eJournals Vox Romanica 63/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2004
631 Kristol De Stefani

Blanc la Goutte, poète de Grenoble, OEuvres complètes. Présentées et traduites par Gunhild Hoyer & Gaston Tuaillon. Grenoble (Centre alpin et rhodanien d’ethnologie) 2003, 189 p. (Le Monde alpin et rhodanien 2002/4).

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2004
W.  Müller
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Se è consentito, si vorrebbe riprendere, inoltre, per concludere senza inutili ulteriori commenti, sempre dalla Prefazione di Tullio De Mauro all’Italiano per stranieri, alcune autorevoli parole che probabilmente spiegheranno, a chi non conosce personalmente l’Autore, l’humus da cui proprio tale efficacia nasce. De Mauro riconosce infatti nel lavoro di Massimo Vedovelli la presenza di «una fredda passione civile per capire le sorti della nostra lingua, per la concreta vita di chi nativo si è aperto la strada a parlarla e di chi straniero la ha appresa e la apprende.» (13). M. C. Castellani ★ Blanc la Goutte, poète de Grenoble, Œuvres complètes. Présentées et traduites par Gunhild Hoyer & Gaston Tuaillon. Grenoble (Centre alpin et rhodanien d’ethnologie) 2003, 189 p. (Le Monde alpin et rhodanien 2002/ 4). Tout un pan de la civilisation régionale risque de sombrer dans l’oubli par manque de connaissances dialectales du lecteur moderne. Nous voulons parler de la littérature en patois, laquelle a bien souvent atteint un niveau hautement appréciable de sorte que de nos jours encore on a plaisir à la parcourir. Car malgré les dénigrements habituels des éditeurs modernes de ce genre de textes, qui condamnent parfois leur objet d’étude comme «dépourvu de toute valeur littéraire» 1 , les ouvrages dialectaux demandent à être découverts et à être situés à leur niveau réel, que ce soit du point de vue culturel, littéraire, folklorique ou historique. Il s’agit donc de rendre accessibles les textes dialectaux par des éditions fiables accompagnées de traductions. L’auteur grenoblois Blanc, surnommé La Goutte à cause d’une infirmité, a atteint sinon la gloire du moins une certaine notoriété régionale dès le XVIII e siècle et celle-ci ne s’est jamais démentie jusque dans la seconde moitié du XX e siècle. Il a eu un public appréciateur dès la parution de son premier poème, en 1729. D’après le témoignage d’un chanoine de 1733, un personnage important comptait parmi ses lecteurs, probablement l’évêque de Grenoble lui-même, qui était en même temps le prince séculaire de sa cité (10). D’assez nombreuses rééditions témoignent du reste de sa popularité. Dans sa préface à celle de 1860, George Sand parle de «ce petit monde de province du siècle dernier, grouillant de couleur sous la plume rieuse et légère de Blanc la Goutte» et elle résume son jugement dans la phrase: «Il y a du Balzac dans ce bonhomme» (97). Cette excellente tradition grenobloise méritait donc d’être remise en valeur par une nouvelle édition. C’est ce que se sont attachés à faire les deux chercheurs, dialectologues de profession. Gaston Tuaillon s’est occupé des 560 alexandrins du Grenoblo malhérou «Grenoble malheureux», G. Hoyer des trois autres poèmes, lesquels totalisent 782 alexandrins. G. Tuaillon a tiré texte et traduction de ses cours universitaires de dialectologie tandis que G. Hoyer, son élève, a puisé dans sa thèse de 1993 (8) 2 . On imaginera facilement tout le travail de mise à jour et de révision que cela a impliqué, d’autant plus que les éditeurs se sont efforcés d’aboutir à une traduction non seulement fidèle mais «qui peut supporter une lecture courante» (59). L’identité du poète Blanc la Goutte pose un gros problème. Il ne se nomme que dans la dernière ligne de son dernier poème, qui date de 1741: «Blanc dit la Goutta de placi Cla- 309 Besprechungen - Comptes rendus 1 Un tel mépris n’est pas courant partout. Ainsi, la littérature dialectale jouit d’une haute estime en Allemagne à la suite des prises de position vigoureuses de Goethe en faveur d’auteurs comme J. P. Hebel (alémanique) ou G. D. Arnold (strasbourgeois). 