eJournals Vox Romanica 66/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2007
661 Kristol De Stefani

Aimé Petit (ed.), Réception et représentation de l’Antiquité. Actes du colloque du Centre d’études médiévales et dialectales de Lille 3 (Université Charles-de-Gaulle, 28-30 septembre 2005), Lille (Université Charles-de-Gaulle) 2006, 354 p. (Bien dire et bien aprandre 24).

121
2007
Gabriele  Giannini
vox6610315
bouts de phrases sans, en fait, analyse sémantique du mot (cf. p. ex. jornal): un tel glossaire (il est typique dans son genre) aide à la compréhension du texte, mais pas dans chaque cas à celle du sens des mots, réduisant par là aussi l’accès à l’intention de l’auteur. Branc ‘lame de l’épée’ est distingué de ‘épée’, ce qui est juste (308); comme il s’agit d’une synecdoque, c’est une distinction toujours difficile; brans de coulor ‘lames où joue la lumière’ est douteux, mieux probablement ‘lame[s] à l’aspect bicolore (par le damasquinage)’. Muer color ‘rougir de honte; blêmir ou rougir de douleur ou de contrarieté’: indications contextuelles. Comme nobile n’est pas une variante de noble, on ne devrait pas les traiter dans un même article. Cire ‘sceau de cire’ transpose la synecdoque; du point de vue littéraire il serait mieux de définir ‘cire (du sceau)’, ce qui serait en même temps correct du point de vue linguistique. Besant, denier et paresis sont employés dans le texte de façon identique comme renforcement de la négation (cp. 3836 avec 5196), mais les traductions fournies en sont très diverses. Il manque une reproduction d’une page du manuscrit. Dans l’ensemble une édition qui fait honneur à la SATF. La collation d’un certain nombre de folios a confirmé que la transcription est exempte d’erreurs. Comme le récit est moins ennuyeux que bien d’autres chansons de geste (H. parle à juste titre de la ‘délicatesse d’expression’ (71)), l’édition pourrait servir au questionnement en cours des méthodes éditoriales 1 . Frankwalt Möhren ★ Aimé Petit (ed.), Réception et représentation de l’Antiquité. Actes du colloque du Centre d’études médiévales et dialectales de Lille 3 (Université Charles-de-Gaulle, 28-30 septembre 2005), Lille (Université Charles-de-Gaulle) 2006, 354 p. (Bien dire et bien aprandre 24). Les journées d’études, désormais traditionnelles, organisées par le Centre d’études médiévales et dialectales, ont été consacrées, en 2005, à un sujet qui jouit depuis une trentaine d’années d’une considération croissante et demeure au centre des intérêts des animateurs du rendez-vous lillois 1 : l’état des questions, par rapport à la présence et à la réception de l’Antiquité dans les textes littéraires médiévaux, a certes été donné par Francine Mora-Lebrun dans une mise au point récente 2 ; cependant, l’on constate d’emblée, en lisant les actes réunis par Aimé Petit, un glissement remarquable de l’intérêt général vers la question de la vitalité de l’œuvre de Virgile et des formes et des contextes de sa réception. Parmi les quatre sections de l’ouvrage, la deuxième (Autour de Virgile, 109-82) y est entièrement consacrée, la première (Quelques figures féminines et mythologiques, 11-108) s’y rattache, notamment dans les contributions concernant les figures virgiliennes de la Sybille et de Lavine ; quant à la quatrième (Réception de l’Antiquité (XVII e -XX e siècles), 287-354), elle s’intéresse à des aspects de la fortune de Virgile à l’époque moderne dans trois essais sur cinq. Néanmoins, la variété des thèmes et des apports est assurée par la complexité des questions posées dans certaines contributions, comme le montrent efficacement, dans la première section, les recherches autour de quelques figures majeures. Par ailleurs, la troisième partie (Réception de l’Antiquité au Moyen Âge et au XVI e siècle, 183-285) se charge de regrouper les études dé- 315 Besprechungen - Comptes rendus 1 Cf. F. Duval (ed.), Pratiques philologiques en Europe, Paris 2006. 1 Cf. par exemple Troie au Moyen Âge. Actes du colloque du Centre d’études médiévales et dialectales de Lille 3 (Université Charles-de-Gaulle, 24-25 septembre 1991), Lille 1992 (Bien dire et bien aprandre 10). 