Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniThüring von Ringoltingen, Melusine (1456). Nach dem Erstdruck Basel: Richel um 1473/74, 2 volumes édités par André Schnyder et Ursula Rautenberg, Wiesbaden (Reichert Verlag) 2006, 203 et 159 p.
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Jean-Claude Mühlethaler
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rant. Le rêve oraculaire devient ainsi un instrument du «montage littéraire» (190) qui fait des guerriers du Roman d’Alexandre des modèles de courtoisie, capables de se réconcilier. L’étude de V. Minet-Mahy, «Le songe. De la mort de l’auteur à la naissance du lecteur» (193-220), explore les affinités du songe et d’un type d’écriture qui, du Roman de la Rose aux écrits de Georges Chastelain, Christine de Pizan et Alain Chartier, finira par être un instrument pour transmettre un message aux gens au pouvoir. En utilisant comme point de départ le Roman de la Rose, V. Minet-Mahy met sur le devant de la scène le processus de dissociation du moi au moi, de la mise à distance du rêve et de son souvenir par l’écriture. Ainsi, l’auteur s’efface et il appartient au lecteur de déceler, par le processus de lecture, la voie qui conduit à la vérité. L’article de M. Abramova, «Songe-mensonge et songe-parodie dans le roman de Joanot Martorell Tirant lo Blanc» (221-22), propose une analyse détaillée de deux récits de songe dans cette œuvre catalane du XV e siècle. L’auteure observe que les rêves, inventés par des personnages, servent à parodier le genre de la vision chrétienne et antique grâce à la négation de la vérité du songe et de son caractère mystérieux. La Postface de J.-C. Schmitt, spécialiste reconnu de la question, «Du moi du rêve au je du récit et de l’image» (233-42), fait le bilan de la situation de la vaste matière onirique. En nommant les trois traits dominants des rêves «littéraires» médiévaux (la valorisation des états d’«entroubli», le lien entre le rêve et la «merveille» et la dissociation du «je» du rêveur et du «moi» de l’auteur), J.-C. Schmitt note que la dernière particularité ne caractérise pas que la littérature. Il illustre son propos par le rappel du fait que les images médiévales de rêve ont en propre de juxtaposer dans le même champ iconique l’image d’un dormeur et l’image de l’objet d’un rêve. En s’arrêtant au manuscrit de Cambridge de La Estoire de Seint Aedward le Rei de Matthew Paris, il conclut à l’importance primordiale de la mise à distance du rêve par l’écriture et pareillement dans «la pensée figurative» (242) que réalise le discours iconographique. Les textes et les représentations iconographiques évoqués dans les onze articles témoignent de l’attention que la culture médiévale prête aux rêves, à leur narration, à leurs significations. Combler, ne serait-ce qu’une infime partie des lacunes qui subsistent dans la connaissance du rêve médiéval, telle est l’intention et le mérite des contributions rassemblées dans ce recueil. Olga Shcherbakova ★ Thüring von Ringoltingen, Melusine (1456). Nach dem Erstdruck Basel: Richel um 1473/ 74, 2 volumes édités par André Schnyder et Ursula Rautenberg, Wiesbaden (Reichert Verlag) 2006, 203 et 159 p. Comme d’autres chercheurs, les médiévistes se replient volontiers sur leur domaine de spécialisation, que ce soit la littérature française, allemande, anglaise, ibérique ou italienne. Le cloisonnement imposé dans différents pays - et notamment en France! - aux disciplines par les traditions universitaires nous conduit souvent à négliger le caractère profondément européen de la culture médiévale. Si la circulation des textes latins, que l’on copie partout, s’impose avec la force de l’évidence, les adaptations d’œuvres vernaculaires ne manquent pas, lesquelles témoignent d’un succès bien au-delà des frontières nationales et/ ou linguistiques. La Mélusine de Jean d’Arras, traduite en espagnol, et la Mélusine de Coudrette 1 , tra- 222 Besprechungen - Comptes rendus 1 Cf. J.