Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniFinn E. Sinclair, Milk & Blood, gender and genealogy in the «Chanson de Geste», Berne (Peter Lang) 2003, 292 p.
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M. Uhlig
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tiné à être établi par la discussion) donné par l’A. à la notion de genre a cette conséquence fâcheuse que l’on perd parfois de vue le problème d’histoire littéraire que son ouvrage aide si bien à mieux comprendre: celui des rapports entre ces objets de l’histoire littéraire que sont les genres littéraires - et que ne sont pas directement les matières. C’est par quelques remarques touchant justement l’histoire littéraire que je terminerai. Ysaÿe le Triste est exceptionnel dans le corpus examiné: il semble que ce soit le seul cas où il y ait réellement matière mixte, et pas seulement matière étrangère appelée par une fonction particulière à laquelle elle est spécialement liée. Mais aussi ce texte est exceptionnel par sa position chronologique tardive. Il semblerait donc que l’interférence des matières narratives, qui est loin d’être seulement tardive, ait fini par se répandre au point d’avoir pu envahir complètement la structure ‘matérielle’ d’un texte. Les remarques conclusives de R. Trachsler à ce sujet (208) montrent que ce roman est très différent de tous les autres textes étudiés; d’un point de vue historique, il n’appartient pas au même groupe et l’on ne devrait pas s’étonner d’observer que ses règles de fonctionnement en sont fondamentalement différentes, également sous l’aspect de l’interférence. Me limitant à la discussion de certains points, j’ai renoncé à relever des exemples de tout ce que l’ouvrage a de neuf, éclairant et intéressant, mais on remarquera que même de courtes parenthèses (comme en 182, sur les fonctions du merveilleux) ou des notes (156, en complément à la thèse de F. Dubost) sont très souvent précieuses. La mise en page est manifestement un travail d’amateur, mais la finition est satisfaisante. Certains renvois (depuis l’index aussi) connaissent un léger décalage dans la pagination. La bibliographie est excellente, et cela fait que le lecteur est très étonné de la grave absence de l’ouvrage de S. Kay 1995: The Chansons de Geste in the age of romance: political fictions, Oxford, dont la prise en considération aurait été du plus grand intérêt. En conclusion, je répéterai le grand intérêt et l’admiration qu’inspirent cet ouvrage dont l’importance est évidente. Y. Greub ★ Finn E. Sinclair, Milk & Blood, gender and genealogy in the «Chanson de Geste», Berne (Peter Lang) 2003, 292 p. Cet ouvrage, publication d’un Ph. D. réalisé à l’Université d’Edimbourg en 1996, s’inscrit dans la lignée des Études Genres anglo-saxonnes et américaines qui, sous l’impulsion de chercheurs comme E. Jane Burns, Simon Gaunt ou Roberta Krueger 1 , s’intéressent depuis une dizaine d’années au rôle et à la représentation de la femme en littérature médiévale. C’est dans les termes suivants que F. E. Sinclair (F. E. S.) définit en quatrième de couverture son livre consacré au personnage maternel dans l’épopée médiévale: «[A] wide-ranging and provocative study on the importance of the mother in the genealogical and social frameworks of the Old French and Occitan chanson de geste». Un tel choix ne manquera pas de nous étonner: exploiter un thème d’apparence aussi contingente dans un corpus qui se signale par la mise en avant des valeurs patriarcales, voilà qui tient de la gageure! Mais F. E. S., qui distingue très nettement les figures maternelles des autres personnages féminins, établit avec une remarquable netteté le rôle crucial de la mère épique. Cette dernière, nous montre-t-elle, doit satisfaire à nombre d’impératifs lignagers afin de préfigurer l’illustration héroïque de ses héritiers. Invoquant au long de son étude des 326 Besprechungen - Comptes rendus 1 Voir en particulier E. J. Burns, Bodytalk: When Women Speak in Old French Literature, Philadelphia 1993; S. Gaunt, Gender and Genre in Medieval French Literature, Cambridge 1995 et R. Krueger, Women