Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2007
661
Kristol De StefaniL’impasse des études romanes diachroniques
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2007
Robert de Dardel
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L’impasse des études romanes diachroniques If the facts will not fit the theory - let the theory go. Hercule Poirot 1. Terminologie Du moment que le latin écrit, le latin parlé et le protoroman sont diverses faces d’une seule et même langue, comme on l’admet généralement, il serait logique de leur donner un nom commun: «latin». Mais, dans la pratique, on oppose «latin» et «roman», «latiniste» et «romaniste», ainsi que, parallèlement, des méthodes, des écoles, des manuels distincts. Entre latinistes et romanistes règne, en plus, une méfiance réciproque, sur deux plans: (i) certains latinistes estiment pouvoir rendre systématiquement compte de la genèse des parlers romans à partir du latin écrit et empiètent de ce fait sur le terrain des romanistes; (ii) de leur côté, les romanistes, qui partent de données romanes et en explorent l’origine par la comparaison des parlers romans, se méfient du latin écrit en tant que source de données, et à juste titre, puisqu’il appert de plus en plus que le latin écrit ne coïncide que partiellement, souvent de façon trompeuse, avec les reconstructions protoromanes. On pourrait songer à appeler l’ensemble de ces domaines le «latino-roman». Pour ma part, je préfère appeler toutes les données antérieures aux parlers romans, donc grosso modo antérieures à l’an mil, le «latin global», et les données postérieures, le «roman». Le latin global se divise selon la «dimension diamédiale», en deux «médias», à savoir en latin «écrit» et «parlé», et, selon la «dimension diastylique», en deux «styles», à savoir en latin «classique» et «non classique»; le roman se divise en «parlers romans». À ce principe de classement se superpose le «protoroman», qui est la portion du latin parlé que prolonge le roman; le protoroman est un fait de langue, à la différence du reste du latin global, qui, pour l’observateur moderne, ressortit en première approximation à la parole. Selon cette terminologie, les romanistes sont des chercheurs qui se réfèrent aux concepts de latin global et de roman, mais qui se penchent plus particulièrement sur le latin parlé sous sa forme protoromane, ainsi que sur les parlers romans, qui en sont une forme évoluée et différenciée. Vox Romanica 66 (2007): 10-31 L’impasse des études romanes diachroniques 2. Méthodologie 2.1 Systématique du comparatisme historique roman Au niveau du roman, nous avons plusieurs ensembles, qui sont les parlers romans; le latin global, en revanche, ne constitue qu’un seul ensemble, à vrai dire complexe. Exprimés en unités linguistiques de première ou de seconde articulation, les rapports historiques entre le roman et le latin global consistent par conséquent en rapports entre une unité linguistique multiple [a 1 ], [a 2 ], etc. pour chacun des parlers romans, et une unité linguistique correspondante unique [A] pour le latin global, schématiquement: latin global [A] : roman [a 1 ], [a 2 ], etc. ou latin global [lat. écrit manus ~ protor. manum]: roman [it. mano], [fr. main], etc. La comparaison historique consiste à établir les liens diachroniques entre les unités de même origine du roman, d’une part, et l’unité correspondante dans le latin global, d’autre part. En principe, soit les données du roman, soit celle du latin global sont en première instance inconnues. Et c’est à l’aide des critères du comparatisme, notamment du corpus de règles de correspondances phonético-sémantiques déjà établies, qu’on peut déterminer la valeur des unités à découvrir. Lorsque l’unité connue est une forme du latin écrit et que les unités inconnues se situent en roman, la démarche est dite «descendante» (d); exemple (cf. 4.2.1): latin global [lat. écrit obstare ‘faire obstacle’] → d → roman [fr. ôter ‘enlever’] Lorsqu’au contraire l’unité connue est un ensemble de formes du roman, mais qu’elle n’a pas de pendant connu en latin écrit, la démarche est dite «ascendante» (a) et vise à reconstruire le protoroman; exemple: le parfait fort de dicere (selon Dardel 1958: 50s.), latin global [protor. dixi/ dicisti] ← a ← roman [it. dissi/ dicesti], [afr. dis/ desis], etc. La démarche descendante et la démarche ascendante indiquent respectivement, dans deux directions opposées, à la fois le sens de l’évolution linguistique et celui de l’évolution chronologique. Par ailleurs, elles ne sont pas symétriques; plus précisément, elles ne sont pas de même nature: la première est une application mécanique des règles de correspondance déjà établies, la seconde, une démarche passant par le filtre des critères, plutôt complexes, de la comparaison historique et servant à découvrir ou reconstruire l’unité correspondante du protoroman. Dans la 11 Robert de Dardel 12 pratique des recherches, l’observateur procède dialectiquement, par tâtonnements ou par le procédé dit «trial and error», entre le latin global (niveau de [A]) et le roman (niveau de [a]). 2.2 Le cadre méthodologique Telle que je la conçois, avec quelques autres comparatistes, la description et l’explication de la genèse des parlers romans procèdent par hypothèses et sont soumises à des contraintes méthodologiques strictes, consistant dans les deux étapes suivantes: - Étape 1: la reconstruction, par une démarche ascendante, du système de la protolangue (le protoroman), au moyen de la grammaire comparée historique, techniquement à jour, comportant une analyse spatio-temporelle et, à chaque niveau temporel, une description synchronique des structures reconstruites, dont la succession pose les jalons et permet l’explication de l’évolution protolinguistique. - Étape 2: le recours au latin écrit, classique ou non classique, en vue d’une confrontation avec le protoroman, pour la confirmation ou l’infirmation des hypothèses et pour l’observation de relations diastyliques et diamédiales. Si cette étape, fondée sur des faits de parole, confirme ou infirme les résultats de la première étape, elle n’en prouve pas pour autant la justesse, d’où sa place secondaire dans la hiérarchie. Le comparatiste doit se conformer à ce cadre, en tenant compte de tous les éléments dont il se compose. Il n’existe actuellement pas d’autre voie menant à une description adéquate du protoroman, ni, par conséquent, de la genèse des parlers romans. Toutefois, ce cadre n’est pas accepté par tous ceux qui s’occupent du latin global et du roman. De là, des résultats partiels, qui peuvent être utiles pour la poursuite des recherches, mais aussi des résultats différents de ceux obtenus conformément au cadre en question, dont certains sont des résultats faux, que condamnerait sans retour le principe lapidaire énoncé par Hercule Poirot (en exergue). Dans le présent essai, mon but n’est pas de fournir, selon mon habitude, des résultats nouveaux relatifs au protoroman et à la genèse des parlers romans, mais de présenter, sur la base de données déjà publiées, une analyse de deux aspects méthodologiques antinomiques: (i) ma propre façon d’aborder l’étude diachronique romane, en conformité avec le cadre méthodologique (en 3, «Hypothèses conformes au cadre méthodologique»), et (ii) les approches déviantes, qui, ne retenant pas tous les critères du cadre ou s’en