Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2005
641
Kristol De StefaniUne note critique sur Witold Man´czak
121
2005
Robert de Dardel
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Une note critique sur Witold Man´ czak 1. Introduction À en juger par la liste de ses publications (Bochnakowa/ Wid l ak 1995: ix-xxix), le romaniste polonais Witold Man´ czak non seulement est polyglotte, mais aussi se meut apparemment avec aisance dans les études indo-européennes et dans plusieurs secteurs de la linguistique théorique. Toutefois, en dépit de l’intérêt constant qu’il manifeste pour les langues romanes, son rayonnement chez les romanistes n’est en proportion ni de son savoir, ni du volume de ses publications, et je suis frappé de ne pas trouver son nom dans l’index de l’importante introduction à la linguistique romane de Renzi 1994. Le présent essai a pour but d’analyser cette situation sous deux de ses aspects: la méconnaissance, répandue dans nos rangs, de la théorie de l’évolution phonétique conditionnée par la fréquence, que Man´ czak a souvent appliquée aux parlers romans (en 2), et le rejet par les romanistes de sa thèse selon laquelle les langues romanes dérivent du latin classique (en 3). Dans les renvois à la bibliographie, les noms de Man´ czak, Väänänen et Dardel sont abrégés respectivement en M., V. et D. 2. La théorie de l’évolution phonétique conditionnée par la fréquence 2.1 Historique La théorie de l’information est fondée sur le principe que l’information apportée par une unité de la communication est inversement proportionnelle à sa probabilité et fonction directe du paradigme dont elle est un terme. «Ainsi . . . lorsqu’on indique le chemin à prendre entre deux chemins possibles, l’information est moins grande que lorsque l’indication permet de choisir entre quatre chemins possibles» (Martinet 1969: 155). - La théorie de l’information connaît deux types d’application: celle destinée aux techniciens de la communication et celle destinée aux linguistes. La première se pratique selon des modèles mathématiques et dans un cadre précis, comportant des paradigmes finis de termes équiprobables; elle est en mesure de calculer la quantité d’information avec précision. Mais «le calcul d’une quantité précise d’information présente des difficultés dans les études linguistiques proprement dites» (Martinet 1969: 158), ce qui tient notamment à ce que les paradigmes lexicaux sont des ensembles non finis de termes le plus souvent non équiprobables; pourtant, «l’utilisation de ce concept n’y reste pas moins nécessaire» (ibidem). - Cette position-ci, qui est celle de la plupart des spécialistes de la Vox Romanica 64 (2005): 1-20 linguistique générale et qui peut s’appuyer sur le modèle de Markov (Dubois et al. 1973: 307-09), soulève cependant un certain scepticisme, par exemple chez Leroy 1967: 172-73; par conséquent, le rapport coût/ fréquence, qui ressortit à ce concept et se trouve à la base des travaux de Man´ czak, un des facteurs les moins accessibles du changement linguistique, des moins bien explorés par conséquent, reste nettement sous-éclairé dans les études romanes. À la théorie du rapport entre la fréquence d’emploi d’un élément et son évolution phonétique, Man´ czak a consacré un ouvrage entier (M. 1969). Comme on sait, cette théorie ne tombe pas du ciel, et Man´ czak peut citer de grands romanistes du passé, tels Diez, Schuchardt et Meyer-Lübke, qui l’ont défendue, et surtout, du côté de la linguistique générale, l’américain Zipf (Martinet 1969: 78, 86, 160-61, avec références bibliographiques), auteur de la loi qui porte son nom et qui formule les rapports entre fréquence et volume d’unités linguistiques (M. 1969: 17-18). Man´ czak rappelle que cette théorie repose sur une loi synchronique: «les éléments linguistiques plus souvent employés sont, en général, plus petits que les éléments employés plus rarement», ce qu’illustre en fr. le couple monseigneur/ monsieur, dont les deux termes sont issus du même syntagme, meum seniorem; en diachronie vaut par conséquent que «les éléments linguistiques dont la fréquence augmente subissent, en général, une diminution de leur volume» (M. 1969: 17-18; 1977: 19), un exemple souvent cité étant le fr. chemin de fer métropolitain métropolitain métro. 2.2 Élaboration par Man´ czak Non seulement la théorie est connue, sinon généralement reconnue, mais elle est aussi largement élaborée dans l’œuvre de Man´ czak. Contrairement à certains de ses devanciers, qui l’appliquent surtout aux mots, Man´ czak l’applique à tout l’éventail des unités linguistiques, du phonème ou graphème aux constructions syntaxiques, embrassant par conséquent une portion importante du système. Et il érige pour ainsi dire l’évolution phonétique conditionnée par la fréquence en troisième pilier de la description diachronique, à côté des deux piliers traditionnels que sont les lois phonétiques et les actions analogiques. En outre, la théorie y est assortie de critères (M. 1969: 19-23; 1977: 20-21) permettant de reconnaître, dans la masse des changements phonétiques irréguliers, ceux qui sont effectivement dus à la fréquence et d’écarter l’assimilation, la dissimilation, l’haplologie, la métathèse et les formes hypercorrectes ou expressives, qui sont autant d’accidents phonétiques auxquels la fréquence n’a guère de part. Quant à un mot comme le fr. sire ( senior), rare de nos jours, il doit sa dérivation phonétique irrégulière au fait qu’il était très fréquent autrefois, comme cas sujet et vocatif (M. 1969: 21). Man´ czak relève aussi que le développement phonétique irrégulier dû à la fréquence se produit d’une manière parallèle pour des mots de langues différentes mais de sens identique; cela s’observe par exemple dans les mots pour ‘parler’ en roman, latin, 2 Robert de Dardel anglais, russe dialectal et polonais dialectal (M. 1977: 20-21). Dans l’application de cette théorie, il s’agit en premier lieu d’attester la fréquence d’emploi, à partir de dépouillements chiffrés et de dictionnaires de fréquence, ainsi que d’expliquer l’éventuelle augmentation de fréquence d’un élément, comme cela semble avoir été le cas dans le substantif latin hora, qui, au moment de devenir conjonction ou adverbe, avec une fréquence plus élevée, s’engage dans une évolution irrégulière, qui aboutit au fr. or (M. 1969: 90-91), ou dans la forme sapio, qui, au moment de remplacer scio, augmente de fréquence, subit une évolution phonétique irrégulière et aboutit au fr. sais, à l’esp. sé et à l’it. so. Il est impossible d’entrer ici dans les détails de la longue liste de donnés romanes avec lesquelles Man´ czak illustre la théorie (M. 1969: 25-68, 69-82; 1977: 21-59) et des études plus poussées, publiées sous forme d’articles, telles les analyses de l’afr. moillier (M. 1966), du e muet fr. (M. 1976), du piém. kant-uma ‘chantons’ (M. 1976- 77) et du participe passé (M. 1985). Je crois utile cependant de m’arrêter un instant au cas suivant, que Man´ czak a spécialement développé et souvent cité, à savoir celui des mots romans signifiant ‘aller’, dont la grande fréquence d’emploi est reconnue. Ces mots ont donné lieu, chez les romanistes, à