2 G. Hoyer, Textes en dialecte dauphinois: établissement du texte, traduction et analyses linguistiques (Grenoble III) 1993. vayson» (9; cf. 168). Mais il parle abondamment de sa maladie dès le Grenoblo malhérou de 1733 (11). Il est vrai qu’on a bien longtemps attribué les ouvrages en question à François Blanc, personnage qui avait 71 ans en 1733 alors que la lettre susmentionnée, tout à fait crédible, ne donne que 46 ans à l’auteur cette année-là. Les éditeurs proposent alors comme nouvelle hypothèse - disons d’emblée qu’elle paraît bien étayée - la personne du gendre de François Blanc, lequel se nommait André Blanc, et ils suivent la vie de ce dernier pas à pas avec l’aide de pièces d’archives 3 . Ils comparent minutieusement les faits avérés avec les déclarations que l’auteur fait dans ses poèmes (17s.). Sans qu’il soit possible d’arriver à une certitude absolue, les éditeurs montrent que les deux séries de données ne sont pas seulement compatibles entre elles, mais qu’elles s’éclairent mutuellement. Selon les éditeurs, le poète est né en 1690 à Sinard à 30 km au sud de Grenoble. André Blanc est donc occitanophone 4 .A la suite d’un riche mariage avec une femme qui a douze ans de plus que lui, il s’établit à Grenoble où il exerce le métier d’épicier, réussit à prendre pied dans la bourgeoisie aisée grenobloise et a le temps d’apprendre le parler de sa nouvelle patrie avant de publier, en 1729, son premier poème en patois. Dès 1731 au plus tard, sa femme ne vit plus au domicile conjugal, peut-être à la suite d’une infirmité. Elle mourra en 1739. Mais déjà dans son écrit de 1729, il a tout l’air de courtiser une jeune femme (22, cf. 92): Dieu volie que din pou, je te veïeso epousa! «Que Dieu veuille que sous peu je te voie mon épouse! » Quoi qu’il en soit, quelques semaines seulement après la mort de sa première femme, il convole en secondes noces avec sa bien-aimée. Il décède en 1745 après avoir recommandé ses trois fillettes à leur grand frère devenu médecin, seul enfant de son premier lit (31). L’édition des textes suit rigoureusement les premières impressions. Elle unit cependant fidélité et lisibilité. En effet, on n’a pas respecté toutes les bizarreries typographiques de l’époque comme le tréma sur les u (Loüis, boüy «buis») ou bien la consonne de liaison accolée au mot qui suit (lou zuzeu «les oiseaux» pour louz uzeu; 58). En ce qui concerne l’expression n’yat, la lettre n peut représenter soit non soit inde, ce qui nous donne ou bien «il n’y a» ou alors «il y en a». Dans le premier cas, les éditeurs ont choisi n’y at avec apostrophe, dans le second n y at sans apostrophe (59). Mais la leçon originale est toujours scrupuleusement reproduite dans la marge de droite et sur la même ligne, jusqu’aux trémas sur les u et jusqu’aux majuscules arbitraires (57). Les fac-similés aident du reste le lecteur moderne à se faire une image précise de la typographie de l’époque (68, 100, 138, 158; cf. 93). Deux astuces permettent la compréhension immédiate du texte patois: d’une part la traduction interlinéaire en italiques, d’autre part les titres intermédiaires qui indiquent un changement de sujet là où l’édition originale présente tout au plus un alinéa avec saut de ligne. Parfois des notes dialectologiques ou historiques en bas de page éclairent le sens du texte ou paraphrasent un vers par trop opaque. Le premier poème, l’Epître sur les Réjouissances dédiée A Mademeisella +++ (69-92), décrit d’un ton enjoué les festivités populaires organisées à Grenoble pour fêter la naissance tant attendue du dauphin, laquelle a mis un terme aux inquiétudes politiques du royaume en solidifiant les institutions