-J. Vincensini, « Écriture et trajectoire culturelle dans l’Occident médiéval. Le cas des romans de Mélusine », in Cinquante années d’études médiévales. À la confluence de nos disciplines, éd. duite en allemand et en anglais dès le XV e siècle, offrent une illustration privilégiée d’un «transfert culturel» au sens où l’entendent M. Espagne et M. Werner 2 . Faut-il rappeler l’importance de la Melusine du Bernois Thüring von Ringoltingen qui adapte en 1456 le roman en vers de Coudrette et assure à la légende un succès jamais démenti en terres germaniques? . . . Nous invitons ici les spécialistes de la littérature française à découvrir ce que peut leur apporter l’édition de la version imprimée par Bernhard Richel à Bâle en 1473/ 74: les deux volumes publiés sous la direction d’A. Schnyder et d’U. Rautenberg viennent compléter les éditions existantes - celle de K. Schneider (Berlin, 1958), basée sur les manuscrits, et celle de H.-G. Roloff (Stuttgart, 1969) qui reproduit le texte du Buch der Liebe (1587) -, mais comportent aussi d’importants commentaires littéraires et linguistiques. Nous en relèverons les aspects les plus intéressants pour les lecteurs de Coudrette et de Jean d’Arras. Dans le volume I se trouvent le texte de Richel, sa traduction en allemand avec, en regard, les 67 bois coloriés de l’editio princeps d’après l’exemplaire de Karlsruhe et, pour les bois manquants, de l’exemplaire conservé à Berlin. Saluons la décision des éditeurs de respecter le format in-folio de l’incunable bâlois, de sorte que, mettant en évidence les illustrations pleine page, le volume nous rend sensibles au caractère de luxe de l’édition originale. Au-delà du plaisir esthétique, les bois revêtent une importance particulière que Laurence Harf-Lancner (citée par les éditeurs) a déjà signalée au public français: ils ont servi de modèles aux illustrations des versions imprimées du Roman de Mélusine de Jean d’Arras. Si le texte a passé de France en Allemagne, les bois, eux, ont suivi le chemin inverse: les planches de Richel se retrouvent en possession de Martin Huss qui, après avoir été formé à Bâle, s’établit à Lyon (vol. II, 67). En 1480, il publie L’Histoire de la belle Melusine avec des illustrations inspirées de Richel et avec le texte de l’editio princeps d’Adam Steinschaber (Genève, 1478), imprimeur d’origine allemande qui avait déjà utilisé les bois de Richel (vol. II, 69) pour son édition de Jean d’Arras. Le volume II est un volume de commentaires qui, sous bien des aspects, retiendra l’attention des chercheurs que fascine la légende mélusinienne: - Stellenkommentar (A. Schnyder): dans les notes au texte (49-60), on trouve des remarques qui, s’appuyant sur une riche bibliographie (cf. infra) - et notamment les travaux de E. Pinto-Mathieu (Le Roman de Mélusine de Coudrette et son adaptation allemande dans le roman en prose de Thüring von Ringoltingen, Göppingen 1990) -, rappellent ce que Thüring doit à Coudrette, mais aussi ce qui le distingue de sa source et de la tradition médiévale antérieure. Ainsi, A. Schnyder (3) relève l’importance, dans la poétique de Thüring, du terme-clé âventiure, lequel fait écho aux «merveilleuses aventures» 3 évoquées par Coudrette dès son prologue. Le critique souligne à juste titre les différents sens que prend le terme dans le texte allemand et, ajouterons-nous, en français: quand il s’agit des fils de Mélusine et notamment de Geoffroy qui affronte le géant, l’aventure désigne un «combat chevaleresque au service de la communauté» (nous traduisons). Lorsque le roi d’Arménie désire épouser sa tante Mélior et se fait chasser du château de l’Épervier, il déplore sa «mal’aventure» (v. 6172), le mauvais sort qui l’a conduit à l’échec. Dans son cas, l’aventure est une épreuve qui met en cause le seul individu. Mais elle est toujours fon- 223 Besprechungen - Comptes rendus par C. Arrignon/ H.-H. Debiès/ C. Galderisi/ E. Palazzo, Turnhout 2005: 797-808. A. Schnyder et U. Rautenberg n’ont plus pu tenir compte de cet article dans leur bibliographie. 2 M. Espagne/ M. Werner, «Deutsch-französischer Kulturtransfer als Forschungsgegenstand. Eine Problemskizze», in Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIII e et XIX e siècle), éd. par M. Espagne/ M. Werner, Paris 1988: 11-34. 