l’établissement de nombreux étymons à astérisque s’intercalant entre le latin classique et les langues romanes, et ceci selon un modèle tantôt monogénétique, chez certains chercheurs, tantôt polygénétique, chez d’autres. Or, dit Man´ czak, «il existe une théorie qui rend superflus tous ces étymons plus ou moins fantaisistes, qui est celle du développement phonétique irrégulier dû à la fréquence, suivant laquelle les verbes romans signifiant ‘aller’, c’est-à-dire aller, esp., port. andar, it. andare, oc. anar, rhétorom. la, ma, na, etc., ne sont pas autre chose que des continuations du verbe ambulare, attesté des milliers de fois dans le latin classique» (M. 1977: 17; 1969: 49; cf. aussi 1974a; 1995: 17-20). Cet exemple est intéressant à un autre titre encore; de l’étymon ambulare partent, semble-t-il, deux dérivations: celle par évolution phonétique irrégulière postulée par Man´ czak, que je viens de citer, et une dérivation par évolution phonétique régulière pour des sens spéciaux n’impliquant pas de grande fréquence d’emploi, ce qui, en l’occurrence, produit en français le doublet aller ‘aller (en général)’/ ambler ‘aller, marcher l’amble’ (M. 1995). 2.3 Critiques La méthode de Man´ czak fondée sur la fréquence a suscité plusieurs critiques, négatives ou positives, auxquelles il renvoie (M. 1969: 83-85; 1977: 59N) et auxquelles il répond au besoin en déployant tout un arsenal de statistiques, dont ses contradicteurs ne disposent pas ou n’ont pas tous songé à se munir. Côté négatif, il lui est surtout reproché un examen trop sommaire des données et une formulation trop peu systématique de la théorie. Des critiques très concrètes sont formulées par Flobert 1978: 192-94, qui écrit: «constater un fait ne signifie pas 3 Une note critique sur Witold Man´ czak l’expliquer, même quand on s’appuie sur une relation entre la fréquence des mots et leur brièveté» et «des groupements s’imposent du côté des termes soumis à des traitements particuliers: noms de parenté, formules de politesse ou de salut, numéraux, pronoms et mots grammaticaux» et du côté de ce sur quoi portent les changements (absence de diphtongaison, disparition de consonnes intervocaliques, etc.). Il regrette que ne soient pas assez pris en compte des facteurs comme «la rapidité du débit, l’atonie, la pauvreté de l’‹information› et le souci de la différenciation morphologique . . . » et, d’une manière générale, souhaiterait «de l’ordre dans les faits». Il rappelle finalement cette vérité essentielle: «Il y a souvent besoin d’une convergence de facteurs pour réaliser un changement». Côté positif, la position de Man´ czak est dans l’ensemble assez forte, pour trois raisons. (a) Mis à part des précurseurs récents, comme Guiraud, Guiter et Muller, très peu de romanistes ont étudié aussi sérieusement que lui l’effet de la fréquence d’emploi et encore moins se sont aventurés et orientés sur le terrain des langues non romanes, de sorte que, sous ce rapport, un champ d’étude et d’expérience étendu, où le problème se présente dans toute sa complexité, attend encore le chercheur. Cela vaut notamment pour l’étymologie des particules grammaticales subordonnantes, qui est en bonne partie tributaire de la fréquence et de ses effets sur l’évolution phonétique; aussi, seul le remplacement de la reconstruction traditionnelle phonético-sémantique par une reconstruction sémantico-syntaxique, donc sans recours systématique aux lois phonétiques, permet de décrire par exemple la formation de syncrétismes comme celui qui produit le protoroman ka à partir de quam et de quia (D. 1983: 40-42). (b) D’un point de vue méthodologique, il faut reconnaître une chose: sauf erreurs ou imprécisions de la part de Man´ czak, que les auteurs de comptes rendus se sont suffisamment chargés de signaler, ses analyses vont dans le sens de l’économie du langage indiqué par la linguistique générale et la loi de Zipf, c’est-à-dire élèvent le débat à un niveau de réflexion supérieur. (c) Sans même consulter les théoriciens, un observateur attentif constatera que des principes économiques régissent probablement toute communication et qu’on ne peut pas en conscience se permettre la moindre analyse d’un système linguistique, fût-ce le code morse, ni de tout autre système sémiologique, comme la signalisation routière, sans en rechercher et décrire les effets. - Man´ czak est du reste accueilli avec approbation par certains romanistes, notamment par Guiter 1970 (sous réserve cependant pour le cas de ambulare, avec renvoi à Guiter 1957/ 58: 341, où est adopté le modèle polygénétique), par Flobert 1978 et par Iliescu 1978: 203. Le FEW (24, paru en 1981, s. ambulare, 414-30) invoque, pour l’évolution irrégulière ambulare amblare (*amlare *allare) aller, le rôle de la fréquence et cite Man´ czak 1974a dans la bibliographie. - Il faut d’autre part mentionner le compte rendu que publie Shaterian 1990 de l’ouvrage de Man´ czak sur l’évolution phonétique irrégulière due à la fréquence dans les langues germaniques; Shaterian y fait, au niveau de la linguistique générale, un éloge appuyé (nuancé de quelques critiques de détail) de la théorie de Man´ czak, qu’il souhaiterait voir 4 Robert de Dardel appliquée à d’autres langues et étudiée dans le cadre des recherches sur les traits universels. Du point de vue de l’histoire des recherches romanes, Man´ czak renouvelle fondamentalement la méthode. Par sa théorie, il réagit à une regrettable lacune des travaux étymologiques de, disons, la seconde moitié du XX e siècle; en effet, selon lui, par exemple «dans un récent échange d’opinions [entre trois auteurs] au sujet de la série andar(e) - anar - aller, la notion de développement phonétique irrégulier dû à la fréquence n’a même pas été mentionnée» (M. 1977: 19); et, dans le dictionnaire étymologique de Bloch/ Wartburg (édition de 1960), une seule entrée, celle de la conjonction que quia, fait état du rôle de la fréquence (M. 1977: 19). Pour le même motif, Man´ czak 1995 critique le LEI, dont les deux premiers volumes donneraient des étymologies erronées ou incomplètes, faute d’une prise en compte de la fréquence; je constate moi-même que, pour ambulare, cet ouvrage, s. andare, où Man´ czak est pourtant cité, explique l’évolution irrégulière par la fonction injonctive de ce mot, ce qui me laisse songeur, l’évolution phonétique irrégulière de ce verbe se présentant dans maint contexte où il n’exprime pas d’injonction, et le verbe dans son ensemble comportant des formes supplétives, ce qui est un signe de haute fréquence. On trouve une lacune méthodologique analogue dans les manuels d’étymologie des romanistes Meier 1986 et Pfister 1980 (cf. mon compte rendu, D. 1985b) et dans la récente phonétique historique romane de Jensen 1999. Shaterian 1990 constate et déplore cette lacune aussi dans les recherches sur des parlers non romans. On peut bien sûr comprendre dans une certaine mesure la retenue observée par les étymologistes à l’endroit de cette théorie.Aux lois phonétiques dûment établies et décrites, souvent de manière détaillée, la théorie fondée sur la fréquence ne substitue pas une véritable description diachronique, mais seulement un point de départ (par exemple le latin classique ambulare) et un ou plusieurs points d’arrivée (le fr. aller, etc.), le parcours intermédiaire restant à compléter tant bien que mal en pointillé. En contrepartie, aux «lois» phonétiques de la grammaire historique, qui, comme on sait, sont fonction d’un point déterminé dans l’espace et le temps et décrivent un processus plutôt qu’une cause, la théorie qu’applique Man´ czak oppose une relation causale, ressortissant à une loi de portée universelle. Mieux vaudrait donc, en grammaire historique romane, une approche traitant conjointement ces deux aspects complémentaires de l’évolution phonétique. 