eJournals Vox Romanica 67/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2008
671 Kristol De Stefani

Nature & paysages. L’émergence d’une nouvelle subjectivité à la Renaissance. Actes des journées d’étude organisées par l’École nationale des chartes (26 mars 2004 et 15 avril 2005). Réunis par Dominique De Courcelles avec la collaboration de Jean-Pierre Bat. Paris (École des chartes) 2006, 296 p. (Études et rencontres de l’école des chartes 24)

121
2008
Laurent  Bozard
vox6710339
phrase commence par un «y» (8; 10; 36; 46; 48; 49; 50; 51; 53; . . .). Le respect du découpage et de la mise en page de l’imprimé saccade quelque peu la lecture et on s’interroge sur la pertinence de ce choix qui implique des mots et des phrases coupés de façon abrupte, des espaces blancs disgracieux et l’ajout d’une note superflue et répétitive: «*Dans l’édition originale ce titre figure à la page précédente» (59; 73; 76; 80; 99; 125). Les commentaires explicatifs et interprétatifs sont insérés en bas de page. Ils sont fort utiles généralement, mais nous regrettons que les explications soient quelques fois vagues et ne renvoient que rarement à des traditions littéraires précises (7 N18; 8 N19 et 20; 9 N21 . . .). Des renvois de note à note manquent (3 N9 devrait renvoyer à la N3; 42 N55 devrait renvoyer à la N38 . . .) ou alors sont erronés (29 N48 renvoie à la N7 au lieu de la N8); les références bibliographiques ne sont pas toujours très claires (92 N101; 93 N102). Complètent l’édition un index nominum, un index rerum et un glossaire pour le texte en français. Contrairement à l’index rerum qui dégage les termes importants à la compréhension du roman sentimental et n’exige pas d’autres explications, l’index nominum serait plus utile s’il fournissait un minimum d’informations sur les personnages cités dans le texte. Le glossaire remplit parfaitement son rôle par des renvois aux dictionnaires d’usage et prend en compte les questions d’histoire de la langue en signalant notamment les premières attestations de certains termes. Des annexes (233-45) et un dossier iconographique (153-68) enrichissent cette édition de manière fort singulière. Dans les annexes, Véronique Duché ajoute des pièces importantes pour la réflexion sur la tradition de la Cárcel de amor en France grâce à des remarques liminaires qui appartiennent aux manuscrits et imprimés des premières traductions de l’œuvre de de San Pedro et à la transcription de la notice bibliographique de la Bibliothèque Universelle des Romans (1779) sur La Prison d’amour. Dans un même ordre d’idées, le dossier iconographique ne se fonde pas sur les imprimés de Corrozet (ceux-là ne comportent aucune illustration) mais essentiellement sur ceux de Galliot du Pré (Paris) BNF, Rés. Y 2350 et de Chantilly, MC 1768 qui reproduisent la première des traductions françaises. La preuve est faite, cette fiction n’a pas manqué d’inspirer différents artistes en Europe et nous pourrions encore ajouter à ce dossier la tapisserie conservée au musée de Cluny qui représente l’accueil de la princesse Laureole par ses parents et le reste de la cour, cadeau de François I er à sa belle-sœur Renée lors de ses noces avec Ercole d’Este. Cette étude iconographique souligne donc la popularité de cette œuvre à l’étranger et repose la question de la réception plus qu’elle ne contribue à compléter l’édition proposée et dont le principal intérêt pour la communauté scientifique est celui de jalonner le chemin qui nous aidera à étudier les différents échanges littéraires dans les cours européennes des XV e est XVI e siècles. Maria Nieves Canal ★ Nature & paysages. L’émergence d’une nouvelle subjectivité à la Renaissance. Actes des journées d’étude organisées par l’École nationale des chartes (26 mars 2004 et 15 avril 2005). Réunis par Dominique De Courcelles avec la collaboration de Jean-Pierre Bat. Paris (École des chartes) 2006, 296 p. (Études et rencontres de l’école des chartes 24) S’il est communément admis que l’on «invente» le paysage à la Renaissance, les chercheurs qui ont collaboré au présent recueil s’attachent à distinguer les liens qui unissent paysage et subjectivité. Quatre thématiques servent ainsi de décor aux quatorze réflexions proposées: «De la nature sauvage à la belle nature», «Le voyage allégorique et la révélation poétique du sujet», «De la quête spirituelle à la magie naturelle» et «La conquête des mondes naturels pour une nouvelle subjectivité». 