écartant, comportent le risque d’une impasse (en 4, «Hypothèses non conformes au cadre méthodologique»). Un rapide coup d’œil sur la production scientifique dans le domaine de la grammaire historique des langues romanes montre que, depuis quelques décennies, le L’impasse des études romanes diachroniques chercheur tend à quitter le terrain sûr des hypothèses conçues selon le cadre méthodologique et s’aventure de plus en plus sur le terrain glissant et improductif des hypothèses déviantes. Cette évolution me paraît tenir surtout à ce que le protoroman ne figure plus, comme c’était le cas à l’origine, au centre des préoccupations des latinistes et romanistes diachroniciens, à ce que les chercheurs n’incluent plus dans leur programme les approches incontournables que sont la technique de la comparaison historique et les principes du structuralisme et finalement à ce que, par ricochet, la grammaire historique romane, dans la mesure où elle est tributaire du protoroman, se trouve coincée dans une situation sans issue. Selon la thèse que je vais développer ici, la réactivation de l’analyse historique des parlers romans restera bloquée, pour les besoins des études romanes diachroniques, aussi longtemps qu’une prise de conscience ne se produit pas. Pour une introduction méthodologique relativement récente au comparatisme roman, cf. Dardel (1996: ch.1). 3. Hypothèses conformes au cadre méthodologique 3.1 Les deux modèles On peut distinguer deux phases dans l’histoire des recherches sur la genèse des parlers romans: celle régie par le modèle de la «successivité» des parlers romans par rapport au latin écrit, donc par l’hypothèse d’un ordre chronologique {latin écrit → parlers romans}, et celle régie par le modèle de la «simultanéité» du protoroman et du latin écrit ou parlé, donc par l’hypothèse d’un ordre chronologique {{protoroman ~ latin écrit ou parlé} → parlers romans}. Dans la seconde de ces phases seulement, il est possible de respecter l’ordre des deux étapes de la recherche prévues en 2.2. 3.1.1 Le modèle de la successivité Comme les parlers romans ne se sont manifestés concrètement qu’avec l’apparition de leurs textes, c’est-à-dire autour de l’an mil de notre ère, tandis que le latin écrit remonte à plusieurs siècles avant Christ, on a eu tendance, dès le début des études relatives à la genèse des parlers romans, à considérer que les parlers romans non seulement suivent, dans le temps, les textes latins antiques et tardifs selon le modèle de la successivité, mais aussi, assez logiquement en somme, qu’ils en sont issus. Ce modèle était déjà in statu nascendi chez Meyer-Lübke et d’autres chercheurs de l’époque néo-grammairienne; mais la différence entre les deux modèles était alors neutralisée par la régularité de l’évolution phonétique et par l’existence reconnue de nombreux étymons que le latin écrit n’atteste pas. Ces auteurs ont pu en effet reconstruire selon le modèle de la successivité de larges pans du protoro- 13 Robert de Dardel 14 man grâce aux règles de correspondance phonético-sémantiques (aboutissant aux dictionnaires étymologiques des parlers romans) et aux règles de correspondance morpho-lexicales (aboutissant à la morphologie historique), en s’appuyant alternativement sur les parlers romans, par une démarche ascendante, et sur des données du latin écrit, même tardif, par une démarche descendante. En l’absence d’une chronologie solidement établie de l’évolution du latin parlé, ils n’ont cependant pas pu prendre suffisamment conscience du fait - confirmé depuis lors et actuellement largement accepté - que l’évolution du latin parlé pertinente à la genèse des parlers romans remonte à l’Antiquité, défaut que sera censé corriger le modèle de la simultanéité. L’inconvénient du modèle de la successivité est toutefois aussi ailleurs. Lorsqu’on prétend faire dériver les parlers romans du latin des textes, en rapprochant par exemple, à l’époque des premiers textes romans, le fr. chien du lat. écrit canis ou canem, et le syntagme le comte de la cité du lat. écrit comes civitatis, on constate que, malgré ce qui a parfois été suggéré dans des présentations superficielles, les termes français ne peuvent pas être issus à cette époque-là des termes du latin écrit, mais ont dû s’y substituer à une époque bien antérieure. L’embarras où se sont trouvés des romanistes pour expliquer comment on est passé, si tardivement, de l’écrit à l’oral et inversement provient d’une méconnaissance de ce fait, laquelle entraîne l’inversion de l’ordre des deux étapes prévues pour la recherche et décrites en 2.2. 3.1.2 Le modèle de la simultanéité Entre temps, il est devenu évident, soit par les travaux de latinistes aux vues étendues, comme Väänänen, soit par ceux de romanistes comparatistes, comme Hall, que la genèse des parlers romans, dans un protoroman à l’origine unitaire, mais se diversifiant de plus en plus, remonte à l’Antiquité et a pu être en interaction diastylique avec le latin des textes pendant au moins un millénaire. Du côté du latin écrit non classique, nous avons des données datées, soit dans les textes préclassiques (rapprochements de la langue de Plaute avec les parlers romans), soit dans l’épigraphie (inscriptions de Pompéi) et dans les textes postclassiques (l’Itinerarium Egeriae, analysé par Väänänen 1987). Du côté du latin parlé et de ses prolongements romans, nous avons de la part de comparatistes diverses tentatives de dater et localiser l’évolution des traits protoromans, par exemple selon l’approche de l’école dite «linguistica spaziale»; dans cette perspective-ci, il apparaît aujourd’hui comme probable que le sarde, le parler roman de la Sardaigne, représente un état particulièrement précoce du protoroman, remontant au premier siècle avant Christ; on y trouve par exemple, à la surprise des chercheurs, un système acasuel des noms (3.2.1.1). Par ce que j’appelle des analyses spatio-temporelles du protoroman, prolongement perfectionné de la linguistica spaziale, on commence à découvrir que la formation des parlers romans, en tant que systèmes fonctionnels distincts de celui du latin écrit classique, re- L’impasse des études romanes diachroniques monte si loin dans le temps, qu’elle ne saurait plus être considérée comme postérieure aux textes latins, ainsi que le suggère le modèle de la successivité, mais qu’elle remonte, conformément au modèle de la simultanéité, à l’Antiquité. À une étape ultérieure des recherches (la seconde étape citée en 2.2), les deux perspectives diachroniques qui se dégagent de ce modèle, celle du latin écrit et celle du latin parlé, se prêtent à des rapprochements diastyliques ou diamédiaux synchroniques, qu’on pourrait appeler «globalistes»; ces rapprochements concernent les rapports internes soit sous l’angle des oppositions typologiques, soit sous celui d’emprunts entre le latin écrit, classique ou non, et le latin parlé, protoroman compris. Dans cette optique, des recherches de l’après-guerre livrent une image relativement cohérente de l’organisation du protoroman dans le temps et l’espace, de ses caractéristiques internes, en synchronie et en diachronie, et de ses rapports avec le latin écrit. 