eJournals Vox Romanica 68/1

Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2009
681 Kristol De Stefani

Isabelle Diu/Élisabeth Parinet/Françoise Vielliard (dir.), Mémoire des Chevaliers. Édition, diffusion et réception des romans de chevalerie du XVIIe au XXe siècle, Paris (École des Chartes) 2007, 244 p. (Études et Rencontres de l’École des Chartes 25)

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2009
Richard  Trachsler
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logique, tant d’origine savante, latine, que populaire, et lexicale (archaïsmes, régionalismes). Le moine fait feu de tout bois pour enrichir son expression. Les deux articles de la section suivante se consacrent aux manuscrits. Géraldine Veysseyre («Lecture linéaire ou consultation ponctuelle? Structuration du texte et apparats dans les manuscrits des Pèlerinages», 315-30) ouvre la question de la réception et du lectorat de la trilogie. Si l’essentiel des manuscrits semble aller dans le sens d’une lecture linéaire et intégrale, G. Veysseyre met le doigt sur quelques témoins dont le paratexte est développé, facilitant un repérage au sein du vaste texte et permettant, notamment par tables et rubriques, une consultation ponctuelle, ciblée, comme dans le cadre d’une encyclopédie. Ce type de manuscrit laisse entrevoir le profil d’un lectorat savant qui aurait puisé des exemples pour la prédication. Au XV e siècle, Guillaume semble avoir accédé au statut d’autorité pour des clercs. Emilie Fréger et Anne-Marie Legaré («Le manuscrit d’Arras BM, ms. 845, dans la tradition des manuscrits enluminés du Pèlerinage de l’âme en vers: spécificités iconographiques et milieu de production», 331-50) étudient au sein d’une famille de quatre manuscrits produits dans le Hainaut, un manuscrit de la BM d’Arras qui, par rapport à la tradition iconographique parisienne de la trilogie, présente des particularités, notamment le motif de l’arbre sec, populaire dans les provinces bourguignonnes, particulièrement à Bruges. L’hypothèse de manuscrits à usage de femmes, peut-être d’une communauté de béguines, est soulevée avec finesse. Enfin les quatre derniers articles ouvrent l’horizon des récritures et des adaptations linguistiques. Françoise Bourgeois («Réécriture de la mise en prose du Pèleriage de vie humaine dans le manuscrit de Paris, BNF, fr. 12461», 351-64) étudie le remaniement d’une des copies de la mise en pose d’Angers réalisée pour Charlotte de Savoie et appartenant à la branche B: le ms. Paris, BNF, fr. 12461. Ce manuscrit allège considérablement les parties dialoguées, les digressions, commentaires allégoriques et souligne la ligne narrative du texte. Stéphanie Le Briz-Orgueur («La réécriture du Pèlerinage de vie humaine dans la moralité du Bien Avisé et du Mal Avisé», 365-92), se penche sur quatre passages de la moralité où l’octosyllabe à rimes plates utilisé dans le PVH remplace le quatrain d’octosyllabes à rimes croisées de la pièce et étaye l’hypothèse d’une intertextualité. Ingrid Biesheuvel («Plus avaricieux qu’Avarice: une traduction en prose du Pèlerinage de vie humaine en moyen néerlandais», 393-400) se penche sur trois manuscrits et un incunable qui transcrivent une traduction en moyen néerlandais et conclut à l’existence de deux traductions indépendantes. Elle analyse ensuite les descriptions singulières d’Avarice et de Gloutonnie dans une des versions, puis la transposition en image d’une erreur de traducteur. Juliette Dor enfin («L’ABC de Chaucer: traduction et transformation», 401-24) nous ramène à la thématique de la prière et à l’adaptation audacieuse de la prière abécédaire adressée à la Vierge dans le PVH, devenu poème isolé chez Chaucer. On trouvera une transcription du poème et une traduction. Virginie Minet-Mahy ★ Isabelle Diu/ Élisabeth Parinet/ Françoise Vielliard (dir.), Mémoire des Chevaliers. Édition, diffusion et réception des romans de chevalerie du XVII e au XX e siècle, Paris (École des Chartes) 2007, 244 p. (Études et Rencontres de l’École des Chartes 25) Le présent volume, comme d’autres de la collection Études et Rencontres de l’École des Chartes, constitue les actes d’un colloque qui a réuni des spécialistes afin d’explorer une notion dans l’espace et dans le temps. En l’occurrence, le colloque qui s’est tenu à Troyes en 329 Besprechungen - Comptes rendus