Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2005
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Kristol De StefaniRaphael Zehnder, Les modèles latins des Cent Nouvelles nouvelles. Des textes de Poggio Bracciolini, Nicolas de Clamanges,Albrecht von Eyb et Francesco Petrarca et leur adaptation en langue vernaculaire française, Berne etc. (Peter Lang) 2004, 442 p.
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2005
Frédéric Duval
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Raphael Zehnder, Les modèles latins des Cent Nouvelles nouvelles. Des textes de Poggio Bracciolini, Nicolas de Clamanges, Albrecht von Eyb et Francesco Petrarca et leur adaptation en langue vernaculaire française, Berne etc. (Peter Lang) 2004, 442 p. Ce livre, issu d’une thèse de doctorat soutenue à l’université de Zurich en 2003, présente le défaut des travaux universitaires médiocres trop rapidement publiés. La réflexion aurait gagné à être mûrie et à se détacher d’une analyse très myope. En dépit d’une bonne volonté perceptible de l’auteur et d’un réel effort de comparaison et d’étude détaillées des textes, le résultat est très loin d’être convaincant. Je me contenterai surtout ici de remarques générales. D’emblée, la réussite de la thèse est hypothéquée par la définition du sujet: il s’agit d’étudier les textes latins à l’origine d’une vingtaine de nouvelles des Cent Nouvelles nouvelles (désormais CNN). Comme leur adaptation en français avait déjà fait l’objet de multiples développements signalés dans la bibliographie, l’auteur s’est surtout concentré sur les textes latins. Le but n’est donc pas d’étudier la transposition, mais de comparer le genre narratif bref dans deux traditions linguistiques largement apparentées. Mais si l’on veut scruter la transition d’une tradition latine à une tradition vernaculaire, est-ce vraiment pertinent de se contenter des modèles des Cent Nouvelles nouvelles? Ces nouvelles latines-sources sont-elles représentatives du «genre» latin? Leur analyse suffit-elle à aboutir à des conclusions générales? Certainement pas. Quelle est la valeur d’une étude sur le comique dans le Liber Facetiarum de Poggio Bracciolini à partir des seules facéties transposées dans le recueil bourguignon? La plus grande partie du travail de R. Zehnder consiste en une analyse des texte latins, indépendante des textes français. Il traite ainsi des dix-sept Facéties du Pogge que l’on retrouve dans les CNN (numéros 10, 11, 36, 42, 43, 49, 66, 78, 87, 112, 133, 143, 157, 175, 195, 216, 238), puis de Floridan et Elvide de Nicolas de Clamanges, de la Marina latine copiée par Albrecht von Eyb et du De remediis utriusque fortunae (II, 50) de Pétrarque. Ces cinq chapitres présentent chaque fois les textes latins avant de passer à l’analyse des nouvelles françaises correspondantes. Il est regrettable que R. Zehnder n’ait pas davantage été guidé dans son travail, car il utilise des outils d’analyse totalement dépassés, qui nuisent à sa démonstration et se révèlent inefficaces, d’où le faible apport de l’ouvrage. Faute de problématique élaborée, l’objet de la recherche se disperse en une série de questions présentées sous la rubrique «Notre méthode» (12-15). Il ne s’agit nullement, comme le prétend l’auteur, d’une grille d’analyse, car le principe de la grille est de s’inscrire dans un cadre rigide. En premier lieu vient l’analyse de «la structure du récit». Malheureusement la référence principale, pour ne pas dire quasi exclusive, en cette matière est La prose narrative française du XV e siècle: étude esthétique et stylistique, publiée en 1958 par J. Rasmussen. Malgré l’utilité et la richesse certaine de cet ouvrage, on ne peut négliger la réflexion narratologique qui s’est abondamment développée depuis lors ni même ignorer purement et simplement les formalistes russes, largement critiqués et amendés. Les travaux de Jean-Michel Adam ne sont jamais cités et les quelques référence à Figures III de Gérard Genette, qui date de plus de trente ans, ne suffisent pas à combler les lacunes méthodologiques. L’auteur propose ensuite de s’interroger sur l’exemplarité des récits sans prendre le temps de définir ce concept difficile à manier. Vient ensuite le traitement de la pointe et l’analyse du comique. Cette fois les sources théoriques de l’auteur sont Le rire de Bergson et Der Witz und seine Beziehung zum Unbewussten de Freud. Entre autres références, la synthèse de J. Sareil (L’écriture comique, Paris 1984) aurait fourni une meilleure clef. R. Zehnder revient alors à des considérations narratologiques. Une place importante est consacrée au discours direct et au discours indirect dans les nouvelles, mais le cadre d’analyse est bien trop sommaire. Comment ignorer les travaux de Dominique Mainguenau sur la question ou la synthèse de L. Rosier (Le discours rapporté. 