eJournals Vox Romanica 62/1

Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2003
621 Kristol De Stefani

Jan Cölln, Susanne Friede, Hartmut Wulfram (ed.), Alexanderdichtungen im Mittelalter. Kulturelle Selbstbestimmung im Kontext literarischer Beziehungen, Göttingen (Wallstein), 2000, 486 p. (Serie A: Literatur und Kulturräume im Mittelalter Bd. 1)

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2003
Marie-Claire  Gérard-Zai
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270 Besprechungen - Comptes rendus à la lumière des critères d’attribution reçus aujourd’hui. Il n’y a pas dans les chansonniers une seule image d’un troubadour en train d’écrire son poème. Dans le cas d’Uc Brunet, on voit un homme en train de lire un livre (chansonnier K, fol. 86v), dans le chansonnier I (fol. 46), Arnaut de Meruoill porte une tenue ecclésiastique et lit un codex sur un lutrin; dans le chansonnier M (fol. 1), Guiraut de Borneill discourt avec des gestes indiquant qu’il parle sur son texte poétique représenté par un volume ouvert sur un lutrin. Ces quelques exemples suggèrent que les compilateurs de la poésie des troubadours ont pris modèle sur certaines compilations de textes bibliques ou classiques pour leur mise en page et pour leur appareil visuel, comme pour leur appareil textuel. Chap. VII. Les voies de la revendication: vers l’humanisme: M. Gally, «Invention d’une langue et signature» (523-30); l’auteur choisit quelques jalons: Wace, Marie de France, Jean de Meun, Dante, tous «traducteurs-translateurs» du latin, le dernier produisant une œuvre bilingue où il repose, sans cesse, la question de la langue. P. Boucheron, «L’architecte comme auteur. Théorie et pratique de la création architecturale dans l’Italie du Quattrocento» (531-52); Brunelleschi est la figure même de l’inventeur et il est représenté comme tel sur son monument funéraire, placé en 1447 dans la cathédrale de Florence et qui fut le premier monument public dressé à la mémoire d’un artiste moderne, comme le remarque P. Boucheron. J.-Ph. Genet, «L’auteur politique: le cas anglais» (553-67); l’auteur a dénombré 591 textes, dont les trois quarts en latin, appartenant à 243 auteurs, dans le domaine anglais exclusivement. Ce superbe ouvrage se termine par une «Table ronde conclusive» (569-87), animée par J. Dalarun, R. Chartier, M. Zink et A. Compagnon. M.-C. Gérard-Zai H Jan Cölln, Susanne Friede, Hartmut Wulfram (ed.), Alexanderdichtungen im Mittelalter. Kulturelle Selbstbestimmung im Kontext literarischer Beziehungen, Göttingen (Wallstein), 2000, 486 p. (Serie A: Literatur und Kulturräume im Mittelalter Bd. 1) Le thème d’Alexandre dans la littérature médiévale suscite un regain d’intérêt; nous citerons, dans le domaine roman, entre autres les volumes Alessandro nel Medioevo occidentale, édités par P. Boitani, C. Bologna, A. Cipolla, M. Liborio, avec une introduction de P. Dronke, publiés en 1997 (Fondazione Lorenzo Valla/ Arnoldo Mondadori Editore; Milano) ou l’étude de M. Gosman, La légende d’Alexandre le Grand dans la littérature française du XII e siècle. Une réécriture permanente, Amsterdam, Atlanta, GA, 1997 ou encore celle de C. Gaullier-Bougassas, Les Romans d’Alexandre. Aux frontières de l’épique et du romanesque, Paris, 1998; ce recueil de treize contributions s’inscrit dans cette lignée. Dans la littérature mondiale, peu de personnages historiques ont joué un rôle aussi prépondérant qu’Alexandre Le Grand: on ne compte plus les épopées, les romans, les légendes hagiographiques ou profanes, ainsi que les poèmes lyriques et dramatiques dont il est le pivot. D’Islande jusqu’au désert du Sahara, d’Ethiopie en Espagne et jusqu’en Chine, c’est en près de trente-cinq langues que les exploits d’Alexandre nous sont parvenus. Les contributions de ce volume étudient l’interdépendance littéraire médiévale, les rapports intertextuels et historiques des versions latines, romanes (essentiellement françaises) germaniques et tchèques, ainsi que les aspects linguistiques, lexicaux, métriques et codicologiques des textes conservés. U. Mölk, «Alberics Alexanderlied» (21-36): U. Mölk est l’auteur, avec G. Holtus, d’une excellente édition critique avec commentaire et traduction en