3. La thèse relative à l’origine des langues romanes 3.1 Cadre de référence notionnel et terminologique Pour éclairer les vues de Man´ czak sur l’origine des langues romanes et les situer par rapport à celles d’autres romanistes, il est utile d’établir au préalable, en guise d’interface, un bref cadre de référence indépendant et plus compréhensif. 5 Une note critique sur Witold Man´ czak 3.1.1 Simplicité théorique La totalité des traits du latin antique, écrits ou parlés, connus ou susceptibles d’être un jour connus par des textes ou par la reconstruction, forme le «latin global». Dans cet ensemble, on peut opérer deux divisions binaires: d’une part, il y a la division selon les «media» ou «division médiale» entre le latin écrit, accessible au monde moderne sous cette forme, et le latin parlé, dont le témoignage indirect nous parvient par transmission orale, à travers les parlers romans; d’autre part, il y a, dans la dimension diastratique, la division selon les «niveaux de style» ou «division stylistique», entre le «latin classique», norme des sujets cultivés, liée aux préceptes de grammairiens, et le «latin non classique», c’est-à-dire tout le reste de la gamme des niveaux de style, où se situe ce qu’on appelle couramment le «latin vulgaire», terme dont les multiples interprétations, fondées sur des critères avant tout sociaux et historiques, sont ici sans intérêt immédiat; cette division-ci, étant affaire d’appréciation, n’a rien de tranché. Les deux termes de l’opposition stylistique diffèrent entre eux à la fois de manière interne, dans le système, et de manière externe, dans l’espace et le temps, par une relative homogénéité du latin classique et une relative hétérogénéité du latin non classique 1 . A ces notions, il faut ajouter celle de «protoroman», par laquelle on désigne tout trait du latin global qu’il est possible de reconstruire, dans l’abstrait, à partir des parlers romans (le terme «roman commun», utilisé jadis, est moins heureux, parce qu’il évoque une réalité qui n’a jamais existé, à savoir un champ linguistique uniforme couvrant à un moment donné toute la Rome latinophone). Le protoroman est du latin parlé, mais indépendamment des divisions médiale et stylistique; il peut par conséquent se manifester non seulement comme trait du media non écrit (buccam-callem esp. bocacalle ‘entrée d’une rue’, cf. 3.2.3.2), mais aussi comme trait du media écrit classique (amicum fr. ami) ou non classique (credo quod . . . fr. je crois que . . .). Le protoroman est par définition un ensemble de faits de langue, ce qui ne vaut pas sans restrictions pour le media écrit, qui, en première analyse, ne se compose que de faits de parole, au sens saussurien de ce terme. Dans le temps, le latin global de l’Antiquité couvre toute la période qui s’étend du latin archaïque au latin médiéval naissant (vers 600). Il inclut par conséquent le latin classique, qui y est cependant beaucoup plus limité; le latin non classique, au contraire, à en juger par les documents écrits, s’étend dans les deux sens de l’axe temporel, aussi loin que le latin global. - Quant au protoroman, pour des raisons inhérentes au comparatisme et jusqu’à preuve du contraire, il représente, en re- 6 Robert de Dardel 1 Comme me le rappelle avec raison Kristol (courriel du 6 avril 2005), il est certain que dans la population romaine, ceux qui pratiquaient le latin classique étaient beaucoup moins nombreux que ceux qui parlaient les formes plus populaires (sermo pedestris, sermo rusticus, etc.), mais ce sont eux qui détenaient le pouvoir. Leur langue était la «langue légitime» selon une terminologie actuellement à la mode. À son avis, c’est un des facteurs qui contribue à expliquer le phénomène des doublets (et des formes semi-savantes): les variétés H[aute] et B[asses] ont toujours coexisté dans la société romaine, de l’époque classique et de l’époque tardive. montant dans le temps, au mieux l’état du latin qui est parlé un siècle avant notre ère (D. 1985a); dans la direction opposée, il peut, par convention, se prolonger jusque vers 600, pour autant qu’il rende compte d’une portion importante des parlers romans, ce qui est encore affaire d’appréciation. 3.1.2 Tour de Babel dans la pratique Le problème qui sera discuté dans cet essai s’inscrit dans une problématique plus vaste, à laquelle ni Man´ czak ni les autres chercheurs n’échappent, à savoir celle de notre connaissance déficiente du latin global et de ses sous-ensembles en termes mediaux et stylistiques, tant du point de vue des réalités à reconnaître et à décrire que de celui de la terminologie. Qu’il s’agisse d’un latin diversifié ou du latin tout court, concept envisagé jadis par Meyer-Lübke, de toute manière, pour le moment, on ne sort pas encore de cette impasse, parce que le latin global est une réalité à la fois trop complexe et d’un accès difficile. - Comment s’y retrouver, par exemple, dans la division stylistique en latin classique/ latin non classique, pour laquelle il y a peut-être autant de critères et de définitions que de chercheurs qui s’en sont occupés? - Pour ce qui est de la division médiale en latin écrit/ latin parlé, simple en apparence, elle est en fait illusoire, parce que, par définition et à la différence du latin écrit, le latin parlé est un ensemble de données non attesté; forcément présent sous des textes écrits, mais difficilement accessible et identifiable par cette voie, il est, pour le reste, postulé par la reconstruction et traditionnellement muni de l’astérisque, et peut exister aussi indépendamment de cette technique, comme ensemble ouvert, mais encore en partie inconnu. En outre, l’emploi de l’astérisque suggère que la forme en question est moins sûre que la forme attestée, alors que le contraire est souvent avéré: la forme reconstruite est abstraite et hypothétique, mais représente un fait de langue, tandis que la forme attestée n’est, rappelons-le, qu’un fait de parole (3.1.1). Enfin, la division médiale est instable, la limite entre les deux media se déplaçant au gré des progrès scientifiques: par la découverte et le dépouillement de textes, les formes à astérisque tendent à disparaître, mais, par le comparatisme, il s’en ajoute (soit dit en passant, c’est la raison pour laquelle je crois l’astérisque plus encombrant qu’utile et ne m’en sers plus). Ce qu’il y a sans doute de plus fiable - mais je retombe ici, malgré moi, dans un plaidoyer pro domo - c’est le recours au protoroman: par un cheminement convergent de traits identiques