eJournals Vox Romanica 67/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2008
671 Kristol De Stefani

Jean-Claude Vallecalle, Messages et ambassadeurs dans l’épopée française médiévale. L’illusion du dialogue, Paris (Champion), 2006, 629 p.

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2008
Alain  Corbellari
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Jean-Claude Vallecalle, Messages et ambassadeurs dans l’épopée française médiévale. L’illusion du dialogue, Paris (Champion), 2006, 629 p. Huit ans après la parution du livre de Jacques Merceron Le message et sa fiction. La communication par messager dans la littérature française des XII e et XIII e siècles (voir notre compte rendu, VR 60 (2001): 300-02), sort une seconde somme sur ce thème longtemps négligé des études médiévales. En réalité, la thèse de Jean-Claude Vallecalle (J.-C. V.) est relativement ancienne: soutenue en 1992 à l’Université de Provence, elle a attendu quatorze ans une publication fort attendue des médiévistes, qui considèrent depuis longtemps son auteur comme l’un des meilleurs spécialistes français de la chanson de geste. De fait, si les ouvrages de Jacques Merceron et de J.-C. V. ne sont pas sans présenter certaines ressemblances, leurs visées théoriques et les corpus qu’ils interrogent les différencient fortement: autant Merceron se veut structuraliste, voire post-structuraliste, mettant l’accent, dans la mouvance d’un Michel Serres, sur le problème de la communication, autant J.-C. V. reste attaché à une histoire littéraire fort traditionnelle, sa stricte limitation au domaine de la chanson de geste lui interdisant par ailleurs toute inférence plus générale sur la littérature de la France médiévale. Ainsi ne doit-on pas s’étonner que la question du motif formulaire soit évacuée presque aussitôt abordée: des renvois à Rychner et J. P. Martin (44-45) suffisent à J.-C. V. pour nous avertir que son intention, foncièrement liée à l’exercice éprouvé de l’explication de texte, n’est pas d’ordre narratologique, mais bien plutôt herméneutique et thématique. Une première partie, «Aspects du message», traite successivement des dénominations du messager (21-38), des aspects topiques du motif (39-82), des rapports de l’oralité et de l’écriture (83-108) et de la diplomatie médiévale telle que la reflètent les textes (109-237): très documenté, ce dernier chapitre confronte les chansons de geste à la pratique historique pour conclure que «l’épopée attache, en effet, une importance considérable au lien qui unit l’ambassadeur à son mandat», constatation dont la banalité est à peine tempérée par les remarques selon lesquelles manque dans la littérature «toute procédure d’accréditation» et que «dans la fiction qui fonde la représentation diplomatique [le groupe féodal] cherche moins, sans doute, le moyen d’établir un lien avec son interlocuteur que celui de paraître l’ignorer, de lui refuser toute reconnaissance officielle» (237). Ainsi se trouve énoncé le fil rouge qui unifie toute l’enquête et qu’annonçait déjà le sous-titre du livre: «l’illusion du dialogue». La seconde partie, «Un rêve d’unicité», comprend trois chapitres abordant trois types d’ambassades littéraires: l’ambassade belliqueuse (241-372), motif déjà beaucoup glosé qui se taille sans surprise la part du lion, les espions (373-425), avec des considérations intéressantes sur la question du déguisement, et la négociation (427-63), qui, conduisant «à un compromis, à une demi-mesure, à un abandon» (463), est peu goûtée des conteurs. La troisième partie, enfin, «Une volonté d’unité», poursuit ce catalogue en traitant de la convocation des vassaux (469-506) et de la demande de secours (507-89). L’aspect conclusif de ce dernier chapitre est souligné par le fait que J.