2 F. Mora, «La réception de l’Antiquité au Moyen Âge», Perspectives médiévales 30 (2005): 367-81. gagées de toute référence au courant virgilien, ce qui permet d’aborder nombre de problèmes et de textes, échelonnés entre la fin du IX e et du XVI e siècle, et d’observer selon plusieurs points de vue l’évolution de certaines composantes culturelles sur une longue durée (par exemple la doctrine amoureuse ovidienne). Il faut ajouter que l’ouverture de la réflexion à l’époque moderne, loin de nuire à la cohérence du recueil, apporte au contraire des suggestions parfois précieuses. Ceci dit, la qualité des contributions ainsi que l’intérêt des sujets particuliers abordés demeurent très inégaux. La première section s’ouvre par deux contributions sur la représentation littéraire de la Sybille au Moyen Âge, dont on apprécie la nature complémentaire: F. Mora-Lebrun («Les métamorphoses de la Sybille au XII e siècle», 11-24), qui avait déjà recensé un certain nombre de textes médiévaux où la prophétesse antique est transmuée en séductrice perverse, revient sur ce sujet pour repérer les premiers stades du processus de transformation et en reconnaît l’un des moments décisifs dans la superposition du personnage romanesque et épique de la belle sarrasine; J. Abed («La vieillesse de la Sibylle: devenir d’un stéréotype antique à l’époque médiévale», 25-38) s’intéresse à la persistance et à l’évolution dans plusieurs textes médiévaux d’un trait marquant livré par la tradition latine, le grand âge de la prophétesse. Plus loin, l’étude de M. Possamai-Pérez («La faute de Narcisse», 81-97), consacrée à la fable de Narcisse dans le livre iii de l’Ovide moralisé, s’avère intéressante, notamment pour l’analyse détaillée des rapports entre texte et source principale (les Métamorphoses), qui permet de déceler dans l’adaptation médiévale une moralisation poussée du personnage, devenu entièrement responsable de sa perte, et l’emploi, en tant que source secondaire, de la mise en roman de la légende livrée par Guillame de Lorris dans le Roman de la Rose, lors de l’arrivée du narrateur à la fontaine de Narcisse. Cependant, une prise en compte de la première exploitation du récit mythique en ancien français (Narcisse, daté entre 1165 et 1175) aurait été souhaitable, ainsi que l’utilisation du travail de Louise Vinge, toujours fort utile, et la prise en compte des précisions sur la fortune du thème fournies par Roberto Crespo en marge d’un passage lyrique de Richard de Fournival 3 . La section est complétée par les travaux de S. Cerrito («Les métamorphoses de Médée au Moyen Âge. Analyse du mythe dans les versions françaises, italiennes et espagnoles», 39-56), qui s’attache à l’une des figures mythologiques les plus complexes et ambiguës, R. Cormier («À propos de Lavine amoureuse: le Savoir sentimental féminin et cognitif», 57-70), W. Michera («De la féminisation du mal», 71-80) et R. Baudry («Merlin, fils du diable? Une légende tenace née d’un contre-sens latin! », 99-108). Ce dernier revient au récit fondateur contenu dans l’Historia Regum Britanniae, qui fait de Merlin le fils d’un de ces esprits «quos incubos daemones appelamus» et qui, en résidant entre Terre et Lune, «partim habent naturam hominis, partim vero angelorum», pour redonner au daemon de Geoffroy de Monmouth son sens platonicien de génie aérien et imputer à Robert de Boron l’interprétation de cette indication de paternité qui a conduit à la diabolisation du mage. La contribution la plus solide de la section virgilienne est due à A. Petit («Dido dans le Roman d’Énéas», 121-40), qui revient à la réécriture médiévale de l’épisode de Didon pour examiner en détail la réorganisation de la matière virgilienne. L’article souligne la transformation subie par le personnage dans l’Énéas, où Didon devient «une amoureuse ovidienne et surtout une héroïne humanisée, aux accents presque chrétiens» (140), et précise le rôle et la signification de l’épisode par rapport à l’ensemble de l’œuvre. Ph. Logié («La catabase d’Yonec: un souvenir de Virgile? », 141-51) part d’une constatation que l’on partage volontiers - la coexistence dans nombre d’œuvres médiévales d’apports folkloriques 316 Besprechungen - Comptes rendus 3 Cf. L. Vinge, The Narcissus Theme in Western European Literature up to the Early 19 th Century, Lund 1967 et R. Crespo, «Richard de Fournival e Narciso», Medioevo romanzo 11 (1986): 193-206. et savants - et s’intéresse, dans cette perspective, au voyage dans l’au-delà du protagoniste du lai de Marie de France. Mais si la proximité du récit de la catabase d’Yonec avec la conception traditionnelle irlandaise de l’au-delà est frappante, son rattachement à l’épisode de la descente d’Énée aux enfers (Énéide, livre vi) s’avère moins convaincant. Ce dernier, dans l’adaptation allemande de l’Énéas rédigée entre 1174 et 1186, fait l’objet de l’étude de M.