des parlers romans vers un trait correspondant unique de la protolangue, on débouche sur du latin parlé en tant que système, abstrait sans doute, mais réel et fonctionnel. Du moment que ni le latin différencié en media et en styles, ni le latin tout court ne permettent de résoudre le problème de notre connaissance du latin global, il est difficile de se mettre d’accord entre chercheurs sur ce qu’est le latin et surtout sur la manière dont les parlers romans en sont issus. Si beaucoup de romanistes et latinistes restent muets sur ce sujet, pourtant capital, ce n’est sans doute pas tant qu’ils y voient un tabou, comme le pense Man´ czak 1994, mais plutôt parce qu’ils 7 Une note critique sur Witold Man´ czak n’y voient pas clair. Et les discussions dans les rencontres scientifiques, reflétées dans des actes, comme ceux qu’a édités Herman 1998, ne signifient pas que les participants sont en désaccord - ils sont peut-être en partie d’accord, fût-ce sans le savoir - mais qu’ils ne font pas les mêmes distinctions et manient des termes différents pour une même notion ou, à l’inverse, désignent par un même terme des notions différentes. 3.2 Introduction à la thèse de Man´ czak Lorsqu’on a pris connaissance des principaux écrits de Man´ czak relatifs au latin et aux langues romanes et des critiques suscitées par ces écrits, on voit que le problème soulevé par ses vues concerne sa thèse selon laquelle les parlers romans sont issus, non pas du latin global, comme le pensent la plupart des romanistes, mais du seul latin classique, thèse à laquelle l’auteur a consacré un ouvrage au titre plutôt provocant, Le latin classique langue romane commune (M. 1977). Toutefois, pour se faire de cette thèse une idée plus précise et porter sur elle, contrairement à ce qui se pratique à l’accoutumée, un jugement tant soit peu approfondi et motivé, il faut consulter aussi diverses autres publications man´ czakiennes, où ce thème récurrent, et à vrai dire trop souvent répété, bénéficie incidemment d’un éclairage supplémentaire. L’analyse qui suit s’articule sur quatre points de vue abordés dans ce cadre par Man´ czak lui-même: les deux schémas relatifs à l’origine des langues romanes, où l’auteur situe son modèle dans l’ensemble des recherches romanes (3.2.1), et trois arguments à l’appui de sa thèse, à savoir le développement irrégulier dû à la fréquence (3.2.2), les archaïsmes (3.2.3.) et les critères phonétiques et flexionnels (3.2.4). 3.2.1 Les thèses sur l’origine des langues romanes 3.2.1.1 Les thèses A et B Dans la plupart des études où, depuis de nombreuses années, il traite de l’origine des langues romanes, Man´ czak présente, sous la forme de schémas, deux thèses, A et B, qu’il décrit (M. 2001a: 273) en ces termes: «Selon la thèse A, . . . le latin archaïque s’est scindé en latin vulgaire et latin classique (qui, pendant un certain temps coexistent), et les langues romanes proviennent du latin vulgaire, et non du latin classique» et «D’après la thèse B, le latin archaïque s’est transformé en latin classique, et celui-ci s’est transformé en latin vulgaire, et les langues romanes proviennent du latin classique, tandis que le latin vulgaire, différencié dans le temps et l’espace, constitue une étape intermédiaire entre le latin classique et les langues romanes». Comme on sait, les romanistes et les latinistes mettent le terme de latin vulgaire à toutes les sauces (cf. la vue d’ensemble chez M. 1977: 5-16); Man´ czak 1977: 114 prend donc la précaution de définir, dans la thèse B, «son» latin vulgaire 8 Robert de Dardel comme «la phase intermédiaire entre le latin classique et les langues romanes», en précisant que cette phase est partiellement attestée et partiellement reconstruite. Dans ma terminologie, il s’agit par conséquent, au niveau de la division stylistique, d’un ensemble de traits non classiques écrits ou non écrits, limité dans le temps à la période postclassique. - Bien que la thèse A soit, selon ses propres dires, acceptée par la plupart des chercheurs, l’auteur l’écarte résolument au profit de la thèse B, pour le motif «qu’il n’y a aucune forme qui confirmerait la thèse A» (M. 2001a: 273); et il qualifie la thèse A de mythe hérité d’une vision médiévale (M. 1974b: 231; 1977: 115). L’affirmation qu’il n’y a aucune forme qui confirmerait la thèse A est, de l’avis presque général, excessive, mais repose selon moi en partie sur un défaut de communication, dont il sera encore question (3.2.3.1). Chez les critiques, la thèse B, sous sa forme schématique exposée dans ce paragraphe, fait couler beaucoup d’encre et suscite des réactions contrastées, allant, dans les grandes lignes, de l’acceptation (Pisani 1978) au refus catégorique (Baldinger 1977). 3.2.1.2 La pertinence du latin classique Il se présente ici le problème de la pertinence du latin classique lui-même. Pour commencer, il faut rappeler que le latin classique est une norme limitée dans le temps et dans la dimension diastratique (3.1.1). En outre, par rapport à l’observateur moderne, le latin classique est un ensemble de données impressionnant, mais fortuit, en ce qu’il repose uniquement sur les attestations antiques écrites, à vrai dire abondantes, que seuls les hasards de la transmission des textes nous permettent de connaître. Enfin, face aux données actuellement décrites du protoroman et des parlers romans, qui constituent un ensemble cohérent et systématique, ancré dans le latin parlé des masses et évoluant selon des processus communs à toutes les langues vivantes (3.2.4.2), le latin classique, par sa limitation à une élite intellectuelle et par sa tendance au figement, fait figure de norme relativement artificielle. Dans ces circonstances, le latin classique est une base utile certes, à laquelle les néo-grammairiens eux-mêmes ont d’ailleurs recouru, mais trop restreinte. En fait, le latin classique n’est pas dans tous les cas indispensable à la reconstruction du protoroman; il fait même souvent obstacle à une analyse correcte de la genèse des parlers romans. Sur ce point, je me réfère à des critiques adressées à la reconstruction du protoroman, consistant à dire, par exemple, que, si cette méthode était valable, elle devrait aboutir au système nominal casuel classique et non, comme le soutiennent actuellement des romanistes comparatistes (D./ Wüest 1993), à un système nominal acasuel. Tout le problème est là, et il n’est pas mince. - Ainsi, Man´ czak dit: «Cela [la thèse que les langues romanes proviennent du latin classique] est prouvé[e] par le fait que des traces de la plupart des formes casuelles du latin classique ont survécu, dans les langues romanes, jusqu’au XXI e s.» (M. 2001b: 164); mais, en illustrant cette affirmation avec des exemples tels que le to- 9 Une note critique sur Witold Man´ czak ponyme fr. Aix aquis, datif-ablatif pluriel, et le roum. case casae, nominatif pluriel, il rapproche deux types de dérivation qu’il y aurait au contraire lieu de séparer: Aix est dérivé, en conformité avec les lois d’évolution phonétique, du latin tel qu’il se présente en latin classique, tandis que le roum. case est dérivé d’un casae non pas classique, mais protoroman et relativement