eJournals Vox Romanica 67/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2008
671 Kristol De Stefani

Le rêve médiéval. Études littéraires réunies par Alain Corbellari et Jean-Yves Tilliette, Genève (Droz) 2007, 258 p. (Recherches et Rencontres 25)

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2008
Olga  Shcherbakova
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Besprechungen - Comptes rendus Philologie et linguistique générales - Allgemeine Philologie und Sprachwissenschaft Le rêve médiéval. Études littéraires réunies par Alain Corbellari et Jean-Yves Tilliette, Genève (Droz) 2007, 258 p. (Recherches et Rencontres 25) Les onze articles réunis dans ce recueil sont issus des journées d’étude qui se sont tenues à l’Université de Lausanne le 25 et 26 mai 2005 dans le cadre d’un «Troisième cycle romand». Le thème, Rêver au Moyen Âge, contenait en soi la promesse d’une ouverture à différents horizons, à différentes approches aussi des visions oniriques à l’époque médiévale. Les études, consacrées aux récits de rêve dans les domaines latin, français, allemand et catalan, confrontent le lecteur à une variété stimulante de textes et d’approches. En accord avec le plan chronologique et systématique dont les rédacteurs soulignent l’importance dans l’Introduction (7-9), le recueil s’ouvre sur l’étude qui s’intéresse à des textes rédigés en latin. Dans son article «Belles-lettres et mauvais rêves. De quelques cauchemars monastiques des X e et XI e siècles» (11-36), J.-Y. Tilliette examine le dossier qui vient du Cluny de la grande époque à travers des récits de rêves monacaux dans lesquels, à l’instar de saint Odon, le jeune homme attiré par les belles-lettres (en l’occurrence, par les écrits de Virgile) voit en rêve un vase splendide rempli de serpents. En constatant que ce type d’énoncé (à quelques variables près) a tendance à devenir topique, le chercheur porte son attention à une constellation qui met en rapport le monachisme réformateur, le rêve, les belles-lettres et l’enfer symbolisé par des bêtes répugnantes. En commentant quelques récits de cauchemars, le critique lie leur apparition à la spécificité de cette période qui est l’âge d’or du contemptus mundi dont la haine des lettres profanes est une des facettes. Le rêve médiéval révèle ainsi son aspect historique à travers les récits qui traduisent des obsessions bien réelles suscitées par le contexte culturel qui les a vu éclore. Pourtant, au-delà des considérations d’ordre moral, ces textes n’en donnent pas moins, nous semble-t-il, matière à la réflexion sur le pouvoir de séduction de la fable. La réflexion sur le rêve médiéval se poursuit dans le domaine des textes en langues vernaculaires. Deux articles de portée générale tentent de déterminer les constantes du phénomène, en l’abordant, respectivement, sous l’angle de la linguistique et de la critique littéraire. Dans son article «Songes de la littérature épique et romanesque en ancien français. Aspects de la narration» (37-52), J.-D. Gollut privilégie, en tant que linguiste, la question des aspects formels de la représentation discursive du songe. Son étude met en évidence trois caractéristiques majeures du récit de rêve: la non-problématisation de l’opération narrative, la problématisation de la signification du songe et son mode d’expression particulier représenté par l’emploi dominant de l’imparfait. Concernant le dernier aspect, le chercheur souligne l’importance de cette forme de narration typique dont il se doit, en sa qualité de spécialiste du récit de rêve moderne, de constater la pérennité. L’article d’A. Corbellari, «Pour une étude générique et synthétique du récit de rêve dans la littérature française médiévale» (53-71), a une valeur programmatique pour l’approche du rêve médiéval français. L’auteur y suggère les grandes lignes d’une recherche devant mener à l’établissement, au classement et au commentaire du corpus complet des récits de rêves. En discutant dans sa synopsis historique quelques idées