Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2009
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Kristol De StefaniOlivier Bertrand/Sophie Prévost/Michel Charolles/Jacques François/Catherine Schne - d ecker (ed.), Discours, diachronie, stylistique du français. Études en hommage à Bernard Combettes, Berne (Peter Lang) 2008, xxi + 452 p. (Sciences pour la communication 84)
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2009
Olga Inkova
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Olivier Bertrand/ Sophie Prévost/ Michel Charolles/ Jacques François/ Catherine Schnedecker (ed.), Discours, diachronie, stylistique du français. Études en hommage à Bernard Combettes, Berne (Peter Lang) 2008, xxi + 452 p. (Sciences pour la communication 84) Cet ouvrage collectif a été conçu en hommage à Bernard Combettes, un linguiste d’une envergure et d’une perspicacité sans pareil. Le volume réunit vingt-sept brèves études sur les sujets qui lui sont chers et auxquels il a consacré ses nombreux livres et articles répertoriés à la fin de l’introduction au volume. Les articles se répartissent en trois chapitres thématiques. Le premier, consacré à l’étude synchronique du français moderne, mais aussi au serbe et au néerlandais, s’ouvre sur la contribution de Jean-Michel Adam, Autour de quelques ré-énonciations du «cogito» cartésien. L’auteur revient sur la distinction des linguistiques de la langue et du discours établie par Emile Benveniste, en analysant les variations de la plus célèbre phrase-formule de Descartes «Je pense donc je suis», traduite par Gassendi, re-ponctuée par Lacan et parodiée par Leiris. En suivant Benveniste, qui dit qu’entre les agencements de signes dans la phrase et les agencements de phrases dans un texte, il y a un saut de la linguistique du système (de la langue) dans la linguistique du discours (sémantique de l’énonciation), J.-M. Adam montre «à quel point le dire est dialogue avec le dit antérieur et les langues, à quel point la parole se fonde sur les faits de discours antérieurs et en opère la transformation par la mise en variation» (7). Catherine Fuchs et Pierre Le Goffic, en s’intéressant, dans leur étude Le français moderne: entre «V2» et «SVO»? , à la question de l’ordre des mots et des positions dans la phrase en français moderne, défendent l’idée que le français est encore à bien des égards une langue V2 et que les possibilités de variation de la place du sujet nominal (antéposition/ postposition) par rapport au verbe continuent à être exploitées. Il s’agit toutefois, selon les auteurs, d’un schéma V2 «restreint et assoupli» (17): même si le français accepte en position initiale des éléments autres que le sujet syntaxique (S), les éléments susceptibles de figurer en position initiale sont néanmoins limités (des circonstants détachés extra-prédicatifs ou des modalisateurs exophrastiques), ce qui rend le français plus contraignant qu’une langue V2, tel l’allemand. La question est, en outre, rendue complexe par la dissymétrie entre sujet nominal et sujet clitique, et par les problèmes afférents au constituant QU-. Dans sa contribution au titre provocateur Ces étranges «objets internes» qui ne sont ni des «objets» ni «internes», Martin Riegel s’attache à définir une des catégories de compléments verbaux les plus problématiques, à savoir les compléments d’objets internes (OInt). Après avoir défini les propriétés sémantiques et syntaxiques des GN régis directement par le verbe, l’auteur observe que les constructions avec les OInt (Jean vit une vie misérable) présentent un ensemble de caractéristiques qui les «rapprochent des locutions verbales associant un verbe support à un nom prédicatif» (46), telles que Jean a pris la fuite/ fait l’éloge de Paul, etc. Selon M. Riegel, l’OInt serait le terme proprement prédicatif de la phrase, alors que le verbe recteur d’un OInt, recouvrant «totalement le sémantisme du nom prédicatif qu’il régit, . . . se vide en quelque sorte rétroactivement de toutes ses spécificités sémantiques pour ne garder que son statut catégoriel de verbe, la duplication sémantique assurant la fusion interprétative (en un seul prédicat) et catégorielle (en une locution verbale) des deux termes» (49). Cette analyse, quelque solide et fondée qu’elle soit, a, selon l’aveu de l’auteur même (52), des limites: élaborée à