-C. V. y déborde quelque peu son sujet pour évoquer les messages non-verbaux, ce qui lui permet de finir, si l’on ose dire, «en beauté» par une évocation des scènes du cor - à tous égards fondatrices - de La Chanson de Roland. Une très brève conclusion (583-86) réaffirme le leitmotiv de l’ouvrage (584: «La diplomatie épique témoigne, d’une manière particulièrement claire, d’un refus de tout dialogue qui s’inscrit étrangement dans les formes mêmes de la communication») et ouvre une perspective intéressante sur l’évolution du genre épique, aspect que le livre ne traitera pas, s’étant donné pour tâche d’éclairer «une conception globale de la communication, une attitude générale devant la société et le monde qui transparaît à travers les messagers épiques» (586), mais dont il marque le point d’émergence: «À mesure que l’individu conquiert, dans nos 308 Besprechungen - Comptes rendus poèmes, une place croissante, à mesure aussi que le monde devient plus complexe, que les repères simples d’un partage entre le bien et le mal ne sont plus aussi nets, le vieil idéal d’une communauté unie et unique perd de sa vigueur» (id.). On ne peut que reconnaître la parfaite clarté du plan et des intentions de J.-C. V.; cependant, cette étude sérieuse, appliquée et minutieuse, que ne dépare aucun défaut majeur, ne renouvelle guère nos perspectives critiques et aurait pu être plus concise, évitant ainsi redondances et truismes. Attendre, par exemple, la p. 81 pour découvrir «un aspect essentiel du messager», à savoir qu’il «est la parole d’un autre, d’un absent que son envoyé ne représente - ne rend présent - que d’une manière fictive» a tout du pétard mouillé. On fera par ailleurs, à propos des textes d’où est tirée la majorité des exemples, une constatation que J.-C. V. aurait pu souligner. En effet, toutes les chansons de geste les plus citées (Anséis de Carthage, Aspremont, La Chanson de Roland, La Chevalerie Ogier, Fierabras, Gaydon, Gui de Bourgogne, Huon de Bordeaux, Jehan de Lanson et La Prise de Pampelune) appartiennent à ce que l’on appelle traditionnellement le «cycle du roi»; certes, Huon de Bordeaux est un cas limite, mais c’est précisément dans la mesure où elle commence comme une chanson traditionnelle que cette épopée intéresse J.-C. V. Nous n’accuserons certes pas ce dernier de ne pas connaître les autres textes, car il les cite aussi (aucune des grandes chansons de geste française n’est en fait oubliée dans son enquête), mais plus parcimonieusement, car elles ne semblent guère offrir de scènes de messagers vraiment marquantes: on ne sera peutêtre pas étonné de ne trouver que des mentions assez fugitives au cycle de Guillaume, car celui-ci, à bien des égards, possède des codes narratifs distincts de ceux du reste du corpus épique, mais la discrétion des chansons de «barons révoltés» (à la relative exception de Renaut de Montauban) peut paraître plus surprenante. Le fait, au demeurant, confirme les conclusions de J.-C. V., puisque les chansons du «cycle du roi», où s’impose une figure positive de Charlemagne, sont par là même celles qui exemplifient le mieux ce «monde de l’unité» cher à notre auteur. En fin de compte, c’est encore par ses explications de texte que cet ouvrage destiné à prendre place parmi les grandes synthèses thématiques de l’épopée médiévale se recommande le plus à l’intérêt du lecteur. Ainsi des analyses de passages de chansons relativement peu fréquentées telles Fierabras, Gui de Bourgogne ou Jehan de Lanson; mais aussi, à l’inverse, de l’illustre Chanson de Roland, dont sont revisités à nouveaux frais quelques moments clés. Au terme de son analyse serrée des scènes du cor (559-67), J.-C. V. conclut ainsi que la plus belle de nos chansons de geste serait «une apologie du fanatisme» (567). La démonstration est, certes, bien étayée; cependant, même si le but de l’exégèse des textes anciens n’est pas de flatter le lecteur moderne, n’est-on pas en droit de trouver, en l’occurrence, cette lecture un peu prosaïque? Elle ne nous donne en tout cas guère de raison nouvelle d’aimer le texte. Alain Corbellari ★ Élisabeth Crouzet-Pavan/ Jacques Verger (ed.), La dérision au Moyen Âge. De la pratique sociale au rituel politique, Paris (PUPS) 2007, 292 p. (Cultures et Civilisations Médiévales) Actes de la journée d’études sur les «Pratiques de la dérision au Moyen Âge» qui a eu lieu à l’Université de Paris-Sorbonne en 2003, le présent volume offre une réflexion essentiellement orientée vers l’histoire des mentalités. Partant d’une définition simple et fonctionnelle: «moquerie non dépourvue de méchanceté cherchant non seulement à faire rire, mais à humilier, à discréditer, voire à annihiler, au moins symboliquement, celui ou ceux qu’elle 309 Besprechungen - Comptes rendus