3.2 Le rôle des structures (illustré par le système casuel) La reconstruction du protoroman se fonde, au point de vue des techniques comparatives, sur divers types d’anomalie dans les parlers romans, et, au point de vue de la vérification des hypothèses protoromanes elles-mêmes, sur la cohérence et le fonctionnement du système reconstruit. À ces facteurs s’appliquent, dans l’abstrait, au niveau des faits de langue, les principes du structuralisme. Le comparatiste doit donc analyser la fonction des structures reconstruites et en éliminer des traits qui s’y révéleraient non fonctionnels, c’est-à-dire extérieurs à la protolangue proprement dite. Je vais illustrer cette théorie avec l’exemple du système casuel nominal. 3.2.1 Le premier cycle de réduction morphologique 3.2.1.1 Le trait fonctionnel productif La langue latine telle que nous la connaissons par les textes antiques distingue cinq cas, marqués par des désinences; or, selon une hypothèse récente (Dardel/ Wüest 1993), au cours d’une réduction morphologique, le latin parlé de l’Antiquité perd tous ses cas nominaux sauf un, l’accusatif, lequel, à lui seul, constitue le système nominal acasuel du protoroman le plus ancien, encore productif en ibéro-roman, sarde et italo-roman méridional (3.1.2) et laissant des traces dans d’autres parlers romans, où la seule forme permanente est, aujourd’hui encore, presque partout, un dérivé de l’accusatif latin. La fonction des cas est alors exprimée par des moyens syntaxiques, à savoir l’ordre des constituants et le recours à des prépositions: venit paulum ‘Paul vient’, videt paulum ad petrum ‘Paul voit Pierre’, venit paulum noctem ‘Paul vient la nuit’, librum de paulum ‘le livre de Paul’; dans ce système protoroman, résultat de ce que nous avons appelé le «premier cycle de réduction morphologique», l’accusatif nominal latin peut donc assumer ou contribuer à exprimer n’importe quelle fonction. 15 Robert de Dardel 16 3.2.1.2 Le trait fonctionnel non productif La réduction morphologique du premier cycle est liée à l’économie du langage. En simplifiant pour leurs besoins la grammaire latine, les sujets non latinophones du monde romain ont substitué au système morphologique complexe, synthétique, du latin «officiel» un système tendanciellement analytique, plus facile à mémoriser (3.2.1.5).Toutefois, comme l’économie du langage vise à maintenir un équilibre entre la loi du moindre effort et la nécessité d’un message réussi, la réduction morphologique à l’œuvre dans le système casuel nominal a, en général, épargné les noms qui, par leur grande fréquence ou pour quelque autre raison, s’étaient gravés dans la mémoire des sujets parlants et étaient de ce fait les plus rentables. Cela explique la survivance, au moins provisoire, en protoroman, de traits fonctionnels non productifs de cas latins autres que l’accusatif; ainsi, nous retrouvons le nominatif dans deus, esp. dios, et marcus, esp. Marcos, le nominatif et l’accusatif en opposition originairement fonctionnelle dans le log. déus (influence du lat. ecclésiastique)/ perdéu ‘per Dio’ (DES 1: 465) et le génitif dans les toponymes esp. Villatoro villam gothorum, à côté de Villagodos villam [de] gothos, représentant le système acasuel (Dardel 1999a: 6s.). 3.2.1.3 Le trait non fonctionnel Parmi les cas latins qui ont disparu en tant que forme fonctionnelle, il en est qui subsistent néanmoins en protoroman sans leur fonction, mais avec la désinence casuelle morphologique figée. En sarde, on attendrait dans le système acasuel décrit en 3.2.1.1 domu ‘maison’, de l’accusatif lat. domum; mais la forme sarde est domo ‘maison’ (sa domo ‘la maison’, etc.), où les étymologistes voient un dérivé de l’ablatif-locatif lat. domo, signifiant ‘à la maison’ (DES 1: 476s.); en sarde, la désinence casuelle primitive étant non fonctionnelle et figée, ce substantif est traité comme un terme du système acasuel et n’est pertinent au protoroman qu’à ce titre. On a donc, dans cet exemple, l’évolution suivante: (i) au sens de ‘à la maison’: le lat. cl. domo, ablatif-locatif, avec désinence fonctionnelle et productive. (ii) au sens de ‘(la) maison’: le protor. ( IPSA ) DOMO et le sarde (sa) domo, tous deux des termes du système acasuel, avec désinence non fonctionnelle figée. En protoroman, domo ne peut guère être qu’acasuel, puisque, dans le système alors en vigueur, un terme en fonction de complément circonstanciel n’est plus marqué par un cas morphologique, mais l’est par le contexte et éventuellement par une préposition. 3.2.1.4 La réduction massive du système casuel. Abstraction faite des traits morphologiques restés fonctionnels mais devenus non productifs (3.2.1.2), la réduction de la morphologie casuelle nominale est massive. L’impasse des études romanes diachroniques Elle affecte aussi toute la syntaxe nominale du protoroman précoce, entraînant la pertinence de l’ordre basique, qui est VSO, celle des prépositions de, pour l’expression du complément de nom, et ad, pour l’expression de l’objet d’attribution [+animé] et de l’objet direct [+animé], ainsi que celle de l’emploi non prépositionnel de certains substantifs en fonction de complément circonstanciel. Cette réduction est relativement brusque, puisqu’en sarde ancien on la trouve déjà entièrement réalisée. 3.2.1.5 Une cause possible du premier cycle de réduction morphologique Une cause possible de la réduction casuelle du premier cycle pourrait être, à mon avis, un phénomène de semi-créolisation, produit par le contact du latin parlé avec les langues substratiques (3.2.1.2). Cette cause externe agit sans doute, au point de vue des modalités, par une succession de syncrétismes, qui finissent par réunir les fonctions casuelles dans la seule forme de l’accusatif. Deux causes internes, souvent invoquées, doivent être écartées. (i) Un amuïssement des désinences casuelles latines est exclu, puisque le protoroman conserve, à l’époque du premier cycle, les phonèmes nécessaires à la distinction des cas classiques. (ii) C’est la disparition des cas morphologiques qui a entraîné l’ordre fixe des constituants majeurs, et non, inversement, l’ordre fixe qui a entraîné ou rendu possible la disparition des cas, comme le soutient Bourciez 1956: §30b. 3.2.1.6 La réduction partielle de tout système morphologique hérité du latin Toutes les observations faites à propos du premier cycle de réduction du système casuel s’appliquent à une partie non négligeable des autres structures morphologiques protoromanes; ainsi, toujours en protoroman précoce, l’adverbe de manière rejoint l’adjectif (fortem pour fortiter), le comparatif est analytique (plus/ magis altum pour altiorem), le verbe préfixé est reformé sur le radical du verbe simple (reclaudere pour recludere), les noms des jours de la semaine subissent l’ellipse du déterminé (martis, etc., pour diem martis, etc.); cette catégorie de constructions protoromanes connaît aussi des résidus fonctionnels non productifs (tels l’adverbe bene et le comparatif maior). 3.2.2 La (re)structuration morphologique Encore pendant que s’accomplit le premier cycle de réduction morphologique se généralise dans la Romania un suffixe -s attaché aux substantifs, adjectifs et adverbes en fonction prédicative et probablement issu, par généralisation du -s final, de certains adverbes d’intensité latins, tels magis et plus; ce processus vise sans doute, dans la perspective d’un besoin de clarté, à compenser, dans le système acasuel, l’absence de désinences casuelles par un système de marques discursives. Nous en avons le reflet, en roman, dans le -s dit «adverbial», caractéristique de la Romania continentale centrale, mais qu’atteste aussi le sarde (Dardel 2004). 