Rheinfelder 5 1976: §555. 37 Dans les matériaux de l’ASFSL (N12), on trouvera les attestations historiques 1225 (cop.) Belmactra *Belmachra, 1319 or. Bilmalce; 1477 or. Belmachern; 1478 or. Belmacher; 1626 or. Belmarchen, etc. 38 On trouvera les attestations historiques de ce toponyme chez Pitz 1999b: 84 n° 36: 1005 cop. xiv e s. Longauilla, 1121 faux, cop. xiv e s. Longam villam, 1186 or. Longavilla, 1210 cop. xiv e s. Longa uillam, 1223 or. Longa uilla, 1279 or. Longavilla, 1285 or. Longeuille, 1497 or. Longenfelt, 1570 or. Lungefelden. 39 Jungandreas 1962: 621 cite les formes historiques 973 Long vico, 1140 Luncwich, 1146 Luncwich, 1238 Luncwich, 1256 Lunquich, etc. 40 L’existence de ces toponymes a été signalée récemment par Haubrichs 2000: 130 qui les interprète comme des reliquats authentiques d’une certaine continuité romaine. 41 Eisenstuck 1953: 269 et Haubrichs 2000: 130 donnent les attestations suivantes: 786 Thurcilawila, 787 Turchilwila, 789 Thurchilwila, 838 villa Durchila, 1252 Durkelwila, 1253 Turkelwila, 1254 Durckilwile. 42 Eisenstuck 1953: 269 qui signale l’existence d’une villa romaine comprenant une ancienne cave à vin sur le territoire de cette commune, assimile le premier élément du toponyme à all. Torkel ‘pressoir’; selon lui, la création de cet habitat remonterait donc au haut Moyen Âge, époque pour laquelle la culture de la vigne serait encore signalée dans les sources écrites et la microtoponymie. Müller/ Frings 1968: 139 signalent cependant à propos d’all. Torkel: «Bis heute auf den deutschen Süden beschränkt . . ., auf die Ostschweiz, Südschwaben, das Badische am Bodenseeufer, Baiern, die Steiermark und Tirol». Dans la zone nord-est du domaine gallo-roman, lat. torculum a été remplacé ultérieurement par calcatorium; selon FEW 13: 43, seule la Bourgogne connaîtrait des reflets authentiques de torculum, si l’on excepte certains dérivés attestés en Lorraine ainsi qu’en Wallonie. 43 D’autres formes historiques sont signalées par Eisenstuck 1953: 270: «In undatierten Fuldaer Urkunden aus dem 8.-10. Jahrhundert Phetrenwile, Phetrewila, phetruuilere marca, uilla phetruwila, . . .; in einer Frankfurter Urkunde 1304 Petterwile». Voir aussi Bach 1927: 6. 105 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est pierre’ (Georges 8 1985: 1675; FEW 8: 324s.) 44 , ou éventuellement ‘près de la pierre’ 45 . Enfin, l’étymologie de Vilbel paraît incertaine, les attestations historiques 774 Felawila, 830/ 50 Velavvilre, 864 Filvvila, 880 Filwula, 1143 Velewilre, 1144 Velevuile, 1279 Velwile, 1379 Vilwel (Eisenstuck 1953: 267; Haubrichs 2000: 130) n’apportant guère d’éclaircissements. Au sujet du déterminant dont j’aurais tendance à dire qu’il doit s’agir d’un adjectif, un seul point peut être éclairci sans difficulté: en aucun cas, le [f] initial actuel ne peut correspondre à une base latine contenant un ancien [w] latin, car pour le déterminé villa, ce phonème est rendu par une fricative sonore, b n’étant qu’une pure graphie. On peut aussi supposer que l’adjectif en question était relativement fréquent, car un toponyme identique désignant l’emplacement d’un ancien relais romain est attesté non loin de là dans les environs de Bleidenstadt 46 . En admettant l’hypothèse d’une spirantisation du [b] initial 47 , pour laquelle on pourrait évoquer au moins un cas parallèle, à savoir le passage de Borbetomagus (ou d’une variante *Bormatia appartenant au latin parlé) à Worms 48 , la solution *bella villa paraît très séduisante 49 . De toute évidence, le modèle ‘adjectif + villa’ s’était donc développé sans l’intervention des Francs durant l’Antiquité tardive. À l’époque mérovingienne, ces formations, parmi lesquelles le type *dominica villa ou *dominica curtis n’est que 44 Ici aussi, Eisenstuck 1953: 271 opte pour un mot d’emprunt et pose ahd. *p(f)etter, du lat. petra ‘pierre [d’autel]’, mais de telles formes ne sont transmises par aucune source écrite. 45 Selon Eisenstuck 1953: 270s., une villa romaine très importante, dont certaines parties furent encore utilisées au haut Moyen Âge, a été trouvée sur le territoire de cette commune. Les archéologues signalent aussi que jusqu’en 1780, le portail du château médiéval de Petterweil était décoré d’une grande effigie romaine provenant très certainement d’un bas-relief votif érigé dans les environs de la villa, mais dont on ignore malheureusement l’emplacement exact. 46 Selon Eisenstuck 1953: 269, il s’agit d’un microtoponyme attesté en 812 (Velwila) dans un document fixant les limites du ban de Bleidenstadt: «Damit [sind] die Trümmer der aus mindestens vier Gebäuden, darunter ein Merkurheiligtum und eine taberna, bestehenden römischen Straßenstation gemeint . . ., welche in Flur Rentmauer westlich der Platte in der Nähe einer feuchten Quellmulde auf dem flachen Rücken des Rheingaugebirges nachgewiesen ist». 