Vox Romanica
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0042-899X
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniFranck Floricic (ed.), La négation dans les langues romanes, Amsterdam/Philadelphia (John Benjamins Publishing Company) 2007, xi + 229 p. (Linguisticae investigationes 26)
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Franck Floricic (ed.), La négation dans les langues romanes, Amsterdam/ Philadelphia (John Benjamins Publishing Company) 2007, xi + 229 p. (Linguisticae investigationes 26) Ce volume collectif est consacré à la problématique de la négation dans les langues romanes, un champ d’étude riche et fécond, comme en témoigne le nombre important de recherches dédiées à ce sujet. L’originalité de l’ouvrage résulte de la multiplicité des approches théoriques et de la diversité des langues étudiées: il comporte dix contributions fournissant des analyses formelles, fonctionnelles et descriptives, ainsi que des études concernant différents états de langues. L’article «Occitano antiguo ge(n)s: su ausencia en ciertons contextos negativos» de Rosa Medina Granda, qui ouvre le volume, aborde la question de l’absence des quantifieurs négatifs, en particulier ge(n)s, en ancien occitan. Adoptant le cadre théorique de Muller 1991 et utilisant le principe scalaire de Fauconnier 1976, l’auteure analyse les marqueurs de négation tels que pas, mie, point ou ge(n)s comme des quantifieurs minimaux indéterminés permettant de décrire de façon explicite la quantification associée au verbe. L’analyse du corpus (textes des troubadours réunis par de Riquer 1983) permet à l’auteure de dresser la liste des contextes négatifs où le marqueur ge(n)s est absent. Ces contextes sont ensuite regroupés en deux classes en fonction des raisons qui, selon l’auteure, justifient cette absence. Dans le premier groupe de contextes négatifs, réunissant les subordonnées négatives régies par des principales négatives, les questions rhétoriques négatives et, enfin, certains verbes sémantiquement négatifs (no(n) se laissar de, no(n) se gequir de, no(n) se tolre de, etc.), l’absence de ge(n)s s’explique par «la polaridad positiva resultante en estos contextos» (11), incompatible avec la sémantique de ge(n)s en tant qu’«explicitador de la negación» (2). Dans le deuxième groupe de contextes négatifs, dont font partie les expressions comme no m’en cal, non dizer/ sonar/ parlar/ saber, ainsi que les modaux poder/ ausar/ voler/ deber suivis de l’infinitif, l’absence de ge(n)s est justifiée par le fait que ces contextes contiennent déjà «la suficiente carga de indeterminación» (23), de sorte que la présence de ge(n)s ou d’autres quantifieurs indéterminés n’est plus nécessaire. Dans leur étude «Il y a nec et nec: trois valeurs de la négation en latin et dans les langues de l’Italie ancienne», Anna Orlandi et Paolo Poccetti proposent une analyse synchronique et diachronique de cette particule. Particule de négation forte en latin archaïque, nec devient en latin classique une particule coordonnante négative et «parcourt toute l’évolution des particules coordonnantes» (32) de marqueur adverbial, fonctionnant comme connecteur («coordination connective»), à «simple coordonnant» («coordination copulative»). Appliquée à l’analyse des exemples, cette évolution sémantico-syntaxique de nec ne semble pas toutefois plus claire du point de vue diachronique (cf. les indications chronologiques des pages 31 et 32), que du point de vue synchronique. Plus précisément, la frontière entre les emplois de nec comme connecteur et comme opérateur de coordination est définie très vaguement: «Lorsque les liens entre les propositions deviennent plus étroits, les emplois comme connecteurs se raréfient et les mêmes particules, dont les valeurs sémantiques sont affaiblies, fonctionnent comme simples opérateurs de coordination, entre deux propositions négatives» (35, les italiques sont de nous). Toutefois, à la page précédente, en analysant un des emplois de nec connecteur, les auteurs écrivent que «le lien entre les deux propositions est assez étroit» (34). Enfin, la description du troisième emploi de nec comme «focus particle» dans des contextes emphatiques (38) nécessiterait, elle aussi, une définition plus précise des types de contextes où cette interprétation, plutôt qu’emploi, de nec devient possible, tandis que les auteurs se satisfont de commentaires d’exemples