partir des verbes intransitifs, elle est difficile à étendre aux verbes transitifs (Aimez vos amours, Hugo), aux compléments nominaux indirects (Dormir du sommeil du juste) ou à des constructions à double complémentation (Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre), sans parler de la frontière, difficile à tracer, entre les verbes supports et les verbes lexicalement pleins. À suivre donc! 357 Besprechungen - Comptes rendus La question que pose Guy Achard-Bayle dans le titre de sa communication («Si poly. . . quoi? » Pour un traitement discursif de la diversité des Si) concerne à la fois la polysémie et la polyfonctionnalité de si comme introducteur de subordination; l’auteur est cependant loin d’être le premier à se poser cette question. Après avoir passé en revue les nombreux emplois de si et les façons, encore plus nombreuses, de les appréhender, G. Achard-Bayle revient sur les possibilités de leur rapprochement. Le lecteur apprend cependant davantage sur l’évolution de la conception de l’auteur du fonctionnement de si que sur le fonctionnement même. On constate que la reformulation (62) des conclusions faites en 2006 (assez récentes, donc, vu que le volume recensé ici a paru en 2008 . . .) ne fait que reprendre ce qui a été dit par Ducrot en 1984 dans l’article que l’auteur cite, du reste, dans la N3 (56). De plus, il est à peine possible de parler d’une évolution, puisque nous lisons deux pages plus loin: «Dans cette première partie j’ai voulu rappeler et discuter mon hypothèse de si P ‹mixtes›. Si j’ai pu sembler la remettre en question un moment, en fin de compte je la retrouve» (64). L’étude À l’interface du système linguistique et du discours: l’exemple des constructions identificatives (e. g. pseudo-clivées) de Denis Apothéloz est consacrée aux propriétés sémantiques et fonctionnelles des configurations discursives appelées généralement «pseudo-clivées» (Ce que j’aimerais, c’est la liste des bouquins pour les exams de licence). Pour l’auteur, la propension des constructions identificatives à «être utilisées dans des types bien particuliers de routines discursives ou conversationnelles» (90-91), à savoir dans des paires adjacentes question-réponse ou dans des énonciations réfutatives, découle naturellement de leurs trois caractéristiques principales: a) leurs propriétés topicales (les constructions identificatives sont des structures à topic délimité); b) la spécificité de l’opération de prédication qu’elles accomplissent (l’identification); c) la préférence pour placer en position de topic certains contenus. Pour ce qui est de cette dernière caractéristique, l’étude montre que l’on trouve en position topicale deux grands groupes de lexèmes: des lexèmes évaluatifs, p. ex., ce que je voudrais, ce qui frappe, le plus dur, etc.; ou «des lexèmes se rapportant à l’activité langagière, notamment dans ses aspects argumentatifs et explicatifs» (84), p. ex., ce que je vous ai dit, l’hypothèse que je défendrai, etc. Ces constructions sont ainsi «en quelque sorte préformatées pour occuper une place séquentielle particulière au sein de programmes discursifs spécifiques» (75). Dans sa contribution Énoncés parenthétiques et progression thématique: quelques observations sur corpus oraux, Jeanne-Marie Debaisieux étudie le rôle des énoncés parenthétiques (E.P.) par rapport à la structure informationnelle du texte. En élargissant la catégorie des E.P. au-delà de la dimension de l’énoncé, la plus souvent invoquée, l’auteure prend en compte le point de vue de la structure informationnelle, telle que définie dans les travaux de B. Combettes, pour expliquer les points d’insertion des E.P. L’analyse des données du corpus permet à J.