tardif, lequel, d’après des recherches récentes, se substitue à un casas du système acasuel antérieur (D./ Wüest 1993); en outre, dans le système nominal protoroman, seul casae est, en tant que nominatif pluriel, une forme fonctionnelle, tandis qu’aquis n’y est qu’une forme résiduelle, non fonctionnelle, du datif-ablatif pluriel. On peut donc dire que ces deux formes remontent au latin global, mais qu’elles n’ont pas le même statut par rapport à l’opposition latin classique/ protoroman. C’est un fait, cependant, que, pour de nombreux traits du système, le latin classique représente une sorte de phase-témoin, qui atteste seule une étape intermédiaire de l’évolution entre le latin archaïque et les parlers romans; en voici un exemple: ablatif archaïque ferrod ablatif latin classique ferro syncrétisme ablatif-accusatif protoroman ferrum sarde ferru/ it. ferro. Pour des cas de ce type, Man´ czak 1977: 111 est donc en droit d’affirmer que le romaniste peut se satisfaire du latin classique et n’a pas besoin de connaître le latin archaïque. Il n’en demeure pas moins que le latin classique, si utile par ailleurs, soit n’est pas nécessaire à notre connaissance de la genèse des parlers romans (par exemple, l’ablatif latin ferro comme nom de matière se laisse probablement reconstruire à partir des parlers romans; Hall jr. 1976: 51, n o 229), soit est insuffisant (par exemple pour situer correctement dans l’ensemble de l’évolution le casae dont dérive le roum. case). Du reste, depuis son origine et encore de nos jours, le comparatisme historique général s’applique le plus souvent à des familles linguistiques dont la protolangue n’est pas attestée. 3.2.1.3 L’homogénéité relative du latin Il faut s’arrêter encore à la différence signalée plus haut (3.1.1) entre latin classique, relativement homogène et latin non classique, relativement hétérogène; cette différence est reconnue par Man´ czak et joue un rôle dans la manière dont il conçoit la dérivation; il souligne, on l’a vu, que «le latin classique est homogène, alors que le latin vulgaire . . . est différencié dans le temps et dans l’espace» (M. 1977: 114); il souligne aussi une seconde différence, à savoir le fait que «le latin classique est attesté, tandis que les formes du latin vulgaire sont partiellement attestées et partiellement reconstituées, et par là sujettes à caution» (ibidem); ces deux différences, conclut-il, «expliquent pourquoi il faut asseoir la grammaire comparée des langues romanes sur la base solide que constitue le latin classique» (ibidem). Man´ czak considère donc le latin classique, dans son media écrit et avec sa norme et sa fixité, comme la langue mère, point de départ homogène d’un développement diversifié, qui aboutit aux parlers romans, avec, comme étape intermédiaire, le latin non classique, diversifié et plus ou moins attesté. C’est là, dans son 10 Robert de Dardel esprit, une situation confortable, où la langue mère se porte en quelque sorte garante de tout ce qui en découle. La différence entre latin classique homogène et latin vulgaire hétérogène se trouve au cœur d’un débat entre Väänänen 1977, 1981 et Man´ czak 1980, 1994. Le raisonnement de Väänänen vise le fait que, de la dichotomie latin classique homogène/ latin vulgaire hétérogène, appliquée de façon stricte, Man´ czak tire argument pour «asseoir la grammaire comparée des langues romanes sur la base solide que constitue le latin classique»; alors que lui, Väänänen, «en tire la conclusion diamétralement opposée: la langue fixe qu’était le latin classique ne peut s’identifier au roman commun ou ‹protoroman›, qui était sujet à de multiples variations» (V. 1981: 61). Il me semble que cet argument de Väänänen se trouve en porte-àfaux, puisqu’il y a pour Man´ czak un écart diachronique et une diversification en cours entre le latin classique et ce qu’il appelle latin vulgaire. On pourrait en revanche ajouter, pour clore cette discussion, que, en choisissant la thèse B, Man´ czak se prive des ressources du latin écrit non classique. D’une part, le latin classique contient des éléments non classiques d’un grand intérêt historique; à propos d’une inscription de Pompéi, Väänänen rappelle, en relativisant la dichotomie en question, que «la langue littéraire [latine] s’est constituée à la suite d’une élimination de flottements diastratiques et diatopiques: ae/ e, au/ o, maintien/ chute de h, -m, -s, nom. pl. -ae/ -as, etc.» [et qu’] «il y aura interaction constante entre les deux latins, qui n’en sont réellement qu’un» (V. 1977: 290). D’autre part, nous avons l’énorme corpus de textes non classiques, qui, si leurs normes sont moins fermement établies que celle des textes classiques et leurs témoignages moins sûrs que ceux du protoroman, constituent néanmoins une source d’études importantes, qui, exploitées avec discernement, ont des incidences aussi sur l’histoire de la formation des parlers romans. 3.2.2 Le développement phonétique irrégulier dû à la fréquence Le premier argument que Man´ czak invoque à l’appui de la thèse B est que, si l’on tient compte du développement phonétique irrégulier dû à la fréquence d’emploi d’un mot ou morphème, on peut faire l’économie de nombreux étymons à astérisque, justifiés traditionnellement par l’impossibilité de leur appliquer les lois phonétiques reçues, et qu’on peut ainsi remonter directement au latin classique. 3.2.2.1 La nécessité d’étymons attestés À lire Man´ czak, avec son ton assez catégorique, on a parfois l’impression que, pour lui, le recours à la fréquence est la panacée qui fera finalement s’écarter le rideau d’étymons à astérisque qui s’interpose entre le latin classique et les parlers romans. Cette attitude n’est cependant qu’une apparence, car, dans ses considérations générales sur le rôle de la fréquence, Man´ czak se montre tout de même nuancé, en soulignant la portée relative de la théorie: «La théorie . . ., loin de les [les étymons à astérisque dans le REW] supprimer tous, permet d’en réduire, dans une certaine 11 Une note critique sur Witold Man´ czak mesure, le nombre. Par là, l’écart entre les langues romanes et le latin classique diminue un peu.» (M. 1977: 70). - Je me demande toutefois si cela est bien l’essentiel. Car, s’il n’y a pas de forme à astérisque entre l’étymon classique et les dérivés romans issus d’évolutions irrégulières, cela signifie peut-être que, dans ce flou dénué de lois phonétiques établies, les formes intermédiaires, qui doivent avoir existé, sont difficilement saisissables; il est en effet certain qu’entre ambulare et ses dérivés romans si divers, il y a eu des étapes qui, si elles étaient confirmées, mais non attestées, auraient droit à l’astérisque. - Tout compte fait, ce qui importe, je crois, ce n’est pas tant la présence ou l’absence d’une forme à astérisque qu’une stratégie permettant de postuler en latin classique, au départ d’une monogénèse à développement phonétique conditionné par la fréquence, un étymon premier à peu près assuré, par rapport auquel on puisse constater, décrire et justifier l’évolution phonétique irrégulière. Or, puisque dans le cas d’une évolution irrégulière la reconstruction de l’étymon est