Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniMichelle Szkilnik, Jean de Saintré. Une carrière chevaleresque au XVe siècle, Genève (Droz) 2003, 168 p. (Publications Romanes et Françaises 232)
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Richard Trachsler
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permet pas de repérer aisément les modifications apportées au texte, signalées dans les notes critiques. Ces notes sont d’ailleurs surtout consacrées à une comparaison ponctuelle entre le remaniement en prose et sa source en vers, mais une partie examine les corrections auxquelles a procédé Foerster et que M. Colombo n’a pas retenues. L’édition semble sûre. On se contentera de quelques remarques ponctuelles: f. 4r: mettre une virgule entre riens et Car; mettre un point d’exclamation après parolles; f. 7r: mettre une majuscule à gregois; f. 15v: mettre un point d’exclamation après moy; supprimer la virgule après Si; mettre une virgule après Amours; f. 18v: placer un accent tréma sur le y de traytre, puisque l’on trouve trahiteur au début de f. 19r; f. 20v: mettre une majuscule à gregois; f. 21v: employer des guillemets français pour la première occurrence d’ami; f. 35v: supprimer la virgule après prent; f. 47v: mettre une majuscule à gregois; f. 63v: mettre une majuscule à saxonnois; f. 101r: les propositions que pour fere . . . mais de Jehan méritent une note explicative, car leur sens n’est pas évident. Le texte est suivi de deux annexes déjà présentes dans l’édition d’Erec, dont la fonction est d’étayer l’introduction. La première relève les occurrence de compte et (h)istoire; la seconde les «interventions d’auteur» (sic). L’index, complet, situe les personnages dans le récit. Le glossaire, qui était de proportion bien plus considérable à l’origine, a été réduit à la demande du Comité de publication des Textes littéraires français. Il n’en demeure pas moins bien fourni. Il se signale par l’attention portée aux locutions et aux constructions syntaxiques. Le contexte immédiat de chaque occurrence est rappelé. Le volume se clôt par une bibliographie qu’il faut compléter par celle de l’édition de l’Erec en prose. Il faut rendre hommage au beau travail de M. Colombo Timelli qui, par ses deux éditions et les nombreux articles qui les accompagnent, a donné un nouvel éclairage au phénomène de la mise en prose à la cour de Bourgogne et a renouvelé nos connaissances sur la réception de Chrétien de Troyes à la fin du Moyen Âge. Frédéric Duval ★ Michelle Szkilnik, Jean de Saintré. Une carrière chevaleresque au XV e siècle, Genève (Droz) 2003, 168 p. (Publications Romanes et Françaises 232) Avec cet essai sur le Petit Jehan de Saintré, Michelle Szkilnik (MS) s’attaque à un texte qui connaît depuis quelques décennies une fortune assez constante parmi les éditeurs et exégètes médiévistes. Cet intérêt se comprend: Antoine de la Sale est un «vrai» auteur, un des premiers du Moyen Âge français pour lequel nous disposions non seulement d’une œuvre - en l’occurrence assez vaste - mais aussi des quelques éléments biographiques. De surcroît, un des manuscrits qui nous conservent le Saintré porte les traces d’une main correctrice, que l’on a pris l’habitude de considérer comme celle d’Antoine lui-même. Voici donc un auteur qui prend corps en dehors de son texte et dont la critique «positiviste» d’antan s’est occupée, sous cet angle, avec succès. Quant aux critiques littéraires, ils sont depuis les années 1970 irrésistiblement attirés par ce récit dont l’idéologie prend aussi visiblement le contre-pied de ce à quoi nous ont habitués les romans courtois des siècles précédents: le jeune héros est choisi, à la cour royale, par la Dame des Belles Cousines, qui l’instruit aux rouages de la cour et lui fait grimper tous les échelons. Le «petit» Jean de Saintré s’avère très doué et accomplit un parcours sans faute. Il est le plus beau, le plus gracieux, le plus courageux et le plus vaillant aux armes. Le roi et la reine l’adorent et il est adulé dans l’Europe entière pour sa bravoure et sa courtoisie. Mais Belle Cousine le trompe avec un abbé dodu et jovial et s’expose à la vengeance impitoyable que l’on sait. Après avoir relaté cet- 308 Besprechungen - Comptes rendus te revanche, le récit s’achève vite: en un dernier