-M. Debaisieux de constater que les E.P. «ne sont pas des réparations d’une insuffisance de planification» (105). Bien au contraire. En se plaçant «tendanciellement après un élément thématique et avant l’élément qui a le plus de dynamisme informationnel» (99), ils apportent, au moment opportun, «des informations jugées pertinentes par le locuteur en fonction du déroulement de l’interaction et des réactions de l’interlocuteur» (105). Georges Kleiber, dans son étude Le gérondif: de la phrase au texte, s’intéresse à l’emploi du gérondif avec la valeur de repère temporel. Comme le montre l’auteur, même si, comme dans tous les autres emplois du gérondif, le choix de la valeur circonstancielle du gérondif (moyen, manière, cause, concomitance, condition, etc.) se fait à l’intérieur du cadre de la phrase, «par le jeu combinatoire du sens du gérondif, des propriétés du verbe au gérondif et de celles du prédicat régissant» (111), les gérondifs repères temporels conduisent à «sortir» du cadre de la phrase, «parce qu’ils mettent en jeu une connaissance préalable située en dehors du cadre phrastique» (117). Pour G. Kleiber, il ne s’agit toutefois pas 358 Besprechungen - Comptes rendus d’anaphore verbale, comme le propose dans ses travaux Herslund, mais d’une présupposition sémantique, à la source des notions d’acquis, de connu ou de prévisible attachées aux gérondifs temporels, mais aussi aux subordonnées temporelles. Dans leur contribution Linguistique de la langue et linguistique textuelle. Le plus-queparfait et la relation d’inclusion: «un petit oiseau», «un petit poisson» . . ., Jacques Brès et Audrey Lauze montrent que le plus-que-parfait (PQP), qui a «une liaison privilégiée avec la régression, une liaison possible avec la progression» (127), peut aussi, même si très sporadiquement (une dizaine d’occurrences dans le corpus des auteurs, dans la majorité des cas, sous la dépendance de pendant que dans une structure à antéposition), se conjoindre avec l’inclusion, une relation qui demande que le temps interne du procès x soit inclus dans celui de y et donc difficilement compatible avec les instructions aspectuelles et temporelles fournies par le PQP. Béatrice Lamiroy, dans son étude Typologie et grammaticalisation, pose «la question de savoir si des traits typologiques particuliers sont susceptibles d’empêcher certains processus de grammaticalisation» (155). L’analyse des auxiliaires serbes et néerlandais lui permet de répondre par la négative. Si certaines données semblent à première vue servir de contre-exemples au principe de la décatégorialisation, une analyse plus détaillée montre qu’elles corroborent, au contraire, «une caractéristique essentielle de toute grammaticalisation, à savoir son caractère dynamique et, partant, graduel» (143). L’analyse des auxiliaires serbes proposée par B. Lamiroy, et notamment leur aptitude d’admettre une complétive introduite par da, devrait être cependant affinée: en effet, les «complétives» en da + présent (uniquement! ) ne sont pas des complétives «banales», mais, au départ, des propositions à valeur optative. La préférence pour les formes avec l’infinitif ou pour celles avec da est en outre délimitée géographiquement (les dialectes orientaux, pour la forme en da), deux particularités que l’auteure passe sous silence. Une comparaison avec d’autres langues slaves, p. ex. le russe, pour lequel, jusqu’à la fin du XIVe s., il est difficile de parler d’un futur «grammaticalisé», pourrait être aussi enrichissante, en confirmant en même temps le caractère dynamique de la grammaticalisation. L’étude d’Anne Theissen «Ceci» en emploi cataphorique est consacrée aux emplois où ceci annonce une source subséquente, occupe la position d’objet et est séparé de sa source par un double point (l’auteure hésite, d’ailleurs, entre deux termes pour dénoter ce signe de ponctuation: «un double point» et «un deux-points», et opte finalement pour un terme «hybride», mais pas encore accepté, à notre connaissance, par la grammaire française, soit «un double-points», qui balise le texte: nous le trouvons cinq fois p. 171). Après un bref rappel des propriétés des constructions cataphoriques, A. Theissen met en évidence deux contraintes que la construction sujet + verbe + ceci-objet impose au cotexte: i) ceci est régi principalement par les verbes dicendi du fait que l’objet de référence avec ceci est «moins la phrase en tant que phrase ou argument que la phrase en tant que contenu» (167); ii) ceci ne peut être séparé de sa source que par le double point (ou «double-points») - «contrainte de contigüité» (168). Dans sa communication «On va dire»: une enquête, Annie Kuyumcuyan s’attache au phénomène d’innovation linguistique à travers l’étude de l’expression on va dire. L’auteure commence par répertorier les principaux usages en discours de on va dire, liés (p. ex. On va dire que j’insiste) et détachés (Ce soir c’est repas on va dire d’automne). Au bout d’une analyse très détaillée, l’auteure conclut que «[l]es indices d’un transfert de certains des emplois du marqueur vers des fonctionnements plus textuels et pragmatiques que strictement référentiels sont . . . incontestables» (190), mais que la période actuelle de son évolution doit être définie, en empruntant la terminologie à B. Combettes, comme celle des «chevauchements et des faits de polysémie». Pour cette raison il est plus juste, selon l’auteure, de parler, toujours en termes de Combettes, d’innovation que de changement (191). 