47 Le passage de b initial à v est bien attesté (Richter 1932: §§33, 56; Schützeichel 2 1974: 163s.), mais à en croire les témoignages épigraphiques analysés par Barbarino 1978, on a affaire à d’importantes variations régionales. Dans l’aire de l’ancien haut allemand, les hypercorrections remplaçant b par v ou w en position initiale concernent surtout les régions du sud-est (Stotz 1996: §215.7). On peut donc supposer que dans cette zone, des conditions particulières favorisaient l’intégration de la labiale occlusive latine sous une forme spirantisée. Dans notre cas précis, une dissimilation substituant [w] par [f] a dû se produire lors de l’intégration du toponyme en ancien haut allemand, puisque le déterminé présentait également une fricative sonore à l’initiale. 48 Les attestations historiques (Wormatia, Wormantia, Warmatia, etc.), sont rassemblées chez Förstemann/ Jellinghaus 1916: 1424. 49 Eisenstuck 1953: 267 pose *felwa-wila en recourant à ahd. felwa ‘saule’ (Schützeichel 5 1995: 134), tout en reconnaissant lui-même que depuis les époques les plus reculées, la répartition géographique de ce mot est limitée à l’aire du haut allemand; il est donc «weder in hessischer noch fränkischer Mundart im Maingebiet heimisch». Il ne me semble pas que le microtoponyme signalé par Ramge 2002: 353 (xv e s. vff den Stein der do stet oben an dem velbelß Haubt, in den felbeß arme) puisse être clairement attribué à ahd. felwa. 106 Martina Pitz le plus connu, proliféraient pour désigner les nouveaux habitats créés sur des terres fiscales (Pitz 2002: 426s.); et on a tout à fait l’impression qu’avec l’influence croissante de l’aristocratie dans un contexte économique et social totalement changé (Bergengruen 1958; Le Jan 1995: 10), les usages hérités du monde romain pour la formation de toponymes à base anthroponymique, tous construits à l’aide de suffixes, ont été littéralement ajustés à ce modèle inspiré par les créations sur terre fiscale. D’une part, les suffixes cum, num, etc., furent progressivement réduits à leur fonction adjectivale originelle, ce qui permit l’adjonction d’un déterminé 50 ; d’autre part, un mode de formation plus ancien dans lequel les déterminés avaient été éliminés par ellipse 51 (Chevillon *Cabili ne 52 , Poncillon *Poncili ne 53 , etc.) a dû être restitué petit à petit. Bien évidemment, de telles évolutions sont aussi constatées chez les Francs (Pitz/ Schorr 2003: 75s.) et elles ont largement contribué à populariser le modèle Avricourt et à en déterminer la répartition actuelle (Pitz 1997: 662s.). L’opinion généralement admise selon laquelle ce type de formations reflèterait une certaine symbiose romano-franque semble donc tout à fait justifiée (Pitz 2002b: 426s.). Mais la genèse du type Avricourt ne se limite absolument pas à une simple réplique d’un modèle germanique, la population romane ayant bien eu recours à des concepts inhérents à son propre système linguistique. En retenant ce mode de formation plutôt qu’un autre, parce qu’il offre des parallélismes dans la langue des Francs, les acteurs gallo-romans font un choix délibéré et hautement «politique»: ils optent pour une solution susceptible de réduire les différences et de faciliter l’adaptation et l’intégration. On pourrait démontrer de multiples façons que ce principe est aussi valable en anthroponymie où des «modèles» phonétiques ou sémantiques existant dans les deux langues sont systématiquement privilégiés et provoquent des innovations tout à fait spécifiques (Pitz 2002b: 430s.). Pour cette raison, il ne semble pas facile de déterminer la part de responsabilité concrète des Francs dans cette association subtile où traditions et innovations convergent de façon étonnante. En revanche, on est tout à fait en mesure d’évaluer le degré de conditionnement de ces interférences dont certaines se répandirent bien au-delà des anciennes zones de contacts parce qu’elles étaient 50 Cette transformation en adjectifs n’est donc pas seulement un indicateur pertinent pour déceler la «phase finale» des -iacum dont le suffixe vient de rendre son dernier souffle et ne remplit plus ses fonctions initiales (Buchmüller-Pfaff 1990: 21s.; Lot 1933: 226: «Les termes -court et -ville ont été ajoutés pour donner plus de consistance à ces noms qui ne déterminaient plus suffisamment un nom de lieu»); c’est toute la fonction des formations toponymiques à base anthroponymique qui change profondément (Pitz à paraître f). 51 Pour l’ellipse du référent du génitif possessif voir Stotz 1998: 69s. §90, notamment §90.1 («Übergehung des Begriffs ‘Haus’ in der Antike»). 