17 Robert de Dardel 18 Par la suite, entre le premier siècle de notre ère et l’abandon de la Dacie par les Romains, se forme en protoroman, par étapes, un nouveau système casuel morphologique: d’abord, par l’introduction de nominatifs du latin écrit, un système bicasuel (murus/ murum/ / muri/ muros), puis, par le recours combiné au datif singulier et au génitif pluriel du latin écrit, un génitif-datif [+animé] (filio/ / filiorum), élément constitutif d’un système tricasuel, propre, à l’origine, aux noms [+animé]. Il s’agit, dans ces deux processus, d’emprunts de traits largement attestés dans les textes non classiques, d’inspiration encore classique, mais mêlés d’éléments non classiques soit pour la forme (bovis pour bos), soit pour la fonction (filio ‘du fils, au fils’/ filiorum ‘des fils, aux fils’). Ce développement est une bonne illustration de la dimension diastylique manifestée dans le latin global par le modèle de la simultanéité, qui comporte donc, en co-présence partielle, les structures illustrées par bos/ bovem et bovis/ bovem, puis par bos/ bovem et bovis/ bovi/ bovem. L’influence du latin classique qui est à l’origine des systèmes biet tricasuel s’exerce aussi dans la restructuration d’autres structures produites par la réduction morphologique, comme dans grandior et altior, pas cependant au moment du premier cycle de réduction, comme résidu, mais en protoroman plus tardif, ce qu’atteste leur distribution spatiale limitée. 3.2.3 Le second cycle de réduction morphologique L’évolution décrite en 3.2.1 concerne le premier cycle de réduction morphologique des cas nominaux, mais se répète mutatis mutandis dans le «second cycle», à propos des systèmes protoromans biet tricasuel, plus tardifs. En français moderne, où, au cours du second cycle de réduction, tend de nouveau à dominer un système acasuel, les noms sont acasuels au point de vue de la morphologie et expriment les cas par des moyens syntaxiques: Paul bat le chat/ Le chat mord Paul. Nous sommes ici au niveau des traits fonctionnels productifs. L’amour Dieu, en revanche, à la différence de l’amour de Dieu, est depuis longtemps un trait fonctionnel non productif, qui remonte au génitif-datif de la déclinaison protoromane tricasuelle. Enfin, la désinence -s, après avoir été une désinence cumulant la distinction casuelle et celle des nombres (murs/ mur/ / mur/ murs), n’est en français moderne qu’une désinence de nombre (mur/ / murs); comme désinence casuelle, elle est non fonctionnelle. Contrairement à ce qu’on observe à l’époque du premier cycle, à savoir une réduction précoce, relativement massive et peut-être brusque, la réduction du second cycle, dans le système casuel et dans d’autres structures morphologiques, se déroule d’une manière graduelle et sporadique, par un effacement pour ainsi dire prévisible (usure, affaiblissement phonique, syncrétisme) des morphèmes. L’impasse des études romanes diachroniques 3.3 Conclusions À en croire l’exposé qui précède (en 3), les études romanes historiques sont, depuis un siècle, en pleine évolution; on pourrait même parler d’une nouvelle orientation. On s’en convaincra en confrontant d’une part les débuts, où la genèse des parlers romans était considérée comme subordonnée à l’évolution du latin écrit (avec l’inversion des étapes décrites en 2.2) et traitée en termes préstructuralistes, et d’autre part les développements méthodologiques plus récents, impliquant un usage critique du latin écrit (envisagé comme seconde étape), une extension du latin parlé dans le temps, ainsi qu’un recours systématique au structuralisme. Mais, on va voir que - malgré la persistance d’apports prometteurs au lendemain de la Seconde guerre mondiale, avec Gamillscheg, Hall, Meier, Lausberg, Maurer, Rohlfs et bien d’autres - dans la pratique la plus récente, les recherches se conforment de moins en moins au cadre méthodologique dont je me suis fait l’avocat, de sorte que, si les vues que j’ai exposées plus haut sont recevables, nombre d’idées reçues relatives à la grammaire historique des parlers romans sont actuellement à revoir. 4. Hypothèses non conformes au cadre méthodologique 4.1 En rapport avec l’hypothèse des deux cycles de réduction du système casuel Dans la partie de mon exposé qui a trait au cadre méthodologique (en 3), j’ai mis en évidence et illustré avec le système casuel et quelques autres structures morphologiques deux aspects, actuellement indispensables, du comparatisme roman: (i) La reconstruction du protoroman selon le modèle de la simultanéité, qui implique que la genèse des parlers romans remonte au latin parlé de l’Antiquité, en relation diastylique éventuelle avec le latin écrit, et (ii) la nécessité de dégager la fonction des traits reconstruits en protoroman. Ces deux voies, imposées par les progrès méthodologiques de l’après-guerre, ne sont malgré tout que peu suivies par les chercheurs impliqués dans l’histoire des parlers romans. 4.1.1 Le modèle de la simultanéité Il y a un siècle, au temps de Meyer-Lübke, la technique comparative telle que je la propose dans le modèle de la simultanéité était à peu près inexistante dans les études romanes, parce que, la profondeur historique du protoroman et sa relative indépendance du latin écrit n’étant pas encore établies, on n’en voyait pas la nécessité. 4.1.1.1 Les exemples de Plaute Les témoignages écrits non classiques, comme ceux de Plaute, qui nous semblent aujourd’hui préfigurer les parlers romans (hunc ad carneficem dabo ‘je livrerai cet 19 Robert de Dardel 20 homme au bourreau’, Väänänen 1981: 113), n’étaient pas forcément pour autant considérés comme de possibles attestations prélittéraires des parlers romans, ressortissant à leur genèse, ni par conséquent intégrés à la reconstruction du protoroman. 4.1.1.2 Les systèmes biet tricasuel dérivés du latin antique À ma connaissance, tous les chercheurs qui se sont penchés sur les systèmes biet tricasuel du protoroman ont commis l’erreur - inévitable en l’absence d’une analyse spatio-temporelle reconnue - de les rattacher, dans une démarche ascendante, au système latin antique. Parmi les latinistes qui travaillaient avec les textes latins dits «vulgaires», c’està-dire avec ce que j’appelle le latin écrit non classique, c’est surtout Väänänen 1981 qui s’est intéressé à des rapprochements avec le protoroman; toutefois, même à lui, la profondeur historique du protoroman, telle que je la conçois actuellement, a encore en partie échappé, puisqu’il voyait dans le cas sujet de l’ancien gallo-roman, du type du fr. murs, un prolongement ininterrompu du lat. cl. murus (Väänänen 1981: 110). Et on considère jusqu’à ce jour (Lausberg 1971: §643, Zamboni 2002: 25) l’opposition sarde servus/ servu comme un vestige bicasuel du système latin, alors que cette interprétation est, depuis peu, il est vrai, infirmée par la chronologie des systèmes casuels et par le fait que le -s de ce qu’on prend pour un ancien nominatif n’est probablement rien d’autre que la marque prédicative (3.2.2). Parmi les chercheurs qui ont exploité cette fausse piste dans l’optique du système tricasuel, comportant un génitif-datif, il faut citer Maurer 1959: §39, Dardel 1964, Lausberg 1971, Hall 1974-83/ 3, Väänänen 1981. Chez Maurer, Lausberg et Hall, le système tricasuel est reconstruit sur la base du système roumain, étendu à toute la Romania; mais, comme le génitif-datif, qui se construit en protoroman avec les seuls noms [+animé], s’étend en roumain à tous les noms, sans distinction des catégories [+animé] et [-animé], ce schéma a été supposé, par extrapolation, mais sans justification méthodologique, à l’origine de tous les autres parlers romans. 