décembre 2005, avait pour thème les Romans de chevalerie, selon le terme aujourd’hui quelque peu désuet dans les milieux universitaires, mais couramment employé en dehors de notre tour d’ivoire depuis son «invention» par Charles Sorel au XVII e siècle. C’est à la fois de la permanence de la notion et de ses mutations, du XVI e au XX e siècle, que traitent les quatorze contributions ici rassemblées. Pour des raisons de place, on se limitera ici à une courte présentation de chacune des études, présentation que l’on fera suivre de quelques considérations plus générales. C’est Françoise Vielliard, («Qu’est-ce que le Roman de Chevalerie? Préhistoire et histoire d’une formule», 11-33) qui pose le cadre à l’intérieur duquel les autres contributions prennent place. En partant des premiers dictionnaires et traités poétologiques où apparaît l’expression Romans de chevalerie, elle fait immédiatement ressortir que le concept comporte deux composantes - roman et chevalerie - qui ne vont pas de soi et qui sont fonction de leur temps. En quelques pages denses, mais très claires, Françoise Vielliard parvient à décrire les différentes attitudes qui caractérisent les siècles qui ont suivi le «Moyen Âge» à l’égard de ces textes. En gros, on passe graduellement du mépris du XVI e siècle à une certaine curiosité d’«antiquaire», avant que le XVIII e siècle ne fasse naître son Moyen Âge à lui, multiple, à son image: à la fois savant et rieur avec, d’un côté, des entreprises de dépouillement lexicographiques et des publications, somme toute très satisfaisantes, des premiers textes originaux et, en face, déjà, les pastiches de la Bibliothèque Universelle des Romans. Apparaît ici déjà le clivage qui s’accentuera au XIX e siècle, entre une approche plus sobre, qui se veut neutre ou historique, et une récupération plus libre ou poétique. Françoise Vielliard clôt sa contribution à l’orée du XIX e siècle, avec l’évocation de Raynouard, et la percée de la professionnalisation de la «médiévistique». Ce que l’on doit surtout retenir de ce passage en revue des jugements du passé, c’est qu’ils oscillent entre fascination et refus et que la distribution entre les deux pôles dépend largement de l’époque et de l’entourage de celui qui juge. D’où une multitude de courants et de mouvances qui peuvent traverser simultanément un pays et une culture à une époque donnée, selon que l’on écoute telle voix ou telle autre, que l’on lise tel ouvrage plutôt que tel autre etc. Les contributions à ce volume présentent toutes des analyses souvent pénétrantes de domaines spécifiques et constituent donc autant d’instantanés qui permettront un jour de composer l’album de famille du roman de chevalerie, où chaque membre est à la fois celui qui reçoit et celui qui donne. Parmi ces relais, certains, comme la Bibliothèque Universelle des Romans, sont plus célèbres que d’autres et font ici l’objet de plusieurs enquêtes, mais d’autres, moins connus et plus diaphanes, sont peut-être tout aussi significatifs. C’est certainement le cas des bibliothèques de quelques collectionneurs de livres dont s’occupe Jean-Marc Chatelain, «De l’errance à la hantise: la survivance des chevaliers aux XVII e et XVIII e siècles» (35-48). Grâce à un travail minutieux accompli essentiellement à la Réserve de la BNF, J.-M. Chatelain a pu reconstituer, grâce à d’anciens catalogues et des marques de propriétaires, les contours approximatifs des fonds de quelques bibliophiles du XVII e siècle: celle de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, celle du chancelier Séguier dont on possède l’inventaire rédigé en 1672, celle du maréchal de Bassompierre, vendue à l’encan en 1646 et celle d’Henri du Bouchet, conseiller au Parlement de Paris, qui lègue ses livres à l’abbaye de Saint-Victor en 1652. Les quatre collections offrent une image assez similaire qui n’est certainement pas le fruit du hasard: il paraît assuré que la littérature narrative du Moyen Âge, dans les impressions du XVI e siècle, était bien représentée dans ces fonds. Mais plus frappante peut-être que cette présence est l’absence totale de l’«autre» Moyen Âge, celui des satires et des farces. Seule s’est maintenue une fraction du Moyen Âge «encyclopédique» et, naturellement, le Moyen Âge chevaleresque, qui atteste le goût du Grand Siècle, au moins parmi les bibliophiles, pour les aventures de Perceforest et Artus de Bretagne. 