314 Besprechungen - Comptes rendus Histoire, théorie, pratiques, Paris-Bruxelles, 1999)? Les derniers aspects traités sont les «mouvements narratifs», la «présence du narrateur» et une analyse de la langue des récits étudiés, tant dans leur version latine que française. Chacun de ces aspects est consciencieusement et successivement analysé dans chaque texte latin. Les différences de traitement tiennent à la nature comique ou non du modèle latin. Ce type de plan à tiroirs multiplie les répétitions et se révèle fort peu stimulant. Doté de mauvais outils, l’auteur s’escrime avec des textes dont il tient à ne pas s’éloigner. L’entreprise devient vite laborieuse et ne porte guère de fruits. Outre les lacunes méthodologiques, de nombreuses erreurs factuelles contribuent à décourager le lecteur. Le rappel historique placé dans l’introduction est d’une grande naïveté et en reste souvent à une vision du Moyen Âge tardif digne de Huizinga, invoqué à plusieurs reprises. Il serait trop long de dresser une liste des maladresses et contrevérités. Pourquoi clore l’époque du mécénat princier au début du XV e siècle, alors que suivent quelques lignes sur Philippe le Bon, qui, avec d’autres ducs de Bourgogne, est censé - information inédite - avoir encouragé des traductions du grec, de l’arabe et même de l’hébreux en français? Comment peut-on avoir une vision si simpliste de la situation linguistique et affirmer que dans les derniers siècles du Moyen Âge «le vernaculaire sert à l’expression poétique et à la fiction, le latin véhicule le savoir et le sacré»? C’est d’emblée fausser toute l’étude basée sur les rapports entre latin et vernaculaire. Particulièrement gênante est la méconnaissance de la dialectique des rapports francoitaliens. Ne lit-on pas que «l’influence de Pétrarque sur la littérature française de l’époque fut importante, surtout celle exercée par le Canzoniere et par les Trionfi» (359), alors que cette influence découle presque exclusivement de la production latine de l’humaniste italien? À la page suivante, l’auteur estime impossible qu’un humaniste français au fait des jugements méprisants de Pétrarque sur les Français ait pu adapter un texte de Pétrarque. Pourtant le sentiment d’attraction-répulsion des lettres françaises à l’égard de l’Italie a depuis longtemps été mis en relief. Jean Miélot a ainsi traduit pour Philippe le Bon le Romuleon de Benvenuto da Imola, qui portait des jugements encore plus féroces que Pétrarque sur les Français. Les analyses linguistiques, tant des textes latins que français, n’apportent souvent rien à la démonstration et sont fort peu rigoureuses. Des traits de morphologie verbale sont classés en syntaxe dans l’analyse des facéties. Quant au français, les développements sur les «marqueurs argumentatifs» ignorent totalement les travaux de Bernard Combettes sur la question et ont tendance à faire d’un fait de langue un fait de style. Les conclusions intermédiaires sont plus d’une fois désarmantes de banalité: «Malgré les siècles passés depuis la rédaction du Liber facetiarum, les mécanismes du comique n’ont pas changé» (68). Quant à la mise en garde méthodologique: «Mais c’est penser avec en arrière-fonds [sic] la morale du XIX e et du début du XX e siècle que de vouloir à tout prix trouver un profit moral dans la lecture» (308), elle oublie que cet arrière-fond était largement partagé par le Moyen Âge. On reprochera enfin à cet ouvrage ses nombreuses coquilles, ses barbarismes et de bien trop fréquentes entorses à la syntaxe française. Il est louable que ce travail soit rédigé en français, mais une relecture sérieuse s’imposait. Au total on pourra sans inconvénient se passer de cet ouvrage. Frédéric Duval ★ 315 Besprechungen - Comptes rendus