4.1.1.3 Les systèmes biet tricasuel dérivés par emprunt Il a fallu une analyse spatio-temporelle poussée, dont je ne citerai pas toutes les péripéties, pour comprendre (i) que les systèmes biet tricasuel sont introduits tardivement, par emprunt, et (ii) que le génitif-datif est à l’origine réservé aux animés. Le fait que la séparation typologique du latin écrit d’avec le latin parlé, caractérisé par un système protoroman initial acasuel, remonte à l’Antiquité même n’a pu être confirmé par des critères chronologiques externes et démontré par des critères internes que grâce à l’examen de l’ancien sarde, qui permet de la faire remonter au moins au protoroman du premier siècle avant J.-Chr. (Dardel 1985). Toutefois, cette analyse, bien que favorablement accueillie par un spécialiste du sarde (Jones 1990: 315) et confirmée par l’absence en sarde «of any significant in- L’impasse des études romanes diachroniques 21 fluence from non-Romance languages» (Jones 1990: 314), n’a pas encore, un quart de siècle plus tard, sur les recherches historiques des romanistes, l’impact qu’on serait en droit d’en attendre. La plupart des chercheurs concernés par cette théorie, soit ignorent l’existence et la nature du protoroman, soit la connaissent, mais, n’y croyant pas, laissent les choses en l’état (c’est le cas de Banniard 1992; cf. pour la critique Dardel 2003) ou bien (c’est le cas de Herman 2001) opposent à mon hypothèse sarde, fondée sur des critères internes sûrs, encore confirmés depuis (Dardel 2005b: §3.1.1.2.3.2), une hypothèse fondée exclusivement sur des critères externes aléatoires, qui revient à retarder de plusieurs siècles l’isolement linguistique de la Sardaigne et, par là, à réduire indûment la dimension temporelle du protoroman et à saper l’hypothèse des deux cycles. L’hypothèse nouvelle d’un système nominal acasuel à l’origine du protoroman (réduction dans le cadre du premier cycle, Dardel/ Wüest 1993), confirmée par le sarde, la réduction morphologique concomitante partielle, constatée par la suite dans l’ensemble du système morphologique protoroman, et l’explication possible de la réduction du premier cycle par un principe de l’économie du langage, en combinaison avec un phénomène de semi-créolisation, ont déclenché une avalanche de critiques, dont, selon moi, aucun argument n’emporte la conviction (Dardel 1999b, notes; 2005a); la plupart des critiques se fondent, en creux, sur l’ignorance, inavouée mais évidente, du comparatisme, en général, et de ma thèse sarde, ainsi que de la profondeur historique protoromane qui en découle, en particulier. Les romanistes considèrent avec méfiance, par exemple, le système intermédiaire, bicasuel, comme attestant une romanisation relativement précoce des Grisons (Dardel 2001), région que n’affecte pas l’étape suivante, celle du système tricasuel, qui domine en revanche dans le reste de la Romania continentale centrale et orientale. On n’a pas pris garde non plus que l’évolution du roumain comporte des formes (ILR/ 2: 218) montrant que probablement le système tricasuel s’y est greffé sur la forme du système acasuel et ne remonte donc pas directement à la déclinaison latine classique, de structure d’ailleurs fort différente. 4.1.2 Le structuralisme Dans l’étude du lexique protoroman, au moment d’établir les règles de correspondance phonético-sémantiques, le comparatiste des débuts avait évidemment conscience de l’existence de structures au niveau des unités de seconde articulation, et cette approche a subsisté et s’est développée, notamment avec la description diachronique des systèmes vocaliques protoromans par Lausberg. Mais, au niveau des unités de première articulation, les rapprochements protoromans synchroniques de lexèmes dans une perspective structuraliste ne se faisaient guère; dans le REW, Meyer-Lübke traite, ce qui va de soi, les étymons protoromans séparément, sans relever entre eux de liens sémantiques ni en dégager les valeurs respectives. À ce niveau, la notion de structure fait son entrée dans les paradigmes morphologiques corrélatifs, entre autres chez Meyer-Lübke (GLR 2: 30s.), à pro- Robert de Dardel 22 pos du système bicasuel en ancien gallo-roman, où il voit du reste, lui aussi, un prolongement de la flexion latine classique. Or, tout latiniste ou romaniste n’est pas ipso facto structuraliste et ne réalise pas que, dans le cadre des développements modernes de la linguistique, la description scientifique d’une langue, fût-elle protolangue, est tributaire des contraintes de la synchronie et du jeu de ses fonctions. Ici intervient toute la structure syntaxique nominale protoromane que conditionne le système acasuel (Dardel 1994); s’il avait eu connaissance de cette structure, Bourciez 1959: §30b n’aurait pas expliqué l’absence de cas nominaux morphologiques comme un effet de la fixation de l’ordre des termes, mais envisagé la relation causale inverse. Ici intervient aussi la distinction entre le complément de lieu protoroman du type ad domum ‘à la maison’, fonctionnel, et le substantif sarde sa domo ‘la maison’, issu de l’ablatif-locatif latin, mais rabaissé par figement à un terme non marqué en cas, donc de ce point de vue non fonctionnel (3.2.1.3); avec des formes figées comme celle-ci, on rejoint la grammaire classique latine, mais point le protoroman, pour lequel existe une description entièrement synchronique et fonctionnelle. Récemment encore, on s’est attaqué à l’hypothèse du système protoroman acasuel, sans doute par référence à des désinences casuelles figées; c’est le cas de Herman, qui, au colloque d’Innsbruck, en 1991, dans la discussion, soutenait que le comparatiste peut retrouver en protoroman tous les cas morphologiques classiques. 4.2 Dans les études romanes diachroniques en général Les observations auxquelles les systèmes casuels des parlers romans donnent lieu (en 4.1) valent aussi pour les recherches diachroniques romanes dans d’autres secteurs de la grammaire. 