Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniYasmina Foehr-Janssens/Emmanuèle Métry (ed.), La Fortune. Thèmes, Représentations, Discours, Genève (Droz) 2003, 224 p. (Recherches et Rencontre 19)
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A. Corbellari
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recours à un procédé purement mécanique a de surcroît engendré une foison de bizarreries et d’incohérences au niveau de la microstructure. Ainsi, s. petit, l’auteur regroupe en vrac des locutions, des composés (qui devraient avoir leur propre entrée) et des sens (comme ‘petite linotte des vignes’, que le lecteur ne trouvera en revanche pas s. linotte), et s. cuite (où le lemme renvoie théoriquement au concept français) surgissent à la suite de la traduction en francoprovençal tous les sens donnés dans la première partie, lesquels sont absents sous leurs entrées attendues: «cuite couéta (petit-lait, fournée, chaleur intense, ivresse)». La création de néologismes ne peut guère se satisfaire d’initiatives individuelles. En l’occurrence, si elle devait s’inscrire dans le cadre d’une planification linguistique, elle nécessiterait, peut-être davantage encore que l’activité compilatoire à laquelle s’est livré Stich, le concours d’instances représentatives du domaine linguistique concerné 24 . La contribution de Xavier Gouvert, qui trouverait sa place dans l’ouvrage à condition de constituer un complément solidaire de la nomenclature établie par Stich, est en réalité une pièce rapportée. Elle fourmille de mots mentionnés par Stich (cf. aèroplano, fllôta, patouesant, tèsa, vilen, etc.), qui trahissent parfois des divergences dans les options graphiques des deux auteurs (cf. arbâda/ arbârda, enspector/ enspèctor, ren-qui-valye/ ren-que-valye). Elle contient en outre nombre de mots attestés par le GPSR (cf. notamment avenua [GPSR s. avenue], boa [ib. s. boa], damouesél [ib. s. damoiseau], dèlit [ib. s. délit]), dont la place légitime serait par conséquent dans le dictionnaire francoprovençal-français. Le Dictionnaire de Stich est présenté par Henriette Walter 25 (préface, ix) comme un instrument adéquat de décodage (la partie francoprovençal-français permettant d’«élucider des obscurités éventuelles» de la littérature francoprovençale) et d’encodage (la partie français-francoprovençal et le lexique des néologismes ayant pour vocation de servir de référence au «patoisant qui désirerait lui-même s’exprimer par écrit dans son propre parler»), appelé en outre à être éventuellement employé comme manuel didactique. Nous nous permettons d’exprimer nos doutes. Abstraction faite de la question pendante du bien-fondé d’une koinè francoprovençale, il nous paraît que la partie lexicographique de l’ouvrage est dépourvue de toute valeur scientifique. É. Fluckiger ★ Yasmina Foehr-Janssens/ Emmanuèle Métry (ed.), La Fortune. Thèmes, Représentations, Discours, Genève (Droz) 2003, 224 p. (Recherches et Rencontre 19) La Fortune et sa roue sont des thèmes que tout médiéviste est capable de repérer et de brièvement commenter. Mais quant à tenir sur elles un discours soutenu qui ne se mette pas très vite à ressasser les mêmes idées reçues, c’est une autre affaire, au point que les ouvrages de synthèse sur la question restent pratiquement inexistants. Fruit d’une journée d’études qui s’est donnée en 2001 à l’Université de Genève, le présent ouvrage constitue donc, par sa seule existence, un événement. Certes, il ne s’agit pas à proprement parler d’une synthèse, mais plutôt d’un parcours fait d’une suite de coups de projecteurs donné par des spécialistes 319 Besprechungen - Comptes rendus 24 Par exemple, la Lia Rumantscha assume cette responsabilité dans le canton des Grisons; cf. B. Cathomas, «Planification linguistique du romanche en Suisse: création et introduction d’une langue standard», in: Quelle planification linguistique pour le wallon? Actes du colloque international de Charleroi, 23 mars 1996, 1997: 39s. (http: / / users.skynet.be/ ucw/ htm/ doclingadje.htm). 25 Henriette Walter a dirigé la thèse que l’auteur a soutenue à l’Université de Paris V en juin 2001 et qui fournit la matière du présent Dictionnaire. confirmés sur des époques ou des textes particuliers. Des traces subsistent, d’ailleurs, de l’oralité primitive des textes; ainsi se permettra-t-on de sourire de l’allusion de J.