-S. Masse («Images des enfers virgiliens dans l’Eneasroman de Heinrich von Veldeke», 155-69). De moindre intérêt sont les essais d’A.-F. Pifarré («Le personnage de Virgile dans Le Roman de Dolopathos: le philosophe élu de Dieu», 111-19) et d’É. Tabet («Au tombeau de Virgile: pèlerinage virgilien et inspiration littéraire au début du XIX e siècle», 171-82). D’ailleurs, ce dernier aurait mieux été placé dans la quatrième section. En ouverture de la troisième section, W. Besnardeau («La représentation des Grecs dans Le Roman de Troie», 185-96) s’attache, d’une manière parfois naïve, à relever les choix onomastiques et descriptifs de Benoît censés suggérer au lecteur une assimilation entre certains personnages grecs du Roman de Troie et les Sarrasins des chansons de geste. Ensuite, M.-M. Castellani («L’Antiquité dans Athis et Prophilias», 197-211) cherche à déterminer la culture antique des deux versions du roman dont elle est spécialiste, et remarque - par exemple en ce qui concerne la description ovidienne de l’amour - que cette culture est surtout indirecte, c’est-à-dire acquise par l’intermédiaire des romans antiques de la première génération, notamment l’Énéas. Deux travaux soignés mesurent le poids que les aspirations politiques bourguignonnes exercèrent au XV e siècle sur certaines traductions et mises en prose réalisées à la cour de Bourgogne. Ainsi, S. Montigny («La comparaison entre les institutions romaines et les institutions bourguignonnes dans la traduction de la Guerre des Gaules de Jean du Quesne (1473-74)», 241-57) montre, à partir de l’analyse d’un chapitre introductif de la traduction du De bello Gallico accomplie par le chroniqueur de Charles le Téméraire, comment la représentation de l’Antiquité y est instrumentalisée afin de justifier les pratiques politiques et l’idéologie du régime bourguignon. C. Gaullier-Bougassas («Alexandre, héros du progrès: la lutte contre les tyrans orientaux dans l’œuvre de Jean Wauquelin», 211-27) se concentre sur la transformation que subissent, dans Les faicts et les conquestes d’Alexandre le Grand (1448), les figures des tyrans orientaux Darius et Porrus par rapport à la source principale d’Alexandre de Paris. Elle met en évidence le lien entre cette mutation et la sacralisation tout à fait nouvelle du pouvoir absolu d’Alexandre, qui incarne dans l’œuvre de Jean Wauquelin l’ancêtre et le modèle des souverains chrétiens occidentaux et qui, bien évidemment, préfigure l’autoritarisme et les aspirations expansionnistes (même orientales) de Philippe le Bon. G. Gros («Digression narrative et périple méditerranéen: la Grèce et Rome au prisme de l’Estoire del Saint Graal», 229-40) s’intéresse à deux longs récits intercalés dans l’Estoire del Saint Graal qui concernent Pompée et Hippocrate et prétendent relater des épisodes de leurs vies oubliés par l’histoire officielle. Le but de l’auteur de ces récits est la mise en cause de certaines valeurs qui sont le propre de l’Antiquité, étant donné que «l’échec de ces modèles antiques est imputable à des valeurs apparemment trop humaines pour s’ouvrir aux promesses du christianisme» (240). J. Ch. Lemaire («Souvenirs de l’Antiquité dans Les Angoysses et remedes d’amour de Jean Bouchet, 259-70) et Y. Coz («L’Antiquité romaine dans l’Angleterre des années 890: la traduction-adaptation des Histoires contre les païens d’Orose en vieil-anglais», 271-85) concluent la section. Dans le lot des contributions portant sur la réception de l’Antiquité de la Contre-Réforme au XX e siècle (N. Brout, «L’adoption des dialogues de Cicéron comme modèle et son pervertissement par A. Schott dans le contexte de la Contre-Réforme», 289-304; S. Thorel- Cailleteau, «Le Roman de Didon et Énée à l’âge classique», 305-15; C. Zudini, «Une présence virgilienne