reçues sur les textes oniriques, le chercheur voit la nécessité de revisiter les préjugés et formule trois postulats qu’on devrait prendre en considération lors de l’analyse des songes: le jeu interprétatif excédant les questions du «vrai» et du «faux», la variation de ce jeu selon les «genres» et l’absence du lien nécessaire avec l’allégorie. L’étude se clôt sur une proposition de «protocole d’analyse» (70) des récits de rêve qui, vu son caractère général, pourrait être étendu à l’ensemble de la littérature narrative du Moyen Âge. Les articles suivants sont des études de cas particuliers: C. Korall, «Le second sens d’un récit. Méthodologie et cas d’étude dans la Quête du Saint-Graal» (73-90), offre une étude du récit de rêve comme «outil» (73) du non-dit. Elle illustre sa démarche par le recours au texte de la Bible hébraïque dont elle retient deux principes d’interprétation: le remez ou l’indice (qui consiste à trouver les allusions auxquelles renvoie l’épisode étudié) et le principe de la pertinence de la première occurrence d’un mot. En se servant de ces outils de travail pour l’analyse des non-dits des songes de Bohort de Gaunes dans la Quête du Saint-Graal, l’auteure arrive à la conclusion que cet homme, qui revient vers ses compagnons de la Table Ronde pour leur transmettre le récit du Saint Vase, est, contrairement à Galaad et Perceval, le vrai héros du récit. L’article de R. Wetzel, «La vie, un rêve? Songe trompeur et vie vaine dans la littérature allemande du XIII e siècle» (91-109), éclaire le lien étroit des deux aspects, celui du songe trompeur et de la vie vécue en songe, présents dans une série de textes épiques et poétiques de cette période. Si la désapprobation du rêve comme une illusion trompeuse était très répandue dans la culture médiévale, il en était de même de la vie, du moins si on la considère comme un épisode éphémère et vain par rapport à la vie éternelle. C’est ainsi, selon le chercheur, que la vanité du rêve a pu devenir, dans la littérature allemande, une métaphore de la vanité de la vie. En analysant le thème de la vie rêvée dans Iwein de Hartmann von Aue, dans l’élégie de Walther von der Vogelweide et dans des textes religieux, le critique note la divergence d’éclairage qui varie considérablement en fonction du genre littéraire (roman courtois, littérature moralisante ou religieuse) auquel appartient le texte. Dans son étude «Songes creux et insomnies dans les récits médiévaux (fabliaux, dits, exempla)» (111-36), Y. Foehr-Janssens aborde le problème du rêve insignifiant que seuls les genres littéraires comme le fabliau peuvent se permettre d’utiliser. Son point de départ est le rêve d’une femme raconté dans le Souhait des vez. Au cours de l’analyse minutieuse, qui procède par comparaison avec d’autres manifestations littéraires de songes vains en utilisant la classification des rêves selon Macrobe, l’auteure met en évidence la représentation labile du songe creux qui offre de nombreuses possibilités de jeux sur les conventions oniriques. L’article de F. Braida, «L’invention iconographique du songe de l’arbre de Jessé» (137- 71), est consacré aux particularités de la représentation iconographique liée à la célèbre prophétie d’Isaïe. L’auteure observe que les artistes ont opté pour l’image du Jessé-rêveur allongé dans un lit, alors que toute mention du sommeil est exempte du texte biblique. L’analyse des enjeux d’une telle représentation aboutit à la conclusion que le rêve du protagoniste n’est ni le contenant de la prophétie ni son véhicule, c’est sa forme de lecture. Comme on présuppose que le songe a une origine divine, l’image du rêveur confère à la scène un sens prophétique. Dans son article «Entre prédiction et résurgence: le rêve oraculaire d’Alexandre au Temple de Mars dans les Vœux du paon de Jacques de Longuyon» (173-91), H. Bellon- Méguelle se concentre sur l’utilisation du récit de rêve dans ce roman qui renouvelle la matière alexandrine en 1312. En prêtant une attention particulière aux