359 Besprechungen - Comptes rendus L’article d’Henri-José Delofeu, Écritures anciennes, paroles actuelles: nouveaux regards sur le système, la norme et les usages, clôt la première partie thématique du volume consacrée à la linguistique synchronique. Cette étude se situe cependant à cheval entre la synchronie et la diachronie, puisque l’auteur montre comment les médiévistes et les spécialistes de français parlé contemporain «se rencontrent dans leur souci d’établir et de hiérarchiser les données, et . . . de remettre en cause un certain nombre d’outils d’analyse dont le champ de validité ne va pas au-delà des usages normés du français: phrase, subordination, circonstant . . . » (194). Confrontant des textes anciens et des retranscriptions de français spontané contemporain (mais ceci vaut également pour d’autres langues), l’auteur y retrouve la même organisation macro-syntaxique en «périodes» au détriment du «modèle discursif ‹légitime› de la phrase» (197). La partie consacrée à la diachronie du français s’ouvre par l’étude d’Evelyne Oppermann-Marsaux, Les propositions conjonctives comportant «que + voici/ voilà» du moyen français jusqu’au français classique. Selon l’analyse proposée, le présentatif voici/ voilà, apparaissant jusqu’à la fin du XIV e siècle sous une forme non soudée veez ci/ la (2 e pers. pl. du verbe veoir et l’adverbe ci/ la), n’est que très rarement employé en proposition conjonctive, du fait qu’il conserve encore la valeur impérative du verbe de perception (216). Ce n’est qu’aux XVI e et XVII e siècles que s’estompe l’interprétation étymologique de «perception visuelle» du présentatif (219), processus favorisé par la disparition des formes non soudées. Le français préclassique et classique marquent «le passage d’un présentatif exclusivement spatial . . . vers un présentatif compatible également avec . . . la valeur aspectuelle de survenance» (222) et, vers la fin du XVII e siècle, avec la valeur temporelle. Nous revenons à la problématique de la grammaticalisation avec la contribution de Marie-José Béguelin, Grammaticalisation et renouvellement de «en veux-tu en voilà». L’auteure commence par mettre en lumière, dans le cadre théorique du Groupe de Fribourg, les étapes de la grammaticalisation de la séquence discursive en veux-tu en voilà (EVEV) qui possède en français contemporain trois statuts syntaxiques: i) deux clauses juxtaposées en relation de parataxe; ii) une clause comprenant une hypothétique adjointe et une principale; iii) S adv avec le statut de quantifieur de haut degré, ce dernier statut témoignant du processus de grammaticalisation abouti. EVEV reste néanmoins ouverte, en français contemporain, à la (re)motivation, dont témoignent des formes, telles que en voulez-vous en voilà, t’en veux en voilà, etc., relevées dans le corpus (237). Ceci constitue, pour l’auteure, «un point notable, à verser dans la discussion scientifique en cours sur l’‹unidirectionnalité› supposée des changements linguistiques (ou d’une majorité d’entre eux» (234), un point de vue que nous partageons. Dans son étude À propos de la notion de locution verbale. Détermination zéro et caractère locutionnel d’une construction verbo-nominale en français, André Valli propose de ranger les locutions verbales en français contemporain dans deux ensembles: des locutions en syntaxe figée à caractère non compositionnel et au déterminant fixe, et des locutions en syntaxe libre dont le sens n’est pas opaque, mais qui «ont un petit défaut syntaxique - l’absence de l’article» (248). Cependant, observe l’auteur, que ce soit en syntaxe libre ou en syntaxe figée, les locutions verbales en français moderne et contemporain «prolongent un usage ancien caractérisé par l’emploi régulier de [l’article] zéro comme introducteur des noms abstraits régimes directs» (247). L’auteur se débarrasse, à notre avis, un peu trop vite des locution figées qui ne contiennent pas de noms abstraits («prédicatifs») telles que prendre feu ou avoir bon dos, en proclamant leur caractère métaphorique et en reconduisant leur sens à une notion abstraite (250). Si nous sommes d’accord avec la définition de la valeur globale de ces expressions, le critère syntaxico-sémantique dont A. Valli fait la clé de voûte de son hypothèse sur le déterminant zéro dans les locutions verbales, à savoir un nom abstrait régime direct, s’avère caduc. 