3 Coudrette, Le Roman de Mélusine ou Histoire de Lusignan, éd. par E. Roach, Paris 1982, v. 29. datrice de mémoire (v. 6514), preuve, si besoin en était, de la fascination que l’aventure exerce aussi bien sur le public français qu’allemand. Tandis que Coudrette met en avant l’émulation avec le roman arthurien, Thüring rejoint Jean d’Arras, quand il cite les Psaumes de David afin de légitimer la merveille. On ne s’étonnera donc pas (cf. la note à la p. 29) que les interventions moralisantes du narrateur soient plus importantes dans l’adaptation allemande que chez Coudrette. Thüring introduit par exemple deux sentences de Sénèque qui dénoncent les méfaits de la colère au moment où, perdant toute maîtrise, Raimondin révèle le secret de sa femme. Avec beaucoup d’à-propos, A. Schnyder rappelle à plusieurs occasions (29, 30, 123, 132, 136) l’importance de cette passion qui apparaît aux moments-clés du récit et contribue à en faire un miroir des princes: de l’histoire merveilleuse émerge, en filigrane, une réflexion sur le danger des passions dans l’exercice du pouvoir. Thüring traduit «la fontaine de Soif» (v. 485) par «turstbrunnen». L’homophonie entre la «soif» ( sitis, ‘besoin de boire’) et la «soif» ( saepes, ‘haie’) l’aurait induit en erreur (10). Est-ce vraiment le cas? Le texte de Jean d’Arras témoigne, à notre avis, que la lecture de Thüring était possible, car c’est «pris de grant soif» 4 que le roi Elinas se met à la recherche de la fontaine où il rencontrera Présine. Au Moyen Âge, la soif est une métaphore récurrente du désir amoureux et peut aussi évoquer, dans le sillage du Psaume 41, le désir du chrétien de voir Dieu. On sait la place que prennent les connotations christiques dans les versions françaises de Mélusine: pourquoi seraient-elles absentes de la rencontre entre les futurs époux à la «fontaine de Soif»? De manière générale, les notes représentent, avec le chapitre consacré aux Literarische Aspekte (cf. infra), une excellente mise au point et un débat avec les travaux critiques en matière mélusinienne. Le lecteur appréciera la finesse de bien des remarques qui ouvrent, çà et là, des pistes de réflexion : l’allusion à l’Iwein (28-29) laisse ainsi entrevoir un modèle possible pour le combat de Geoffroy contre le géant, celui de Hartmann dans le cas de Thüring, celui de Chrétien dans le cas de Coudrette, même si ce dernier ne renvoie jamais à l’œuvre du maître champenois. - Thüring von Ringoltingen - ein Lebensbild (V. Bartlome): Thüring von Ringoltingen, le portrait d’une vie (49-60). Nous ne retracerons pas ici la biographie de ce patricien bernois qui fut échevin de sa ville. Un seul fait retiendra notre attention: cet adversaire politique de Charles le Téméraire, qui attendait à Berne des nouvelles de la bataille de Morat (1476), était aussi un admirateur de la cour bourguignonne. De ce point de vue, on ne peut que rappeler (55; cf. p. 5) l’importance du dédicataire de Thüring pour les liens que celui-ci entretenait avec la France et sa culture. Le margrave Rudolf de Hochberg- Neuenburg, de la maison princière de Bade, marquis de Rothelin, a séjourné entre 1440 et 1450 à la cour de Philippe le Bon; c’est grâce à lui que Thüring aura connu le texte de Coudrette. La 84 e nouvelle des Cent Nouvelles Nouvelles est d’ailleurs placée dans sa bouche (55) et ce bref récit se lit, pensons-nous, comme l’envers de la médaille dont les amours de Raimondin et de Mélusine seraient l’endroit. Un maréchal, qui a épousé une femme «devoiée» 5 (dévergondée - n’est-ce pas ce que le comte de Forez reproche à sa belle-sœur? ), la fuit comme le diable, une fois qu’il a reconnu sa vraie nature (féminine et monstrueuse). Au contraire de Raimondin, il est profondément soulagé le jour où son épouse meurt et il renonce - ce que Raimondin fait aussi, mais pour d’autres raisons - à jamais au mariage. 224 Besprechungen - Comptes rendus 4 Jean d’Arras, Mélusine ou la Noble Histoire de Lusignan, éd. et trad. par J.-J. Vincensini, Paris 2003: 120. 