Readers and the Ideology of Gender in Old French Romances, Cambridge 1993. éléments socio-culturels, scientifiques et religieux issus de la tradition médiévale conjointement à des arguments inspirés des théories psychanalytiques et féministes telles que les formulent Jacques Lacan, Julia Kristeva ou Luce Irigaray, F. E. S. nous fait aisément admettre la pertinence d’un sujet encore largement négligé de la critique littéraire médiéviste. En privilégiant une approche psychanalytique, Milk and Blood se démarque en outre des rares études jusqu’ici dédiées au personnage maternel dans la littérature médiévale, parmi lesquelles l’utile répertoire de Doris Desclais Berkvam, Enfance et maternité dans la littérature française des XII e et XIII e siècles, Paris 1981, qui prenait essentiellement en considération les romans composés entre 1150 et 1200 et le numéro 26 de la revue Senefiance, «Les relations de parenté dans le monde médiéval». C’est avec brio que l’auteure relève le défi de consacrer un ouvrage entier à un personnage peu représenté dans les textes médiévaux d’imagination. Donnons d’abord un aperçu des contenus de cette étude qui - les têtes de chapitre ne manquent pas de nous le rappeler - appréhende les textes médiévaux à la lumière des analyses féministes contemporaines: le chapitre I («Transcending the body: metamorphic fluidity», 17-51) constate que, si les mères sont chargées d’assurer la perpétuation du lignage et possèdent, de ce fait, une fonction capitale dans les chansons de geste, leurs personnages manquent cruellement d’individualité. La mère des récits de fiction, nous dit F. E. S., reflète le sentiment de l’époque et des milieux culturels dans lesquels les textes étaient composés; aussi la pensée théologique et philosophique ainsi que les théories médicales et scientifiques en cours au Moyen Âge en informent-elles la représentation. F. E. S. prend alors soin de nous rappeler les éléments qui ont présidé à la construction idéologique d’un personnage oscillant entre l’idéal marial et le destin pécheur des filles d’Ève. Mais c’est peutêtre parce que ces divers facteurs - en particulier l’essor du culte à la Vierge et le développement philosophique et médical du XII e siècle - ont déjà été magistralement exposés par Georges Duby et les chercheurs de l’école des Annales que leur énumération risque de lasser un lecteur tant soit peu averti. On aura ainsi peine à saisir le profit d’un tel inventaire - en dehors du parallèle que dresse F. E. S. entre la vision médiévale de la mère et la perception de l’altérité féminine dans la psychanalyse contemporaine - dans le cadre d’une étude littéraire qui n’en fait pas usage par la suite. Le chapitre II («Plotting the matrix: the maternal sign», 53-105) recense les hypothèses des spécialistes qui ont décelé dans l’épopée une illustration des préoccupations sociales de lignage et d’hérédité qui animaient la société médiévale des XII e -XIII e siècles 2 . F. E. S. voit dans cette assimilation la cause majeure du manque d’individualité affectant les figures maternelles. La représentation des mères, conditionnée par la nécessité de procréation, se réduirait à l’expression symbolique des fonctions reproductrices. C’est précisément ce que l’auteure s’applique à démontrer sur l’exemple des versions françaises de la Naissance du Chevalier au Cygne, Elioxe et Beatrix (71-77), ainsi que dans Berte as grans piés (77-90). Mais si l’observation s’avère judicieuse pour les deux premières œuvres, on ne peut que regretter de voir l’héroïne d’Adenet le Roi reléguée dans le rang des figures dépourvues d’intérêt narratif; les chapitres suivants viseront heureusement à rétablir l’envergure du personnage. Les mères perverses et nuisibles qui échappent aux représentations idéalisantes de la maternité font l’objet du chapitre III («Disruption and suppression: maternal antithesis», 107-58). Les figures excessives, vindicatives et immorales d’Aliste, dans Berte as grans piés, ou de Lubias, dans Ami et Amile, sont 327 Besprechungen - Comptes rendus 2 En particulier G. Duby, Mâle Moyen Age: de l’amour