-Y. Tilliette au fait que l’on soit «dans la cité de Calvin» pour juger superflu de résumer le débat sur la prédestination (99). On observe aussi quelques disparates bénins: alors que le spécialiste du Nouveau Testament utilise abondamment les citations en caractères grecs, le byzantinologue s’en passe complètement; Jean-Claude Mühlethaler est le seul à traduire en langue moderne les citations en ancien français, et une même citation de Boèce est nantie de deux traductions différentes (26 et 61). Plus grave, par contre, eu égard, surtout, à l’extrême dispersion des études consacrées jusqu’à aujourd’hui au thème de Fortune, s’avère l’absence de toute bibliographie générale. Le lecteur en est réduit à compiler les notes des différentes contributions, sans être sûr qu’elles sont vraiment représentatives, et les optiques parfois disparates de celles-ci ne l’aident guère dans cette tâche. À l’inverse, la table des manuscrits cités (221), qui, à une seule exception près, ne renvoie qu’à l’article iconographique de Jean Wirth, peut apparaître comme quelque peu superfétatoire. Quant à l’index nominum (217- 20), on peut regretter qu’il ne recense pas les noms de critiques modernes citées dans le texte des articles. Il n’en reste pas moins que la progression chronologique, presque sans heurt, de l’ouvrage aboutit à nous donner une vision très complète du thème de Fortune de l’Antiquité à la Renaissance, et qu’on aurait peine à y déceler des omissions ou des manques évidents. Notons tout de même que Jean-Yves Tilliette termine son article «Éclipse de la Fortune dans le haut Moyen Âge? » (93-104) en promettant que les contributions suivantes vont expliquer la soudaine recrudescence du thème au tournant des XI e et XII e siècles, alors que ce n’est pas vraiment le cas. Jean Wirth, dans l’article qui suit, «L’iconographie médiévale de la roue de Fortune» (105-27), qui présente une riche documentation partiellement inédite, constate plus qu’il n’explique l’émergence des représentations figurées de la roue de Fortune à l’époque susdite; et les textes suivants se focalisent tous en aval du point de bascule. Problème presque inverse, l’article de Jean-Claude Mühlethaler montre bien la dévalorisation de la notion de Fortune à la fin du Moyen Âge, mais, du coup, il met légèrement en porte-à-faux l’article final de Jean Lecointe, «Figures de la Fortune et théorie du récit à la Renaissance» (207-16), qui fait état de la réception contrastée, mais toujours vivante, du thème au XVI e siècle. Enfin, manque totalement une ouverture sur la survie après la Renaissance du thème de Fortune; le XVII e siècle, pourtant, ne le méconnaît pas: le terme figure dans le vocabulaire de Racine, dans celui de La Fontaine, et même dans celui de Bossuet! Plus tard encore, les connotations anciennes du terme ne sont pas tout à fait absentes de l’œuvre de Balzac, et peut-être ses derniers avatars chez des dramaturges comme Claudel ou Giraudoux ne seraient-ils pas tout à fait inintéressants à explorer. Que les périodes de déploiement privilégiées des incarnations contrastées de Fortune soient essentiellement la fin de l’Antiquité et le «long Moyen Âge» chrétien reste, néanmoins, une évidence, et l’on ne reprochera à ce livre, pensé et conçu par des médiévistes, de s’adresser à des médiévistes! Dans l’ensemble, comme on l’a dit, les diverses contributions se complètent très bien, et les redites sont, pour ainsi dire, inexistantes. L’ambitus des recherches proposées reste néanmoins très variable, et on remarquera la modestie des deux éditrices du volume, dont les textes, brefs, sont les seuls à êtres purement monographiques, Emmanuèle Métry proposant, dans «Fortuna et Philosophia: une alliance inattendue. Quelques remarques sur le rôle de la Fortune dans la Consolation de Philosophie de Boèce» (59-70), une mise au point sur le texte phare de Boèce et Yasmina Foehr-Janssens, élargissant au latin ses recherches sur la littérature vernaculaire du Moyen Âge central, commente avec bonheur «La maison de Fortune dans l’Anticlaudianus d’Alain de Lille» (129-44), pour en conclure que le principe de ce texte, qui tente la gageure de décrire la demeure de l’entité essentiellement «muable» qu’est Fortune, «n’est après tout pas très éloigné de celui d’une démarche parodique» (144). 