allemand du fragment francoprovençal d’Albéric, parue dans ZRPh. 115 (1999): 582-625 et d’une contribution com- 271 Besprechungen - Comptes rendus plémentaire «A propos de quelques passages difficiles de l’Alexandre d’Albéric», Miscellanea Mediaevalia. Mélanges offerts à Philippe Ménard, Paris, 1998, vol. 2: 985-91, ainsi que d’un article récent fort documenté sur l’auteur du premier Alexandre en langue romane, dans lequel U. Mölk analyse les sources dont Albéric disposait: «Le poème d’Alexandre du chanoine Albéric», in: Ce nous dist li escris . . . Che est la verite. Etudes de littérature médiévale offertes à André Moisan par ses collègues et ses amis réunies par Miren Lacassagne, Aix-en-Provence 2000: 207-15. L’auteur démontre brillamment que la version fragmentaire d’Albéric, en langue francoprovençale, présente un idéal paradigmatique d’une figure royale, qui n’est ni française, ni chrétienne. L. Fischer, «Der Zehnsilber-Alexander als Fall sprachlicher Selbstkonstituierung? Zur Diskussion um den Ursprungsort in der Forschung» (37-45); l’auteur s’attache au problème complexe et encore non résolu de la localisation de l’Alexandre décasyllabique. Ce texte, conservé dans deux manuscrits (Paris, Bibl. de l’Arsenal 3472 [XIII e s.] et Venise, Museo Civico, VI, 665 [début XIV e s.]) témoignerait d’une provenance poitevine mais la question de l’influence occitane reste ouverte. R. Boemke, «Alexanders Ritterweihe vor dem Hintergrund der zeitgenössischen Literatur. Ein antiker Stoff und seine literarische Aktualisierung» (46-81); l’auteur s’appuie sur les études de Jean Flori pour analyser un motif peu représenté dans les Romans d’Alexandre, celui de l’adoubement dans les versions décasyllabiques et dodécasyllabiques d’Alexandre et faire des rapprochements bienvenus avec les chansons de geste, ainsi qu’avec le Roman de Thèbes, le Roman d’Enéas, le Roman de Troie et Cligès. S. Friede, «Alexanders Kindheit in der französischen Zehnsilberfassung und im Roman d’Alexandre: Fälle ‘literarischer Nationalisierung’ des Alexanderstoffs» (82-136); cette contribution analyse l’enfance d’Alexandre dans les textes latins et français, ainsi que les rapports d’Alexandre et sa mère, faisant des rapprochements avec Perceval de Chrétien de Troyes. A. Mauritius, «Der Wortschatz zu politischen Räumen in Alexander-Texten des 12. Jahrhunderts» (137-61); l’auteur se place résolument dans une perspective lexicologique et comparative, examinant les romans d’Alexandre (Alexandre décasyllabique, Roman d’Alexandre d’Alexandre de Paris/ Bernay et Lambert le Tort, Roman de toute Chevalerie de Thomas de Kent) en les comparant aux romans de Chrétien de Troyes (dont Perceval), au Roman de Thèbes, au Roman de Waldef [A. J. Holden (ed.), Genève 1984 (Bibliotheca Bodmeriana 5)] et aux Lais de Marie de France. Ce sont les lexèmes suivants qui sont examinés: «empire, nascion, païs, regne, regné et roiaume». Les deux articles suivants sont dédiés aux textes germaniques d’Alexandre: J. Cölln, «Arbeit an Alexander. Lambrecht, seine Fortsetzungen und die handschrifliche Überlieferung» (162-207) et K. Grubmüller, «Die Vorauer Handschrift und ihr Alexander. Die Kodikologischen Befunde: Bestandsaufnahme und Kritik» (208-21), tandis que ceux de Wulfram, Glock et Killermann étudient l’œuvre latine Alexandreis de Gautier de Châtillon: H. Wulfram, «Explizite Selbstkonstituierung in der Alexandreis Walters von Châtillon» (222-69), A. Glock, «Alexander Gallicus? Die Alexandreis Walters von Châtillon als Fall impliziter antik-mittelalterlicher Dependenz und Selbstkonstituierung» (270-98) et C. Killermann, «Die mittelalterliche Kommentierung der Alexandreis Walters von Châtillon als Fall von Interdependenz und Selbstkonstituierung» (299-331). F. Rädle, «Literarische Selbstkonstituierung oder Kulturautomatik: Das Alexanderepos des Quilichinus von Spoleto» (332-54): l’Historia Alexandri Magni composée par Quilichinus de Spolète à la cour de Frédéric II en Italie méridionale ou en Sicile, avant 1237, ainsi que d’autres versions examinées dans ce recueil, posent de vraies questions: avons-nous de simples avatars du genre épique ou les résultats d’une translatio infidèle? Les deux dernières contributions sont dédiées à la version tchèque des aventures d’Alexandre: R. Finckh, «Ulrich von Etzenbach Alexander: ein böhmisches Lehr-Stück» (355-406) et M. Stock, «Vielfache Erinnerung. Universaler Stoff und partikulare Bindung in Ulrichs von Etzenbach Alexander» (407-48). 