Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2006
651
Kristol De StefaniDenis Delaplace, Bruant et l’argotographie française. L’argot au XXe siècle (1901), avec un avant-propos de Jean Pruvost, Paris (Champion), 2004 (Lexica 13)
121
2006
Dorothée Aquino
vox6510231
14). Un index des noms de personnes et des œuvres anonymes (851-67) et une abondante liste des livres et articles cités (814-49) complètent une documentation précieuse - et désormais indispensable - pour la connaissance de Gaston Paris et de l’histoire de la philologie romane en France au xix e siècle. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Denis Delaplace, Bruant et l’argotographie française. L’argot au XX e siècle (1901), avec un avant-propos de Jean Pruvost, Paris (Champion), 2004 (Lexica 13) Avec cet ouvrage sur la lexicographie française de l’argot ou «argotographie», D. Delaplace se place sur un terrain qui est doublement intéressant. D’une part, il s’inscrit dans la recherche métalexicographique du français en permettant la redécouverte d’un dictionnaire, L’argot au XX e siècle 1 , situé à une date charnière pour la lexicographie (1901): celle-ci, comme le dit très justement Jean Pruvost dans l’Avant propos (5-8), «représente une sorte de date-pivot entre la fascination qu’a exercé l’argot sur de nombreux écrivains du xix e siècle et la nécessaire étude linguistique à laquelle il convient de soumettre cet usage de la langue» (7). D’autre part, cet ouvrage mérite qu’on s’y attarde parce qu’il nous livre les résultats de recherches sur l’argot en diachronie, domaine qui depuis plusieurs dizaines d’années demeure relativement pauvre quantitativement et qualitativement 2 . En effet, si l’étude de l’argot en synchronie est plutôt florissante 3 , les recherches récentes de qualité consacrées à l’histoire du lexique argotique demeurent assez rares. Le plan de l’ouvrage de D. Delaplace s’articule en cinq parties thématiques. Chacune d’entre elles est subdivisée en plusieurs chapitres (l’ensemble du volume ne compte pas moins de trente et un chapitres! ) souvent brefs à l’image du chapitre seize de la troisième partie qui tient en deux pages (97-98). Ces chapitres sont en général encore décomposés en sections par des astérisques. Si le texte est rédigé dans un registre courant et étayé d’un grand nombre d’exemples et de citations facilitant la (re)découverte métalexicographique au plus grand nombre, le propos est parfois très morcelé et la mise en page n’est pas toujours agréable à l’oeil. Dans l’Introduction (11-13), l’auteur expose les axes de sa recherche. Dans un premier temps, il s’agit de combler une lacune en proposant l’examen critique d’un dictionnaire d’argot: L’argot au XX e siècle. D. Delaplace envisage de le faire en définissant «avec précision les objets décrits» et en vérifiant «les informations apportées» (11). Par ailleurs il soulève deux problématiques fondamentales à sa thématique: la première consiste à «savoir quels critères ont servi à son (ou à ses) auteur(s) pour délimiter la nomenclature argotique de son (ou de leur) livre» (12) et la seconde, d’ordre plus général, pose la délicate question de la définition de la notion d’argot «susceptible de rendre compte de tout ce que contiennent les dictionnaires d’argot» (12). Dans la première partie intitulée Les auteurs de «L’argot au XX e siècle» (15-42), l’auteur commence par retracer le parcours d’Aristide Bruant et décrit brièvement son rapport à l’argot (Un chansonnier argotographe, 17-20) avant de présenter et de rendre justice à l’autre «maître d’œuvre» (23) du dictionnaire, Léon de Bercy. En effet, si son nom n’apparaît 231 Besprechungen - Comptes rendus 1 A. Bruant, L’argot au XX e siècle, Paris 1901. 2 Il faut tout de même mentionner l’ouvrage R. Chartier, Figures de la gueuserie, Paris 1982. 3 Cf. entre autres les travaux de D. Savatovski, «Naissance d’une linguistique de l’argot (1890- 1920)», Études de Linguistique Appliquée 118 (2000): 145-62 ou le récent numéro spécial Argots et Argotologie édité par J.