isolés. La contribution «Licensing expletive negation and negative concord in Romance languages» de Teresa Espinal est la seule rédigée en anglais, alors même que l’on s’attendait dans le cadre de ce volume à un choix linguistique plus cohérent (l’article aurait pu être 261 Besprechungen - Comptes rendus écrit dans une langue romane). T. Espinal entend rendre compte des différences entre la légitimation de la négation explétive et celle de la concordance négative en catalan et en espagnol. L’auteure suggère que la variation entre les deux langues peut être expliquée a) par des différences dans les traits formels et les propriétés sémantiques des mots négatifs (appelés «mots-n» à la suite de Laka 1990) (§1); b) par des possibilités variées concernant la légitimation du DP qui contient soit le résidu d’un nom nu, soit un mot négatif ou un minimiseur du type ni (§2); ou c) par des dépendances sémantiques distinctes d’un opérateur non véridique, légitimant la négation explétive, ou a(nti)véridique, autorisant les mots-n (§3). Ce dernier constat, qui reprend les hypothèses formulées précédemment sur la négation explétive (en commençant par les mondes possibles de R. Martin), laisse toutefois ouverte la question de savoir pourquoi, même au sein des langues romanes, certains contextes non véridiques autorisent la négation explétive dans certaines langues et ne l’autorisent pas dans d’autres. Dans son étude «Le paradoxe de la double négation dans une langue à concordance négative stricte», Anamaria Falaus discute la distribution et l’interprétation des «mots-n» en roumain. Elle analyse des phrases avec deux ou plusieurs mots négatifs qui autorisent soit une lecture à double négation, soit une lecture à une seule négation, et cherche à définir la contribution sémantique de chaque élément morphologiquement négatif dans la construction de telle ou telle interprétation. En défendant «l’hypothèse sur la négativité inhérente des ‹mots-n› en roumain» (80), l’auteure considère les mots-n roumains comme des quantifieurs négatifs et adopte, pour leur description, l’approche polyadique de la concordance négative stricte élaborée par H. de Swart et I. Sag. Cette approche, dont l’auteure avoue les limites explicatives pour d’autres langues (94-95), lui a néanmoins permis de rendre compte de l’ambigüité d’une phrase avec deux «mots-n» en roumain, ambigüité qui «provient de l’existence de deux mécanismes de dérivation» (94). Soit les quantifieurs négatifs sont interprétés séparément, ce qui donne par «itération» du sens négatif une lecture à double négation; soit ils forment «un seul quantifieur négatif complexe qui quantifie une paire de variables» (94), ce qui génère, «par reprise» du sens négatif, une interprétation de concordance négative. Dans son article «Négation simple et négation discontinue en occitan limousin», Liliane Jagueneau s’intéresse à la variation entre le marqueur simple de négation (pas) et le marqueur discontinu (ne . . . pas) dans cette langue. Les premiers résultats de l’étude conduite par l’auteure à partir d’atlas linguistiques, d’enquêtes de type conversationnel ou narratif, ainsi que des documents écrits, lui permettent de constater que le choix de la forme du marqueur négatif dépend de plusieurs facteurs (géolinguistique, phonétique, énonciatif et sociolinguistique) qui agissent tous en même temps. Sur le plan géolinguistique, la négation discontinue apparaît de façon la plus dense au nord-ouest du domaine occitan, en ne couvrant donc qu’une partie du Limousin (107). Sur le plan phonétique, la négation discontinue est favorisée par certaines positions. Plus exactement, «l’initiale vocalique du verbe serait favorable à l’apparition de la négation discontinue, et l’initiale consonantique à la négation simple» (107). Sur le plan énonciatif, le récit à la 3 e personne semble plus favorable à la négation discontinue que le discours, et les propos rapportés plus favorables à la négation simple que le discours non rapporté à la 1 re personne (109). Quant au plan sociolinguistique, l’investigation est encore à faire, en particulier pour savoir si le français et l’occitan méridional, qui utilisent principalement la négation simple dans le langage courant, peuvent influencer le choix du marqueur de négation en occitan limousin. Les propriétés sémantiques et syntaxiques des formes rédupliquées de la négation sont discutées dans la