eJournals Vox Romanica 67/1

Vox Romanica
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2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2008
671 Kristol De Stefani

Élisabeth Crouzet-Pavan/Jacques Verger (ed.), La dérision au Moyen Âge. De la pratique sociale au rituel politique, Paris (PUPS) 2007, 292 p. (Cultures et Civilisations Médiévales)

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2008
Maria  Nieves Canal
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poèmes, une place croissante, à mesure aussi que le monde devient plus complexe, que les repères simples d’un partage entre le bien et le mal ne sont plus aussi nets, le vieil idéal d’une communauté unie et unique perd de sa vigueur» (id.). On ne peut que reconnaître la parfaite clarté du plan et des intentions de J.-C. V.; cependant, cette étude sérieuse, appliquée et minutieuse, que ne dépare aucun défaut majeur, ne renouvelle guère nos perspectives critiques et aurait pu être plus concise, évitant ainsi redondances et truismes. Attendre, par exemple, la p. 81 pour découvrir «un aspect essentiel du messager», à savoir qu’il «est la parole d’un autre, d’un absent que son envoyé ne représente - ne rend présent - que d’une manière fictive» a tout du pétard mouillé. On fera par ailleurs, à propos des textes d’où est tirée la majorité des exemples, une constatation que J.-C. V. aurait pu souligner. En effet, toutes les chansons de geste les plus citées (Anséis de Carthage, Aspremont, La Chanson de Roland, La Chevalerie Ogier, Fierabras, Gaydon, Gui de Bourgogne, Huon de Bordeaux, Jehan de Lanson et La Prise de Pampelune) appartiennent à ce que l’on appelle traditionnellement le «cycle du roi»; certes, Huon de Bordeaux est un cas limite, mais c’est précisément dans la mesure où elle commence comme une chanson traditionnelle que cette épopée intéresse J.-C. V. Nous n’accuserons certes pas ce dernier de ne pas connaître les autres textes, car il les cite aussi (aucune des grandes chansons de geste française n’est en fait oubliée dans son enquête), mais plus parcimonieusement, car elles ne semblent guère offrir de scènes de messagers vraiment marquantes: on ne sera peutêtre pas étonné de ne trouver que des mentions assez fugitives au cycle de Guillaume, car celui-ci, à bien des égards, possède des codes narratifs distincts de ceux du reste du corpus épique, mais la discrétion des chansons de «barons révoltés» (à la relative exception de Renaut de Montauban) peut paraître plus surprenante. Le fait, au demeurant, confirme les conclusions de J.-C. V., puisque les chansons du «cycle du roi», où s’impose une figure positive de Charlemagne, sont par là même celles qui exemplifient le mieux ce «monde de l’unité» cher à notre auteur. En fin de compte, c’est encore par ses explications de texte que cet ouvrage destiné à prendre place parmi les grandes synthèses thématiques de l’épopée médiévale se recommande le plus à l’intérêt du lecteur. Ainsi des analyses de passages de chansons relativement peu fréquentées telles Fierabras, Gui de Bourgogne ou Jehan de Lanson; mais aussi, à l’inverse, de l’illustre Chanson de Roland, dont sont revisités à nouveaux frais quelques moments clés. Au terme de son analyse serrée des scènes du cor (559-67), J.-C. V. conclut ainsi que la plus belle de nos chansons de geste serait «une apologie du fanatisme» (567). La démonstration est, certes, bien étayée; cependant, même si le but de l’exégèse des textes anciens n’est pas de flatter le lecteur moderne, n’est-on pas en droit de trouver, en l’occurrence, cette lecture un peu prosaïque? Elle ne nous donne en tout cas guère de raison nouvelle d’aimer le texte. Alain Corbellari ★ Élisabeth Crouzet-Pavan/ Jacques Verger (ed.), La dérision au Moyen Âge. De la pratique sociale au rituel politique, Paris (PUPS) 2007, 292 p. (Cultures et Civilisations Médiévales) Actes de la journée d’études sur les «Pratiques de la dérision au Moyen Âge» qui a eu lieu à l’Université de Paris-Sorbonne en 2003, le présent volume offre une réflexion essentiellement orientée vers l’histoire des mentalités. Partant d’une définition simple et fonctionnelle: «moquerie non dépourvue de méchanceté cherchant non seulement à faire rire, mais à humilier, à discréditer, voire à annihiler, au moins symboliquement, celui