eJournals Vox Romanica 65/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2006
651 Kristol De Stefani

Susanna Bliggenstorfer, Eustache Deschamps. Aspects poétiques et satiriques, Tübingen und Basel (Francke) 2005, 327 p. (Romanica Helvetica 125)

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2006
Jean-Claude  Mühlethaler
vox6510218
L’édition en tant que telle (65-208) est une édition diplomatique interprétative; les abréviations résolues sont indiquées par le soulignement, l’emplacement des illustrations entre crochets, les modifications aux majuscules ou minuscules présentes dans le manuscrit, de nombreux commentaires codicologiques sont insérés en bas de page, etc. Dans l’ensemble, sa présentation est soignée et irréprochable. Le glossaire (209-310) se veut d’abord lexicologique et lexicographique et remplit parfaitement son rôle par des renvois aux dictionnaires d’usage, à des sources littéraires et à des ouvrages de références consacrés à d’autres langues romanes. La volonté de l’éditeur est clairement exposée: «Notre édition est suivie d’un glossaire assez volumineux et dont le but sans doute optimiste est non seulement d’éclaircir le texte lui-même, mais bien d’offrir une sorte de panorama du vocabulaire de celui-ci, et surtout du point de vue historique et chronologique.» (10) De plus, les «catégories de mots particulièrement intéressantes» (210) telles que les hapax, les régionalismes et les premières attestations sont bien identifiées par des signes distinctifs. Par son exhaustivité et sa précision, le glossaire constitue à notre avis la force majeure et le principal intérêt de cette édition pour la communauté scientifique. Solange Lemaître-Provost ★ Susanna Bliggenstorfer, Eustache Deschamps. Aspects poétiques et satiriques, Tübingen und Basel (Francke) 2005, 327 p. (Romanica Helvetica 125) En 1996, Karin Becker (Eustache Deschamps. L’état actuel de la recherche) pouvait constater un regain d’intérêt pour le poète champenois. Le mouvement s’est confirmé au cours de la dernière décennie: cet auteur qui, comme Alain Chartier, a longtemps souffert de l’engouement de la critique pour Christine de Pizan, a désormais sa «société» et a fait l’objet de plusieurs colloques. Avec la thèse de Thierry Lassabatère (La Cité des hommes: la vision politique d’Eustache Deschamps, Lille 2002) et, aujourd’hui, avec l’étude de Susanna Bliggenstorfer, ce renouveau trouve un premier aboutissement. Le sérieux d’Eustache Deschamps. Aspects poétiques et satiriques, ne fait pas l’ombre d’un doute. Pour sa recherche, l’auteure a informatisé toute l’œuvre de Deschamps, telle «qu’elle se présente dans le manuscrit BNF, fr. 840» (3), créant une fiche pour chaque pièce; corollaire bienvenu de ce travail de bénédictin, les principaux textes étudiés sont réédités en annexe (275-305). Comme l’annonce le titre, l’ouvrage comporte deux volets: la première partie (23-171: Analyses des textes) se penche sur les mécanismes du discours satirique dans le Lai de Vaillance et le Lai de franchise ainsi que dans les chants royaux et les ballades en se basant sur les définitions de la satire élaborées notamment par Udo Kindermann, Marc-René Jung, Klaus Schwind et Jean-Claude Mühlethaler: on aurait pu (dû? ) ajouter la contribution écrite par Eva Kushner («L’Esprit satirique et le développement de la satire», in L’Époque de la Renaissance, 1400-1600 Budapest 1988), dans laquelle Deschamps n’est pas oublié. La seconde partie (173-254: Analyses des procédés de la satire) est consacrée, dans un premier temps, à l’étude des aspects métriques saisis dans leur relation avec le contenu satirique, puis, dans un second temps, à l’analyse de l’utilisation faite par le poète, toujours à des fins satiriques, de l’allégorie, de la métaphore, des proverbes et des locutions. Travail de recherche fouillé, au plus près des textes, le livre de Susanna Bliggenstorfer ne se lit pas d’une traite. Ce n’est pas là un reproche: le caractère fragmentaire du recueil lyrique se répercute nécessairement sur un travail en adéquation avec son objet. Il faut se concentrer sur des pages choisies en se servant de l’Index des pièces