paragraphe, on apprend que le héros est resté exemplaire jusqu’à sa mort et qu’il est décédé à Pont-Saint-Esprit sur le Rhône, où le narrateur a visité sa tombe. On peut appeler cela une «carrière chevaleresque», comme le fait le sous-titre de l’ouvrage de MS, mais on peut aussi penser qu’il s’agit du récit des Lehrjahre du héros, d’une première étape dans la vie du jeune homme, qui ne saurait se confondre avec le récit d’une vie. Peu importe, au fond, car ce que vise le sous-titre est ailleurs: la biographie de Jean de Saintré, telle est la «thèse» défendue par MS, n’est pas aussi insolite qu’il n’y paraît, mais peut être mise en parallèle avec les destins des protagonistes dans plusieurs romans du XV e siècle et, surtout, la biographie de Jacques de Lalain. C’est l’histoire d’une ascension sociale. Dans son livre, MS propose une sorte de recentrage qui va quelque peu à l’encontre de la koinè au sein de la littérature critique, où le texte est considéré, plutôt, comme une sorte de démontage du roman courtois, qui finit par voler en éclats sous les coups de butoir de la réalité et où les aventures de Saintré, Lancelot attardé, dénonceraient les failles d’un imaginaire désormais dépassé. Le recentrage qu’opère l’étude de MS consiste d’abord à atténuer l’importance de l’intrigue «amoureuse» au profit de tout le reste: digressions de toutes sortes, étalage de maximes, longues descriptions de tournois, de vêtements, de blasons etc. Par rapport à la tradition romanesque héritée, tous ces éléments sont insolites, comme le rappelle MS. Ils s’expliquent par contre quand on les compare à tout un pan de la production littéraire de la fin du Moyen Âge, comme les vitae de Jacques de Lalain et Boucicaut et les romans de Clériadus et Méliadice et Jehan d’Avennes, les textes les plus fréquemment sollicités au cours de l’étude. C’est à la mise en parallèle entre Saintré et ce corpus que s’attache l’étude. La démonstration se déploie à travers six chapitres qui abordent tous les aspects constituant la biographie ainsi comprise du Petit Saintré: le premier, Bealz et notables enseignemens (19-42), examine l’éducation et l’instruction du héros. Grâce à ses vastes lectures, MS réussit à trouver des parallèles non seulement pour ce qui concerne le contenu de l’enseignement dispensé à un jeune «héros», mais aussi pour ce qui concerne la présence de tels chastoiements tout court. La longue liste des péchés mortels à éviter débitée par Belle Cousine face à son protégé apparaît moins singulière une fois confrontée aux leçons que reçoit Jacques de Lalain. De même, les autres romans, bien plus que les traités de chevalerie, offrent de ce point de vue de nombreuses analogies avec le texte d’Antoine de la Sale. Ce qui distingue Saintré de ses autres cousins littéraires, c’est l’absence d’un certain souffle moral. La même chose est vraie pour la relation qui lie le héros à la dame, examinée en deuxième lieu, dans Le Service d’amour (43-70). Si tous les textes littéraires condamnent l’adultère, naguère admis sans difficulté pour un Lancelot et un Tristan, c’est surtout Jehan d’Avennes qui met en scène un couple qui rappelle celui que forment Saintré et Belle Cousine. C’est le seul autre couple «asymétrique» où le jeune protagoniste s’implique sentimentalement alors que la dame reste fidèle à son mari et que toute la relation, pour elle, demeure de l’ordre de l’initiation sociale. Très majoritairement, les textes littéraires prônent le mariage qui vient alors à la fois couronner l’existence chevaleresque et clore le récit. C’est ici que la solution finale imaginée par Antoine de la Sale apparaît dans toute sa différence: un chevalier peut très bien réussir sa vie et vivre heureux sans femme. Les chapitres suivants donnent des résultats moins spectaculaires, dans la mesure où MS réussit, sans trop de peine, à démontrer que Saintré se situe tout à fait dans la norme. Pour ce qui est des armes, le chapitre 3. Le tresnoble mestiers des armes (71-94) montre bien que, en l’absence d’aventures véritables, les pas et emprises occupent le devant de la scène dans plusieurs textes du corpus. Le récit ne s’attarde pas sur les mêlées, mais privilégie nettement les prouesses individuelles. Par rapport aux romans du XIII e siècle, il s’agit là d’une