Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2007
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Kristol De StefaniSarah Baudelle-Michels, Les avatars d’une chanson de geste. De Renaut de Montauban aux Quatre Fils Aymon, Paris (Champion) 2006, 535 p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge 76)
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2007
Maria Colombo Timelli
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Chapitre VII: L’autorité juridique et scientifique. Joëlle Ducos, Fantasmes et illusions: les apparitions aériennes (317-31). Le phantasme aérien, lié à l’apparence et à l’illusion, invite à l’interprétation sur sa forme, sa réalité et sa perception. Il n’est plus simple image, mais composante intrinsèque du monde naturel que l’on ne peut décrire autrement que par l’analogie ou la métaphore. Corinne Leveleux-Teixeira, Droit et vérité. Le point de vue de la doctrine médiévale (XII e -XV e s.) ou la vérité entre opinion et fiction (333-49). La vérité occupe une place paradoxale dans le discours juridique savant du Moyen Âge. D’un côté, il semble établi dès les premiers Glossateurs que le droit doit être interprété «selon la vérité» et qu’il peut être assimilé à une entreprise de vérité. À l’inverse, maints moyens n’ont-ils pas été mis en œuvre à seule fin de prévenir et réprimer l’altération, la dissimulation ou la falsification de ces mêmes actes, l’insincérité des témoignages produits ou la manipulation des indices et des preuves allégués au cours d’une procédure? Christine Silvi, Faire dire vrai dans le discours de vulgarisation scientifique en français (XII e -XV e siècles): l’argument d’autorité à l’épreuve de la méthode doxographique (351-68). Pour que sa parole devienne parole de véridiction, l’encyclopédiste a à sa disposition toutes sortes de stratégies discursives dont la plus fréquente est l’argument d’autorité. La méthode doxographique qui est à l’œuvre dans les textes scientifiques en langue vulgaire dénonce d’ailleurs les limites d’une telle conception. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Sarah Baudelle-Michels, Les avatars d’une chanson de geste. De Renaut de Montauban aux Quatre Fils Aymon, Paris (Champion) 2006, 535 p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge 76) On reconnaîtra à cette étude de Sarah Baudelle-Michels deux grands mérites au moins: celui de la clarté d’abord, clarté du plan, de l’exposé, de l’application méthodologique, et celui du courage, qualité indispensable pour approcher un corpus aussi vaste que celui des réécritures imprimées de Renaut de Montauban. Cet ensemble (dont sont exclus tant les livrets d’opéra que les bandes dessinées et les adaptations dérivées de la branche italienne) ne compte pas moins de 218 titres pour la tranche chronologique allant des premiers incunables à l’an 2000; et il est bien compréhensible que, pour mener à bien son travail, l’auteure ait dû réduire son inventaire, en retenant une vingtaine de titres étalés sur six siècles et représentatifs d’une triple réception: versions «traditionnelles», marquées par une sorte d’inertie éditoriale qui les rend très proches entre elles (imprimés anciens et Bibliothèque Bleue), versions «dérivées» (remaniements plus libres, produits à partir du XVIII e siècle) et versions théâtrales (du XVIII e au XX e siècle). On trouvera le recensement des titres - complet dans la mesure du possible - aux p. 13-31 de l’Introduction, le corpus de travail aux p. 49-51. Les pages introductives rendent aussi compte de l’approche critique adoptée: il s’agit de l’esthétique de la réception élaborée par Hans Robert Jauss, qui permet de s’interroger sur les raisons d’un succès éditorial aussi durable en tenant compte et des traits caractéristiques du texte de départ (qui n’est pas - il vaut sans doute mieux le rappeler - la geste en vers du XIII e siècle, mais une réécriture en prose déjà, la version «courte» transmise par le ms. Arsenal 3151) et des goûts des différents publics pour lesquels l’ancienne épopée a été adaptée au fur et à mesure. La première partie du livre («Cadres et structures») s’attache aux aspects formels, en mettant en relief continuités (pérennité du titre - Quatre fils Aymon - sous sa forme archaïque, traits constants dans les textes liminaires) et ruptures (morcellement du texte, re- 322 Besprechungen - Comptes rendus modelage stylistique, renouvellement linguistique). Le traitement du contenu fait l’objet de la deuxième section («La geste des rebelles»): S. B.