citées, des noms propres, des thèmes et des expressions figurées (318-27), se référant par exemple aux entrées 218 Besprechungen - Comptes rendus «ballades», «chansons royales» et «lais», pour tirer le plus grand profit de l’étude. C’est dans le détail que se découvre la richesse de l’ouvrage, qu’on tombe sur des réflexions ponctuelles et stimulantes, dont certaines ne manqueront pas de susciter le débat. Que le lecteur en juge à partir de quelques exemples choisis! Dans le but de situer la satire par rapport au rire et à l’invective, Susanna Bliggenstorfer discute le sens de «moquerie» (19) chez Deschamps qui, dans la ballade 1015, fournit une série de synonymes permettant d’en mieux cerner la portée («faire despit, dommaige et injure»), laquelle correspond d’ailleurs à la définition qu’en donnera encore Laurent Joubert dans son Traité du ris (1579), quand il distinguera la «gayeté» de la «moquerie», qualifiant celle-ci de «deshonnete» (livre I, chap. III). De telles recherches sur le vocabulaire, qu’on relève par ci, par là (p. 35: «prendre une caille», p. 49: «faire feste de bras», p. 250: l’«oublie», etc.), sont l’un des atouts de la présente étude, à travers laquelle nous découvrons aussi le subtil travail de Deschamps sur les proverbes et les locutions (chap. XIII). Le poète se révèle capable de créer, par la remotivation de tournures figées, «des récits anecdotiques . . . pour en tirer une leçon morale» (37), car il aime jouer avec la langue pour mieux décocher le trait satirique. Si Deschamps fait preuve d’une grande créativité et innove du point de vue formel en accordant, par exemple, une place inédite à la ballade dialoguée, l’utilisant de manière à brouiller les pistes et masquer la critique (86-91), il reste des plus traditionnels du point de vue thématique. Ses attaques contre la vie de cour (25-92), celles contre la noblesse (93-172) aussi, n’ont rien d’original: Susanna Bliggenstorfer en trouve la confirmation dans l’étude de Jacques Lemaire sur la veine anticuriale à la fin du Moyen Âge. Il aurait aussi fallu citer l’article de Françoise Autrand («De l’Enfer au purgatoire: la cour à travers quelques textes du milieu du XIV e à la fin du XV e siècle», in: L’État et les aristocraties, éd. par Ph. Contamine, Paris 1989): le rapprochement (62-63) entre les ballades 114, 118, où la cour est associée à l’enfer, et la Mutacion de Fortune, crée l’impression d’une relation par trop privilégiée entre Deschamps et Christine de Pizan. L’image, qui apparaît dès le XII e siècle chez Gautier Map, est monnaie courante à la fin du Moyen Âge. L’attention au détail linguistique conduit Susanna Bliggenstorfer à rapprocher entre eux différents poèmes du recueil (49), à retracer aussi quelques liens intertextuels inattendus. Ainsi, la comparaison entre la truffe et la foudre (72-75) pourrait remonter à Plutarque que les humanistes parisiens redécouvraient à l’époque de Charles VI. Dans le Lai de franchise se cache un hommage à Guillaume de Machaut (41 s.) et le Lai perilleux (46-47) pourrait s’inspirer de la Fuite en Egypte peinte par Melchior Broederlam. De telles mises en relation restent pourtant exceptionnelles: il reste beaucoup à faire pour situer Deschamps dans son contexte littéraire et culturel, lui dont le moi «philosophe» (146, 187, 221, 228) s’appuie sur un savoir «livresque» lorsqu’il juge ses contemporains. La plainte de Vaillance (125) par exemple, où est dénoncé le danger que représentent le plaisir et le divertissement pour la prouesse et l’honneur, anticipe la critique formulée à la fois dans Le Livre des quatre Dames et dans Le Quadrilogue invectif d’Alain Chartier. De même, les implications politiques de la métaphore du verger ne se dégagent vraiment qu’à la lumière du Songe du Vergier et, plus généralement, de l’élaboration de la figure royale à la fin du Moyen Âge. De ce point de vue, la récente étude de Virginie Minet-Mahy (Esthétique et pouvoir de l’œuvre allégorique à l’époque de Charles VI, Paris 2005), qui consacre un nombre important de pages à Deschamps, offre un complément des plus intéressants au travail de Susanna Bliggenstorfer. Ajoutons que, de manière