360 Besprechungen - Comptes rendus Anne Carlier, dans sa contribution La grammaticalisation au niveau du paradigme, s’interroge sur les étapes du changement sémantique («s’articule-t-il toujours en une étape pragmatique et une étape sémantique? » (260)), en étudiant l’émergence des trois articles du français: défini, indéfini singulier et «partitif» (combinant de et l’article défini). Les données empiriques examinées permettent à l’auteure d’observer, dans le cas de l’article défini et de l’article indéfini singulier, premiers membres du nouveau paradigme grammatical, une longue phase «de renforcement pragmatique précédant l’étape d’encodage du nouveau fonctionnement textuel sous forme de trait sémantique» (269), phase pendant laquelle ce «nouveau fonctionnement textuel reste fondamentalement tributaire du sens primitif propre à chacun de ces déterminants» (271). En revanche, le partitif, qui se forme plus tard, n’accède pas au statut d’article par renforcement pragmatique: son changement sémantique est plus immédiat. «Cela tient au fait que les forces de cohésion à l’intérieur d’un paradigme déjà constitué peuvent être telles que la forme en voie de grammaticalisation trouve plus rapidement sa place à l’intérieur du paradigme et voit son sens ajusté aux paramètres structurant ce paradigme» (273). Nous ne pouvons que répéter avec les maîtres que la langue est un système où tout se tient. Dans le cas des prépositions en et dans, il est, au contraire, plus judicieux, selon Walter De Mulder, de parler d’un «déplacement», plutôt que de grammaticalisation. L’auteur commence son étude «En» et «dans»: une question de «déplacement»? par la liste des acceptions de la préposition en. En ancien français, les deux sens spatiaux de en - de superposition et d’intériorité -, hérités du latin in, donnent, par extension métonymique et métaphorique, de nombreux sens et interprétations plus abstraits qui varient en fonction du contexte. En français moderne, l’acception spatiale de en s’affaiblit (et est reprise par dans) et, en même temps, en développe des acceptions plus abstraites (elle introduit, notamment, des compléments de verbes). «Ce déplacement du centre de gravité de la préposition implique à la fois des processus de grammaticalisation et de lexicalisation» (286). Il est donc possible, selon l’auteur, de parler du «déplacement» sémantique comparable à celui que Goyens, Lamiroy et Melis ont décrit pour à, mais il faudrait, conclut l’auteur, définir plus exactement le rapport entre la grammaticalisation et la lexicalisation (290). L’étude de Christiane Marchello-Nizia - Le «comma» dans un manuscrit en prose du 13 e siècle. Grammaticalisation d’un marqueur de corrélation, ou marquage d’intonation? - a pour objet la grammaticalisation d’un signe de ponctuation, le comma, qui est un point-virgule renversé, répertorié comme une ponctuation semi-forte. Des deux hypothèses formulées dans le titre, seule la deuxième, à savoir le comma en tant que marque d’une intonation précise, est retenue comme valide, du moins pour le manuscrit analysé, la célèbre Queste del saint Graal. Son emploi «correspond à la volonté du copiste d’indiquer une montée de la voix», une intonation qui «est destinée à indiquer que la phrase n’est pas finie, et que l’élément que clôt le comma n’est que le premier d’un énoncé en deux pans» (304). Dans la contribution de Jesse Mortelmans et de Céline Guillot, Clarté ou vérité, «ledit» dans la prose de la fin du Moyen Âge, nous retrouvons la problématique de la détermination. Les auteures étudient l’emploi du déterminant ledit dans deux grandes catégories de textes français du XV e siècle, les textes didactiques ou «instructifs» et des textes littéraires (309), et en limitant leur analyse aux occurrences de ledit N(om) humain (311). Elles testent sur ce corpus leur hypothèse de départ, «selon laquelle ledit peut servir de marqueur de désambiguïsation (donc un indicateur de saillance faible - O. I.) au niveau local, en cas de concurrence de plusieurs référents mentionnés dans le contexte précédant son occurrence, et/ ou de marqueur de degré élevé de saillance d’un référent qui n’avait pas ou n’avait plus un tel degré de saillance» (316). La variété d’emplois et de fonctions relevés de ledit dans les textes analysés ne permet toutefois pas aux auteures de «situer ce déterminant sur une échelle d’accessibilité, quelle qu’elle soit» (321). 