330 Besprechungen - Comptes rendus Parmi les vecteurs qui ont contribué à la diffusion de la littérature médiévale au Siècle des Lumières, la Bibliothèque Universelle des Romans occupe une place de choix. Entre 1775 et 1789, elle fit paraître deux cent vingt-quatre volumes dans le but de faire connaître, sous forme d’extraits ou en intégralité, souvent en les adaptant, les romans français ou étrangers parus depuis l’Antiquité jusqu’aux temps modernes. Une partie non négligeable de cette production est tirée de romans médiévaux. Françoise Gevrey («Florian et les romans de chevalerie: du périodique au Novelliere», 49-60) et Pascale Bolognini-Centène («Mme Riccoboni et la transmission du roman de chevalerie à la fin du XVIII e siècle», 61- 73) présentent toutes deux des personnages qui ont participé à l’aventure de la BUR. Florian, l’auteur des fables et de Plaisir d’amour, a composé deux contes arthuriens: Bliomberis, chevalier de la Table ronde, paru dans l’édition d’avril 1779 de la BUR, et Hermine et Arrodian, Anecdote du règne d’Artus, paru dans le Mercure de France du 3 février 1781. Ce qui est intéressant, c’est que Florian a remodelé ces deux contes pseudo-arthuriens en nouvelles pour son Novelliere à l’italienne, procédant à un recadrage radical: le premier devient une «nouvelle française», le second s’intitule désormais Sanche, nouvelle portugaise. Le changement de décor dépasse naturellement le niveau stylistique et implique une réorientation générale où le récit arthurien se fait conte moral. Quant à Madame Marie-Jeanne Riccoboni, actrice de son état venue à l’écriture sur le tard, elle a donné à la BUR quatre nouvelles médiévalisantes entre 1759-60. Aucune d’elles ne remonte à une source, et Mme Riccoboni s’efforce de conférer à ses produits une patine d’ancienneté grâce à un langage pseudo-médiéval et des marques d’authenticité plus vraies que nature. Parallèlement à ces auteurs qui s’efforcent de faire découvrir à leur public une vraiefausse littérature médiévale, à travers la création de produits ad hoc ou la mise au goût du jour de textes du Moyen Âge, existe aussi une érudition certaine qui vise à reconstituer une image authentique de cette ancienne littérature. À partir du XIX e siècle, ce courant gagne en ampleur. Cette redécouverte de la «vraie» littérature médiévale, qui va de pair avec l’éviction du genre troubadour, ne se fait pas dans la sérénité la plus absolue, comme le rappelle Hélène Biu («Paulin Paris et la redécouverte de la littérature médiévale», 75-90). Les premiers médiévistes «professionnels» sont peu nombreux et se détestent cordialement. À l’image d’un Paulin Paris, dont il est surtout question ici, on se dispute les honneurs, les prix et, bientôt, les premières chaires. La contribution fait bien ressortir le ton très particulier des polémiques, livrées à grand renfort de lettres publiques insérées dans des journaux qui ne sont pas encore nos revues spécialisées, un ton qui rappelle davantage les querelles humanistes avec des attaques ad hominem que les confrontations tout aussi violentes, mais davantage axées sur la matière que connaîtra le XIX e siècle finissant, et l’on aurait ainsi pu ce demander si ces querelles personnelles ne reflétaient pas aussi des oppositions scientifiques. Les dernières décennies du XIX e siècle sont à maints égards des années fondatrices pour notre discipline dans la mesure que c’est là que se mettent en place nombre de concepts et de notions qui conditionnent encore aujourd’hui la recherche. C’est ce que met en évidence Ursula Bähler à travers l’opposition entre chanson de geste et roman courtois telle que la comprend Gaston Paris («Chansons de geste et romans courtois ou le spectre de Gaston Paris», 91-104). Curieusement, cette opposition, a priori délicate, coule de source pour un savant homme aux alentours de 1870: les chansons de geste sont pourvues d’un noyau historique, véhiculent des «vraies» valeurs et ont pour elles la force d’une littérature jeune et authentique, alors que le roman courtois, avec son raffinement mal apprécié à l’époque, se laissait facilement placer à l’opposé de la littérature épique, dans un angle où Gaston Paris rangeait aussi la poésie lyrique. Cette classification qui s’observe pour ainsi dire du début à la fin de