339 Besprechungen - Comptes rendus Santiago López-Ríos revient sur les conceptions médiévales de la forêt et du loup dans la littérature espagnole du XV e siècle. Dès le Cantar de Mio Cid, la forêt dégage une atmosphère inquiétante, reflet de l’état émotionnel des personnages. Elle peut aussi servir à exprimer la lamentation funèbre comme dans La Defunsión de don Enrique de Villena. Le loup quant à lui condense la plupart des connotations négatives de la forêt. Mais l’animal et le paysage passent rapidement au second plan, dans la littérature politique castillane du XV e siècle: la forêt transpose le lecteur dans un monde où les lois de la civilisation n’ont pas cours. Le locus horridus devient alors allégorie politique, basée parfois sur la métaphore pastorale du loup attaquant les troupeaux, mais possédant toujours des connotations sinistres. Rosanna Gorris Camos revient sur l’image de la montagne qui, dans la plupart des croyances, suscite en l’homme peur et désir, et permet un rapprochement avec Dieu. L’Épître de Cauterêts de Marguerite de Navarre possède plusieurs niveaux de signification: récit de son dernier voyage dans la ville, témoignage du rapport affectueux qu’elle entretient avec sa fille et son beau-fils, c’est aussi une allégorie d’une ascension vers la divine hauteur - la montagne étant l’occasion de méditer sur la puissance divine. Si la montagne continue parfois à faire peur chez les poètes ou dans les proverbes, le développement de la cartographie et les découvertes géographiques bouleversent les perceptions au profit de davantage de scientificité. Dans le monde de la Réforme, la montagne suscite un intérêt nouveau: pour certains savants, elle représente un lieu de splendeur non encore contaminée, aux mœurs pures, en opposition à la nouvelle Babylone. Un peu dans le même ordre d’idées, les vers de Jacques Peletier du Mans dans La Savoye sont autant une description scientifique du paysage alpestre qu’une ascension vers le supra-humain. Moyen de reconnaître le monde dans sa forme spirituelle, la montagne doit donc être respectée par l’homme. Dominique de Courcelles montre que, chez les mystiques espagnols, la nature recèle les traces du divin: son observation permet d’approcher Dieu. Dans le De Los Nombres de Christo de Fray Luis de León, les éléments naturels sont le lieu par excellence de la compréhension théologique du salut et de l’incarnation divine. La connaissance de la nature devient une médiation vers la connaissance de Dieu. On retrouve les mêmes principes chez Jean de la Croix: son Cántico espiritual, fondé sur le parcours par l’âme des éléments de l’univers, établit des correspondances précises entre l’univers, l’homme et Dieu. La nature et les paysages de l’Espagne servent ainsi à l’opération mystique: la connaissance de la nature permet à l’âme de s’élancer en quête du divin en une expérience exceptionnelle. La contemplation via la nature est aussi au cœur de l’œuvre de Bernardim Ribeiro.Après s’être interrogé sur l’auteur et ses intentions, Hélio J. S. Alves s’attarde sur la rédaction de Menina et Moça. S’écartant de certains procédés rhétoriques (notamment la captatio benevolentiae), l’écriture de Ribeiro est un acte de mise en désordre du récit. Si des liens intertextuels permettent de découvrir chez les auteurs qui le précèdent un modus scribendi assez semblable, son originalité est qu’il met au premier plan, par son style, les «méandres de l’intellect connaissant». Ses contes ne servent pas à consoler leurs récepteurs mais sont destinés à la réflexion intellectuelle et sentimentale; l’action y est annulée en faveur de la contemplation. Bernardim décrit les états et les dynamiques mentales au moyen d’evidentiae de la nature, notamment afin d’exprimer une certaine subjectivité: le statut de celui qui écrit est constamment remis en question dans l’œuvre qui a par conséquent pour objet la question même de l’auteur. Le lien entre nature et subjectivité est encore plus flagrant chez Ronsard. Cathy Yandell rappelle la polysémie de la métaphore florale au XVI e siècle: ouvrage de vulgarisation (cf. Fleurs des