plus générale, les implications politiques des écrits de Deschamps - dont l’importance est rappelée à la dernière page de la conclusion - mériteraient d’être çà et là explicitées. Le savoir est, en effet, vital pour «le bon fonctionnement du gouvernement» (126), mais il serait important de mesurer ce que le poète doit aux régimes des 219 Besprechungen - Comptes rendus princes. Ceci s’imposerait d’autant plus que, selon l’auteure, le «miroir du prince masque la satire» (151) dans la ballade 1179: une telle remarque est trop allusive, car elle présuppose chez le lecteur un savoir concernant un genre en vogue depuis Jean de Salisbury (évoqué à quatre reprises) et, surtout, depuis Gilles de Rome (absent de l’étude). Que ceci ne soit pas le but de la présente monographie, je le concède volontiers, mais pourquoi ne pas fournir au moins quelque repère bibliographique en renvoyant à la mise au point dans Écriture et pouvoir à l’aube des temps modernes (Paris 2002, chap. I) ou, surtout, au travail magistral de Michel Senellart (Les Arts de gouverner, Paris 1995)? Le mot «praticien» (99), utilisé dans la ballade 1463, mériterait un bref commentaire, car le sens indiqué par le Dictionnaire étymologique et historique de la langue française («toute personne qui connaît la pratique d’un art, d’une technique») ne saisit pas la nuance d’un terme qu’il convient de rattacher au vocabulaire aristotélicien de l’époque: l’éthique, l’économie et surtout la politique ne sont-elles pas des branches de la philosophie «pratique»? Une dernière remarque en ce qui concerne le vocabulaire. Relevons, avec Susanna Bliggenstorfer, cet «occi, occy» (Lai de franchise, v. 103: cf. p. 53, 226) qu’elle considère comme un vers à la fois «métaphorique et référentiel». Ne vaudrait-il pas la peine de creuser le premier aspect et de relever l’allusion à Philomena? C’est sur ce même cri que se clôt déjà l’adaptation du récit d’Ovide au XII e siècle; c’est encore le cri de «Philomena ou boucaige» qu’évoquera Charles d’Orléans dans une ballade (n° 123). La seconde partie de l’étude, consacrée aux aspects formels, fait ressortir l’importance particulière que revêt la forme complexe du lai aux yeux d’Eustache Deschamps. On découvre aussi que le poète recourt de préférence au dizain et qu’au fil des années ses pièces lyriques prennent de l’ampleur; ainsi, l’envoi devient la règle (voir les intéressants tableaux, p. 206s.) dans les ballades. Cette évolution va de pair, suggère Susanna Bliggenstorfer, avec la tendance de passer «des pièces morales et amoureuses aux pièces satiriques» (208). On ne saurait sans autre adhérer à cette constatation, car elle semble difficilement compatible avec la remarque (quelques lignes plus haut) que l’amour, traité d’abord de manière traditionnelle, l’est ensuite de «façon morale et satirique». Le lecteur comprend mal comment «moral» peut une fois s’allier à «amoureux», l’autre à «satirique». Le flou du vocabulaire critique nuit ici (exceptionnellement, il faut le dire) à la clarté de la pensée. Deschamps, on le sait, a détaché le lyrisme de son support musical et l’a ouvert à d’autres sujets que la célébration de l’amour Avec beaucoup de finesse, Susanna Bliggenstorfer met en lumière le rôle-clé dévolu à l’envoi dans le cadre de la démarche satirique: il devient l’endroit privilégié de l’adresse au destinataire et de l’ancrage référentiel. De son côté, la longueur des strophes, offrant la place notamment à des listes de vices (197), se prête à la satire, mais pas à la satire seulement, ajouterais-je, car la louange recourt, chez Deschamps, aux mêmes procédés que le blâme. Prudent, Eustache Deschamps délègue volontiers la critique à une autre instance d’énonciation. C’est le cas dans le Lai de franchise, quand il laisse la parole à Robin (228). Il conviendrait toutefois de préciser que ce berger est un alter ego transparent du poète qui ne se dédouane pas vraiment. L’un et l’autre sont des témoins extérieurs à la cour; le poète caché dans un buisson est lui aussi associé à la nature et, surtout, il constate dans les propos de Robin une «hault[e] prudence» (v. 304). L’adhésion est explicite et le moi du poète joue là le rôle du lecteur idéal, anticipant la réaction qu’il attend de son public. Mais quel public au juste? Voilà encore une question, à laquelle Susanna Bliggenstorfer offre, en s’appuyant sur les textes, plusieurs éléments de réponse: Deschamps s’adresse à «chascun» (64), au roi en personne (124, 161), aux chevaliers (140), à la cour surtout, conçue comme un collectif «impliquant toute personne qui vit et occupe une fonction à la cour» (217). 