4.2.1 La reconstruction par une démarche descendante justifiée Dans le paragraphe consacré au modèle de la successivité (3.1.1), il faut ménager une place à ce qu’on pourrait appeler, à certaines conditions, la «reconstruction par une démarche descendante justifiée». Ce cas se présente lorsque le chercheur part d’une forme ou construction du latin écrit pour la mettre en rapport avec ses dérivés romans historiques, comme il est d’usage dans la plupart des dictionnaires étymologiques, par exemple dans le REW 3831, lorsque l’auteur pose que du lat. gradus sont dérivés l’it. grado, l’engad. gro, le prov. gra, etc., par quoi il admet que le lexème lat. écrit gradus a son pendant dans le protoroman antique gradum. Ce procédé comparatif présuppose, entre les données antiques et les données romanes, un lien historique, garanti par un des critères du comparatisme, en ce cas par des règles de correspondance phonético-sémantiques. Dans ces conditions seulement, le recours au modèle de la successivité me paraît justifié. Chez les précurseurs, on peut citer certaines analyses de E. Löfstedt (1959: 23), dont le rappro- L’impasse des études romanes diachroniques 23 chement, aujourd’hui admis par le DELF s. ôter, entre le lat. tard. o(b)stare ‘faire obstacle’ et le fr. mod. ôter ‘enlever’, moyennant quelques virages délicats de l’évolution sémantique. Et voici, de la reconstruction descendante justifiée, quelques exemples plus récents: García-Hernández 2000 propose une analyse structurale du sens de suben latin écrit, dont les reflets se retrouvent au niveau des parlers romans, Martín Rodríguez 1998 analyse des cas comme celui du lexème locare, lequel exprime selon le contexte deux aspects opposés d’une action, à savoir le fr. louer, ‘donner à loyer’ et ‘prendre a loyer’, et Nieto Ballester 1998, à propos de mihi, livre un exemple clair de la complémentarité des études prélatines fondées sur l’écrit et des études romanes et protoromanes; dans la même veine, Haverling 1998 explique par des modifications structurales du latin tardif le prétérit inchoatif roman du type je sus ‘j’appris’. Bien que l’analyse spatio-temporelle prévue par le cadre méthodologique n’y soit pas décrite systématiquement, ces études sont, par la garantie qu’offrent les liens historiques, de précieuses contributions préalables à l’étude du protoroman. 4.2.2 L’apport des romanistes Avec l’énorme quantité de données romanes, observables soit en direct, dans les parlers actuels, soit indirectement, dans des documents écrits remontant en partie au IX e siècle, les romanistes sont en principe bien placés pour se livrer au comparatisme historique et reconstruire le protoroman. Encore faut-il évidemment qu’ils fassent leur la méthode appropriée, conformément au cadre formulé en 2.2, et déjà pratiquée, mise à l’épreuve et perfectionnée par des générations de comparatistes. De l’approche que je préconise, à savoir celle selon le modèle de la simultanéité, on retrouve aujourd’hui les effets au moins partiels dans les deux domaines chers aux néo-grammairiens et illustrés par des publications importantes, telles le LEI et la thèse d’Eva Büchi 1996 pour l’étymologie, et, pour les structures morphologiques, les études de Hall (par exemple 1979), de Tekav c i ú (1980/ 2: §643-45, à propos de l’affixe -isc) et de Lüdtke (par exemple 1980), ainsi que les grammaires historiques romanes de Maurer 1959, Lausberg 1971 et Hall 1974-83, toutes trois axées sur le protoroman. Dans la même période paraît, en plusieurs éditions, Bourciez 1956, un très bon manuel, où cependant l’évolution du latin global est décrite sur la base du latin non classique sous sa forme écrite, où les données romanes, classées par langues, sont présentées implicitement comme succédant au latin écrit et d’où sont absentes une analyse spatio-temporelle explicite et une allusion quelconque à une semi-créolisation, pourtant postulée déjà par Meillet 1977. Mis à part les ouvrages de Hall et de Lausberg, toutes ces grammaires historiques des parlers romans offrent une présentation systématique de la syntaxe; mais, faute d’une méthode comparative éprouvée dans ce domaine, il s’agit de reconstructions plutôt conjecturées intuitivement, à partir des données latines et romanes, que reconstruites, en protoroman, par la grammaire comparée. Robert de Dardel 24 La méthode de l’école néo-grammairienne, mise à jour selon le modèle de la simultanéité, se manifeste encore isolément. Ferguson 1976 part de données romanes actuelles plutôt que de données romanes anciennes, dont il se méfie; il compare des structures romanes, reconstruit des structures protoromanes, en synchronie et en diachronie, en s’inspirant de la phonologie diachronique de Martinet, et donne du développement du vocalisme roman une description mieux étayée, dans le prolongement des études de Lausberg sur le vocalisme. Ma n´ czak 1969 fait valoir avec raison la nécessité de compléter la dérivation des lexèmes selon les lois phonétiques par les dérivations qui s’en écartent en raison de la fréquence d’emploi. Mais voici quelques exemples d’études romanes où l’on n’a pas su tirer parti du modèle de la simultanéité, ni des possibilités offertes par la reconstruction ascendante. Haiman/ Benincà 1992 attribue à tort le verbe second en rhéto-roman à une influence germanique, alors qu’une analyse protoromane aurait mis en évidence la présence probable de cette structure en protoroman à date ancienne déjà, notamment en Sardaigne, où l’explication «germanique» est contestable. Chez Rebecca Posner 1996, l’emploi des modes dans les subordonnées romanes est décrit au cas par cas au niveau des parlers romans, alors qu’il existe une description protoromane structurale (Dardel 1983: §6.4.3), qui est simple et en rendrait compte. Jensen 1999 ne prend pas systématiquement en considération les deux témoins du protoroman le plus ancien que sont le sarde et le rhéto-roman; il ne peut donc pas mettre en évidence, dans toute son extension, la dimension diachronique du protoroman et livre de ce fait une description mutilée. 4.2.3 L’apport des latinistes Le latin écrit, qui est essentiellement un fait de parole, soutient, en science d’appui, le comparatisme roman dans le modèle de la simultanéité, tandis que son étude dans le modèle de la successivité est, mis à part la reconstruction descendante justifiée (4.2.1), au contraire méthodologiquement dépassée, du moins pour le comparatisme historique. À ce propos, on peut citer E. Löfstedt 1959, qui, en adepte du modèle de la successivité, fait de multiples rapprochements du latin écrit non classique et des parlers romans. Mais ces rapprochements sont malheureusement d’un intérêt aujourd’hui limité, car la reconstruction descendante risque d’y donner de mauvais résultats, pour deux raisons. (i) Elle a un côté superficiel, en ce qu’elle n’est pas forcément étayée par une analyse afférente préalable dans tous les parlers romans. (ii) Dans le rapprochement de données latines et romanes, il y a, en l’absence de certains critères comparatifs, risque de confusion, de la part du chercheur, entre le lien historique et les manifestations occasionnelles d’une simple tendance; aussi est-ce justement une tendance et non un lien historique que voit E. Löfstedt (1959: 120s.), à propos de substantifs en apposition se muant en adjectifs, d’une part dans le lat. stagnum ‘eau stagnante, nappe d’eau’, rapproché de la construction in stagnis aquis, chez Oribase (IV e s.), et d’autre part dans le frioul. age stañe ‘ruhig fliessendes Wasser’ (REW 8217a). L’impasse des études romanes diachroniques 25 Pour Wanner 1987, strict adepte du modèle de la successivité, en ce qui concerne la place des pronoms clitiques, le roman commence avec la loi de Tobler- Mussafia, sur laquelle débouche, tardivement, le système du latin écrit, et non avec les structures romanes antérieures à cette loi, que révèle pourtant déjà alors l’approche de Ramsden 1963 par le modèle de la simultanéité. Mais les noms en vogue de nos jours sont ceux de Herman et Banniard. Chez Herman, le modèle de la successivité se manifeste surtout dans son ouvrage sur les conjonctions de subordination (Herman 1963: 133), où l’ordonnance des données se conforme à ce modèle et où le caractère sommaire de l’analyse spatio-temporelle entraîne celui des structures synchroniques protoromanes et de leurs reflets dans les parlers romans; c’est à ces deux défauts que j’ai tenté de remédier dans mon ouvrage sur le même sujet (Dardel 