320 Besprechungen - Comptes rendus C’est une tendance inverse à celle de ces travaux étroitement circonscrits qu’illustre le long article de Christopher Lucken, «Les Muses de Fortune. Boèce, Le Roman de la Rose et Charles d’Orléans» (145-75), qui propose un parcours où sont successivement examinées en détail la Consolation de Boèce, la grande somme de l’allégorie vernaculaire médiévale (dont l’absence ne pouvait se concevoir dans un tel livre) et les ballades de Charles d’Orléans, avec de très rapides aperçus sur d’autres textes. Profitons-en pour regretter en passant que seul, dans l’ensemble du recueil, cet article évoque (162) le fameux rêve de la roue de Fortune de La Mort Artu. L’ambition avérée de cette contribution est de dresser les jalons d’une histoire de la poésie amoureuse au Moyen Âge relue sous l’angle de l’influence boétienne. On en vient aussi à se demander si cet article, plein de vues profondes et de perspectives originales, ne déséquilibre pas quelque peu le volume, tant on souhaiterait en voir l’auteur consacrer à ce sujet une pleine monographie. Pourraient ainsi être éclaircis quelques points ambigus, comme l’attribution à Armand Strubel, dans son édition du Roman de la Rose, d’un lapsus qui pourrait éclairer l’exégèse du texte (156), la polémique avec Dragonetti qui permet de récupérer la thèse du Mirage des sources tout en la récusant (157) ou la difficulté de se représenter une «roue de Fortune ne s’arrêta[n]t pas de descendre» (171). Signalons en passant une petite coquille: c’est bien sûr au Tristan de Thomas et non à celui de Béroul que remonte «la comparaison du mal d’amour avec le mal de mer» (159). Tout aussi long, mais plus étroitement circonscrit, puisqu’il explore une période de seulement cent cinquante ans d’histoire littéraire, l’article de Jean-Claude Mühlethaler, «Quand Fortune ce sont les hommes. Aspects de la démythification de la déesse d’Adam de la Halle à Alain Chartier» (177-206), s’inscrit dans le cadre de la vaste interrogation que le professeur lausannois mène depuis un certain temps sur les représentations du politique à la fin du Moyen Âge. Signalons en passant que le titre de sa contribution peut prêter à confusion, car, s’il marque bien le début de la tranche chronologique que l’article entend explorer, Adam de la Halle n’est pas le point de départ de la réflexion, l’auteur du Jeu de la Feuillée étant ici représenté comme moins respectueux de Fortune que certains auteurs du XIV e siècle: on ne saurait trouver meilleure illustration du fait que la pure chronologie est impuissante à rendre compte des mouvements réels qui dirigent l’évolution de la littérature. Au demeurant, les différences sont moins fortes que les ressemblances entre les auteurs étudiés, et Jean-Claude Mühlethaler - dont on se demande si l’expression «ce sont des hommes» ne lui a pas été inspirée par Rabelais («je ne bastis que pierres vives ce sont hommes») - peut conclure: «Chez Alain Chartier, Adam de la Halle ou Boccace, la déesse déchue ne renvoie pas à une force transcendante; elle est une fiction bienvenue qui fait mieux ressortir les erreurs et les errances des hommes» (204). On comprendra qu’on se soit davantage étendu ici sur les contributions concernant l’Occident médiéval, mais il faudrait citer aussi celles, toutes intéressantes, qui traquent notre thème dans l’Antiquité, «Fortuna dans le monde latin: chance ou hasard? » de Nicole Hecquet- Noti (13-29) et «Les avatars de Fortune dans les Actes apocryphes des apôtres: une comparaison avec les Métamorphoses d’Apulée» d’Enrico Norelli (31-58), ainsi que «Tychè et Pronoia: notes sur l’emploi de Fortune et Providence dans l’historiographie byzantine ancienne» d’André-Louis Rey (71-92) qui nous donne des aperçus passionnants sur le monde byzantin trop souvent négligé par les spécialistes du Moyen Âge occidental.Au total, un livre non tout à fait exempt des quelques disparates inhérents au genre du volume collectif, mais qui reste d’un bout à l’autre passionnant et qui ne peut que faire date dans l’élucidation d’un thème que l’on croit trop facilement connaître alors que sa richesse et sa complexité méritent amplement la peine que s’est donnée ici l’équipe des médiévistes de Genève. A. Corbellari ★ 321 Besprechungen - Comptes rendus