séquences de réconciliation qui entourent le récit de rêve, elle parvient à lire dans la description du rituel mis en place par Alexandre pour recevoir l’oracle la mise à mort symbolique du conqué- 221 Besprechungen - Comptes rendus rant. Le rêve oraculaire devient ainsi un instrument du «montage littéraire» (190) qui fait des guerriers du Roman d’Alexandre des modèles de courtoisie, capables de se réconcilier. L’étude de V. Minet-Mahy, «Le songe. De la mort de l’auteur à la naissance du lecteur» (193-220), explore les affinités du songe et d’un type d’écriture qui, du Roman de la Rose aux écrits de Georges Chastelain, Christine de Pizan et Alain Chartier, finira par être un instrument pour transmettre un message aux gens au pouvoir. En utilisant comme point de départ le Roman de la Rose, V. Minet-Mahy met sur le devant de la scène le processus de dissociation du moi au moi, de la mise à distance du rêve et de son souvenir par l’écriture. Ainsi, l’auteur s’efface et il appartient au lecteur de déceler, par le processus de lecture, la voie qui conduit à la vérité. L’article de M. Abramova, «Songe-mensonge et songe-parodie dans le roman de Joanot Martorell Tirant lo Blanc» (221-22), propose une analyse détaillée de deux récits de songe dans cette œuvre catalane du XV e siècle. L’auteure observe que les rêves, inventés par des personnages, servent à parodier le genre de la vision chrétienne et antique grâce à la négation de la vérité du songe et de son caractère mystérieux. La Postface de J.-C. Schmitt, spécialiste reconnu de la question, «Du moi du rêve au je du récit et de l’image» (233-42), fait le bilan de la situation de la vaste matière onirique. En nommant les trois traits dominants des rêves «littéraires» médiévaux (la valorisation des états d’«entroubli», le lien entre le rêve et la «merveille» et la dissociation du «je» du rêveur et du «moi» de l’auteur), J.-C. Schmitt note que la dernière particularité ne caractérise pas que la littérature. Il illustre son propos par le rappel du fait que les images médiévales de rêve ont en propre de juxtaposer dans le même champ iconique l’image d’un dormeur et l’image de l’objet d’un rêve. En s’arrêtant au manuscrit de Cambridge de La Estoire de Seint Aedward le Rei de Matthew Paris, il conclut à l’importance primordiale de la mise à distance du rêve par l’écriture et pareillement dans «la pensée figurative» (242) que réalise le discours iconographique. Les textes et les représentations iconographiques évoqués dans les onze articles témoignent de l’attention que la culture médiévale prête aux rêves, à leur narration, à leurs significations. Combler, ne serait-ce qu’une infime partie des lacunes qui subsistent dans la connaissance du rêve médiéval, telle est l’intention et le mérite des contributions rassemblées dans ce recueil. Olga Shcherbakova ★ Thüring von Ringoltingen, Melusine (1456). Nach dem Erstdruck Basel: Richel um 1473/ 74, 2 volumes édités par André Schnyder et Ursula Rautenberg, Wiesbaden (Reichert Verlag) 2006, 203 et 159 p. Comme d’autres chercheurs, les médiévistes se replient volontiers sur leur domaine de spécialisation, que ce soit la littérature française, allemande, anglaise, ibérique ou italienne. Le cloisonnement imposé dans différents pays - et notamment en France! - aux disciplines par les traditions universitaires nous conduit souvent à négliger le caractère profondément européen de la culture médiévale. Si la circulation des textes latins, que l’on copie partout, s’impose avec la force de l’évidence, les adaptations d’œuvres vernaculaires ne manquent pas, lesquelles témoignent d’un succès bien au-delà des frontières nationales et/ ou linguistiques. La Mélusine de Jean d’Arras, traduite en espagnol, et la Mélusine de Coudrette 1 , tra- 222 Besprechungen - Comptes rendus 1 Cf. J.-J. Vincensini, « Écriture et trajectoire culturelle dans l’Occident médiéval. Le cas des romans de Mélusine », in Cinquante années d’études médiévales. À la confluence de nos disciplines, éd.