5 Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. par F. P. Sweetser, Genève/ Paris 1966: 489. - Die «Melusine» de Thüring von Ringoltingen und der Basler Erstdruck des Bernhard Richel (U. Rautenberg): La «Melusine» de Thüring von Ringoltingen et la première impression bâloise de Bernhard Richel (61-99). De ce chapitre, nous retiendrons surtout une information capitale: Richel (74-75) est le premier à imprimer la légende mélusinienne, juste avant Bämler (Augsbourg, 1474) et avant les éditeurs français. En plus, il publie un nombre plus important de textes en langue vernaculaire que ses concurrents. On lui doit notamment une autre œuvre d’origine française: la traduction des Voyages de Jean de Mandeville, publiée vers 1481. Le chapitre se termine (82-99) par une fort utile présentation des impressions de la Melusine allemande jusqu’au milieu du XVI e siècle en indiquant leur lieu de conservation; des bois, tirés des éditions Bämler (87), Knoblochtzer (90, 92), Knobloch (94), Prüss (95), Hupfuff (96) et Steiner (98) accompagnent ces pages. - Literarische Aspekte des Werkes (A. Schnyder): Aspects littéraires de l’œuvre (115-38). Dans une première partie (Zur Stoffgeschichte, 115-116), l’auteur s’appuie sur les travaux de C. Lecouteux et L. Harf-Lancner pour retracer l’histoire de la légende, de Gautier Map et Gervais de Tilbury à Jean d’Arras, Coudrette et Thüring en passant par Vincent de Beauvais et Pierre Bersuire. Suit un chapitre (Die handschriftliche Überlieferung der deutschsprachigen Melusine, 116), dans lequel A. Schnyder fait une constatation qui mériterait d’être approfondie, car elle témoigne d’une réception radicalement différente du texte de Thüring et de celui de Coudrette: au contraire de la version française, la version allemande n’est jamais associée à des ouvrages de type historique dans les manuscrits. Après un bref résumé de l’œuvre (Der Inhalt des Romans, 117), A. Schnyder (Thürings Melusine - eine Familiengeschichte und eine soziale Geste, 118-20) se penche sur les implications sociales et généalogiques du récit. Ce sont là des aspects que la critique a souvent discutés pour Jean d’Arras et Coudrette. Mais quel pouvait être l’intérêt porté par l’élite bernoise à un récit lignager français? Selon A. Schnyder, celle-ci a vu dans l’œuvre de Thüring un miroir de sa propre vie (avec des mariages arrangés, le souci d’assurer sa descendance et de transmettre ses richesses), une lecture qui suggère à quel point la bourgeoisie au pouvoir et la noblesse européenne partageaient les mêmes valeurs. Un détail: A. Schnyder rappelle judicieusement l’opposition entre Geoffroy, héros solitaire, et ses frères qui partent à deux pour conquérir femme et terre; l’un, faut-il peutêtre ajouter, s’inspire du modèle arthurien, les autres du modèle épique. Cette opposition a des enjeux avant tout littéraires, car elle témoigne du caractère intergénérique du roman que F. Wolfzettel étudie dans un article à paraître. Ce trait est récurrent dans la littérature à la fin du Moyen Âge et relève d’une esthétique goûtée, semble-t-il, aussi bien à la ville qu’à la cour, à Berne qu’en France. Dans le chapitre Zum Bild der Geschlechter im Melusine-Roman (120-25: Aspects masculin/ féminin dans le Roman de Mélusine), A. Schnyder relève l’importance de l’affectivité et des scènes d’intimité chez Thüring. Il y découvre une conception du mariage dont la clé de voûte est l’harmonie du couple. Mais cette harmonie a pour prix, comme l’a souvent signalé la critique, une soumission absolue du mari à l’être faé: la logique du conte merveilleux implique la dévaluation du chef de famille dont le statut dans le récit est en rupture avec la réalité sociale à la fin du Moyen Âge. Il reviendra aux fils de rétablir la hiérarchie habituelle en prenant les rênes du pouvoir dans leurs royaumes et face à leurs épouses qui s’effacent du récit, à peine le mariage conclu. En Allemagne comme en France, les Romans de Mélusine sont traversés par une tension entre le conte (de fées) et l’histoire (la référence). Est-ce bien un «hasard» (121) qui lance