contribution de Frank Floricic et de Françoise Mignon «Négation et réduplication intensive en français et en italien». Les auteurs commencent par définir le statut morpho-syntaxique et sémantique des marqueurs négatifs simples non et no: ce sont des 262 Besprechungen - Comptes rendus marqueurs diaphoriques de non-coïncidence «entre la position qu’ils représentent et une position préalable au regard de laquelle se constitue une relation de discordance au sein d’un champ donné» (121). Ces marqueurs ne pouvant pas être interprétés sans référence à l’appareil énonciatif, les auteurs introduisent «la notion d’im-pertinence» (124) par laquelle est signifiée cette discordance énonciative. Le choix du terme n’est pas, à notre avis, très heureux, puisqu’il fait penser au principe de pertinence dénotant, comme il est connu, un principe d’économie cognitive qui se définit par une sorte d’équilibrage entre le coût du traitement et les effets cognitifs de l’énoncé. Dans cette optique, la discordance énonciative est plus que pertinente (cf. notamment l’exemple 1 avec la négation dite d’étonnement ou de surprise). Les auteurs s’appliquent ensuite à définir en quoi le fonctionnement des formes rédupliquées, auxquelles ils attribuent une valeur intensive (115), est différent de celui des formes simples. Nous rencontrons ici de nouveau un problème terminologique puisque les auteurs parlent en termes de réduplication aussi bien des formes non et non/ no e no que des formes non non/ no no, alors qu’elles ont une valeur et une distribution bien différentes (l’analyse en §2.1.2. le montre bien), d’autant plus que la forme non non/ no no doit être considérée comme figée. Notons d’ailleurs qu’en parlant de son figement (132), les auteurs ne commentent pas la graphie non, non des exemples de 18, et l’on peut, de façon générale, leur reprocher une certaine négligence dans l’interprétation des données (cf. notamment les commentaires des exemples 4b. et 14). En analysant les propriétés sémantiques des formes rédupliquées, les auteurs constatent que «la réitération du marqueur de négation constitue un procédé d’intensification» (128) et contribue «à l’expression du haut degré» (131). Or, les valeurs des deux formes analysées sont diamétralement opposées: si, pour les auteurs, la forme non, non et non/ no, no e no a une valeur «polémique et oppositive», les formes non non/ no no ont une valeur «minorative ou atténuative» (131), sans qu’il soit pour autant précisé d’où vient cette valeur. Vu que la bibliographie ne comporte aucune référence sur les notions d’intensité et d’intensification, il ne reste au lecteur qu’à deviner ce que les auteurs entendent par valeur intensive et haut degré. Les questions du renforcement de la négation sont discutées dans la contribution de Danièle Godard et de Jean-Marie Marandin «Aspects pragmatiques de la négation en italien». Les auteurs suggèrent que l’italien possède deux stratégies de renforcement de la négation: soit il a recours à une expression non négative (telle mica), soit il recycle une expression négative, «dans des conditions syntaxiques qui violent celles de la négation ordinaire» (140). Dans ce dernier cas, qui fait l’objet de l’étude, un mot-n et non en position préverbale coexistent en donnant lieu à une interprétation unique (NESSUNO non è venuto! ). Les phrases avec la négation renforcée «se caractérisent par un constituant qui doit être initial et porteur d’un contour spécifique» (144), ce qui est indiqué dans l’exemple cité ci-dessus par les majuscules. Il est montré que, contrairement à ce qui a été avancé, il n’y a pas de corrélation unique entre le constituant initial et un rôle spécifique dans la structure informationnelle de la phrase. En revanche, les auteurs observent que les énoncés de ce type, que l’on trouve essentiellement dans les dialogues, ont une propriété pragmatique commune: ils sont tous des dénégations d’une proposition «qui est accessible dans le contexte» immédiat (148). Du point de vue pragmatique, la négation renforcée de ce type correspond donc à l’un des cas de négation métalinguistique (refus par le locuteur d’une proposition présente explicitement ou implicitement dans le contexte). Les auteurs proposent ensuite une modélisation de cette analyse dans un modèle du dialogue, qui utilise des structures de traits, et qui est susceptible de s’intégrer dans une grammaire HPSG. L’étude