220 Besprechungen - Comptes rendus Commentant la tournure «en hault lieu ventent li vent a plain» (239), la critique s’appuie sur le répertoire de J. W. Hassell qui lui permet de rapprocher le vers de Deschamps d’un proverbe attesté chez Philippe de Mézières: «les hauts arbres reçoivent les grans vens». Or, c’est là une image qui se retrouve dans des textes mettant en garde contre les dangers de Fortune. Citons l’anonyme Miroir du monde, ouvrage de morale à l’usage des laïcs souvent transcrit à la fin du Moyen Âge: quand Fortune a élevé un homme, dit le texte, il est «en haut assis come molin à vent seur la haute montaigne; et là, ventent tous les douze vents de vaine gloire qui assaillent ce chaitif» (éd. F. Chavannes, Lausanne 1845, 77). Il y aurait peutêtre une piste à creuser . . . Ces quelques remarques suffiront. Utilisation du proverbe, de la métaphore, de l’envoi, questions de vocabulaire, structure et longueur des strophes, organisation des séries de poèmes dans le manuscrit, datation de certaines ballades, etc.: le lecteur voit se dégager au fil des pages les multiples facettes du travail poétique d’Eustache Deschamps. Il y trouve aussi de quoi nourrir sa propre réflexion sur l’écriture satirique et le lyrisme à la fin du Moyen Âge: l’intérêt que suscite l’étude de Susanna Bliggenstorfer va bien au-delà de la monographie d’un poète trop longtemps considéré par la critique avec une certaine condescendance. Jean-Claude Mühlethaler ★ Roman d’Alexandre en prose [British Library, Royal 15 E. VI, fol. 2v-24v] avec une préface de Philippe Ménard, publié par Yorio Otaka, Hideka Fukui et Christine Ferlampin- Acher, Osaka (Centre de la Recherche Interculturelle à l’Université Otemae), 2003, 270 p. Der Alexanderroman, der eine Adaptation und Erweiterung der Historia de Preliis darstellt, ist in drei Fassungen überliefert 1 . Die älteste Fassung datiert auf die 2. Hälfte des 13. Jahrhunderts und wird von 8 Handschriften tradiert, von denen unsere japanischen Kollegen die Prachthandschrift BL Roy. 15 E. VI für eine Edition ausgewählt haben 2 . Ergänzt wird die Ausgabe durch ein Vorwort von Philippe Ménard, eine kunsthistorische Analyse der Miniaturen und ihr Verhältnis zum Text aus der Feder von Christine Ferlampin-Acher sowie ein Faksimile der den Text enthaltenden Folioseiten der Handschrift. Diese Reproduktion bildet den Text um circa 50 % verkleinert ab. In seinem Vorwort gibt Ménard die wichtigsten Informationen zum Kodex: Datierung vor 1445 (der DEAF datiert: 1444/ 45), Größe des Originals: 47,62 cm 33,02 cm, 84 Miniaturen. Die kostbare Ausschmückung erklärt sich dadurch, dass der Band als Hochzeitsgeschenk des Grafen von Shrewsbury für Maguerite d’Anjou zu ihrer Hochzeit mit dem englischen König Henry VI im Jahr 1445 diente. Sowohl Sprache als auch Stil der Miniaturen verweisen auf den Kontinent, vermutlich nach Paris. Der Text des Alexanderromans findet sich auf den Folios 5r° bis 24v°. 221 Besprechungen - Comptes rendus 1 Insgesamt sind für die drei Fassungen 18 Handschriften bekannt, von denen 16 noch existieren. Diese Fassungen sind nicht zu verwechseln mit dem Alexanderroman von Jean Wauquelin (DEAF-Sigel: AlexPr 2 ) und der Prosaadaptation von AlexPar aus dem 15. Jahrhundert (AlexPr 3 ); die Bibliographie des DEAF ist gratis und frei konsultierbar unter www.deaf-page.de. 2 DEAF-Sigel AlexPrr 1 O. Die anderen Hs. sind: Chantilly, musée Condé, ms. 651 (Ende 15. Jh.); Le Mans, Bibliothèque de la Ville, ms. 103 (Ende 14. Jh.), London, BL Roy. 19 D. I (Mitte 14. Jh.); BL Roy. 20 A. V (Ende 13. Jh.); BL Roy. 20 B. XX (Anfang 15. Jh., laut BL); Stockholm, Kungl. Bibl. Vu 20 (Ende 14. Jh.); Paris, BN fr. 1385 (14. Jh.).