Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniPierre Rézeau, Dictionnaire des régionalismes du français en Alsace, Strasbourg (Presses Universitaires de Strasbourg) 2007, 655 p.
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Aurélie Reusser-Elzingre
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técédent nominal. Toutefois, il semble que les emplois standards d’intégratif ou de relatif sont peu fréquents. Seuls deux emplois sont fréquemment utilisés: ceux en de quoi + infinitif (il n’y a pas de quoi rire) et ceux en préposition + quoi en début d’énoncé avec quoi anaphorisant une structure prédicative précédente. La dernière section présente une synthèse de tout ce qui a été présenté dans le livre et propose d’autres perspectives de recherche, toujours avec l’objectif de mieux comprendre les faits de langues et de susciter d’autres études sur les mots en qu-. L’ouvrage atteint son objectif de ne négliger aucun emploi de quoi et de rendre compte de sa diversité en mettant en avant ses caractéristiques déterminantes. À l’aide de nombreux exemples et de nombreux tableaux récapitulatifs - que l’on retrouve en appendice - Lefeuvre montre que les catégories d’emploi de quoi se caractérisent par des prototypes mais également par des éléments qui connaissent «des airs de ressemblances avec ces prototypes tout en s’en distinguant» (20). Ce volume montre la nature unique de ce pronom / proforme, qui, d’un point de vue sémantique, ne peut se substituer à un groupe nominal. Toutefois, sous un angle syntaxique, quoi assume les fonctions que peut assurer un groupe nominal. Facile à lire et très complet, ce volume s’adresse aux chercheurs, enseignants et étudiants, mais également à tous les «non spécialistes» désireux de connaître en profondeur les différents emplois de ce pronom trop peu étudié. Isabelle Lemée ★ Pierre Rézeau, Dictionnaire des régionalismes du français en Alsace, Strasbourg (Presses Universitaires de Strasbourg) 2007, 655 p. Après les atlas linguistiques régionaux, qui représentaient l’état des dialectes de France vers le milieu du XX e siècle, la recherche sur la variation diatopique en est arrivée depuis peu à l’étude de la variation régionale du lexique français, «aspect si vanté et si mal connu de notre patrimoine linguistique» 1 . Le projet TVF (Trésor des Vocabulaires Francophones) lancé par Bernard Quémada à la fin des années 1980 avait pour objectif d’entreprendre la description de tous les usages lexicaux du français en France et hors de France, par la création d’un fonds commun de données textuelles 2 et lexicologiques, destinées à alimenter la recherche lexicographique panfrancophone. Ce projet a permis à de nombreuses équipes de rédiger les dictionnaires de leur français régional, point de départ pour la réalisation de la Base informatisée de données lexicographiques panfrancophones (BDLP) 3 (actuellement, 14 bases 4 disponibles en ligne sur Internet). C’est dans cette même optique que Pierre Rézeau a créé pour la France son Dictionnaire des Régionalismes de France (DRF). Directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la langue française (INALF/ CNRS) où il a collaboré au Trésor de la Langue Française, membre du comité scientifique du réseau Étude du français en francophonie au sein de l’Agence Universitaire de la Fran- 350 Besprechungen - Comptes rendus 1 P. Rézeau, Dictionnaire des régionalismes de France. Géographie et histoire d’un patrimoine linguistique, Bruxelles 1 2001 ( 2 2007): 7 (= DRF). 2 FRANTEXT, SUISTEXT, QUÉBETEXT et BELTEXT. 3 www.bdlp.org (direction C. Poirier). 