le récit en permettant la rencontre entre Raimondin et Mélusine? Le sanglier, avatar des animaux qui, dans la tradition celtique, guident le héros jusqu’à la fée, fait figure - du moins a posteriori, comme A. Schnyder le sug- 225 Besprechungen - Comptes rendus gère en note - de messager de Mélusine: la fée ne confirme-t-elle pas ce que le comte de Poitiers a annoncé à Raimondin ? L’errance du héros témoigne non pas du hasard de la rencontre, mais d’un trouble psychique propice (on se souviendra de la mélancolie de Lanval! ) à la rencontre avec la merveille. Même si Fortune est bien moins présente dans le récit de Thüring que dans celui de Coudrette, Mélusine apparaît dans cette scène comme un avatar de la déesse, voire une figure du destin. Dans Strukturen im Werk (124-33), A. Schnyder passe en revue les différents types de découpage que la critique a appliqués aux romans de Jean d’Arras, Coudrette et Thü-ring. Le schéma mélusinien élaboré par Laurence Harf-Lancner, on le sait, ne concerne qu’une partie du texte. D’autre part, les indications spatiales et temporelles du récit sont trop clairsemées pour permettre une segmentation pertinente de l’ensemble.A. Schnyder propose de se focaliser sur les personnages, démarche qui aboutit à un tableau «générationnel» des aventures (129-31): y sont visualisés les multiples va-et-vient d’une histoire pourtant linéaire puisqu’elle suit la chronologie des événements. Selon A. Schnyder, les principes de la «Mehrsträngigkeit» (132, la pluralité des fils narratifs), de l’«epische Doppelung» (la réduplication épique) et de l’«Einschachtelung» (l’emboîtement d’unités narratives) caractérisent la narration. Il resterait à dégager les enjeux littéraires en expliquant pourquoi, par exemple, la réduplication des aventures vécues par les couples de frères aboutit, chez Jean d’Arras, à une démultiplication d’aventures parallèles. L’opposition entre vers et prose, peut-être pertinente pour les œuvres françaises, ne joue pas dans le cas de Thüring: il écrit en prose, mais respecte le choix de Coudrette qui réduit le nombre d’aventures par rapport à la version de Jean d’Arras. Dans Überlegungen zum Verhältnis von Text und Bild (133-35), A. Schnyder nous invite à découvrir l’imprimé de Richel dans sa matérialité, faisant - comme le font d’autres recherches récentes - de l’objet livre une préoccupation prioritaire. Quand il constate que les bois, qui n’ont pas nécessairement une fonction d’annonce, segmentent le récit et mettent en évidence certains thèmes (notamment les fêtes et les mariages, cf. 136) au détriment d’autres, A. Schnyder nous invite à continuer les travaux entrepris par C. Clier-Colombani et L. Harf-Lancner: l’étude de la fonction des illustrations dans les différents manuscrits et imprimés est loin d’avoir abouti! Dans Zu Sinn und Absicht des Werkes (135-37), A. Schnyder esquisse les enjeux littéraires et idéologiques de la Melusine. Au contraire de ses contemporains, Thüring souligne la delectatio qu’apporte la lecture de son œuvre, passant sous silence l’utilitas dont témoignent pourtant les interventions du narrateur au fil du récit. L’éditeur rejoint en conclusion la critique qui, de plus en plus souvent, souligne l’ambiguïté des récits mélusiniens à la fin du Moyen Âge: qu’il s’agisse de Jean d’Arras, de Coudrette ou de Thüring, leurs œuvres peuvent se lire soit comme une célébration d’un lignage et d’un mode de vie aristocratique, soit comme une dénonciation de l’idéal chevaleresque et, plus généralement, de la vanité des biens de ce monde. Les trois projets ne s’identifient pas pour autant; mais ce n’est pas à une édition commentée de faire la synthèse des différences qui fondent l’originalité respective des trois auteurs. Il suffit (cf. supra) qu’il y soit çà et là fait allusion, au détour d’une page. - Literaturverzeichnis (139-52): la riche bibliographie - complétée par un Index des noms (153-56) et un Index des illustrations (157-58) - se veut exhaustive pour le domaine allemand. Elle tient aussi largement compte des contributions françaises et anglaises, au