52 Pour l’exemple lorrain, localisé dans le canton de Pange (Moselle), les matériaux de l’ASF- SL (N12) contiennent, entre autres, les formes historiques suivantes: 1253 or. Chauilons, 1262 or. Chauillon, 1278 or. Chauillons, 1298 or. Chavillons, 1338 or. Chavillon, 1344 or. Chauillons, 1462 or. Kebel, 1542 or. Kebbell. 53 Les matériaux de l’ASFSL (N12) ne contiennent qu’une seule mention historique de ce petit hameau situé non loin de Metz: 1336 or. Poncillon. 107 Innovations du Centre et archaïsmes du Nord-Est propagées par des effets de mode, alors que d’autres se cantonnèrent pour ainsi dire dans leur «milieu» d’origine parce qu’il leur manquait ce souffle supplémentaire. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la répartition actuelle de l’antéposition du déterminant dans le domaine du lexique 54 (limitée au seul nord-est, si l’on s’en tient à la carte publiée par Hilty 1968: 498) et dans la toponymie (beaucoup plus largement répandue, cf. la carte publiée par Pitz 1997: 669). L’impact des phénomènes d’acculturation pour l’histoire des langues se mesure à de telles comparaisons. Quelle fonction le superstrat francique remplissait-il ainsi dans le développement de l’espace dialectal du nord-est de la France? La politique expansionniste et intégrationniste des couches supérieures de l’Empire franc composées à la fois de Francs et de Gallo-Romans constituait le facteur éminent des processus d’acculturation, avec la volonté clairement affichée par ce groupe social de faire fusionner les fondements de la culture romano-chrétienne avec les traditions et le mode de vie des Francs (Scheibelreiter 1999: 65s.). Dans une perspective de longue durée, les questions linguistiques intervenant dans ce rapprochement culturel étaient certainement perçues comme un problème mineur au regard des structures politiques et juridiques radicalement différentes et d’une vision du monde diamétralement opposée. Dès les premiers contacts entre les deux communautés, il devint néanmoins indispensable d’instaurer un niveau de compréhension minimal. De ce conglomérat de nécessités politiques et sociétales naquit un comportement linguistique qui accéléra les innovations. C’est ce qu’a sans doute voulu dire Jakob Wüest 1979: 348 quand il affirmait: «Tout se passe comme si le bouleversement des structures socio-économiques avait favorisé l’innovation linguistique». Mais toute forme d’innovation, y compris lorsqu’elle est provoquée par des contacts linguistiques, ne se produit qu’à une seule et unique condition: elle doit correspondre aux intentions culturelles des locuteurs et répond donc à une nécessité précise. Par pragmatisme, l’interférence apparaît là où les conditions préalables lui sont favorables. La découverte de similitudes permet d’appuyer des phénomènes qui existaient déjà, parfois de manière latente ou isolée, dans l’une et l’autre langue. Si ces parallélismes fonctionnent indéniablement comme des vecteurs d’intégration, ils mettent aussi en place des mécanismes de sélection qui renforcent parfois les différences antérieures. On suivra donc Hilty 1968: 1975 en affirmant qu’à l’exception d’un important «acquêt» lexical, le superstrat germanique a surtout renforcé des structures plus anciennes en faisant littéralement ressusciter certains phénomènes très anciens. Les conditions préalables pour que ce superstrat produise précisément les effets sur lesquels nous réfléchissons aujour- 54 Même si ces séquences régressives ont souvent été remplacées par des séquences progressives à partir du xii e siècle et ne se sont maintenues que dans la micro-toponymie, les anciens parlers lorrains et wallons en connaissent une grande quantité, notamment lorsqu’il s’agissait de composés dans lesquels entraient des mots d’origine francique. A titre d’exemple, on citera les nombreux composés avec alorr. ban relevés par Coudert 2002: 328s.: banvin, banward, bantabernier, banjour, etc. 108 Martina Pitz d’hui sont donc à chercher dans des particularités linguistiques des parlers galloromans concernés qui s’étaient développées au cours de l’Antiquité tardive. Les traits différenciateurs les plus caractéristiques des parlers du nord-est ne sont absolument pas dus à l’influence germanique, mais il m’importait de démontrer à travers l’exemple du w germanique qu’ils pouvaient servir de point d’ancrage aux phénomènes d’interférence. De toute évidence, les processus interactifs qui ont engendré ces interférences sont l’œuvre commune de Francs et de Romans; des conclusions emblématiques comme celle de Bernard Cerquiglini 1991: 33 pour qui «le français, si l’on veut dire, est fondamentalement francé» doivent donc être fortement nuancées. 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