et d’autres essais, Paris 1988 et Dames du XII e siècle: le Souvenir des Aïeules, Paris 1995, mais aussi S. Kay, The «Chansons de geste» in the Age of Romance: Political Fictions, Oxford 1995, F. Jameson, The Political Unconscious: Narrative as a Socially Symbolic Act, London 1981 et R. H. Bloch, Etymologies and Genealogies: A Literary Anthropology of the French Middle Ages, Chicago 1983. alors convoquées pour incarner le type subversif de la mauvaise mère, par opposition aux (futures) mères exemplaires que sont respectivement Berte et Belissant. Dans les deux cas, la justesse de l’analyse ne fait aucun doute; par contre, l’analogie qu’établit F. E. S. entre ces mauvaises mères et les marâtres - Matrosilie dans Elioxe et Matabrune dans Beatrix - de la Naissance du Chevalier au Cygne nous paraît hâtive. Davantage que des mères rivales «déplacées» (151) d’une génération, ces belles-mères issues de la tradition folklorique sont à considérer comme les faire-valoir de convictions obsolètes. Partisanes de l’endogamie, elles colportent en effet dans leurs récits les angoisses nées d’un imaginaire fantasmatique de la procréation. En outre, elles n’entretiennent pas avec les protagonistes de ces récits le même rapport de spécularité qu’Aliste ou Lubias. Le chapitre IV («Narrative and its discontents: Raoul de Cambrai», 159-204), qui entreprend l’étude des trois personnages qui forment la constellation maternelle de Raoul de Cambrai, est le plus intéressant de l’ouvrage. L’analyse de texte, conduite avec maîtrise, rend cette fois justice à des figures riches d’individualité. L’enquête dévoile en effet les caractères ambivalents d’Aalais, de Marsent et de Béatrice, qui puisent à un large répertoire de types littéraires féminins (165-89). On relèvera entre autres des pages passionnantes (168-74) sur la notion de déterminisme maternel et de transmission des valeurs, particulièrement éclairantes sur la relation d’Aalais et de Raoul. Or, à partir de la réflexion sur l’importance des personnages maternels dans l’économie narrative de Raoul de Cambrai, l’auteure en vient à s’interroger sur l’absence de figures paternelles. Le chapitre V («Lack and refiguration: the paternal crisis», 205-73), qui fait figure de pièce rapportée dans ce volume jusqu’ici exclusivement consacré aux personnages féminins, s’inspire en grande partie des travaux de Freud et de Lacan sur la dimension symbolique accordée au père disparu. L’auteure quitte ensuite Raoul de Cambrai pour se pencher sur le rôle du père - présent ou absent - dans trois chansons de geste (Parise la duchesse, Daurel et Beton et Aye d’Avignon). Ces quelques quarante pages finales (228-66) sont d’un intérêt moindre: l’irruption de trois chansons totalement exclues des œuvres préalablement étudiées et trop brièvement analysées menace en effet la cohérence de l’étude. La présence de ces trois épopées suffit-elle en outre à remplir l’alléchante promesse d’un large corpus recouvrant les domaines d’Oïl et d’Oc formulée en quatrième de couverture? Nous ne le croyons pas. Quant à la conclusion («The textual ambivalence over the nature of the maternal role and the maternal space pre-figure by several hundred years the same tensions and ambiguities that lie at the heart of modern theories of subjectivity and its relation to gender», 277), elle figure déjà dans l’introduction: «The similarity between medieval and modern theories that construct gender and gender roles as a binary divide is striking . . . Both medieval and modern theories provide a way into the study of gender, lineage, reproduction, and the place of the mother within this narrative network» (14). La bibliographie (279-87) distingue utilement les sources des œuvres littéraires et des travaux critiques et historiques. Si la liste est fournie, elle omet toutefois les études réunies dans le numéro 16 (1998) de la revue Bien dire et bien aprandre, «La mère au Moyen Âge». Le livre se termine par un index des noms, des ouvrages et des matières (289-92). À l’issue d’un ouvrage dont la lecture éveillera sans doute l’intérêt du néophyte comme elle