étatiques. On n’oubliera pas que les Dauphinois avaient de quoi s’intéresser au dauphin du Dauphiné, leur prince. On relèvera que les aumônes jouaient un rôle important à l’époque. On était bien loin encore de l’aide sociale généralisée: Touta cela guerlanda eut un bon déjeuna «toute cette longue file eut un bon repas» (84). L’incontestable chef d’œuvre de l’auteur est le Grenoblo malhérou (101-30) décrivant les inondations catastrophiques de 1733. Après des années de bonheur, toutes sortes de malheurs s’abattent sur le pays. En prélude, le poète parle de son état de santé déplorable: 310 Besprechungen - Comptes rendus 3 Comme p. ex. contrats de mariage, registres paroissiaux, recensements de la population. 4 La limite linguistique est cartographiée dans J. Duc, Les patois du pays de La Mure, Grenoble 1991: 14. Sinard se trouve à 4 km environ au nord de Monestier-de-Clermont. Je ne poey plu marchié, décendre ni monta, je ne peux plus marcher, ni descendre ni monter, A pompon-lorion, je me foey charronta je me fais porter sur les avant-bras croisés de deux hommes (101) Puis surgissent les brigands et les loups: A la couat du chivau lou sorton ils les conduisent, liés à la queue des chevaux, d’un villageou, hors du village, Lou donnont mille coup, lou copont les rouent de coups, leur tailladent le visage lo visageo (104) On croirait voir des gravures aussi terrifiantes que celles du Lorrain Callot. Le réalisme cru qui évoque les loups affamés n’a aucun rapport avec le ton édulcoré qu’ont choisi certains folklorisants modernes qui, à la suite du mouvement écologique, ont tendance à nier le caractère dangereux de l’animal: Et un hardi bergié, que s’eyt précautiona, un courageux berger, qui était sur ses gardes, Revint du champ sanglant et sans revient des champs couvert de sang et sans main man et sans na et sans nez (106-07) La description de l’inondation de l’Isère et du Drac dont le déroulement désastreux apparaît dans une suite d’images saisissantes représente cependant la plus grande partie du poème. L’auteur dépeint les pluies torrentielles, l’envahissement de la ville par les eaux, l’affollement des habitants et les mesures prises par les autorités. Le récit atteint son apogée dans une vue panoramique (imaginaire? ) du haut du clocher de la cathédrale, qui fait voir l’étendue de la catastrophe. Après la décrue du troisième jour, l’attention du poète se porte sur les dégâts publics et privés et il déplore avant tout le sort des gens de métier. N’y at plu de chenevou chieu lou pourou il n’y a plus de chanvre chez les pauvres pigneiro, peigneurs, Etoupet, colagnet sont partié per Beaucairo étoupes et quenouilles sont parties pour Beaucaire (124) Le Jacquety de le Comare «bavardage des commères» a paru sans date, mais au plus tard en 1740 (130-50). Le ton très libre que Blanc la Goutte fait adopter à ces vaillantes femmes a dû lui valoir l’arrestation et le séjour dans un bâtiment militaire (152). La critique des faits sociaux n’a pas dû plaire à certains personnages haut placés. Ce genre littéraire a d’ailleurs quelque tradition à Grenoble puisque, dès 1563, Laurent de Briançon a fait figurer des bavardes impénitentes dans un poème en patois de Grenoble, bavardes qui ne se gênent pas d’aborder des sujets fort scabreux 5 . La Coupi de la lettra «copie de la lettre», de 1741, par contre, déçoit par son manque d’originalité (151-68). Il s’agissait en effet pour l’auteur d’obtenir sa libération par une série de flagorneries (155-57). Mais même là, l’auteur réussit en peu de mots à brosser des images émouvantes, ainsi en parlant des pauvres: Mais qu’êt-ò que lor bien? un tupin, una mais qu’est-ce que leur bien? une cruche, une ecuella écuelle, De pailli una fourchà per couchier sens une fourchée de paille pour y coucher sans lincieu draps (160) 311 Besprechungen - Comptes rendus 5 Trois poèmes en patois grenoblois