l’œuvre scientifique de Gaston Paris, sera du reste aussi celle que Gustav Gröber utilisera au tournant du siècle pour son Grundriss sans ressentir la nécessité de la justifier. Mais déjà avant que Gaston Paris ne s’installe à l’École Pratique et au Collège de France, 331 Besprechungen - Comptes rendus d’autres se sont appliqués à diffuser la littérature médiévale à une plus vaste échelle: parmi eux se trouve l’éditeur-imprimeur Crapelet, dont Nathalie Clot («Georges-Adrien Crapelet et la Collection des anciens Monumens de l’histoire et de la langue françoise (1826- 1835)», 105-18), esquisse la biographie et présente l’entreprise la plus ambitieuse: la Collection des anciens Monumens de l’histoire et de la langue françoise. Sans plan d’ensemble et dans le désordre le plus total, l’imprimeur Crapelet, flanqué de Dominique Méon, conservateur adjoint vieillissant au Département des Manuscrits de la Bibliothèque Royale, et de Gabriel Peignot, inspecteur d’académie de Dijon, exhume des œuvres anciennes, qu’il imprime sur du papier de belle qualité, utilisant pour le texte de la version originale une police gothique à laquelle fait face une traduction imprimée en caractères romains. L’ajout de lithographies représentant les enluminures fait que la collection devient vite une collection de luxe qui trouve pourtant ses amateurs - et ses détracteurs, comme le montre Nathalie Clot. Quelques années avant Crapelet, Louis de Marchangy (1782-1826), avocat général à la cour de Paris, puis à la Cour de cassation, fait un tout autre usage des anciens romans de chevalerie. Michel Stanesco, («Moyen Âge vivant et conscience historique chez Louis de Marchangy», 119-30) présente ses deux ouvrages aujourd’hui peu connus que sont la Gaule poétique (1813-17) et le Tristan voyageur (1825-26). La première se veut une réévaluation de la littérature ancienne, en particulier médiévale, depuis les premiers chants des bardes gaulois jusqu’au siècle de Louis XIV, la seconde se présente comme les mémoires d’un vieux seigneur poitevin, qui se rappelle un «tour de France» entrepris à l’âge de trente ans, en 1373, période charnière entre un système féodal évoqué sous un jour radieux par Marchangy et l’apparition d’une royauté bureaucratique. Pour Marchangy, en effet, le Moyen Âge est l’âgé d’or qui échappait à l’emprise des comptables et des banquiers de son époque. En 1859-60, Alfred Delvau, polygraphe à la tête d’une Nouvelle Bibliothèque Bleue, a déjà tourné la page d’une telle conception romantique du Moyen Âge. Dans son Tristan, dont s’occupent Thierry Delcourt, («Du Tristan de Tressan à la nouvelle Bibliothèque Bleue d’Alfred Delvau, Les avatars du Tristan en prose», 131-50) et Philippe Ménard («L’écriture de Delvau», 151-70), il fait subir de nombreuses modifications au texte qu’il reprend, pour l’essentiel, à la BUR du Comte de Tressan. Dans les deux contributions, qui ne font pas double emploi mais exploitent, au contraire, deux facettes différentes de la réécriture de Delvau, le lecteur découvre un nouveau Tristan, à la trame élaguée, aux insertions lyriques réécrites et aux dialogues amplifiées, où cohabitent quelques archaïsmes avec des tournures faussement anciennes, introduites pour «faire authentique». Les travaux sur l’entreprise de Delvau ne sont qu’à leurs débuts, mais le terrain est riche, à la fois pour le médiéviste et le spécialiste de la littérature du XIX e siècle. Avec Alain Corbellari («Le Roman arthurien dans l’entre-deux-guerres: de l’édition à l’adaptation, les chemins d’une réévaluation», 171-85), on entre dans «l’ère universitaire» où la scission entre amateurs et professionnels est un fait. En se servant du roman arthurien, Alain Corbellari montre une sorte de stagnation dans l’activité de l’édition universitaire dans l’entre-deux-guerres, stagnation qui contraste avec un certain engouement pour des adaptations de textes médiévaux. Ces adaptations sont l’œuvre, presque exclusivement, d’écrivains poètes, comme André Mary, dont les travaux dans le domaine médiéval sont ici resitués dans l’ensemble de son œuvre. Les deux études d’Annie Renonciat, («Tribulations de la chevalerie dans le livre et l’image pour la jeunesse. 1. Splendeurs et misères (1880- 1939)», 187-203) et de Cécile Boulaire, («Tribulations de la chevalerie dans le livre et l’image pour la jeunesse. 