-M. s’attache alors aux motifs portants de la geste: la faute originelle, véritable moteur de l’histoire (l’épisode de la querelle aux échecs est partout conservé), le personnage de Charlemagne (dont l’ambiguïté foncière et la furie originale sont l’objet de relectures diverses au fil des siècles), le thème de la révolte enfin, qui se révèle, au-delà des apparences, un thème ouvert, laissé en suspens et sans réponse définitive. Le titre de la troisième partie («Auxiliaires et décors») ne doit pas tromper; de fait, ni les personnages féminins (chapitre 7), ni Bayard (ch. 8), ni les Ardennes (ch. 9), pour être accessoires dans les textes médiévaux, ne jouent un rôle secondaire dans les réécritures des Quatre fils Aymon: si la matière féminine ne se trouve amplifiée que chez Castilhon (1787) contre tout le reste de la tradition, l’importance de Bayard ne cesse de s’accroître au fil des siècles, secondée par une iconographie qui lui fait la part belle; alors que les Ardennes, terre des aventures, changent de contours, se prêtant entre autres à une récupération régionaliste. Le choix de Renaut de Montauban, texte complexe, à la tradition richissime et enchevêtrée, est un choix courageux - nous l’avons déjà dit - et intelligent: au-delà de son intérêt et de ses qualités intrinsèques, la geste des Quatre fils Aymon constitue un cas privilégié pour s’interroger sur les causes d’un succès durable et toujours vivant (on rappellera la réécriture encore récente de François Suard, dans la collection Castor poche de Flammarion, en 2000). Ce sont la richesse du texte originel, dont les réécritures rendent lisibles des aspects figurant déjà, pour l’essentiel, dans le modèle, et surtout le thème qui singularise cette geste - la solidarité fraternelle et familiale - qui permettent d’expliquer la faveur dont Renaut de Montauban, inférieur à Roland en grandeur épique, et pour cela même plus humain, jouit encore de nous jours. La qualité du livre de S. B.-M. ne faisant pas de doute, je me permettrai deux petites remarques de détail et une observation d’ensemble. Ma première réflexion est d’ordre linguistique; l’interprétation proposée à la p. 149 pour un passage tiré de l’incunable de 1485 me paraît insoutenable: «elle regarde Regnault de rechief et le congneust bien a une playe quil auoit au visaige qui luy fut faicte au pourter quant il estoit petit enfant». Plutôt que de voir dans «au pourter» une locution «mystérieu[se]», et de l’interpréter comme «au porter des armes» (ibidem), je verrais dans la forme «au» la contraction «à + pronom personnel» (= à le porter). Deuxième remarque, d’ordre bibliographique: dommage que S. B.-M. n’ait pas tiré profit de l’article de K. Busby «Roman breton et chanson de geste au XVIII e siècle» (in: D. P. Schenck et al. (ed.), Echoes of the Epic. Studies in Honor of Gerard J. Brault, Birmingham, Alabama 1998: 17-48); cette étude lui aurait certainement rendu service pour mieux situer la «miniature» des Quatre Fils Aymon publiée dans la Bibliothèque Universelle des Romans en 1778. Une observation générale pour conclure. Il est vrai que S. B.-M. refuse d’emblée une approche philologique aux textes (elle le répète très honnêtement tant dans l’Introduction que dans sa Conclusion), mais il me semble dangereux de proposer des comparaisons ou d’avancer des rapprochements entre les différentes adaptations du texte sans tenir toujours compte de leurs sources respectives: ainsi par exemple pour l’extrait publié dans la Bibliothèque Universelle des Romans, fondé non pas sur les imprimés du XVI e siècle, ni sur les livrets de la Bibliothèque Bleue, mais sur la «version cyclique» transmise par les ms. Ars. 5072-5075; après avoir signalé très correctement cette source (43), S. B.-M. procède dans la plupart des cas à une comparaison directe du texte de la BUR avec les autres remaniements en négligeant cette différence capitale (voir par ex. p. 225, 241-42). Il aurait alors été souhaitable de présenter, non pas un véritable stemma au sens philologique du terme, mais au moins un schéma rendant plus immédiatement visibles les filiations et les groupements des textes. 