4 Suisse, France, Belgique, Québec, Maroc, Louisiane, Réunion, Burundi, Acadie, Algérie, République de CentreAfrique, Congo-Brazzaville, Madagascar, Tchad et Nouvelle Calédonie: plus de 16’000 entrées. cophonie, Pierre Rézeau est un spécialiste de la lexicographie variationnelle. Son objectif est de sensibiliser le monde francophone à la richesse de sa langue sous toutes ses formes. Il est d’expérience banale de constater, et pas seulement dans des situations de discours informelles, qu’un certain nombre d’usages linguistiques varient selon le lieu, et il est aujourd’hui impensable de décrire une langue sans prendre en compte la variation. Intrinsèque au français comme à tout sytème linguistique, cet aspect mérite une approche scientifique qui n’a rien à voir avec le goût du pittoresque ou quelque passéisme folklorique, qu’on voudra bien réserver aux amateurs. (P. Rézeau, DRF: 7) Au départ spécialiste de la Vendée 5 , philologue et romaniste, Pierre Rézeau se dirige vers la lexicographie différentielle (vocabulaire culinaire 6 , des plantes 7 , des onomatopées 8 , du français familier 9 ) jusqu’à chapeauter le projet DRF et en exploiter le contenu dans divers ouvrages 10 . C’est dans ce contexte que se situe le Dictionnaire des régionalismes du français en Alsace (DRFA), qui porte principalement sur les caractéristiques du lexique français d’Alsace contemporain. Le français en Alsace a fait l’objet de peu d’études par rapport au nombre de recherches sur le dialecte alémanique alsacien, mis à part quelques cacologies normatives des «expressions incorrectes et vicieuses» critiquant le «mauvais français mêlé de germanismes» des Alsaciens, tout comme celles que l’on trouve en Suisse romande ou en Belgique depuis le début du XIX e siècle. Dans son introduction, Pierre Rézeau souligne la nécessité de tordre le cou aux présupposés négatifs dont les français régionaux pâtissent. Tout en insistant sur les lacunes et les insuffisances de la lexicographie générale, il cite très positivement les récents travaux décrivant le français dans sa variation diatopique, réalisés notamment en Suisse 11 , au Québec 12 , en France 13 , en Belgique 14 et en Afrique 15 , et place son dictionnaire 351 Besprechungen - Comptes rendus 5 P. Rézeau, Un patois de Vendée. Le parler rural de Vouvant, Paris 1976; P. Rézeau (ed.), Premier dictionnaire du patois de la Vendée. Recherches philologiques sur le patois de la Vendée par Charles Mourain de Sourdeval (1847), La Roche-sur-Yon 2003. Pour une liste exhaustive de ses publications jusqu’en 2004, voir les actes du colloque en l’honneur de P. Rézeau: M.-D. Glessgen/ A. Thibault (ed.), La lexicographie différentielle du français et le Dictionnaire des régionalismes de France. Actes du Colloque en l’honneur de Pierre Rézeau, Strasbourg 2005. 6 P. Rézeau/ M. Höfler, Variétés géographiques du français: matériaux pour le vocabulaire de l’art culinaire, Paris 1997. 7 P. Rézeau, «De l’herbe à la Détourne à l’herbe au Tonnerre. Étude de quelques lexies populaires et/ ou régionales désignant les plantes dans l’Ouest de la France», in : R. Lepelley (ed.), Dialectologie et littérature du domaine d’oïl occidental. Actes du Colloque tenu à l’Université de Caen en février 1981, Caen 1983: 213-30; P. Rézeau, Dictionnaire des noms de cépages de France. Histoire et étymologie, Paris 1997 ( 2 1998, 3 2000). 8 P. Rézeau/ P. Enckell avec une préface de J.-P. Resweber, Dictionnaire des onomatopées, Paris 1 2002 ( 2 2003, 3 2005). 9 P. Rézeau/ Ch. Bernet, Dictionnaire du français parlé. Le monde des expressions familières, Paris 1 1989 ( 2 1991). 10 Par exemple P. Rézeau, «De la cancoillotte à la tartiflette (et à la boîte chaude) avec le Dictionnaire des régionalismes de France», in: P. Nobel, Variations linguistiques. Koinè, dialectes, français régionaux, Besançon 2003: 129-36. 11 A. Thibault/ P. Knecht, Dictionnaire Suisse romand. Particularités lexicales du français contemporain, Carouge-Genève 1 1997 ( 2 2004). 12 Cl. Poirier, Dictionnaire historique du français québecois, Québec 1998. 13 DRF. 14 Dictionnaire du français en Belgique, en préparation. 