hasardeuse, voire impossible, on a intérêt, pour développer cette stratégie, à disposer d’un étymon attesté, ayant à l’origine un sens compatible avec celui de ses dérivés et présentant une grande fréquence d’emploi; de ce fait, la démonstration ne peut se faire que par rapport au latin écrit (dont le latin classique) et en prolongement de ce latin écrit dans le temps. Ainsi, Man´ czak est amené à se fonder sur le seul latin écrit, et plus particulièrement sur la norme classique, parce qu’elle est codifiée, uniforme et solidement attestée. À ce titre, sa thèse de l’enchaînement latin classique latin vulgaire (c’est-à-dire latin non classique) parlers romans se trouve méthodologiquement justifiée et génère une contribution substantielle à la grammaire historique romane. Déduction faite des traits liés à l’évolution phonétique irrégulière due à la fréquence, ce qui reste du latin classique sont les unités qui évoluent selon les lois phonétiques reçues (ambulare fr. ambler, amo/ amatis afr. aime/ amez, pour la voyelle du radical) ou selon des accidents phonétiques (peregrinum fr. pèlerin, par dissimilation), les structures morphologiques et lexicales qui se déploient en roman par des processus analogiques (comme vinum neutre afr. vins, cas sujet masculin) et les structures relationnelles syntagmatiques, que je traiterai plus loin (3.2.4). 3.2.2.2 Bilan Certes, avec une évolution phonétique irrégulière due à la fréquence, le rapport entre les formes romanes et leur étymon latin classique n’est pas nécessairement direct et univoque; mais ce qui importe, c’est que ce type d’évolution est susceptible de révéler un éventuel étymon en latin écrit; en ceci, la méthode choisie par Man´ czak, appliquée avec la prudence qui s’impose, peut contribuer à clarifier l’étymologie romane, même limitée au latin écrit, voire au latin classique. La position de Man´ czak dans l’histoire de la linguistique romane est, sous ce rapport, une saine réaction à l’attentisme ambiant et, dans l’histoire de la linguistique générale, une position d’avant-garde. 12 Robert de Dardel Il n’empêche que, si cette théorie étaie la thèse B pour un grand nombre de mots, elle ne suffit pas à infirmer l’existence de dérivations selon la thèse A, c’està-dire à partir d’étymons écrits non classiques ou préclassique. 3.2.3 Les archaïsmes Le second argument sur lequel repose la thèse de Man´ czak selon laquelle les parlers romans dérivent du latin classique concerne les archaïsmes. 3.2.3.1 L’argument de l’évolution «rectifiée» Voici comment l’auteur l’expose: «Ce qui semble justifier . . . l’opinion que les langues romanes proviennent du latin vulgaire, et non pas du latin classique, c’est le fait que de nombreux chercheurs croient retrouver, dans les langues romanes, des archaïsmes qui s’expliqueraient uniquement par des états de langue antérieurs au latin classique» (M. 1977: 71). Pourtant, une relation historique directe, par la voie du media parlé, entre le latin préclassique et les parlers romans, mais que le latin classique n’atteste pas, est admise par des chercheurs réputés, que Man´ czak cite textuellement: Tagliavini, Coseriu, Battisti, Väänänen. Dans la série d’exemples par lesquels Man´ czak illustre son point de vue, prenons celui de la chute de la voyelle post-tonique pénultième dans val(i)de, dom(i)nus et dom(i)na, qui est attestée déjà chez Plaute et Térence et révèle par conséquent une émergence en latin écrit préclassique. Cette position chronologique, Man´ czak l’admet évidemment, mais l’interprète autrement, avec l’argument que voici: «Cependant le romaniste ne perd rien en prenant comme étymons de mots romans les formes classiques sans syncope. Au contraire, dans la grande majorité des cas, la forme classique à pénultième post-tonique conservée est la seule qui permette de comprendre la forme romane: par ex. it. uomini, roum. oameni, esp. hombres (en regard de sueño somnum) s’expliquent uniquement à partir de homines, et non pas de *omnes» (M. 1977: 73). - La polémique déjà citée entre Väänänen et Man´ czak porte également sur cette question. Väänänen signale, dans une inscription de Pompéi, où un distique érotique en vogue est rendu par un «Pompéien brouillé avec la grammaire» (V. 1977: 289), d’évidents vulgarismes, qui sont aussi anciens que le latin classique, telles les formes ama pour amat et valia pour valeat. À quoi, en s’efforçant de «rajeunir les changements phonétiques» (formule de V. 1977: 290) et en se référant à des formes comme le sarde kántat cantat et à la prononciation du t en liaison du fr. plaît-il? , Man´ czak répond: «Il est impossible de prendre les formes sans -t [de l’inscription pompéienne] comme étymons de toutes les formes romanes» (M. 1980: 148). Par son interprétation de la chute de voyelles pénultièmes post-toniques et du -t final, Man´ czak substitue à la chronologie des attestations, qui permettrait de conclure, sinon à l’existence d’archaïsmes, du moins à l’apparition précoce de ces variantes, une description en quelque sorte «rectifiée» de l’évolution, rectification qui s’explique sans doute ainsi: Man´ czak reste, avec raison, attaché au compara- 13 Une note critique sur Witold Man´ czak tisme historique général, dont il conserve cependant la pratique consistant à remonter à l’étymon de la protolangue qui rend compte de toutes les langues filles, indépendamment de la chronologie relative des attestations, pratique dont il donne des exemples slaves (M. 1977: 96-98). À l’argument de Man´ czak que, dans ces cas, le romaniste ne perd rien à partir de la forme classique sans syncope ou de celle avec -t final conservé, on pourrait objecter qu’il y perd tout de même une vision synchronique et plus réaliste du système protolinguistique, qui, par l’existence simultanée de témoins de stades différents de l’évolution, mette en évidence sa dynamique, ainsi que des oppositions diastratiques éventuelles. Il n’est en effet pas sans intérêt pour le latiniste de constater que par exemple la coexistence, en latin classique, de l’adjectif validus et de l’adverbe valde (M. 1977: 23-24) est peut-être le reflet d’une différence de fréquence, à rapprocher du couple fr. monseigneur/ monsieur, ni, pour le romaniste, de montrer que l’opposition, à l’époque du latin classique, de dominus/ protoroman domnum (esp. dueño, etc.) pourrait refléter une situation du même type. Là - et on peut le regretter - n’est toutefois pas le but visé par Man´ czak. 3.2.3.2 L’existence probable d’archaïsmes S’il est vrai que l’évolution illustrée par val(i)de passe par la norme classique (valde/ validus), il n’en est pas moins vrai que d’autres traits sont non seulement antérieurs au latin classique, mais aussi étrangers à la norme classique. (a) Pour la catégorie protoromane déjà citée (cf. 3.1.1) des composés nominaux rectionnels [nom [nom]] et [[nom] nom], qu’illustre buccam-callem, esp. bocacalle ‘entrée d’une rue’, l’équivalent latin écrit n’apparaît qu’en période postclassique (D. 1999). (b) Il existe plusieurs thèses, longuement exposées par Man´ czak (1977: 74-79), selon lesquelles la métaphonie devant / u/ , fort dispersée dans la Romania, par exemples en