sujet de Thüring évidemment, mais aussi de Coudrette et de Jean d’Arras. Quelle belle illustration d’une curiosité interdisciplinaire qui mériterait de faire école! Depuis quelques années, on assiste à un véritable engouement pour la légende de Mélusine, de ses origines médiévales à ses avatars les plus récents. La fascination pour le mer- 226 Besprechungen - Comptes rendus veilleux, pour les rapports entre texte et image, font le reste: études, articles et colloques se multiplient. L’édition d’A. Schnyder et U. Rautenberg vient à point nommé offrir au monde académique l’un des textes fondateurs, accompagné de commentaires qui arpentent judicieusement le vaste terrain mélusinien. C’est là un ouvrage de référence: l’apprécierat-on à sa juste valeur en France et dans les pays anglo-saxons, bien qu’il soit écrit en allemand? Jean-Claude Mühlethaler ★ Louis de Saussure/ Jacques Moeschler/ Genoveva Puskas, Tense, mood and aspect: theoretical and descriptive issues, Amsterdam (Rodopi) 2007, 239 p. (Cahiers Chronos 17) This volume presents a selection of 13 papers from the 6 th Chronos Colloquium dealing with both theoretical issues in the study of tense, mood and aspect, as well as specific semantic and syntactic analysis of linguistic expressions dedicated to these domains across a variety of languages, Germanic languages (Dutch, English and German), Romance (French, Catalan, Italian), Slavic (Serbo-Croatian, Czech, Russian), Greek and non-Indo-European languages (Thai, Digo and Kikuyu). The volume starts off with a new proposal by Vet to organise temporal representations, still with coordinates, but without the defects of the classical system used by Reichenbach. In Vet’s approach, a specific tense function can be assumed by more than one tense form. He focuses on French tenses and his proposal includes to make a tripartition into past, present and future from the two perspective points of a past and present, thus resulting in six tense functions (instead of nine from Reichenbach’s system). Vet argues that in French not all tense should be regarded as pure tenses, as some composed forms can be interpreted both as an aspectual form or a temporal one. Same phenomenon with the Periphrastic Futures which also have an aspectual and a temporal interpretation. Smessaert’s article evaluates the aspectual distance, speed and progress of the actual course of events. For this study, he addresses the Dutch paradigm of adverbial expressions that concern the internal structure of events and states, and tries to chart the various constrains on the combination of objective aspectual information and subjective evaluative information. Nicolle conducts a pragmatic analysis of the structural and semantic changes that occur when a movement verb becomes a tense marker through grammaticalization. He describes constructions in English and Digo, a Bantu language, which derive from movement verbs (like Go and V) and behave syntactically like tense markers in these languages, but describe physical movement rather than temporal relations. He suggests that the structural changes that characterise grammaticalization need not result from semantic changes. «He claims that it is subjectification rather than semantic change which underlies grammaticalization in these cases» (62). In «Aspectual interactions between predicates and their external arguments in French», Asnes shows that there is a need to apply an additional set of semantic distinctions in order to determine if an external argument is likely to have an impact on the VP aspect. She claims that these arguments do interact with their predicates, though in a different manner from that of the internal ones. She suggests that this might happen only if there is an iterative homorphism between the external argument and the complex predicate. She reveals that the unique event homorphism cannot trigger that kind of interactions, and identifies eight combinations of features in ditransitive constructions which she discusses with regard to her French corpus. 227 Besprechungen - Comptes rendus