361 Besprechungen - Comptes rendus L’étude de Nathalie Fournier, La gestion des anaphoriques en discours au XVII e siècle: l’exemple du cardinal de Retz, traite également des questions de cohésion textuelle, dont B. Combettes est un des plus grands spécialistes. Sans entrer dans le débat sur la pertinence, pour la gestion des anaphoriques, des échelles d’accessibilité proposées dans les travaux sur le sujet, l’auteure ne retient pour son propos que l’idée que «la saillance d’un GN, et donc sa capacité à fonctionner comme antécédent d’un pronom anaphorique, ne peut être envisagée sous l’angle d’un critère unique . . ., mais comme le résultat de l’articulation et la pondération variable de plusieurs critères (c’est-à-dire sa place sur plusieurs échelles)» (329). Les Mémoires de Retz sont un bon exemple de la gestion très souple des anaphoriques en français classique, «qui ne peut se réduire à l’application de règles rigides, comme la règle de la proximité, mais qui se fonde sur la diversité de procédures de rattachement référentiels, qui trouvent leur cohérence dans le rattachement au thème discursif et leur contribution à l’organisation textuelle» (339). La très brève contribution de Juhani Härmä, Remarques sur les constructions «topicalisées» en ancien français, continue la problématique de l’organisation textuelle. Il résulte de cette étude, pas très bien structurée, que la topicalisation, qui correspond en ancien français à un ordre des mots possible (fr. mod. Selim la Caresse, vous connaissez? ) est moins fréquente que la dislocation à gauche (Selim la Caresse, vous le connaissez? ), mais présente une plus grande souplesse tant du point de vue du type de textes que de la nature du complément topicalisé. Magali Rouquier, dans son étude, Construction en «c’est» en ancien et moyen français. Clivées, «liées»: un récapitulatif, se penche sur l’histoire des deux constructions en c’est attestées dès le XII e siècle. L’étude montre que les indices syntaxiques qui permettent de reconnaître les types clivés (C’est X que Verbe) des types non clivés sont peu nombreux, et l’auteure arrête son choix sur l’autonomie de X. L’analyse du corpus permet de constater que «les clivées apparaissent préférentiellement dans le discours direct» et que «l’élément clivé est souvent un nom propre ou un nom de parenté, qui a été souvent mentionné dans le contexte précédent» (369). Pour ce qui est des constructions liées (C’est A que B) de l’ancien et du moyen français, elles présentent peu de différences par rapport au français contemporain, parmi lesquelles l’auteure note une extension des catégories possibles en A et en B qui caractérisent les périodes plus anciennes du français: les réalisations SN que de SN, SN de SN ne sont plus attestées en français d’aujourd’hui (358). L’ampleur des travaux de B. Combettes sur la syntaxe historique fait rêver Robert Martin d’un vaste ouvrage de synthèse, un «Dictionnaire grammatical», ce qu’il avoue dans sa contribution, Pour un Dictionnaire grammatical du moyen français. Ce dictionnaire pourrait, selon l’auteur, compléter l’édition informatisée du Dictionnaire de Moyen Français (DMF) qui ne traite pas de mots grammaticaux. Après avoir exposé ses quelques réflexions et principes méthodologiques, R. Martin illustre son propos par un article consacré à l’adverbe de temps anuit, que l’auteur traduit en français contemporain par «aujourd’hui même», avec des effets de sens multiples (376s.). La troisième partie thématique est consacrée à la stylistique et à la didactique. Elle s’ouvre sur l’étude d’Alain Rabatel, Pour une approche moniste du style et de la notion de «moyens d’expression». L’auteur oppose à la conception dualiste du style qui dissocie les idées de leur