ou ceux qu’elle 309 Besprechungen - Comptes rendus vise» (7), les auteurs des seize articles de ce recueil s’attachent à analyser les différents procédés de dérision dans une société «où l’on existait d’abord dans le regard des autres» (8). L’organisation tripartite de ces travaux veille à mettre en évidence les enjeux sociaux du rire comme critique de l’ordre établi, l’importance rituelle et politique de ces pratiques dérisoires ainsi que la transformation de certaines formes de rabaissement en compassion pour les individus qui la subissent. La qualité de cet ouvrage est indéniable et son utilité dans l’étude des fonctions du rire au Moyen Âge est indiscutable; Élisabeth Crouzet-Pavan et Jacques Verger réunissent dans ces pages des travaux très riches et variés et qui auront, nous l’espérons, pour premier effet de stimuler les autres domaines de la recherche. Deux critiques d’ordre formelles sont néanmoins à émettre: premièrement, nous déplorons l’absence d’une bibliographie générale, ou tout du moins un récapitulatif bibliographique pour chaque contribution. Nul ne peut douter du bien fondé de cette pratique essentiellement pédagogique qui enrichit ce genre de recueils, qui facilite souvent le travail du chercheur et que les notes en bas de page ne remplacent pas entièrement. Deuxièmement, nous signalerons la place surprenante des planches d’illustrations: entre les pages 224 et 225, alors que les articles qui s’y référent sont aux pages 85-106 et 263-74. Nous supposons que c’est à cause d’un impératif de la maison d’édition que les illustrations ne se retrouvent pas en fin de volume ou à la suite des articles concernés. La première partie, intitulée «Visages sociaux de la dérision», regroupe six articles qui tentent de cerner le concept de dérision dans les différentes couches de la société médiévale et pré-renaissante. Pour ce faire, ils se basent essentiellement sur des sources littéraires et juridiques qu’ils lisent comme des témoignages de certaines pratiques sociales. Dominique Barthelemy se concentre sur les quatre livres qui relatent les miracles de Sainte Foy, martyre et auxiliatrice des chevaliers en péril ou dans l’embarras («Sainte Foy et les quadrupèdes d’après Bernard d’Angers et ses continuateurs», 13-33). Dans les deux premiers livres, Bernard d’Angers rapporte des miracles atypiques ou «miracles pour peu de chose» (18), traditionnellement désignés comme «les jeux de Sainte Foy». Parmi ces miracles, un certain nombre porte sur la résurrection ou l’extraordinaire guérison d’un âne ou d’un cheval. Dans un premier temps Dominique Barthélemy constate qu’il n’y a là qu’un rapport ludique entre le croyant et la sainte et que ce genre d’interventions divines n’a pour but que «d’aider à se représenter la résurrection de la chair et le jugement dernier» (18). Dans le troisième livre, l’historien décèle un transfert du ludique sans méchanceté vers un genre de dérision critique caractéristique de la société post-carolingienne (X e et XI e siècles): le fait de rire de l’animal blessé, affaibli ou mort, souligne la déchéance du chevalier qui le possède. Or par l’invocation à Sainte Foy, le chevalier dépasse son incapacité de venger son honneur et laisse au divin le soin de s’en charger grâce au miracle. Grâce aux chansons de geste, Philippe Ménard («Humour, ironie et dérision dans les chansons de geste», 35-53) dresse un panorama des diverses pratiques de rabaissement utilisées dans la littérature médiévale pour souligner la puissance des grands seigneurs face à l’ennemi et même aux parvenus. Grand spécialiste du rire au Moyen Âge, l’auteur ne différencie pas nettement l’humour qui ne cherche pas à rabaisser de la raillerie méprisante et pense que cette dernière prédomine dans les textes étudiés. L’ironie devient dans cette optique un des instruments de la dérision qu’il définit comme «une raillerie plus longue dans ses développements, surtout plus vive et plus désagréable» (49). Paul Magdalino («Tourner en dérision à Byzance», 55-72) se propose de «localiser la dérision dans la culture byzantine et de la définir par rapport aux autres manifestations de l’humour que l’on trouve dans les textes byzantins» (55). Il met en lumière les liens particuliers entre le jeu et la dérision. Il rappelle que régulièrement les