323 Besprechungen - Comptes rendus En conclusion, ce livre, en dépassant le cas d’espèce, pourrait bien constituer un modèle pour l’étude d’autres textes dont la fortune - sans égaler celle des aventures des Aymonides - a connu une durée comparable: Valentin et Orson, Huon de Bordeaux pour l’épopée, Paris et Vienne, Pierre de Provence et la Belle Maguelonne pour le roman, devraient bien inspirer des recherches analogues. Maria Colombo Timelli ★ Denis Foulechat, Le Policratique de Jean de Salisbury (1372). Livre V. Édition critique et commentée des textes français et latin avec traduction moderne par Charles Bruckner, Genève (Droz) 2006, 907 p. (Publications romanes et françaises 242) Charles Bruckner a le grand mérite de mettre à disposition des chercheurs ce «Miroir des princes dans un miroir des princes», cas unique dans les littératures médiévales, française et latine à l’époque où le genre des miroirs des princes est devenu un moyen d’expression littéraire pour tous les auteurs qui, tout en rendant hommage à un prince protecteur ou mécène, cherchent à se rendre utile en prodiguant des conseils. Nous possédons avec cet ouvrage une édition critique commentée de ce miroir en moyen français, mais sans jamais quitter le «modèle» latin, puisqu’il s’agit de la traduction, par Denis Foulechat, du Livre V du Policraticus de Jean de Salisbury. Au point de présenter également l’édition commentée du texte latin correspondant qui se rapproche le plus du texte de Foulechat, c’est-à-dire le texte du manuscrit latin dont on peut raisonnablement penser qu’il présente de fortes similitudes avec celui en présence duquel se trouvait Foulechat au moment de son travail de translation. Il s’agit du manuscrit latin (Soissons, Bibliothèque municipale, ms. 24-26). Vu la difficulté du texte latin, et pour Foulechat, et pour le lecteur moderne, Charles Bruckner a jugé bon de donner du texte latin une traduction la plus proche possible de l’original, d’autant que le Policraticus n’a jamais été traduit en français moderne et d’autant que le Livre V, dont il s’agit ici, comporte des allusions à des notions et des ouvrages relativement techniques, notamment dans l’ordre du droit romain. Enfin, la matière même de ce Livre V, à savoir la conception politique de l’État par Jean, explique l’ampleur des commentaires qui accompagne ces deux éditions. C’est tout particulièrement la méthode de traduction appliquée par Foulechat et la mise en œuvre d’un vocabulaire spécifique, mais édifié sur un fond traditionnel, qui constituent un des intérêts du texte français. Au centre de l’édition commentée figure le texte latin, qui est le texte référent, puisque la pensée de Jean de Salisbury s’y exprime de manière authentique dans la langue de l’auteur, sans truchement quelconque, bien que le travail majeur d’édition porte avant tout sur le texte en moyen français, rédigé par Denis Foulechat. Les notes abondantes portent, d’une manière générale, aussi bien sur la forme que sur le fond, à l’exclusion des variantes du texte en moyen français qui sont reportées après la traduction du texte latin en français moderne. Les trois «textes» se succèdent. L’idéal eût été de mettre face à face le texte français de Foulechat et le texte latin de Jean de Salisbury et, au-dessous du texte latin, la traduction en langue moderne. Mais en raison des multiples notes une telle présentation n’était pas réalisable. Le Livre V du Policratique, ce miroir des princes prescrit par Jean de Salisbury, présente l’originalité d’intégrer ce que le Moyen Âge considérait comme le miroir des princes de Plutarque, l’Institutio Trajani, qui, indépendamment du problème épineux de la paternité et de l’origine du texte, partage l’esprit des traités politiques et moraux de Plutarque. Ce Livre développe les principes fondamentaux de gouvernement. C’est ainsi que pour la première fois les idées de Plutarque, quelle que soit la forme de transmission, entrent dans le domaine culturel du monde occidental, sous la forme latine d’abord du Policraticus en 1159, sous 324 Besprechungen - Comptes rendus