expression, sa conception moniste (inspirée, comme le souligne l’auteur, par celle de M. Merleau-Ponty, mais nous pouvons ajouter qu’elle est très proche des conceptions de von Humboldt, Steinthal, Heidegger, Guillaume ou Potebnia), qui met au centre de la définition du style les moyens d’expression dans toute la variété de leurs combinaisons, actualisations et effets produits sur le destinataire. «Parler de sélection, combinaison, cela revient à mettre en valeur le style au plan des figures de pensée, autant, sinon davantage, qu’au plan des figures de mots - qui ont été survalorisées, avec l’elocutio, dans l’approche 362 Besprechungen - Comptes rendus dualiste du langage - et à considérer que la recherche des «idées» (topoi) n’est antérieure ni extérieure à la «mise en mots» - bien mal nommée, puisque la forme d’expression est pleinement significative» (397). Le lecteur constate, cependant, que l’auteur n’a pas encore dépassé, en formulant sa conception moniste, la terminologie dualiste, ni ne s’interroge, ce qui nous semble plus grave, sur l’objet de sa stylistique moniste - langue commune, texte littéraire ou littérarité. En revanche, Anne-Marie Chabrolle-Cerrentini, dans son article La stylistique comparée aujourd’hui: un syncrétisme qui a du «caractère», s’applique à définir l’objet de cette discipline et à l’inscrire dans tel ou tel courant théorique. Aussi variées que soient les directions prises par les écoles allemande, française ou italienne de la stylistique comparée qui amalgame parfois des principes théoriques incompatibles, elles sont toutes, selon l’auteure, «aiguillées par un esprit qui s’apparente de très près ou d’un peu plus loin au caractère des langues tel qu’il a été défini par W. von Humboldt au sein d’une linguistique générale et comparée qui aurait envisagé l’étude de la langue et du discours de façon complémentaire pour cerner les particularités des langues dans leur rapport au monde» (415). André Petitjean, dans sa contribution Corpus et genres: quelles interactions? , soulève quelques problèmes théoriques et méthodologiques du traitement linguistique de la généricité. L’auteur observe que, d’une part, l’étude des genres nécessite la contribution et la collaboration de disciplines différentes (linguistique, histoire littéraire, psychologie, lexicométrie, statistique . . .), ce qui engendre toutefois une «hétérogénéité des critères qui président à l’existence des genres textuels» (424). D’autre part, «le besoin de clarification générique ne se pose pas avec la même acuité . . . selon que l’on s’intéresse aux problèmes de la constitution des corpus et de leur exploitation» (421). Enfin, dans la dernière étude du volume «(De, par) peur/ crainte de/ que»: petite enquête sur une concurrence énigmatique, Caroline Masseron et Marceline Laparra se demandent dans quelle mesure la situation de concurrence observée entre les deux marqueurs n’offre pas un cas de résistance à la grammaticalisation. Au bout de leur enquête bien documentée, les auteures constatent qu’il s’agit d’un «phénomène de lexicalisation et de stéréotypie discursive, où des paramètres morphosyntaxiques gouvernent des collocations typées et assurent pour le moment la survivance parallèle et complémentaire des deux noms peur et crainte dans les tours examinés» (436). En terminant, notons que les analyses présentées sont, dans la grande majorité des contributions, très fines et bien argumentées, avec une assise empirique très solide. Il est d’autant plus dommage d’y trouver quelques imperfections au niveau de la forme: fautes de frappe, virgules superflues, points ou italiques qui manquent, répétitions fastidieuses, etc. (42, 60, 67, 109, 148, 159, 170, 171, 172, 246-47 . . .), autant de défauts que l’on aurait pu éviter par une relecture attentive. La mise en page des références bibliographiques aurait également pu être uniformisée, ce qui est de coutume dans un ouvrage collectif. La répartition des articles en trois parties - i) de la phrase au discours, ii) diachronique, iii) stylistique et didactique - apparaît aussi parfois peu logique: ainsi, nous trouvons les questions de grammaticalisation dans la première partie synchronique (Lamiroy, Kuyumcuyan), dans la partie diachronique (Béguelin, mais qui aurait pu figurer dans la partie synchronique vu que la période analysée s’étend aux