instances de pouvoir «créent, conservent et utilisent des espaces profanes pour que le jeu se déroule dans un cadre établi par l’État et la coutume (p. ex. l’Hippodrome)» (60). Parallèlement, il pense que 310 Besprechungen - Comptes rendus la dérision a besoin d’un cadre étatique et d’un public presque consensuel pour qu’elle se réalise, ce qui expliquerait certaines traditions comme les concours oratoires fondés sur la dérision «soumis à l’arbitrage du pouvoir, dans la personne du souverain, de son représentant, ou d’une collectivité sociale» (61). Ainsi la dérision est contrôlée et ne risque pas de se transformer en une arme contre le pouvoir en place. Jacques Verger étudie les pratiques de bizutage dans les universités médiévales aux XIV e et XV e siècles («Rites d’initiation et conduites d’humiliation. L’accueil des béjaunes dans les universités médiévales», 73-84). Cet article propose une lecture anthropologique de ce rite communautaire et social puisque «le bizutage se déroulait aussi dans la rue» (79). L’auteur regrette que ses documents cherchent essentiellement «à canaliser ou à interdire des manifestations qui existaient sans doute depuis un certain temps et n’avaient jusqu’alors relevé que d’une tradition orale» (76) mais constate néanmoins une évolution dans l’attitude de plus en plus méfiante et contrôlée des autorités universitaires vis-à-vis des humiliations et extorsions imposées aux nouveaux étudiants. La dérision cesse dans ce contexte d’être drôle et devient un rituel d’intégration dont le premier but est de rabaisser le nouveau venu et d’instaurer une hiérarchie estudiantine. L’article de Laurent Vissière («Des cris pour rire? Dérision et autodérision dans les cris de Paris (XIII e -XVI e siècles)», 85-106) s’attaque à l’idée généralement admise selon laquelle «les intellectuels parisiens, en couchant sur le papier les cris de Paris, se seraient surtout amusés à tourner en dérision le petit peuple» (86). À l’aide des sources littéraires et des gravures du XVI e siècle, l’historien démontre que le cri tend tout au plus «à déshumaniser le marchand» (87) qui en règle générale n’appartient pas au petit peuple. Les cris des marchands rendent tangible l’ambiance sonore de la rue parisienne à la fin du Moyen Âge et soulignent les pratiques d’autodérision employées par les différents marchands pour appâter «la ménagère de moins de 40 ans» (101). Lauro Martines étudie les techniques de dérision mises en place dans la littérature italienne de la fin du Moyen Âge («Les visages sociaux de la dérision dans Le Novelle et la poésie satirique de la Renaissance», 107-14). Il se base essentiellement sur La Mandragore de Machiavel et le Lezioni sopra il comporre delle novelle de Francesco Boncinani qui soulignent l’utilité du rire punitif. Enfin Lauro Martines observe que les victimes de la dérision sont essentiellement des personnages «de rang social moyen qui troublent l’ordre moral et social» (110) et que les auteurs des humiliations publiques entendent rire aux dépens de la victime, lancer une controverse, révéler des scandales, se venger ou même, dans le cas où les sphères publiques et privées interféreraient, provoquer une crise générale (par ex. les pasquinades) (114). Les huit travaux de la deuxième partie («Rituels politiques et judiciaires») décrivent et expliquent des rituels dérisoires qui ont partie liée avec l’exercice du pouvoir. Béatrice Caseau éclaircit, dans «Rire des dieux» (117-41), la position d’Eusèbe de Césarée lorsqu’il justifie la récupération des statues des anciennes divinités latines par Constantin. L’historienne relie cette décision à un rite souvent revendiqué par les Apologistes byzantins qui consiste à utiliser la dérision pour se moquer des cultes polythéistes en méprisant et dénigrant les symboles mêmes de ces croyances. La pratique rituelle de la dérision sert par conséquent à imposer la religion chrétienne face aux cultes païens qui sont rendus ridicules de façon souvent violente. Élodie Lecuppre-Desjardin et Gilles Lecuppre centrent leurs recherches sur les pratiques de dérision sur la scène politique des cours des anciens Pays-Bas bourguignons entre les XII e et XVI e siècles. Dans «L’ennemi introuvable ou la dérision impossible dans les villes des terres du Nord» (143-61), l’historienne