-P. Goudaillier (La linguistique 38 [2002]). pas comme coauteur de l’ouvrage, plusieurs documents recueillis par D. Delaplace montrent quelle a été sa part de travail dans l’élaboration du dictionnaire (Un argotographe peut en cacher un autre, 21-25). Le troisième chapitre de cet ouvrage, Il faut rendre à Hector (25- 32), nous livre une découverte intéressante pour l’histoire de la lexicographie argotique; la lecture détaillée et critique des documents du début du XX e siècle a permis à D. Delaplace - qui a examiné en détail la provenance de la nomenclature et des citations du Bruant - de rétablir la chronologie erronée de Sainéan 4 qui pensait que le Vocabulaire de la langue verte d’Hector France était antérieur à L’argot au XX e siècle. Cette découverte, appuyée par de nombreux exemples d’articles du Bruant 5 , permet de prendre la mesure de la dette de A. Bruant et de L. de Bercy envers l’ouvrage d’Hector France auquel ils ont «emprunté» beaucoup de citations. Ainsi ils «n’ont eu à fournir le ‹travail gigantesque› d’une décennie supposé par J. Cellard, car ils se sont bien souvent contentés, en trois ans à peine, de piller les travaux de leurs devanciers, notamment ceux d’Hector France et de G. Delesalle» (24). La deuxième partie de l’ouvrage, Un dictionnaire de thème? (43-82), s’intéresse d’abord à la microstructure des articles. D. Delaplace les analyse et les compare avec ceux des ouvrages lexicographiques ayant précédé le Bruant; il s’attarde sur leur structure de base (45-51), sur la manière dont fonctionnent les renvois (53-56), sur le phénomène des sousentrées (57-59), sur l’utilisation de l’astérisque (61-63) pour parvenir à la conclusion suivante: «les auteurs, loin d’expédier le travail lexicographique, s’en sont acquittés assez sérieusement, en tout cas bien plus que la plupart des argotographes avant eux, même s’ils ont rarement fait preuve de la même rigueur que les grands lexicographes de la fin du xix e siècle» (69). Puis, l’auteur change d’orientation pour nous présenter quelques exemples phonologiques, morphologiques et syntaxiques de ce que, selon l’idée que s’en faisaient les auteurs du Bruant, pouvait être l’usage de l’argot dans la région parisienne, avant de revenir à des considérations sur la nomenclature de l’ouvrage. S’ouvrant sur un chapitre présentant le débat qui a eu lieu sur le nombre d’entrées et la longueur des articles (Des argotismes à la pelle, 85-88), la troisième partie du texte cherche à comprendre ce que signifie pour les auteurs du Bruant la notion d’«argotisme». D. Delaplace n’entre pas dans l’étude détaillée de cette notion mais remarque que de manière générale, les auteurs du Bruant ont considéré qu’un lexème figurant déjà dans l’un des dictionnaires de leurs prédécesseurs pouvait sans autre être déclaré comme argotique. Malgré ce principe qui vaut pour la majorité des entrées de L’argot au XX e siècle, certaines occurrences dérogent à cette règle, ce qui pousse Delaplace à conclure: «Il faut donc trouver d’autres explications pour comprendre comment les auteurs des dictionnaires d’argot et, parmi eux, ceux du Bruant ont sélectionné leurs argotismes» (91). Ces explications, au nombre de quatre, sont développées dans les chapitres suivants: un lexique propre aux classes «dangereuses»? (93-96), Des lexiques de groupes? (97-98), L’insolite expressif (99-105) et L’expressivité des argotismes (107-11). Pourtant même si ces différents facteurs s’entrecroisent et permettent de mieux comprendre la composition de la nomenclature, la notion d’argotisme ne semble pas pour autant plus claire: «elle s’avère tellement vague qu’il devient légitime de se demander si elle correspond vraiment à un ensemble lexical . . . que l’on puisse délimiter scientifiquement» (111). Partant du constat formulé précédemment que peu d’argotismes n’ont «pas déjà été attestés dans des ouvrages argotographiques antérieurs» (115), l’auteur choisit, pour la quatrième partie de l’ouvrage qui est aussi la plus longue (Généalogie du fonds argotique, 113- 220), de se pencher sur la filiation des sources probables des auteurs du Bruant. Il s’inter- 232 Besprechungen - Comptes rendus 4 L. Sainéan, Les sources de l’argot ancien, Paris 1912: 76-79. 