derniers 150 ans, Carlier, De Mulder, Marchello-Nizia, etc.) et dans la partie stylistique (Masseron et Laparra); les pseudo-clivées dans la partie synchronique, mais les clivées dans la partie diachronique; de même, pour les anaphoriques. En même temps, dans la partie diachronique, nous trouvons des études traitant également de la cohésion du texte, mais très peu d’études qui portent uniquement sur une période d’histoire du français. Enfin, la partie Stylistique et didactique est une sorte de bric-à-brac qui abrite des articles qui ne trouvent pas leur place ailleurs . . . On aurait pu imaginer une répartition par sujets (anaphore, grammaticalisation, etc.): les per- 363 Besprechungen - Comptes rendus spectives de leur analyse - synchronique, diachronique, stylistique - sont, certes, différentes, mais elles se complètent dans les communications du volume, en apportant des éclairages divers aux phénomènes étudiés. Comme l’a montré dans sa contribution José Delofeu et comme le montrent les travaux de Bernard Combettes, l’approche diachronique a permis de jeter un nouveau regard sur les données du français contemporain et de forger un certain nombre d’outils d’analyse utilisés par la suite dans les études synchroniques. Olga Inkova ★ Sabine Bastian/ Elisabeth Burr (ed.), Mehrsprachigkeit in frankophonen Räumen - Multilinguisme dans les espaces francophones, München (Martin Meidenbauer) 2007, 231 p. Der vorliegende Band bildet den Auftakt zu einer neuen Reihe von Veröffentlichungen unter dem Titel «Sprache - Kultur - Gesellschaft - Beiträge zu einer anwendungsbezogenen Sozio- und Ethnolinguistik» unter Leitung von Sabine Bastian and Ekkehard Wolff. Er basiert auf Vorträgen zum Thema Mehrsprachigkeitsforschung zu und in frankophonen Räumen, welche 2006 anlässlich des 5. Kongresses der Frankoromanisten in Halle gehalten wurden. Das Thema der Mehrsprachigkeit ist für die aktuelle Gesellschaft und besonders auch die Forschung von höchstem Interesse, gerade auch was die Vielschichtigkeit der Frankophonie anbetrifft. Die zweisprachige Anlage der vorliegenden Veröffentlichung ist eine Chance, aber gleichzeitig auch eine Herausforderung an die Herausgeber. Ist im Sinne des europäischen Referenzrahmens wirklich der wenig strukturierte «multilinguisme» gemeint oder nicht eher der «plurilinguisme», welcher die Kenntnisse und Strategien in den verschiedenen Sprachen bei einem Individuum und in der Gesellschaft miteinander vernetzt? Der innovative Gebrauch von «espaces francophones» im Plural, der für die frankophone Wissenschaftsgemeinschaft nicht selbstverständlich ist, hätte durch einen erläuternden Kommentar an Aussagekraft gewonnen.Auch die Zusammenstellung der interessanten und breit gestreuten Artikel lässt Fragen offen: Welche Artikel aus diesem weiten Feld wurden für dieses Buch ausgewählt und aufgrund welcher Auswahlkriterien? Eine dahingehende Erklärung hätte die innere Kohäsion des Buches und die zentripetalen Kräfte in diesem komplexen Wissenschaftsgebiet verstärken können. Der einleitende Artikel zum ersten Teil «Räume und Identitäten» von Thierry Bulot gibt hilfreiche Abgrenzungen zwischen verschiedenen Raumvorstellungen und den Gruppen, welche sie prägen und welche von ihnen geprägt werden. Die Erläuterungen lassen den Wunsch einer Erweiterung in Richtung anderer Disziplinen, so im Sinne der angewandten Sprachwissenschaft oder noch stärker in Richtung der «géographie urbaine» (auch gerade in Absetzung von der anglo-amerikanischen Bedeutung von «urban») aufkommen. Frank Seiler diskutiert Raum und Territorium als soziolinguistische Kategorien. Er zeigt dabei dynamische Perspektiven in der Entwicklung der Frankophonie auf, inbesondere im Hinblick auf zukünftige Entwicklungen. Ein Rückblick in die Vergangenheit im Sinne der Dialektologie, in der sich Zeit auch im Raum einschreibt und durch die Verteilung der Isoglossen entschlüsselt werden kann, hätte sich hier ebenfalls angeboten. Der Artikel von Jean-Pierre Goudaillier gibt einen guten ersten Einstieg in das français contemporain des cités, so wie es in Frankreich gehört werden kann. Die Einträge sind von etymologischen und soziolinguistischen Informationen flankiert und geben einen Einblick in Strategien, die sich an vielen Punkten denen der historischen Geheimsprachen annähern. 364 Besprechungen - Comptes rendus