chevalerie d’apparat qui met sa prouesse en scène selon des rituels complexes. Il y a peu de blessés, rarement des morts, ce qui compte, est la bravoure et l’esprit de compétition. Même en temps de guerre, la description des armées et des équipe- 309 Besprechungen - Comptes rendus ments occupe plus de place que celle de l’exploit lui-même. Toutefois, comme le montre le chapitre suivant, La tressainte bataille à l’encontre des Sarrasins (95-122), l’expédition militaire est une étape obligée dans la carrière chevaleresque des protagonistes dans le corpus pris en considération. La plupart du temps, il s’agit de combattre des infidèles, en Orient, Espagne ou dans l’Europe du Nord ou de l’Est. L’épisode de la «Croisade» intervient alors vers la fin de la carrière du héros, comme une sorte d’apothéose. La comparaison entre les textes biographiques «réalistes» et les œuvres de fiction montrent de grandes ressemblances, jusque dans le style, dans la relation de cette épisode. Avec le 5 e chapitre, Grant estat et belle compaignie (123-38), on retrouve un autre trait récurrent du corpus. L’insistance sur l’apparence du chevalier, de ses vêtements, de ses armes, de son savoir-faire etc. De façon attendue, MS rattache le phénomène aux fêtes et spectacles bien attestées à la fin du Moyen Âge qui manifestent le même goût pour les étoffes et les mises en scènes de rencontres orchestrées. Vus sous cet angle, les pas et emprises deviennent des succédanés de chevalerie vidés de leur enjeu traditionnel. Tout se déroule désormais sous le regard et le contrôle de la cour; le chevalier est constamment en représentation, tandis que ses pairs jugent la performance. C’est un type de chevalier d’une nouvelle trempe. Le dernier volet de l’enquête, L’avancement du petit Saintré (139-52) étudie précisément l’émergence de ce nouvel homme de guerre, incarné, entre autres, par Saintré. L’apport majeur de cette partie de l’étude de MS est de démontrer que Saintré et Cie ne sont pas, «des Lancelot égarés dans un monde qui n’est plus fait pour eux, de généreux rêveurs destinés à périr sous le coup des piques des piétons, faute d’avoir su s’adapter aux nouvelles méthodes de combat» (146). Saintré, pour MS, est un arriviste très lucide, de même que Lalain «combat en homme de guerre du XV e siècle» (146), à l’instar des autres protagonistes du corpus. Il n’y a guère que le Jouvencel de Jean de Bueil qui prône un idéal chevaleresque rude et viril dont sont bannies les considérations politiciennes. Mais le Jouvencel, précisément, se fait duper par tout le monde, en termes d’ascension sociale, sa carrière est un échec. Saintré, quant a lui, a su accomplir sa mue et se transformer, de chevalier courtois, en courtisan. Une conclusion (153-56), une bibliographie (157-64), ainsi qu’un index des œuvres et auteurs médiévaux cités (165-66) bouclent le volume. L’étude de MS se lit facilement, malgré le grand nombre de textes qu’elle manie simultanément et qu’elle est obligée d’introduire avec une certaine circonspection pour ne pas dérouter son public qui, lui, n’a certainement pas lu toutes ces œuvres. La réussite de son entreprise tient autant à sa propre dextérité pédagogique qu’au fait que l’argumentaire tout entier est au service d’une thèse simple et forte que même le lecteur le plus distrait ne perd jamais de vue: Saintré incarne un type de chevalier nouveau par rapport à la tradition romanesque antérieure, mais assez en harmonie avec les portraits que l’on peut trouver dans les biographies et œuvres fictionnelles contemporaines. Le lecteur n’a qu’à suivre et entériner les rapprochements que lui propose son guide. Au terme de son livre, MS a sans aucun doute prouvé sa thèse, dans la mesure où elle a su alléguer des parallèles pour presque tous les épisodes. Ce constat apparaît de façon nette à tout lecteur de bonne foi, mais un lecteur un peu retors se posera au moins trois questions grâce aux stimulantes pages de MS: la première est en relation directe avec les multiples lectures et l’habilité extraordinaire de MS à débusquer des parallélismes entre Saintré et d’autres œuvres: du coup, quand la moisson est mince, naît un petit doute. Ainsi, un seul exemple, tiré de Jehan de Paris peut être allégué pour la description du cortège et des vêtements, un