dans La Maison hantée d’Alberto Savinio», 329-44; D. Viellard, «Aragon et l’arma virumque cano virgilien: une dimension épique pour les Yeux d’Elsa», 345-54), on 317 Besprechungen - Comptes rendus signalera celle de F. McIntosh-Varjabédian («Pourquoi Rome? », 317-27), qui s’attache à l’une des premières œuvres marquantes de Jules Michelet, l’Histoire romaine (1831), et éclaire les raisons du choix d’un tel sujet, alors que l’histoire de Rome n’était pas au centre du débat historiographique contemporain en France et que, d’ailleurs, ce thème paraît à première vue étranger au projet historique national de Michelet. Gabriele Giannini ★ Madeleine Jeay, Le commerce des mots. L’usage des listes dans la littérature médiévale (XII e -XV e siècles), Genève (Droz) 2006, 552 p. (Publications Romanes et Françaises 241) Madeleine Jeay fait le point dans ce gros livre sur un sujet qui l’occupe depuis quelques années déjà (cf. ses titres, cités dans la bibliographie aux p. 521-22), à savoir la fréquence si voyante des listes dans la littérature en vers du Moyen Âge. Il s’agit d’un phénomène récurrent caractérisé par des traits marquants et reconnaissables: retour des thèmes, hétérogénéité signalée par rapport au contexte, polyvalence des dimensions possibles (la liste pouvant assumer tour à tour une fonction encyclopédique, mnémotechnique, ludique, poétique, comique, satirique . . .), association enfin avec la figure du poète. Une telle matière impliquait un risque majeur, dont M. Jeay était si consciente qu’elle a su l’éviter: offrir une liste de listes sans arriver à en dégager les éléments constants, les enjeux, et surtout sans essayer d’en comprendre la motivation profonde. C’est donc selon une approche essentiellement sémantique que l’enquête a été menée sur un ensemble de textes très variés, tirés d’un vaste corpus qui comprend tant des chansons de geste que des romans, des dits et des pièces lyriques (à ce propos, on signalera que les titres de ce corpus, qui ne fait pas l’objet d’une présentation explicite, sont réunis dans la section «Textes» de la bibliographie, p. 503-10). Sans que cela soit vraiment signalé, le livre est divisé en deux parties, articulées, l’une sur des problèmes généraux (les caractéristiques des listes, une analyse de pièces ou de fragments centrés sur la dénonciation de l’incompétence d’un jongleur individuel ou des jongleurs en général, la «belligérance» comme thème fondateur des textes, font l’objet des trois premiers chapitres), l’autre sur des genres ou des auteurs précis (Jean Bodel et Rutebeuf au chapitre 4, les dits énumératifs au chapitre 5, Machaut, Froissart, Deschamps, Villon dans les quatre derniers). Plutôt que de prétendre donner une synthèse du contenu, nous essayerons de souligner l’apport original de l’étude de M. Jeay. Il s’agissait en premier lieu de faire le point sur le plan théorique et définitoire (en reconnaissant par exemple le processus de nominalisation comme fondement de toutes les listes) et parallèlement d’identifier les centres d’intérêt, finalement peu nombreux et tous rapportés à l’univers concret de l’homme et à son milieu. Sur le plan littéraire, M. Jeay affirme la priorité chronologique de la chanson de geste, où l’énumération (par exemple, la liste des combattants et de leurs cris de ralliement) constitue évidemment un motif attendu du public; mais en même temps elle refuse de rattacher les listes à un, ou même à plusieurs genres littéraires, puisqu’elle affirme que c’est la littérature médiévale dans son ensemble qui est marquée par une dimension conflictuelle: par des exemples tirés tant de la lyrique occitane que de la poésie en langue d’oïl, elle prouve que l’énumération, associée à un contenu polémique, sert au poète-jongleur pour affirmer sa maîtrise de la parole et sa propre valeur contre ses «adversaires» ou concurrents. C’est alors une sorte d’esthétique de la liste qui se met en place, reconnaissable grâce à la présence d’un principe énumératif associé au ton polémique et à une actitude de jactance. Par ailleurs, les sujets privilégiés de ces listes (les œuvres d’un auteur donné, mais aussi les lieux, les métiers, les denrées, alimentaires ou autres, les biens des ménages) semblent 318 Besprechungen - Comptes rendus