hystoires), mesure du temps («les fleurs de son âge»), ornement stylistique en littérature ou encore évocation de la fertilité de la nature. Chez Ronsard, la rose peut être 340 Besprechungen - Comptes rendus sensuelle ou politique mais symbolise plus souvent la fuite du temps. Cependant, cet anthropomorphisme de la rose ronsardienne - qui revêt la forme et les qualités de la jeune fille - fond aussi le poète dans une image purement féminine. Les roses peuvent représenter l’impuissance ou la dégénérescence (vicissitudes de l’amour, de la mort) mais, plus encore que ses sources antiques, Ronsard leur accorde une qualité vivante qui influe sur le je du poète. Plus interprétatif et, partant, plus subjectif, le paysage peut également avoir un impact sur la stylistique des auteurs. Philippe Desan insiste sur la «naissance» du paysage au XVI e siècle en tant qu’objectivation de la nature par le biais d’un regard particulier: le paysage ne prétend pas être identique à la nature mais simplement révélateur et emblématique d’une expérience singulière. Chez Montaigne, le paysage représente toujours un choix subjectif au sein d’un tout appelé nature: montrer ce que l’on voit du monde est en train de devenir plus important que le monde lui-même. Pour Montaigne - qui préfère décrire les jardins, paysages construits -, la nature est au service de l’homme: instrumentalisée, elle n’a d’intérêt que si elle rappelle qu’on peut la maîtriser et l’organiser de façon à ce qu’un seul regard puisse en saisir toute la splendeur. Tom Conley s’attache plus particulièrement au style de Montaigne. À l’instar des livres mosaïques de la Renaissance, où le lecteur est invité à se perdre, les dernières pages de la «Vanité» forment un paysage de strates et de sédimentation grâce au travail du texte et de ses traits iconiques. Il s’agit du récit d’un voyage à Rome où l’auteur invite le lecteur à remonter le fil du temps (ars memoria) et celui de l’écriture (ars poetica). Les mots y construisent et y dissipent le paysage; ils prennent une valeur iconique traduisant la «géographie du texte». Le lecteur perspicace doit «casser» les mots afin d’y trouver des sens cachés mais doit aussi y jeter un regard distrait pour (re)trouver l’inconscient du texte. Les Solitudes de Góngora travaillent la matérialité du texte (métrique, syntaxe) pour traduire les pas d’un peregrino dans un paysage nébuleux. Pour Mercedes Blanco, les décors naturels, ordinaires, sont décrits de manière extraordinaire à travers les sentiments de ce peregrino. La nature y est conçue comme un spectacle et le récit abandonne l’histoire à l’espace où elle se déroule. Elle ne s’offre toutefois pas directement: l’œil ne peut la saisir que par une construction artificielle. Cette dramatisation exclut cependant les allégories trop manifestes, bannit le merveilleux et l’anthropomorphisme. Comme dans un tableau, les personnages de Góngora ont tous, à l’exception du peregrino, le statut de figures qu’on ne peut détacher de leur environnement naturel et marquent le triomphe du paysage en poésie comme en peinture. Juan Carlos Conde rappelle que la fiction sentimentale consiste en une analyse de l’expérience psychologique de l’amour à partir d’un je. Les paysages y sont associés à la sentimentalité subjective des personnages. C’est le cas du Siervo libre de amor de Juan Rodríguez del Padrón où les valeurs symboliques du paysage représentent des états de l’âme (solitude, souffrance amoureuse - via l’image du désert). Le Siervo a ainsi des connections avec les textes de nature confessionnelle et pénitentielle. Jean Lemaire de Belges et Clément Marot détournent le cadre spatial des pèlerinages au profit d’une quête esthétique nouvelle pour le premier et d’une distanciation religieuse pour le second. Danièle Duport remarque que le paysage en mouvement du Temple de Cupido détermine un parcours de quête morale qui tend à l’édification. Marot en profite également pour parodier la codification de la quête courtoise. Mais, par le rire, le chemin procède de l’espace extérieur vers l’intérieur, vers le cœur de l’homme et le chœur de l’église, parcours qui marque aussi un style plus personnel. Les écrits scientifiques traduisent, d’une certaine manière, ce doublage spirituel ou mystique de la nature et des