de Tine van Hecke «La négation de la modalité déontique. Divergences et convergences entre français, italien et roumain» traite de la négation des modaux falloir, devoir en français, italien et roumain. Contrairement à ce que certaines études semblent suggérer, à savoir que la négation, bien que syntaxiquement liée au modal, «descend» séman- 263 Besprechungen - Comptes rendus tiquement vers l’infinitif, l’auteure montre que cette lecture «évaluative» (165) (allant de «il n’est pas recommandé que p» à «il faut ne pas p») ne l’emporte pas toujours sur la lecture littérale, dite «assertive» (165) («il n’est pas nécessaire que p»). Par ailleurs, les constructions avec la négation des modaux peuvent donner accès à une troisième interprétation, jusqu’à présent ignorée: une lecture «épistémique» (165) («probablement p») où «le locuteur donne à entendre qu’il dispose d’informations qui lui permettent de supposer p» (174). L’auteure lie le choix entre ces trois interprétations à la temporalité. Ainsi, la lecture évaluative est plus fréquente avec le verbe modal au présent ou à l’imparfait, alors qu’elle est bloquée par l’aspect perfectif du passé composé. L’auteure conclut, en se basant sur les données du corpus, que, bien que le français, l’italien et le roumain manifestent les mêmes tendances, le français a «développé d’avantage l’emploi épistémique, mais a aussi conventionnalisé le plus l’implicitation ‹il faut ne pas p›» (175). L’article d’Hélène Huot «La préfixation négative en français moderne» nous amène dans le domaine de la morphologie, en étudiant les critères selon lesquels le préfixe négatif in- «peut se trouver adjoint à certaines unités lexicales et leur conférer un contenu négatif» (180). L’auteure constate, en s’appuyant sur les données fournies par le Petit Robert électronique (éd. de 1997), que le préfixe inapparaît lié, de façon «préférentielle et privilégiée» (180), à l’adjectif et, plus exactement, aux adjectifs «verbaux» (191), tels les adjectifs à forme finale de participe, présent et passé, ou avec le suffixe -able. L’auteure met les propriétés des dérivés avec le préfixe inen relation avec la valeur aspectuelle [± accompli] susceptible d’y être attachée et suggère une formalisation, en s’inspirant du modèle Frame- Net élaboré par Fillmore. Au terme de son étude, H. Huot conclut que «le préfixe inexprime fondamentalement l’idée de négation, et n’implique pas en lui-même une quelconque orientation intensive» (196), qui lui est souvent attribuée. Cette dernière relève d’abord du radical verbal et parfois aussi du contexte plus large. La contribution collective «Les adjectifs de forme inXable en français» de Georgette Dal, Natalia Grabar, Stéphanie Lignon, François Yvon, Delphine Tribout et Clément Plancq reste dans la problématique de la préfixation en inet des adjectifs en -able. Les auteurs se donnent un double objectif: formuler une hypothèse sur les règles qui régissent la préfixation des adjectifs de forme inXable, et la confronter ensuite avec les données du corpus (l’année 1995 du journal Le Monde) pour évaluer sa validité. Cette hypothèse pose qu’en synchronie, la règle de construction des lexèmes avec le préfixe in- «forme des lexèmes exprimant la non-satisfaction d’une propriété attendue, l’adjectif en inne donnant aucune information quant au degré de non-satisfaction de cette propriété» (207), ce qui va dans le sens de l’hypothèse défendue par H. Huot dans ce volume. L’hypothèse avancée prédit que, le plus souvent, soit le simple en -able, soit le construit en infait défaut (208), et que, dans le cas contraire, le simple n’exprime pas une propriété à un degré standard (208). Le corpus, qui pose toutefois des problèmes liés à sa représentativité et à sa taille (ce que les auteurs avouent eux-mêmes (221)), semble confirmer cette hypothèse, «même si, comme très souvent en morphologie, il ne s’agit que de tendances» (221). Après avoir fait le tour des contributions au volume, notons qu’elles ont toutes une assise théorique solide et sont suivies d’une riche bibliographie. C’est d’autant plus étonnant de ne pas trouver parmi les références les travaux de J. Bacha, d’O. Ducrot ou les deux derniers volumes sur la négation de P. Larrivée. Serait-ce un oubli, une méconnaissance ou une façon d’exprimer son désaccord avec les hypothèses défendues par ces auteurs? Olga Inkova ★ 264 Besprechungen - Comptes rendus