15 Dont de nouvelles bases de données BDLP en chantier (pas encore en ligne): Cameroun, Gabon, Mauritanie et Sénégal. dans cette mouvance. En effet, le français régional d’Alsace n’est pas isolé: de nombreux traits qui le caractérisent se retrouvent dans une aire plus large, qui s’étend souvent de la Belgique wallonne à la Suisse romande. Cela concerne aussi bien des particularismes lexicaux du français régional de l’Est que les nombreux phénomènes de contact avec le germanique. Dans l’histoire linguistique de la France, l’Alsace occupe une place singulière qui la distingue des autres régions. En effet, cette région passe à plusieurs reprises entre les mains des Français, puis des Allemands, la langue officielle changeant au gré des puissances qui la possèdent. La seule langue qui reste stable, entre le XVII e s. et 1945, est le dialecte alsacien. Il est donc normal de trouver nombre de dialectalismes dans le français régional de cette région. Ce beau volume, soigné, bien présenté, facile à consulter, se veut autant lexicographique qu’encyclopédique, en fournissant de nombreuses informations sur les traditions régionales de l’Alsace. Il se compose de 447 entrées, arrangées par ordre alphabétique, dont une centaine développe des travaux antérieurs 16 (la liste des articles repris du DRF est fournie à la p. 20). Le DRFA reprend tout naturellement les méthodes de travail éprouvées qu’il avait développées pour le DRF: dépouillement de la littérature locale et celle d’écrivains reconnus, journaux, sources orales et écrites contenant des régionalismes collectées par les rédacteurs du DRF, enquêtes menées à travers l’Alsace avec tests de reconnaissance, importante bibliographie lexicographique, bases de données textuelles. Soulignons pourtant que pour cet ouvrage-ci, P. Rézeau a travaillé seul sur ces matériaux. Les sources dépouillées, tirées des archives de villes (Strasbourg, Mulhouse) et de départements, de bibliothèques municipales, de journaux et périodiques locaux, de romans, de journaux intimes, de guides, d’affichettes tirées du commerce, de dépliants, de menus culinaires, de tracts et de travaux sur la région alsacienne sont toujours dûment référencées. L’auteur a pris en compte tous les travaux lexicographiques et métalinguistiques existants concernant le français en Alsace. P. Rézeau a également mené des enquêtes informelles auprès de témoins alsaciens, auteurs des exemples oraux de cet ouvrage, tous identifiés par leurs initiales, leur date et lieu de naissance ainsi que leur profession. Il a également repéré des attestations sur internet. Les enquêtes orales du DRF menées de 1994 à 1996 complètent ce travail. Le DRFA se structure en plusieurs parties: après une brève histoire linguistique de l’Alsace, l’auteur présente la bipartition qu’il établit parmi les régionalismes retenus dans la nomenclature: «régionalismes linguistiques» et «régionalismes encyclopédiques». Ce que Rézeau appelle «régionalismes linguistiques» (18), ce sont les termes qui désignent des réalités communes à différentes régions francophones, mais pour lesquelles le français d’Alsace possède ses propres dénominations: papapa ‘grand-papa’, pouces (serrer les ~) ‘souhaiter bonne chance à quelqu’un’, ban ‘territoire d’une commune’. Les «régionalismes encyclopédiques» (18) sont des réalités propres à l’Alsace (notamment dans les domaines de la gastronomie, de la géographie, des traditions locales et de la vie quotidienne): bredele ‘petit gâteau sec de formes variées’, winstub ‘établissement au cadre rustique et souvent exigu, où l’on sert du vin et des plats régionaux’, agneau pascal ‘pâtisserie légère en forme d’agneau confectionnée traditionnellement pendant la semaine sainte’, pierre d’eau ‘évier en pierre de l’habitat traditionnel’, Johrmaerik ‘marché annuel, foire de village’. Rézeau fait également état de certains régionalismes de fréquence, communs à tous les francophones, mais qui, en Alsace, évoquent des réalités spécifiques: schnaps, choucroute, jambon en croûte, nouille. Dans l’idée d’étayer la coloration encyclopédique voulue pour cet ouvrage, quelques entrées sont consacrées à certains mots de français standard qui connaissent