paysages. Dans une étude plus sociologique que littéraire, Chantal Caillavet analyse le passage d’une géographie préhispanique d’un paysage andin à un paysage «converti» par les colons occidentaux. Les Andins du XV e siècle considéraient que 341 Besprechungen - Comptes rendus le sacré se logeait dans les éléments naturels. De ce fait, dans le paysage, le visible n’est pas l’essentiel, d’où les cartographies originales, peu basées sur le visuel. La colonisation s’est alors souvent contentée de christianiser les sites «païens». Parfois, cette réécriture du paysage s’est faite par le déplacement de lieux sacrés autour d’endroits choisis ex nihilo par les colons, mais sans pourtant réaliser de véritable bouleversement radical des repères ancrés dans l’espace. Frank Lestringant note que, à la Renaissance, le cosmos est souvent conçu comme un être vivant et les êtres vivants reflètent en miniature la structure générale de l’univers. C’est notamment le cas de la description de la bouche de Pantagruel chez Rabelais où le macrocosme élargi par les découvertes géographiques se retrouve dans le microcosme du corps de géant. D’autres auteurs comme Pierre Belon du Mans forcent le regard du lecteur: Belon impose sa manière de voir et rejette la vision anthropomorphique du paysage au profit de l’efficacité didactique. Le scandinave Olaus Magnus présente lui une topographie humanisée qui ne fait que suggérer - et non imposer - une équivalence entre la terre et le corps de l’homme, sans pour autant séparer le catéchisme de la géographie. Le jésuite allemand Athanase Kircher, influencé par la science nouvelle et les lois de l’optique, considère l’anthropomorphisme du paysage comme un effet de surface, produit d’un hasard, sans toutefois exclure définitivement l’influence possible de la Providence. Les «grandes découvertes» ont aussi un impact sur la littérature européenne. L’Arcadie de Jacques Sannazar traduit ainsi l’utopie de l’âge d’or qui guide le regard vers le nouveau monde. Pour Carlo Vecce, c’est avec Sannazar que l’on connaît pour la première fois l’invention du paysage bucolique moderne: la puissance de la nature manifeste son art et le je de l’acteur est presque nul, se contentant d’être témoin. Les paysages marquent souvent les limites d’une séquence narrative; ils constituent plutôt des atmosphères que des réalités naturelles. La fin de la description de l’Arcadie, influencée par Théocrite, marque le passage des malheurs de l’amour et de la mort à la calme sérénité platonicienne reflétée dans le paysage. Lizzie Boubli étudie trois œuvre du Greco (Vue de Tolède, Vue et plan de Tolède, Laocoon) qui font de lui le parangon de l’émergence d’une certaine subjectivité. Le peintre réinterprète le mythe antique de Laocoon avec sa culture orientale originelle et en fait une allégorie morale d’une période sévère du règne du roi Philippe II. Cette multiplicité de lectures révèle à nouveau le «génie» du Greco. Formé pourtant à la description géographique, le peintre transforme la véracité descriptive de la topographie de Tolède dans le Laocoon. Cherchant ainsi à éveiller la subjectivité du spectateur, il fusionne dans son œuvre les moyens perspectifs hérités de ses prédécesseurs et l’utilisation des nouvelles connaissances scientifiques (perte du point d’Archimède). Si l’on peut regretter l’absence de reproductions des œuvres du Greco qui auraient permis une plus facile compréhension de certaines finesses de l’analyse, ce voyage paneuropéen (de la Scandinavie à la péninsule ibérique - avec certes des étapes principales en France et en Espagne) permet d’insister sur la véritable émergence de la subjectivité à la Renaissance. L’influence non négligeable des nouvelles découvertes a bouleversé le macrocosme et le microcosme de l’homme du XVI e siècle, provoquant souvent de nouvelles perspectives: impacts sur les représentations de la nature, sur la stylistique (les accidents du style miment ceux de la nature) et sur la subjectivité. Nature et paysage ont aussi (et surtout? ) une influence prégnante sur les rapports de l’homme avec Dieu mais, à la différence des conceptions de l’homme médiéval, ceux-ci sont désormais indissociables de l’expression d’une certaine subjectivité. Laurent Bozard ★ 342 Besprechungen - Comptes rendus