272 Besprechungen - Comptes rendus Une riche bibliographie (450-77) comprenant les sources, les manuscrits, les éditions en langue latine, française, allemande et tchèque, ainsi qu’un index (478-84) complètent ce beau volume. M.-C. Gérard-Zai H Sylviane Messerli, Œdipe enténébré. Légendes d’Œdipe au xii e siècle, Paris (Champion) 2002, 373 p. (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge 64) Œdipe est un personnage que l’on oublie volontiers lorsque l’on parle de la «matière de Rome» dans la littérature médiévale. Pourtant, aussi discrète qu’elle soit dans les textes, la présence du père fondateur de la lignée thébaine y occupe une place charnière justifiant amplement le beau travail que S. Messerli (S. M.) nous offre aujourd’hui. Au sein d’une collection dont le rythme de parution est pléthorique et l’orientation volontiers encyclopédique (pour ne pas dire lourdement énumérative), Œdipe enténébré apparaît comme un heureux point d’orgue, car sa densité ne le cède qu’à la remarquable délimitation d’un propos qui ne s’égare jamais dans des considérations oiseuses. Cela n’empêche cependant pas ce volume plutôt mince de déjà juxtaposer deux ouvrages: la première partie qui se veut introductive est en effet presque aussi longue que les deux autres réunies et constitue à elle seule une monographie passionnante et sans doute définitive sur les reprises latines de la légende d’Œdipe. Si la présence du directeur de thèse (Charles Méla) se notait dans le choix du sujet, le long et minutieux examen de plus d’un millénaire de tradition latine liée à La Thébaïde témoigne à l’évidence de l’influence (unité de l’«école de Genève»! ) de l’enseignement de Jean-Yves Tilliette, lequel a d’ailleurs été mis directement à contribution par son élève: on aura en effet remarqué l’élégante traduction qu’il a aimablement rédigée pour l’un des textes les plus retors du corpus étudié (58-62 et 306-09). Notons à ce propos que S. M. hésite visiblement entre deux attitudes face aux textes latins: certains sont traduits, d’autres ne le sont pas, ce qui gêne considérablement la fluidité de la lecture: à ceux qui rétorqueraient que le livre ne s’adresse qu’à des latinistes patentés, on opposera tout de même le précédent du dernier livre de J.-Y. Tilliette (Des Mots à la Parole. Une lecture de la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf, Genève (Droz) 2000: voir notre compte rendu ici même l’an dernier, 271-72) qui donnait une traduction française du moindre mot latin cité. Dans un travail «qui se fonde sur l’écoute de la lettre» (15), le parti pris de S. M. s’avère quelque peu problématique. Au demeurant, une meilleure répartition des textes latins entre la première partie et les quelque soixante pages d’annexes y afférentes aurait sans doute permis, en évitant d’inutiles doublons et en proposant des traductions systématiques, de fluidifier le propos et de clarifier la démonstration. On s’interrogera aussi sur la pertinence qu’il y avait à rompre une lance en faveur de la connaissance de la langue grecque en Occident (21), puisque S. M. n’en fait pour ainsi dire rien, et que, d’ailleurs, elle ne prouve guère qu’en dehors de certaines zones limitrophes de l’Occident le (trop? ) fameux «Graecum est, non legitur» n’ait pas été, malgré tout, la règle. A cet égard, un développement un peu moins elliptique des spéculations étymologiques rappelées en p. 171 aurait aussi été utile. Mais ces remarques sont finalement peu de choses face à la pertinence et à la constante originalité du travail: dévidant le fil qui mène de Stace à ses glossateurs du xii e siècle, en utilisant de nombreux manuscrits inédits, S. M. mène une enquête quasi policière qui intéresse l’ensemble de la réception de la matière antique au Moyen Âge. Il faut souhaiter que ces pages, parues dans une collection essentiellement dédiée à la littérature française médiévale, seront lues par les latinistes avec l’attention qu’elles méritent.