en 352 Besprechungen - Comptes rendus 16 DRF et P. Rézeau, Dictionnaire des noms de cépages de France (cf. N7). Alsace, d’après Rézeau, «une tonalité propre» (19) ou qui sont marqués historiquement, comme annexion, église, évacuation. La structure des articles est conforme à celle adoptée par le DRF: mot vedette (le lexique régional n’ayant pas de norme établie, la première forme citée est la plus couramment présente dans le corpus). Dans le cas de lexies complexes, l’entrée correspond au noyau sémantique du syntagme (pour couronne de l’Avent l’entrée est couronne), avec un renvoi sous avent. Une transcription phonétique en API 17 n’est ajoutée au mot-vedette que dans le cas où la graphie ne permet pas au lecteur d’en déduire la prononciation. Des indications suivent sur la catégorie grammaticale et d’éventuelles variantes graphiques plus rares du mot-vedette. Le corps de l’article contient tout d’abord des précisions sémantiques, avec numérotation des sens, puis des indications géographiques qui, le cas échéant, précisent une restriction de l’usage du mot ou du sens dans l’espace alsacien. Il s’ensuit parfois des marques d’usage concernant la dimension sociolinguistique 18 , historique 19 ou de fréquence 20 . La définition se veut la plus complète possible, avec des informations plus approfondies que ces mêmes entrées dans le DRF. L’auteur indique en italiques le terme reçu en «français de référence» 21 (22) et les synonymes régionaux du français d’Alsace s’il y a lieu. Le tout est suivi d’une brève syntagmatique, toujours mentionnée avec sa source. Des exemples numérotés et placés de manière chronologique terminent le corps du texte. Les exemples de nature métalinguistique sont distingués des attestations spontanées. Des remarques catégorisées sur la graphie, la prononciation, la géographie, la synonymie dans d’autres régions de la francophonie ainsi qu’un paragraphe encyclopédique achèvent l’article. Chaque rubrique est complétée par la première attestation historique connue du lexème, son étymologie, d’éventuels dérivés. Il est suivi d’une bibliographie renvoyant le lecteur aux dictionnaires de référence, à savoir le Trésor de la langue française (TLF), le FEW (avec mention du lemme correspondant), le Grand Robert de la langue française, ainsi que le DRF lorsque c’est le cas (avec taux de reconnaissance dans le Haut-Rhin et le Bas-Rhin), ainsi qu’aux autres ouvrages lexicographiques mentionnant le mot-vedette dans leur nomenclature. Le DRFA se termine par une importante bibliographie contenant la source de toutes les citations fournies, les journaux et périodiques consultés, ainsi que la base de données Lexis- Nexis Presse comprenant plus de 11000 titres de la presse internationale, des travaux lexicographiques cités sous forme abrégée et les bases électroniques consultées. Un travail remarquable de recherche a été effectué pour ce dictionnaire. Cet ouvrage se veut accessible autant aux linguistes chevronnés qu’au grand public. Pierre Rézeau a soigné la présentation de son dictionnaire et a clairement justifié sa démarche de valorisation de la variation régionale. Comme il l’écrit si bien, celle-ci est une richesse à mettre en avant et non un critère de marginalisation de ses locuteurs. Aurélie Reusser-Elzingre ★ 353 Besprechungen - Comptes rendus 17 Ainsi que quelques spécificités élaborées à partir de l’API pour la prononciation du dialecte alémanique alsacien. 18 P. ex. milieu dialectophone, familier. 19 P. ex. vieilli, vieillissant. 20 P. ex. peu usuel, sporadique. 21 Pour les différents sens du terme français de référence, voir C. Poirier, «La dynamique du français à travers l’espace francophone à la lumière de la base de données lexicographiques panfrancophone», RLiR 69 (2005): 490 et M.-D. Glessgen/ A. Thibault (ed.), La lexicographie différentielle du français et le Dictionnaire des régionalismes de France. Actes du Colloque en l’honneur de Pierre Rézeau, Strasbourg 2005: vii.