1983). De l’apparition des conjonctions quod et quia introduisant les subordonnées complétives, Herman 1989, fidèle à son modèle, qui privilégie le latin écrit, a donné une description fondée expressément sur le seul latin des Pères de l’Église, en écartant donc, et les attestations en latin écrit préclassique, et le protoroman. Il en est résulté une datation et une chronologie biaisées (Dardel 1995/ 96). Tout récemment, dans sa communication «La chronologie de la transition: un essai», Herman 1998: 5-26, se mouvant encore dans le modèle de la successivité, refuse explicitement d’appliquer la reconstruction historique et choisit d’établir une «chronologie interne» du latin écrit, comme étant le lieu de faits «chronologiquement assurés»; et il poursuit en ces termes: «les processus [évolutifs] pris en compte sont, d’un point de vue chronologique, très hétérogènes . . . tout ceci donne l’impression d’une sorte de continuum inorganisé»; cette impression est en réalité une illusion, inévitable de la part du chercheur moderne, s’agissant d’un système où se chevauchent plusieurs normes qu’il n’a pas pris la peine de séparer et de situer dans le temps, l’espace et la hiérarchie sociale. Pour la même raison, l’idée qu’a régné dans l’Antiquité un «chaos» linguistique, mot que Herman n’utilise pas lui-même, mais que d’autres formulent dans le même recueil, est un non-sens. Quant à la thèse de Banniard 1992, elle ne mérite d’être étudiée par les romanistes qu’en raison de ses analyses fouillées du latin écrit dans ses rapports diastyliques; en revanche, pour avoir écarté d’emblée, à la légère, les travaux plus anciens des néo-grammairiens et des comparatistes, Banniard brosse un tableau incohérent de la manière dont les parlers romans sont issus du latin; par conséquent, il n’arrive pas à expliquer, en termes d’évolution de la langue, comment il se fait que les anciens textes français attestent par exemple le mot chien, alors qu’à la même époque les textes latins ont encore canis ou canem; il ne semble donc pas voir qu’il y a ici non pas prolongement linguistique interne, mais une substitution sur fond de relations diastyliques (Dardel 2003). Dans la thèse de Brigitte Bauer 1992, l’évolution de la syntaxe positionnelle «du latin au français», formule qui déjà trahit le modèle de la successivité, est décrite sur la base de textes latins d’abord; une preuve de l’inanité de la méthode est que l’auteur ne trouve pas, dans le latin écrit soumis à son analyse, la base OVS, que pourtant le protoroman a connue approximativement à l’époque de l’occupation de la Dacie et qui laisse, en roman, de Robert de Dardel 26 nombreuses traces dans l’ordre des constituants majeurs et dans les nominalisations qui en sont dérivées (Dardel 1989, 2000). À propos de l’histoire de l’adverbe de manière roman, deux problèmes se posent à Bauer 2003: (i) Pourquoi du type classique alte est-on passé au type roman alta-mente? et (ii) Pourquoi des siècles paraissent s’être écoulés entre la disparition du premier type et l’apparition du second? Bauer n’a de réponse satisfaisante ni à la première question, ni à la seconde; et pour cause: elle s’appuie sur les textes latins et leur chronologie, mais néglige le protoroman et sa chronologie propre, qui est différente. Si elle avait procédé en comparatiste, elle aurait constaté que, dans l’intervalle considérable entre le type alte et le type alta-mente, se situe, d’un bout à l’autre de la Romania, un troisième type, l’adjectif-adverbe altum, variable comme adjectif, invariable comme adverbe, qui se conserve intact en roumain et que nous rencontrons encore, comme vestige figé, dans les autres parlers romans, tel le fr. La tour est haute/ Pauline parle haut; or, l’existence de l’adjectif-adverbe protoroman permet de répondre aux deux questions que se pose Bauer: (i) le type en -mente n’est qu’une manière d’expliciter la fonction adverbiale de l’adjectif-adverbe, d’où l’étape finale altum adjectif/ alta-mente adverbe, (ii) l’adjectif-adverbe, dont Bauer ne tient pas compte, comble assez naturellement l’écart chronologique auquel elle s’achoppe. On pourrait hélas multiplier les exemples de ce type: Malkiel 1972: 359-61 trahit son adhésion au modèle de la successivité en disant, à propos du suffixe paleo-roman -isk (-esc(o)), pourtant bien attesté en sarde, «The post-Latin development of -esc(o) falls into two . . . phases. The first, or Paleo-Romance, phase . . . ». B. Löfstedt 1967/ 68 présente de nombreux exemples de l’adjectif-adverbe en latin écrit, mais n’aborde explicitement son statut historique ni en protoroman, ni dans les parlers romans, lacune qui ampute le tableau général d’éléments qui auraient enfin révélé ou confirmé l’extension considérable de cette structure. Un reproche analogue s’applique à Müller-Lancé 1994, qui, pour n’avoir pas recouru au protoroman, débrouille mal, dans les constructions absolues, les rapports historiques entre latin écrit et protoroman dans l’Antiquité, et à Piera Molinelli 1998, qui, déjà par le titre de son exposé, mais aussi par la teneur de sa communication, illustre parfaitement les ravages que cause encore de nos jours le modèle de la successivité. Ce sont là des cas patents, parmi beaucoup d’autres, d’un refus de recourir à la méthode comparative. Avec des études de cet acabit, malgré d’évidentes qualités du latiniste, la description historique du latin global est condamnée à faire du sur-place. 4.2.4 Du côté des globalistes Reste un petit peloton de savants, qui, dépassant les modeles partiels que sont ceux de la successivité ou de la simultanéité, poussent leurs recherches jusqu’aux limites du domaine couvert par le latin global, en direction par exemple du vieux latin, du lexique protoroman et du domaine encore peu exploré des relations dia- L’impasse des études romanes diachroniques 27 styliques. Des approches si ambitieuses, qui pourraient se réclamer du slogan «À latin global, méthode globale» et où souffle un vent du large, ne sont pourtant pas toujours couronnées de succès, surtout, ici encore, faute d’une solide analyse comparative. Au chapitre de la reconstruction du protoroman, il faut citer surtout Hall 1974- 83, remarquable travail de comparaison historique, où il distingue latin écrit et protoroman, qu’il situe en simultanéité à l’époque du latin classique, et Stefenelli 1992, qui livre une histoire combinée du latin écrit, du protoroman et des parlers romans dans le domaine du vocabulaire, sous la forme d’une vue d’ensemble dans une optique panromane, chiffrée et évaluée. Bork 1969 et Cornelissen 1972 laissent malheureusement l’analyse spatio-temporelle inachevée, pour n’avoir pas voulu la pousser jusqu’à l’état initial du protoroman. Meier 1986 tend, avec un relatif bonheur, à combiner la documentation romane avec le latin écrit et les résultats du comparatisme. Harris/ Vincent 1990, ouvrage collectif, notable par son plan uniforme et la possibilité d’une lecture transversale, est utile pour la synchronie du latin et des parlers romans, mais reste pris, en ce qui concerne la diachronie, dans des distorsions chronologiques et une combinaison confuse des modèles de la simultanéité et de la successivité, ignorant jusqu’aux ressources de l’analyse spatio-temporelle et, par conséquent, la possibilité de formuler des règles grammaticales protoromanes. Salvi 2004 fait un effort pour élargir sa méthode et augmenter les données; c’est une entreprise intéressante, en principe, pour une confrontation des traitements par la GGT et de celui par le comparatisme historique, que j’ai appliqué au même domaine que lui; seulement, cette confrontation, esquissée par Salvi, n’est pas pertinente; il maîtrise mal la méthode comparative que je pratique, ce qui ne l’empêche pourtant pas d’en contester les résultats. 