5 Pour plus de commodité, nous avons choisi de suivre D. Delaplace et «malgré l’inexactitude de ce nom» (12) de nommer L’argot au XX e siècle «le Bruant». roge d’abord sur l’influence du jargon ancien (Le jargon du XV e siècle, 115-32) sur L’argot au XX e siècle. Pour ce faire, il analyse les différentes sources, compare les éditions, les nomenclatures, l’orthographe des entrées, etc. À l’aide de plusieurs exemples, D. Delaplace recense les raisons pour lesquelles les lexèmes issus du jargon ancien sont parvenus ou non dans la nomenclature du Bruant et les chemins qu’ils ont suivi. Il pointe aussi quelques erreurs que A. Bruant et L. de Berry ont contribué à perpétuer pour avoir trop souvent «suivi leurs sources aveuglément» (127). Cette analyse détaillée a été faite pour Pechon de Ruby (133-43), Les Jargon ou Langage de l’Argot reformé (145-63), V’la Vidocq et «Les Voleurs» (165-88), puis plus rapidement pour Michel, Larchey, Delvau, Rigaud, Viramaître (189-98). Les deux derniers chapitres de cette quatrième partie, Documents et témoignages (199-204) et Auteurs fin-de-siècle (205-20), montrent dans quelle mesure les sources non lexicographiques ont été utilisées par les auteurs du Bruant. La cinquième et dernière partie de l’ouvage (Argot, mode d’emploi, 221-71) qui reprend partiellement des thématiques déjà abordées par l’auteur 6 , est assurément celle qui est la plus solide scientifiquement et celle dans laquelle D. Delaplace paraît le plus à l’aise. Il utilise le Bruant comme une source «lexigénique» pour présenter des procédés linguistiques de formation servant à créer les expressions argotiques. Par la description détaillée de trois de ces procédés de formation d’unités expressives 7 , l’auteur cherche avant tout à démontrer que l’argot, malgré ce que l’on pourrait croire à la lecture du Bruant, n’est pas «une langue à part» et encore moins «un lexique différent de celui du français» (227) mais bien du français. S’il est indéniable que D. Delaplace a fourni une recherche de qualité notamment dans la lecture des documents qui lui servent de source, dans la méticulosité avec laquelle il s’est penché sur les articles du Bruant et dans la réalisation des deux index (Index d’expressions argotographiées et Index de noms d’auteurs), une introduction théorique plus solide et plus complète aurait permis une meilleure approche de l’ouvrage. Il aurait par exemple été souhaitable d’indiquer plus tôt que l’argot «n’est pas véritablement une langue» (71) et aussi quels étaient les critères permettant de considérer qu’une expression était argotique ou non avant la fin de la deuxième partie. Même si la question de la définition de la notion d’argot promise dans l’introduction de l’ouvrage n’est résolue au fil du texte que de manière fragmentaire, la publication de cet ouvrage sur tout un pan du vocabulaire qui fait partie de notre langue et qui reste aujourd’hui encore très peu étudié en dehors de contextes sociolinguistiques précis est en soi un évènement qui mérite d’être salué. Dorothée Aquino ★ 233 Besprechungen - Comptes rendus 6 D. Delaplace est, entre autres, l’auteur d’une thèse de doctorat intitulée Apocope, argot et lexique. Approche morphoénonciative des procédés de déformation, Lille III. 7 Le premier décrit les Procédés passant pas des manipulations de la forme phonique (233-52), vient ensuite un chapitre sur les Procédés reposant principalement sur des manipulations sémantiques et/ ou catégorielles (253-59) et enfin un chapitre concernant Des procédés prolifiques (261-71).