port. (novo avec o tonique fermé novum, novos avec o tonique ouvert novos), en rhétorom. sursilvan (gries grossum, gross avec o ouvert grossos) et à Castro de’ Volci, Latium, pierdene perdunt, perde perdo), serait archaïque, antérieure au passage de [u] bref à [o]. Man´ czak soutient que le phénomène est au contraire tardif, produit parallèlement dans divers parlers romans par l’effet de la fréquence, particulièrement élevée par exemple dans le masculin accusatif singulier. Sans pouvoir porter un jugement définitif sur cette question complexe, ni exclure le rôle de la fréquence, je ferai observer que cette dispersion spatiale d’alternances non classiques, isolées mais identiques et excluant de ce fait une évolution parallèle, suggère que nous nous trouvons bel et bien en présence d’une loi phonétique protoromane très ancienne, qui, contrairement à la syncope déjà citée, n’est plus productive en période classique ou postclassique; et ce n’est probablement pas fortuitement que plusieurs des cas de métaphonie cités par Man´ czak se rencontrent précisément dans des aires romanes que caractérisent par ailleurs des traits archaïques. Il est difficile par conséquent de ne pas suivre la démonstration et la conclusion de Lausberg 1971/ 1: 225-29, qui voit explicitement dans ce cas un archaïsme. (c) Jadis, dans ma 14 Robert de Dardel thèse (D. 1958), j’ai soutenu que le parfait fort classique (hábui/ habuísti/ . . . et díxi/ dixísti/ . . .) perd dans le protoroman de la période postclassique les suffixes perfectifs -u-, respectivement -s-, des formes à radical inaccentué (hábui/ habísti/ . . . et díxi/ dicísti/ . . .), ce qui explique beaucoup de formes romanes, notamment en italo-roman (abbi/ avesti/ . . . et dissi/ dicesti/ . . .); récemment (D. 2000), après avoir réexaminé les données, j’ai dû admettre que la forme protoromane est en réalité antérieure au latin classique, du moins en ce qui concerne le parfait en -u-, et s’explique à partir de la morphologie indo-européenne; la critique négative, fondée sur la fréquence relative des formes personnelles, que fait Man´ czak 2001a de ma nouvelle interprétation ne me paraissant pas pouvoir être retenue, je continue de considérer le parfait fort protoroman en -ucomme un exemple d’archaïsme. 3.2.3.3 Bilan Comme c’était le cas pour l’évolution phonétique en fonction de la fréquence, une prise de position de l’auteur qui paraît radicale à première vue, se présente comme relative pour le lecteur attentif. Toutefois, si (en 3.2.2.2) j’ai rompu une lance en faveur de la théorie de la fréquence, qui non seulement confirme, dans un secteur limité du système, la thèse man´ czakienne, mais aussi met en relief un facteur causal important trop négligé, ici, il m’est difficile de me contenter de la démarche de Man´ czak: l’évolution rectifiée n’est pas un argument contre l’existence d’archaïsmes - ceux cités en 3.2.3.2 me paraissent difficilement réfutables - mais une autre façon d’envisager les rapports entre variantes du latin écrit. 3.2.4 Critères phonétiques et flexionnels 3.2.4.1 La méthode comparative traditionnelle Un troisième et dernier argument de la thèse de Man´ czak réside dans le principe que le problème de la filiation des langues romanes à partir du latin ne peut être résolu que sur la base de la phonétique et de la flexion, «qui constituent le noyau de la langue» (M. 1977: 99). Et l’auteur de se référer aux travaux des slavistes, qui reconstruisent le slave commun en s’appuyant «uniquement sur des faits phonétiques et flexionnels» (M. 1977: 98), en d’autres mots, sur des formes slaves dont l’étymon est garanti par les lois d’évolution phonétique et une dérivation sémantique plausible. En ce qui concerne les langues romanes, Man´ czak 1977: 99-107 est confirmé dans ce point de vue par la longue liste (citée d’après V. 1967) de différences phonétiques et flexionnelles entre le latin classique et «son» latin vulgaire, liste dans laquelle, pour chaque item, l’état du latin classique est, selon la chronologie relative, le plus ancien et où se situent donc par exemple le passage du système vocalique composé de dix phonèmes à un système plus réduit, la formation par dissimilation de la forme populaire cinque ( quinque) et la substitution de thèmes substantivaux parisyllabiques aux thèmes imparisyllabiques, comme dans le nominatif mens mentis. 15 Une note critique sur Witold Man´ czak Dans cette optique sont donc implicitement exclues de l’analyse comparative les structures relationnelles syntagmatiques, qui, en tant que telles, ne bénéficient pas de la garantie de lois phonétiques. Or, se priver des traits extérieurs à ce que Man´ czak appelle le noyau, c’est, comme dit Väänänen, dans son article critique (V. 1977: 291), «se priver d’une documentation riche entre toutes». 3.2.4.2 La méthode comparative «étendue» Cette réserve est probablement liée aux avatars de la méthode comparative historique. Man´ czak appartient à l’école néo-grammairienne, qui s’appuie essentiellement sur deux données: les lois phonétiques, retraçables dans les lexèmes et morphèmes, et, selon le principe cher à Meillet, l’anomalie des formes dans les langues filles. Je ne songe pas à lui reprocher cette restriction méthodologique, qui délimite effectivement la voie la plus sûre et celle qu’empruntent encore de préférence des comparatistes, romanistes ou non romanistes, récents. Toutefois, de nos jours, le comparatisme, selon un modèle qu’on pourrait appeler la comparaison historique «étendue» (D. 1987), pousse souvent ses enquêtes jusque dans le domaine des relations syntagmatiques, pour lesquelles on ne dispose pas de lois phonétiques et où l’on reconstruit la protolangue sous la forme de structures plus abstraites, au niveau des catégories grammaticales, mais sans les unités signifiantes qui les actualisent dans l’Antiquité et, plus tard, dans les langues filles. La confirmation ou vérification des hypothèses protoromanes formulées dans ce cadre se fonde sur des critères propres, qui sont non seulement (a) l’anomalie, laquelle se traduit ici par la complexité et la distribution spatiale diffuse, autrement inexplicables, d’une structure relationnelle romane, mais aussi (b) la cohérence des structures synchroniques protolinguistiques et leur compatibilité avec ce que nous savons aujourd’hui d’un système linguistique fonctionnel en synchronie, ainsi que (c) l’analyse spatio-temporelle de la protolangue, qui établit une chronologie relative, parfois même absolue, entre les synchronies successives et révèle une évolution également compatible avec ce que nous savons aujourd’hui de l’évolution linguistique normale. Or, dans le domaine exploré par la comparaison historique étendue, on reconstruit pour le roman des structures relationnelles non classiques, dont quelques-unes remontent éventuellement à la période classique (par référence aux repères chronologiques du sarde et du roumain, notamment), voire plus haut (par référence au latin écrit préclassique ou à ses sources en indo-européen). Ainsi, le type buccamcallem (3.2.3.2), en tant que syntagme rectionnel [nom[nom]] ou [[nom]nom] protoroman qu’il est probablement à