démontre que, entre les mains du prince, les rituels d’humiliation et de rabaissement se présentent comme «un outil politique particulièrement dangereux» (161) qui permet d’anéantir toute tentative de révolte. Gilles Lecupp- 311 Besprechungen - Comptes rendus re poursuit la réflexion en analysant la réaction des princes face aux monarques imposteurs de la fin du Moyen Âge («Le roi et le singe couronné», 163-73). Or, si dans un premier temps, les usurpateurs sont moqués et humiliés sur la place publique dans une sorte «d’exécution symbolique . . . qui vise à anéantir à jamais la réputation du fâcheux qui osa remettre en cause l’autorité dominante» (155), les princes doivent néanmoins recourir à des pratiques de coercition plus lourdes pour asseoir efficacement leur pouvoir. Les articles de Ilaria Taddei, Jean-Claude Maire Vigueur, Renaud Villard et Andrea Zorzi exposent différents rites pratiqués dans l’Italie communale. Dans «Les rituels de dérision entre les villes toscanes (XIII e -XIV e siècles)» (175-89), Ilaria Taddei met en parallèle deux pratiques festives: d’un côté, on célèbre les victoires en portant à la gloire, tant sur la scène publique que dans les chroniques, les acteurs qui y ont contribué; d’un autre côté, on «expose des personnes ou des groupes sociaux à la dérision» (175) dans le but d’exalter et de renforcer l’identité urbaine naissante. Dans cette démarche, le rôle de la chronique comme «instrument de lutte au service politique» est primordial en ce qu’elle «assure la circulation de l’image de la défaite de l’ennemi et lui donne une valeur définitive» (181). Jean-Claude Maire Vigueur s’interroge, lui aussi, sur les liens entre la littérature satirique, burlesque et comico-réaliste et les recours à la dérision dans le terrain politique («Dérision et lutte politique. Le cas de l’Italie Communale», 191-204). Les articles de Renaud Villard et d’Andrea Zorzi dénoncent les dérives de la dérision en analysant les rites d’animalisation («La queue de l’âne. Dérision du politique et violence en Italie dans la seconde moitié du XV e siècle», 205-24; «Dérision des corps et corps souffrants dans les exécutions en Italie à la fin du Moyen Âge», 225-40). Les deux articles soulignent l’extrême déshumanisation de la victime et des acteurs de la dérision à travers des rituels qui permettent à la communauté de se venger (par ex. d’un tyran mort (205)) et d’expulser matériellement et violemment les ennemis hors du territoire tout «en marquant la mémoire de façon infamante» (231). Romain Tellier («En Grand Esclandre et vitupere de notre majesté. L’autorité royale bafouée par le rire en France à la fin du Moyen Âge», 241-60) perçoit la dérision comme «un instrument de contestation de l’autorité publique et plus précisément de l’autorité royale» (241). Grâce à des documents judiciaires, l’historien répertorie les différentes conduites dérisoires que l’on peut adopter vis-à-vis des représentants de l’ordre judiciaire et politique et qui sont souvent pénalisées par des peines pécuniaires. Ceci le mène à la conclure que «rire de l’autorité, de la norme ou du sacré a pour principale vertu d’en permettre la transgression sans en mettre en cause sérieusement l’exercice.» (260). Les deux articles qui terminent cet ouvrage évacuent totalement les aspects ludiques de la dérision et renversent les perspectives des études précédentes. Ils insistent sur le fait que la pratique de la dérision est une question de point de vue, et que la même humiliation considérée comme justifiée et jouissive par un certain public peut déclencher la compassion chez d’autres spectateurs. Jean-Claude Schmitt démontre avec des illustrations des Écritures qu’il est difficile de représenter des situations dérisoires sans l’aide d’inscriptions qui explicitent la dérision («Les images de la dérision», 263-74). Les scènes représentées pour illustrer cette pratique sont souvent les mêmes: Job raillé par sa femme; Noé ivrogne découvert par ses trois fils; Moïse et Aaron discrédités par les magiciens d’Égypte; les messagers de David raillés par le roi des Philistins Annon; David moqué par sa femme Michal; Élisée chauve et le Christ couronné d’épines et contraint de tenir un roseau en guise de sceptre (267-68), et ne sont pas censées provoquer le rire consensuel