2. Disparitions, survies, trahisons dans la seconde moitié du XX e siècle», 205-18), s’occupent des livres pour la jeunesse et ouvrent ainsi au médiéviste une porte qui conduit, à travers un corpus inusité, aux interrogations de toujours: alors que la littérature médiévale était considérée comme tout juste bonne pour les enfants au XVI e 332 Besprechungen - Comptes rendus siècle, elle subit de profonds réaménagements quand apparaît une littérature spécialisée pour la jeunesse. Les deux contributions dessinent, iconographie à l’appui, quelques visages qu’ont pu prendre les chevaliers dans les livres pour enfants de notre passé plus ou moins proche. Jelle Koopmans, finalement («Quand les chevaliers se mettent à chanter: l’opéra devant la tradition narrative médiévale», 219-29), a une fois de plus trouvé un terrain de jeu pratiquement vierge: ayant parcouru «cinq grandes encyclopédies de l’opéra» (222) pour y relever «chaque titre qui lui «rappelait la littérature et l’histoire française du Moyen Âge» (ibid.), il se retrouve avec un fichier qui comporte un beau millier d’entrées. Autant de livrets à lire, à examiner pour retracer les chemins par lesquels la matière médiévale a traversé le temps ou a été redécouverte, brusquement, à des moments précis, à la faveur d’une traduction, d’une adaptation en langue étrangère ou d’un mouvement intellectuel. Keith Busby et Françoise Vielliard présentent une «Conclusion» commune, (231-33) qui fait bien le point de ce qui a été dit tout en esquissant les contours des chantiers à venir. Ce que le lecteur ingénu retiendra de ce volume, c’est combien le sujet est fascinant et combien il reste à faire à partir du moment où l’on est prêt à affronter le roman de chevalerie non pas comme un simple objet littéraire, mais comme un objet culturel. Le volume nous invite à chercher le reflet de ces romans dans les livrets d’opéra, les images d’Épinal, les réécritures des galants écrivains du Siècle des Lumières, dans les fonds des collectionneurs de livres anciens, dans les lectures pour enfants sages, qui s’endormaient à la lumière de lanternes qui projetaient de préférence, parmi les rares sujets médiévaux, l’image de Geneviève de Brabant. On peut interroger l’importance des tirages de certains livres, les préfaces des éditions, les comptes rendus faits par les amis, les alliés, les rivaux. Il y a là de quoi remplir toute une vie de chercheur et, dans l’immédiat, confier plusieurs thèses à nos successeurs qui éditeront, vers 2050, un volume sur la perception du roman de chevalerie dans la première moitié du XXI e siècle. En effet, Françoise Vielliard rappelait en conclusion de sa contribution que Charles Nodier considérait l’Abbé de la Rue, Francisque Michel et Paulin Paris comme les tenants d’un «savoir pédantesque» (33) méprisable. Quelques décennies plus tard, sont apparus, avec Paul Meyer, Gaston Paris et Wendelin Foerster, les premiers «universitaires» purs. Ces derniers n’avaient eux aussi que faire des écrits de ceux que frappait le dédain de Nodier, mais pour des raisons exactement inverses: ils n’étaient pas assez savants. Qu’il s’agisse de littérature du Moyen Âge ou de littérature tout court, on peut donc décidément toujours faire pire. Le rôle du médiéviste est de s’interroger de temps à autre sur les prémisses des jugements du passé: c’est une façon de mieux asseoir les nôtres. Richard Trachsler ★ Helmut Berschin/ Joseph Felixberger/ Hans Goebl, Französische Sprachgeschichte. 2., überarbeitete und ergänzte Auflage, Hildesheim/ Zürich/ New York (Georg Olms Verlag) 2008, 413 p. C’était une heureuse idée que de rééditer cet excellent manuel, dont la première édition, datant de 1978, était épuisée depuis longtemps. Il a en effet des avantages importants sur ceux qui ont paru en français ces dernières années. Je n’en citerai que deux. Tout d’abord, il commence par une introduction théorique, qui précise les principales notions de linguistique historique, telles que diachronie, variation ou évolution de la langue; d’ailleurs, dans le corps de l’ouvrage, les auteurs font régulièrement appel à la théorie, ne se bornant pas à la description des faits. Ensuite, l’histoire du français n’est pas décrite, ainsi que c’est souvent le cas, comme un processus linéaire, conduisant directement du latin à la langue 333 Besprechungen - Comptes rendus