l’origine et commun à tous les parlers romans dès leurs plus anciennes attestations, n’est pas classique, tout en remontant à l’époque préclassique. Et la construction conjonctionnelle du type credo quod petrus sanus est (3.1.1) est panromane et existe déjà en latin écrit préclassique, tandis que l’accusativus cum infinitivo subsiste dans la seule norme classique (D. 1995/ 96). La limitation du comparatisme à ce que Man´ czak appelle le noyau de la langue affecte fâcheusement l’étude de ce noyau lui-même. Par exemple, les cas sous leur 16 Robert de Dardel aspect fonctionnel (comme casae roumain case, nominatif pluriel, cité en 3.2.1.2) ne peuvent pas être analysés dans le seul cadre de la phonétique et de la morphologie, car «la morphologie est ici inséparable de la syntaxe» (Flobert 1978). Par des reconstructions ressortissant au comparatisme étendu, le protoroman non seulement s’affirme en dehors de ce noyau, mais aussi, on l’a vu, se prolonge en arrière dans le temps, jusque dans le domaine des archaïsmes. Ces faits incitent donc à compléter dans le sens du comparatisme étendu la méthode de Man´ czak, laquelle consiste à se conformer strictement aux vues néo-grammairiennes traditionnelles et à réduire, dans le temps, le latin non classique à la période postclassique. 3.3 Bilan relatif aux thèses A et B Le bilan de la thèse B, selon laquelle les parlers romans dérivent du latin classique, thèse que résume le titre de Man´ czak 1977, est en somme mitigé. Dans les recherches romanes, Man´ czak paraît motivé essentiellement par les deux buts qu’il vise: (a) la solidité de la description, qui le pousse à écarter (aa) ce qui est antérieur ou extérieur au latin classique, (ab) les traits, même classiques, qui se situent en dehors de ce qu’il appelle le noyau, (b) l’élaboration d’un ensemble d’étymons attestés plus complet, par l’inclusion des évolutions phonétiques irrégulières dues à la fréquence d’emploi.Ainsi délimitées et protégées de toutes parts, ses recherches se meuvent dans un cadre où le risque d’erreurs est réduit à un minimum. À en juger par les réactions aux deux ouvrages de Man´ czak pertinents à cette question, ceux de 1969 et de 1977, ce n’est évidemment pas sans réserves que les romanistes acceptent ce cadre limité. Car retrancher d’entrée en jeu le media latin parlé que postule le comparatiste fausse la description du latin global en bloquant ou éliminant, en morphologie et en phonétique, le traitement de ce qui échappe aux lois phonétiques (comme l’archaïque habísti au lieu du classique habuísti), ainsi que toute structure relationnelle syntagmatique non attestée dans les textes. - C’est une approche qui laisse sur leur faim, sinon les latinistes, du moins la plupart des romanistes, au premier rang desquels ceux qui se réclament du structuralisme et explorent la syntaxe. En l’état actuel des recherches comparatives historiques latino-romanes, avec leur ouverture potentielle sur tous les aspects du latin global, seule la thèse A, la plus compréhensive des deux, est relativement acceptable. Et ce qui conduit Man´ czak à retenir la thèse B, plus restrictive, c’est en dernière analyse une donnée fortuite, d’ordre culturel, à savoir qu’une partie du latin global pertinent aux parlers romans - du protoroman donc - se trouve être actualisée et fixée dans le latin classique. Ainsi, si l’on fait provisoirement abstraction de la théorie de l’évolution phonétique irrégulière due à la fréquence, reste, atténuée tout de même, eu égard au rôle central des étymons attestés, la critique formulée jadis par Väänänen: «De 17 Une note critique sur Witold Man´ czak deux choses l’une: ou accepter la thèse [B] de Man´ czak, et alors il faudra rayer, de tous nos manuels et de nombreux traités, la partie relative aux origines des parlers romans; ou bien la réfuter» (V. 1977: 291). En fin de compte, comme le suggère judicieusement Skårup 1996, les deux thèses que Man´ czak oppose ne s’excluent pas forcément, mais se complètent en fonction du but visé par le chercheur. 4. Bilan relatif à l’ensemble des problèmes évoqués Résumons. (a) On ne peut pas affirmer que les langues romanes sont issues uniquement du latin classique, comme le fait Man´ czak, puisqu’elles ont leur origine aussi dans le style non classique (bocacalle), ni qu’elles échappent aux archaïsmes préclassiques, puisque, abstraction faite de la chronologie rectifiée, on en trouve dans des textes préclassiques, ni enfin que leur origine latine se limite aux faits phonétiques et morphologiques, pour peu qu’on accepte et applique la reconstruction étendue (syntaxe). (b) Ce qu’on peut affirmer par contre c’est que le latin classique, sur lequel s’appuie le travail de Man´ czak, est un point de départ utile, puisqu’il consiste en un corpus de données attestées, lesquelles, pour autant qu’elles soient aussi du latin parlé et fassent partie du protoroman, fondent assez solidement la dérivation des parlers romans, à la fois par la comparaison phonético-sémantique, appliquée aux monèmes, et par la comparaison étendue, appliquée aux structures relationnelles. (c) La thèse B offre un avantage supplémentaire, qui ne demande qu’à être exploité par les romanistes: le latin classique, grâce à ses monèmes attestés, est la meilleure pierre de touche dont nous disposions pour appliquer, vérifier et préciser la théorie de l’évolution phonétique irrégulière due à la fréquence d’emploi. Et dans ce domaine, beaucoup reste à faire. L’œuvre de Man´ czak, en tant que romaniste, se caractérise, en termes d’histoire de la linguistique, par des décalages chronologiques: la tradition néo-grammairienne «à l’ancienne» se reflète dans la chronologie rectifiée, dans l’absence de ce que j’appelle le comparatisme étendu et dans le fait que l’auteur ne se donne pas pour but premier la reconstruction et la description selon les vues structuralistes; la théorie de l’information appliquée au langage reste au contraire partout présente et productive, notamment par l’impact de la fréquence d’emploi sur l’évolution phonétique 2 . Groningue Robert de Dardel 18 Robert de Dardel 2 Trois collègues ont bien voulu se pencher sur le manuscrit de ce texte et le faire profiter de leurs compétences respectives: Mme Ans de Kok (Université d’Amsterdam), M. Wulf Müller (Glossaire des patois de la Suisse romande, Neuchâtel) et M. Andres Kristol (Université de Neuchâtel). Je tiens à les en remercier très vivement et aussi à les décharger de toute responsabilité pour la version définitive. Bibliographie Baldinger, K. 1977: compte rendu de W. Man´ czak 1977, ZRPh. 93: 658-59 Bloch, O./ Wartburg, W. von 1960: Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris Bochnakowa, A./ Wid l ak, S. (éd.) 1995: Munus Amicitiae. Studia linguistica in honorem Witoldi Man´ czak septuagenarii, Cracoviae Dardel, R. de 1958: Le parfait fort en roman commun, Genève Dardel, R. de 1983: Esquisse structurale des subordonnants conjonctionnels en roman commun, Genève Dardel, R. de 1985a: «Le sarde représente-t-il un état précoce du roman commun? », RLiR 49: 263-69 Dardel, R. de 1985b: compte rendu de M. 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