attirera l’attention des spécialistes en Études Genres, nous pouvons toutefois nous étonner de certains choix dans les méthodes d’analyse: l’auteure s’appuie sur les travaux des historiens - qu’elle expose longuement - et les théories féministes contemporaines bien avant d’aborder les textes eux-mêmes. Or, la volonté d’appréhender la figure maternelle en la confrontant systématiquement à ces divers réseaux d’informations court le risque d’obscurcir les particularités des personnages dans les textes. Dans cette perspective, l’analyse se trouve en effet si étroitement canalisée par l’examen des présupposés idéologiques et scientifiques médiévaux d’une part, et par l’application des postulats de la psychanalyse con- 328 Besprechungen - Comptes rendus temporaine d’autre part, que l’on peine à saisir les spécificités de chacune des mères représentées. En outre, l’absence de conceptualisation inhérente à ces personnages dans la littérature médiévale pose précisément la question des lieux communs qui président à leur figuration. Car si la pensée théologique, scientifique et philosophique médiévale a certainement influencé la représentation de la mère, que dire de la tradition littéraire? En ce sens, peut-être pourrait-on augmenter les motifs retenus par l’auteure d’éléments littéraires, folkloriques, voire mythiques, avant de les établir en modèles d’observation. L’ouvrage de F. E. S. est néanmoins original et novateur en ce qu’il examine un personnage de la littérature médiévale jusqu’ici pratiquement négligé de la critique littéraire et tente d’expliciter le problème de son individualité toujours manquante en mettant en œuvre une documentation abondante et variée. M. Uhlig ★ Douglas Kelly, Chrétien de Troyes. An Analytic Bibliography. Supplement 1. With Maceij Abramowicz, Katalin Halász, Ceridwen Lloyd-Morgan, Mihaela Voicu, Koji Watanabe, London (Tamesis) 2002, ix + 582 p. (Research Bibliographies and Checklists: New Series) Il s’agit de la deuxième édition, augmentée, d’une bibliographie de Chrétien de Troyes, dont la première édition remonte à 1976. En vingt-six ans, elle a pratiquement quintuplé. Elle reprend dans l’ordre établi en 1976 les ouvrages cités ajoutant les prénoms complets des auteurs, le lieu et la maison d’édition ainsi que les rééditions. Les publications sur l’auteur champenois abondent et l’ouvrage de D. Kelly se veut un guide précieux dans la multitude des éditions et études critiques parues; il est précis et très complet, bien que l’on puisse toujours ajouter quelques titres. À titre d’exemple, à propos des éditions et éditions critiques des Chansons courtoises [Ae, p. 42-43], il faudrait impérativement ajouter celles de W. Foerster, l’illustre éditeur lachmanien de Chrétien: Kristian von Troyes sämtliche erhaltene Werke nach allen bekannten Handschriften, Halle a. S., 1914: 205*-209*, alors que sont citées celles de P. Tarbé 1850, d’E. Mätzner 1853, dont les éditions lacunaires et souvent fautives n’ont aucunement fait date. Un index des auteurs, des éditeurs et des traducteurs est particulièrement bienvenu. M.-C. Gérard-Zai ★ Guernes de Pont-Sainte-Maxence, La Vie de Saint Thomas de Canterbury, éditée, traduite et annotée par Jacques T. E. Thomas, Louvain/ Paris (Peeters) 2002, 2 vol., 352 et 423 p. (Ktemata 15 et 16) Nomen est omen. Dieser alten Einsicht mochte sich glücklicherweise Jacques Thomas nicht verschließen (weswegen auch ich diese Anzeige schreiben muss) und beschäftigt sich seit geraumer Zeit - freilich nicht nur deswegen - mit seinem heiligen Namensvetter Thomas Becket aus Canterbury. Dieser, 1118 in London geboren, wurde 1162 Erzbischof und anschließend der große Kontrahent Heinrichs II. in der Auseinandersetzung um die Rechte und um die Freiheit der Kirche. 1164 nach Frankreich geflohen, kehrte er Ende November 1170 nach einer Einigung zwischen Heinrich II. und Papst Alexander III. nach England zurück und wurde am 29. Dezember des Jahres am Altar der Kathedrale von Canterbury ermordet. Das bewegte Leben dieses Mannes, der bereits gut zwei Jahre nach seinem Tod 329 Besprechungen - Comptes rendus