5. Le sort des études romanes diachroniques 5.1 Vu par le petit angle de la caméra Envisageons le sort des études romanes diachroniques pour ainsi dire à travers le petit angle de la caméra. Dans le présent essai, j’ai illustré les diverses approches, favorables ou défavorables au progrès de la linguistique romane diachronique, par un échantillon de références à des études publiées; j’en ai passé un très grand nombre sous silence, mon but n’étant pas d’établir un catalogue. Le choix que j’ai fait visait plutôt à mettre en lumière l’évolution à long terme de la méthode, avec ses moments forts ou faibles et des résultats de qualité variable, mais déclinante. Je reconnais que la voie préconisée par moi est plus longue et ardue que celle qu’on suit encore souvent, ne serait-ce que par la nécessité de soumettre à toute analyse la totalité des parlers romans. Aussi, je ne me pose pas en modèle, ayant mis moi-même des années à surmonter les obstacles que j’ai rencontrés au début de ma carrière et à m’affranchir des préjugés que je dénonce aujourd’hui. Robert de Dardel 28 Reste que la pratique ne suit pas ou suit mal une théorie qui est actuellement en pleine évolution. La reconstruction d’un protoroman cohérent et fonctionnel, apte à se substituer à tant d’essais inachevés ou avortés, se fait attendre. Si les romanistes étaient encore entraînés aux techniques du comparatisme et animés par le besoin de voir clair dans la genèse des parlers romans, il y a longtemps qu’ils auraient entrepris de chercher et auraient trouvé et finalement adopté la solution de problèmes simples, contre lesquels butent à chaque pas - telle la mouche contre la vitre - les historiens des parlers romans: par exemple le pronom protoroman neutre pluriel illa, dans le type panroman qu’illustre le fr. il se la coule douce, la disparition du futur simple combinée avec la survivance du latin erit, qui en est un résidu fonctionnel, le système nominal bicasuel du rhéto-roman des Grisons, le dernier témoin du système casuel situé entre les systèmes acasuel et tricasuel, et j’en passe. Sans doute par ignorance des méhodes ou manque de curiosité, d’ouverture, de volonté «politique», par force d’inertie, peut-être même sous la pression administrative qui pousse les chercheurs à publier davantage, les études romanes diachroniques connaissent de nos jours une production déficitaire. Elles se trouvent en fait dans une impasse, que, sur le plan scientifique, j’attribue surtout à ce que, chez beaucoup, le structuralisme reste lettre morte et à ce que l’atout possible du latin écrit, exploité en dépit du bon sens, se retourne maintenant contre la linguistique romane. 5.2 Vu par le grand angle de la caméra Appliquons maintenant à ce problème le grand angle de la caméra. Nous apercevons que - sauf prise de conscience et inversion des tendances - ce qui est en cause est l’existence même de l’ensemble formé par le latin global et le roman en tant qu’observatoire de recherches linguistiques, ensemble presque unique en son genre par son étendue dans le temps et l’espace et par son encadrement historique. Ce qui est en cause, en un mot, c’est un paradigme, au sens de «modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifiques» (Larousse). L’étymologiste Harri Meier a publié à la fin de sa vie une synthèse de ses réflexions méthodologiques, dans laquelle il dit (Meier 1986: 48s.) que les lois phonétiques élaborées au XIX e siècle constituent un outil inachevé, qui doit encore être complété par des lois phonétiques supplémentaires, à découvrir, et que c’est à tort que la phonétique historique a été délaissée, au début du XX e siècle, et qu’on recourt à des échappatoires faciles, telles l’assimilation, la dissimilation, la métathèse ou la contamination. Meier en donne un exemple issu des recherches de ses disciples: pour rendre compte de la sonorisation des consonnes initiales, comme on la trouve dans la paire d’étymons crassus/ grassus, et ne trouvant pas, dans le corpus de lois phonétiques traditionnel, de loi qui prévoie ce cas, Meier propose une loi nouvelle, phono-syntaxique, aux termes de laquelle une consonne initiale sourde protoromane précédée d’une voyelle se sonorisait, produisant des variantes du L’impasse des études romanes diachroniques 29 type (il)la derra/ (il)las terras, loi qui, à son avis, résoudrait un grand nombre de problèmes posés par la phonétique historique. C’est un sentiment semblable que j’éprouve à l’égard de la grammaire comparée des parlers romans. Dans les deux cas, il s’agit d’un outil inachevé ou mal employé et des symptômes d’un déclin du paradigme néo-grammairien, dans une suite ininterrompue de changements de paradigme qui ponctuent au cours des âges l’histoire de la linguistique, et sans doute de toute science. Cela est dans la nature des choses, et le chercheur individuel ne saurait l’empêcher. Mieux vaut peut-être tourner la page et faire confiance, pour l’avenir, à la formation programmée d’une relève de la grammaire comparée romane. Groningue Robert de Dardel Bibliographie Banniard, M. 1992: Viva voce. Communication écrite et communication orale du IV e au IX e siècle en Occident latin, Paris Bauer, B. L. M. 1992: Du latin au français. Le passage d’une langue SOV à une langue SVO, Nijmegen Bauer, B. L. M. 2003: «The adverbial formation in mente in vulgar and late Latin. A problem in grammaticalization», in: H. Solin/ M. Leiwo/ H. Halla-Aho (ed.), Actes du VI e colloque international sur le latin vulgaire et tardif. Helsinki, 29 août-2 septembre 2000, Hildesheim/ Zürich/ New York: 439-57 Bork, H. D. 1969: Die Familie von lateinisch QUATERE im Romanischen, Heidelberg [c. r. Dardel, R. de, VRom. 36 (1977): 342-44] Bourciez, E. 1956: Éléments de linguistique romane, Paris Büchi, E. 1996: Les structures du «Französisches etymologisches Wörterbuch». Recherches métalexicographiques et métalexicologiques, Tübingen Cornelissen, R. 1972: Lateinisch COM als Verbalprefix in den romanischen Sprachen, Bonn [c. r. Dardel, R. de, VRom. 36 (1977), 342-44] Dardel, R. de 1958: Le parfait fort en roman commun, Genève Dardel, R. de 1964: «Considérations sur la déclinaison romane à trois cas», CFS 21: 7-23 Dardel, R. de 1983: Esquisse structurale des subordonnants conjonctionnels en roman commun, Genève Dardel, R. de 1985: «Le sarde représente-t-il un état précoce du roman commun? », RLiR 49: 263-69 Dardel, R. de 1989: «L’hypothèse d’une base OVS en protoroman», Probus 1: 121-43 Dardel, R. de 1994: «La syntaxe nominale en protoroman ancien et ses implications sociolinguistiques», RLiR 58: 5-37 Dardel, R. de 1995/ 96: «Trois normes [latines] relatives aux complétives assertives en latin», CFS 49: 165-70 Dardel, R. de 1996: À la recherche du protoroman, Tübingen Dardel, R. de 1999a: «Traits classiques résiduels en protoroman (à propos des cas)», in: H. Petersmann/ R. Kettemann (éd.), Latin vulgaire - latin tardif V. 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