de la communauté. Jean-Marie Moeglin («Le Christ la corde au cou», 275-89) reprend une ancienne réflexion sur l’humiliation des bourgeois de Calais lors de la capitulation du 4 août 1347 pour illustrer «le transfert de la dérision vers la miséricorde» (276). Parmi les rituels qui permettent aux puissants bafoués dans leur autorité de rétablir leur honneur sans avoir recours à 312 Besprechungen - Comptes rendus la vengeance ou à la mise à mort, l’humiliation publique par diverses coutumes s’est souvent imposée; «dans les cas les plus graves on ajoutait des éléments d’abaissement supplémentaires comme le port de différents objets tels qu’une corde autour du cou» (275). L’auteur s’interroge sur le fait que la dérision infligée aux bourgeois de Calais est inefficace si l’on s’en tient aux récits de Froissart ou de Jean le Bel, à l’instar de la dérision du Christ lors de la Passion: la pénitence subie par les «coupables» pousse les spectateurs à la compassion et à la miséricorde. «La corde au cou devient grâce au Christ, un instrument de rédemption et non de dérision» (287). Maria Nieves Canal ★ Richard Trachsler/ Julien Abed/ David Expert (ed.), Moult obscures paroles. Études sur la prophétie médiévale, Paris (Presses de l’Université Paris-Sorbonne), 2007, 271 p. (Cultures et civilisations médiévales 39) Les études rassemblées dans ce recueil tâchent de mettre à jour des mécanismes de fonctionnement du discours prophétique dans la littérature médiévale. Dans son article introductif «Moult oscure parlëure. Quelques observations sur la prophétie médiévale» (7-14), R. Trachsler indique les caractéristiques principales de la parole prophétique qui se veut volontiers obscure, emprunte souvent les chemins de la métaphore en présupposant l’activité ultérieure de son décryptage. L’auteur note que le travail de déchiffrement des signes ne se conçoit pas sans la participation d’un médiateur, prophète ou devin, qui assure le lien entre les hommes et l’instance transcendantale. En soulignant le choix de ne pas dissocier dans le présent volume le champ de la prophétie de celui de la divination, l’auteur donne quelques exemples qui suggèrent la nécessité de distinguer la facette historique du phénomène, telle qu’elle s’inscrit dans des textes encyclopédiques, de sa composante typiquement littéraire qui fait la part belle à la figure de Merlin. Les jalons posés dans cette introduction conditionnent la répartition du recueil en deux parties: la première s’intéresse à la manière dont la mentalité médiévale accueille des prophéties et des prognostications diverses, tandis que la seconde se consacre à l’étude des prophéties merliniennes. La première partie intitulée Devins et prophètes. Des pratiques similaires? s’ouvre avec l’article de D. Ruhe, «La divination au Moyen Âge. Théories et pratiques» (17-28), dans lequel l’auteure examine l’impact de l’astrologie sur l’homme du XIII e siècle. Elle observe que la consultation des astres avant la réalisation d’un grand projet n’est pas un phénomène réservé à la seule Renaissance. Pour l’homme du XIII e , faire des prédictions fondées sur des mouvements astraux relevait du travail scientifique et n’avait rien de suspect. Le prestige de l’astrologie fait naître, à côtés des traités latins qui y sont consacrés, des textes rédigés directement en français comme le Livre de Sidrac. En comparant cet écrit vernaculaire aux modèles issus du milieu universitaire, D. Ruhe note que le texte français use de pratiques scientifiques considérées déjà comme obsolètes au XIII e siècle. Or, cette différence de méthode ne change en rien l’attitude mentale des lecteurs envers le savoir ainsi dispensé, parce que le but recherché par l’écriture française (la vulgarisation) et par l’écriture latine (l’enseignement) reste le même: dans les deux cas, les techniques de l’astrologie aident à se prémunir des contingences inévitables de la vie. Dans son article «Les pronostics en anglo-normand: méthodes et documents» (29-50), T. Hunt donne quelques repères pour s’orienter dans le champ vaste insuffisamment étudié des pronostics accueillis par des manuscrits aux contextes divers. Le chercheur propose de distinguer cinq catégories de méthodes pronostiques (le calendrier, l’astrologie et le zo- 313 Besprechungen - Comptes rendus