seul aussi, Jehan d’Avennes, présente vaguement un couple aussi mal assorti que Saintré et Belle Cousine. La description du cortège peut s’expliquer, elle, par l’ouverture du roman sur l’histoire puisqu’on trouve de tels comptes rendus chez les chroniqueurs. Mais que dire de ce couple et de son histoire? Ce sont deux éléments majeurs dans l’économie du roman d’Antoine de la Sale, ils lui confèrent sa spécificité, qui, précisément, ne «s’explique» pas par les passages parallèles. A 310 Besprechungen - Comptes rendus force de commenter ce qui est pareil, on perd de vue ce qui est singulier. À cela se rattache une deuxième série de questions, qui concernent le contexte où apparaissent ces épisodes parallèles. MS note à juste titre que les conseils que prodigue, au début du roman, la Belle Cousine à Saintré se retrouvent pour ainsi dire textuellement dans la biographie de Jacques de Lalain. Certes, mais le fait que ce soit la dame, courtisane et hypocrite, qui les profère en modifie totalement la portée. Là encore, toute la spécificité vient de cette trouvaille d’Antoine de la Sale et il faudrait sans doute la placer au cœur de l’étude. Le dernier complexe de questions surgit au moment d’achever la lecture: si, comme le démontre brillamment MS, Saintré, ainsi que tous les autres protagonistes du corpus présentent une nouvelle espèce de chevaliers, il doit y avoir un moule quelque part. Il n’est pas possible que les auteurs s’écartent tous de la tradition littéraire antérieure de la même façon. C’est donc la société du temps qui, d’une façon ou d’une autre, doit se refléter dans ces textes. Il serait par conséquent tentant de prolonger l’enquête de MS en ouvrant le corpus à des textes non littéraires et d’inclure - démarche corollaire - davantage encore les travaux des historiens afin de chercher ce moule. Bref, ce travail de MS met à jour de nombreux aspects de tout un corpus de textes mal connus, éclaire d’une lumière nouvelle le Petit Jehan de Saintré et suggère une foule de pistes de réflexion supplémentaires. C’est dire que sa lecture est du temps bien investi 1 . Richard Trachsler ★ Guillaume Tardif, Les facécies de Poge. Traduction du «Liber facetiarum» de Poggio Bracciolini, éditée par Frédéric Duval et Sandrine Hériché-Pradeau, Genève (Droz) 2003, 314 p. Poggio Bracciolini, eminente humanista y secretario papal, construyó su Liber facetiarum entre 1428 y 1452, llegando a reunir 273 breves narraciones, ligadas a hechos o motivos risibles, fácilmente relacionables con personajes o situaciones concretas. Estas muestras de la comicidad humanística - son siempre relatos jocosos, de carácter paródico - convienen a la formación del vir facetus, o lo que es lo mismo a la construcción de la facetudo, cualidad del ingenio cortesano, orientada a la acción pragmática de relatar cuentos humorísticos, no sólo para provocar la risa, sino para propiciar «experiencias estéticas»: la afirmación de la «alegría curial» depende de este doble proceso. La miscelánea de Poggio se difundió enseguida por toda Europa, un éxito que no agradó a su autor; en el curso de una disputa sostenida con L. Valla, se lamentaba de la amplia acogida que se había dado a su Liber, supuestamente traducido a varias lenguas, incluido el castellano: «diffusae sint per universam Italiam, et ad Gallos usque, Hispanos, Germanos, Britannos, caeterasque nationes transmigrarint qui sciant loqui latine»; de ser esto cierto, antes de 1457, año de la muerte de Valla, se habrían formado distintas versiones en cada una de esas lenguas vernáculas mencionadas, si bien sea difícil encontrar testimonios concretos de esa transmisión, ligada muchas veces al aprovechamiento de esas anécdotas y dicacidades en otra serie de producciones: novellae, poemas satíricos, primeros cuentos, formas menores de la ficción e, incluso, algunos pasajes cronísticos. Para el caso de la literatura francesa, la traducción que prepara Guillaume Tardif en 1492, con 115 facecias, constituye la primera tentativa de atrapar todo ese conjunto de recursos y 311 Besprechungen - Comptes rendus 1 Le lecteur intéressé trouvera une discussion un peu plus nourrie des thèses de Michelle Szkilnik, ainsi qu’une réplique de sa part dans le numéro 6 (2005) de la Revue critique de Philologie romane.