du XVI e siècle. Traduits et présentés par G. Tuaillon, Grenoble 1996: 23-99. Comme cela se doit, le livre se termine par un glossaire (169-85) et une bibliographie (187- 89). - Le chapitre sur la langue (35-55) s’occupe notamment de morphologie. Saluons cette édition soignée à tous les égards, digne d’un monument de la culture dauphinoise. Gaston Tuaillon y a mis l’expérience de toute une vie. W. Müller ★ Dominique Stich, Dictionnaire des mots de base du francoprovençal. Orthographe ORB supradialectale standardisée. Avec la collaboration de Xavier Gouvert et Alain Favre, Thonon-les-Bains (Le Carré) 2003, xiii + 591 p. Le livre de Dominique Stich ne manque pas d’allure. Une robuste reliure protège les feuillets au grain lisse, la mise en page soignée offre une disposition aérée sur deux colonnes et la typographie permet à l’œil de distinguer aisément le corpus francoprovençal en graphie supradialectale des définitions françaises et des informations métalinguistiques. Appâté par l’intitulé de la jaquette (Dictionnaire francoprovençal/ français, français/ francoprovençal. Augmenté d’une grammaire et d’extraits bibliographiques (avec leur transcription) d’auteurs des différentes régions francoprovençales: Aoste (Vallée d’) - Beaujolais - Bresse - Bugey - Dauphiné - Dombes - Forez - Franche-Comté - Fribourg - Genève - Lyonnais - Neuchâtél - Piémont - Pouilles - Savoie - Valais - Vaud et zone du francoprovençal francisé), l’amateur sera conquis par la conclusion de la quatrième de couverture: «Plus qu’un simple dictionnaire, cet ouvrage offre une grammaire, des toponymes, des néologismes, une anthologie - introduction à une riche littérature - ainsi qu’une bibliographie étendue». Minus habet in recessu quam in fronte promittit. Seul sera pris ici en considération le triptyque lexicographique de l’ouvrage: francoprovençâl-francês (1-157), français-francoprovençal (229-388), lexique onomasiologique des néologismes et des termes spécialisés du francoprovençal suivi d’un répertoire alphabétique (421-64). Il sera essentiellement rendu compte de la première partie (et de ses rapports avec la deuxième, qui n’en constitue qu’un avatar, et la troisième, due à Xavier Gouvert), plus précisément de sa nomenclature et de ses constituants microstructurels: lemme, catégorie grammaticale et genre, définition, phraséologie, rubrique aréologique. Dans son avertissement, l’auteur reconnaît que «les variétés sont trop nombreuses et trop différentciées pour qu’on puisse envisager un ouvrage qui soit complet», ajoutant néanmoins qu’«il existe bien un fonds commun qui peut être dégagé» (x). Avare de précisions concernant la méthode employée par lui pour constituer sa nomenclature, il laisse entendre qu’elle résulte du dépouillement d’un nombre élevé de publications: «La première partie, francoprovençal-français, représente bien la réalité telle qu’on peut la dégager des dictionnaires et glossaires, des œuvres littéraires et des atlas linguistiques» (xii). Or un examen détaillé de la macrostructure et de la microstructure de ce dictionnaire révèle d’importantes cordances entre son contenu et celui de plusieurs ouvrages cités dans la bibliographie (581- 91), laquelle accuse d’ailleurs de sérieuses lacunes, pour la Suisse romande (ci-après SR) du moins. On est par conséquent enclin à s’interroger sur la validité du titre de l’ouvrage et sur la nature de la méthode qui a guidé son auteur. Un certain nombre de règles président à l’élaboration de la nomenclature d’un dictionnaire 1 . En l’occurrence, la sélection des items imposait une exploitation systématique des 312 Besprechungen - Comptes rendus 1 Cf. notamment J. Rey-Debove, Étude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains, Paris 1971: 55-148; J. Dubois/ Cl. Dubois, Introduction à la lexicographie: le dictionnaire, Paris 1971: 57-60; P. Imbs, préface du TLF, xxvi-xxix.