eJournals Vox Romanica 69/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2010
691 Kristol De Stefani

«Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas

121
2010
Zygmunt  Marzys
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«Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas Il y a sans doute deux sortes d’Usages, un bon et un mauvais. Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n’est pas le meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de la pluralité, mais de l’élite des voix . . . Voicy donc comme on definit le bon Usage. C’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps. (Vaugelas 2009: 67-68) Cette définition célèbre de la norme du français par Claude Favre de Vaugelas a donné lieu, depuis quelques dizaines d’années, à beaucoup de commentaires, notamment de la part du soussigné 1 . Il semble pourtant que deux notions méritent encore quelque éclaircissement: le bon usage et la plus saine partie. 1. Le bon usage Il en est du bon usage comme du burlesque ou de la préciosité: on peut les considérer soit comme des tendances permanentes dans l’histoire linguistique et littéraire, soit comme des phénomènes liés à une époque et à un milieu. Ainsi René Bray a publié en son temps une étude sur la préciosité, doublée d’une anthologie, qui s’étendent pratiquement sur toute la littérature française; mais Roger Lathuillère affirme que «la préciosité n’a été qu’un moment» 2 . De même pour le burlesque: Francis Bar l’avait défini, en 1960, comme «un genre plaisant, très libre dans ses procédés stylistiques, et qui utilise un vocabulaire riche et varié», genre dont «la plus grande vogue» a «eu lieu de 1643 à 1653 environ»; mais en 1986, un colloque réuni au Mans a travaillé sur «le burlesque et les formes parodiques dans la littérature et les arts» de La Prise d’Orange à Apollinaire, avec des incursions hors de la France et de la littérature 3 . Quant au bon usage, on l’associe immanquablement au nom de Vaugelas; pourtant, dans l’Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot, le chapitre sur la «théorie du bon usage» précède celui qui concerne Claude Favre. Danielle Trudeau s’aventure en deçà du XVII e siècle en considérant comme «inventeurs du bon usage» tous les pionniers de la codification du français, à commencer par Geoffroy Tory; et Maurice Grevisse est allé encore plus loin dans l’avenir lorsqu’il en a fait le titre de sa célèbre grammaire 4 . 1 Cf. notamment Marzys 1970/ 71 et, en dernier lieu, Vaugelas 2009: 19-29. 2 Cf. Bray 1 1946; id. 1 1948; Lathuillère 1966: 15. 3 Cf. Bar 1960: xi, xviii; Landy-Houillon/ Ménard 1987. 4 Cf. Brunot 1905s./ 3: 19-30; Trudeau 1992; Grevisse 1 1936. Vox Romanica 69 (2010): 188-205 «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 189 Pour serrer ce terme de plus près, nous allons commencer par examiner ses attestations avant l’intervention de Vaugelas, puis chez notre grammairien, et enfin après la parution des Remarques sur la langue françoise. Ce faisant, nous puiserons largement dans la base de données Frantext. Je me rends compte de l’insuffisance de cette source; en effet, Frantext n’a pas enregistré les grammairiens. Mais je les ai suffisamment fréquentés pour que bon usage ne m’ait pas échappé si l’un ou l’autre d’entre eux l’avait employé de façon massive. Toujours est-il que, dans les 154 textes du XVI e siècle qui figurent dans Frantext, l’expression bon usage apparaît 15 fois. Ses plus anciennes et nombreuses occurrences - 8 sur 15 - se trouvent dans l’Institution de la religion chrestienne de Calvin, où elle a une acception très nettement morale: Qu’on n’attribue point à l’homme en telle sorte le bon usage de la grâce de Dieu, comme si par son industrie il la rendoit vallable. (Calvin 1957s./ 2: 71) Qu’ils ostent donc leur mauvaise cupidité, leur superfluité outrageuse, leur vaine pompe et arrogance, pour user des dons de Dieu avec pure conscience. Quand ils auront réduit leurs cœurs à ceste sobriété, ils auront la reigle de bon usage. (ib. 3: 318) C’est dans un sens proche que l’emploie Montaigne: C’est un bon peuple, guerrier et genereux, capable pourtant d’obeyssance et discipline, et de servir à quelque bon usage s’il y est bien guidé. (Montaigne 1978: 1021) Dans six autres cas, bon usage apparaît dans la locution adverbiale de bon usage «utile»: Faites enter dans vos jardins | Ces greffes de si bon usage. (L’Estoile 1992s./ 5: 140) Ce sidre est excellent à la primeur, et de bon usage, par ce qu’il est subtil et aperitif, et peu vaporeux: mais il n’est de garde. (Le Paulmier 1589: 56v°) Il n’y a qu’une seule occurrence de bon usage au sens de «norme linguistique»: Tu as escrit effaceroient pour n’effaceroient suyvant la phrase latine, où tu ne devois craindre à redoubler la negation, à l’exemple des Grecs, et selon le bon usage françois. (B. Aneau, Le Quintil horatian, cité dans Du Bellay 1974: 69, ad «. . . ny la fleur, qui le sommeil attraict | Ny toute l’eau d’oubly, qui en est ceinte | Effaceroient en mil’ et mil’ années | Vostre figure en un jour en moy peinte») A quoi on peut ajouter: Ceux qui ont voulu bien dresser une grammaire sur le bon usage de parler, ont aussi, en le suivant, donné les moyens de bien écrire par les lettres, en gardant à chacune sa puissance. (Meigret 1980: 2) Zygmunt Marzys 190 La situation est semblable entre 1600 et 1647, date de la parution des Remarques sur la langue françoise. Sur les 25 occurrences de bon usage dans Frantext, 17 apparaissent dans De l’Usage des passions de Senault, également avec un sens moral: Les Chrêtiens font un bon usage de leurs Passions s’ils les employent pour la gloire de Jesus- Christ, et pour le salut de leurs ames. (Senault 1987: 131) La Morale ne considere pas tant la bonté des choses que leur bon usage. (ib. 177) D’autres auteurs emploient bon usage avec un sens très proche: C’est une grâce particulière de la faveur divine qui nous donne la hardiesse, non seulement de désirer, mais de demander, et comme d’exiger de la bonté de Vos Majestez un bon usage de ceste profonde paix pour laquelle tous vos peuples conspirent unanimement. (Montchrestien 1999: 142) Dieu a visé de toute eternité à nostre salut, mais ç’a esté en y comprenant nostre liberté, et son bon usage. (Mersenne 1624: 665) A côté de cela, il y a deux attestations de la locution de bon usage: Ceux qui se moquent de nostre breviaire sont ceux là mesmes, qui le font imprimer à cause qu’ils voyent que c’est un livre de bon usage, qui se debite aisément. (Garasse 1624: 885) Cez etymologies aussy d’Orion grammaticus ne pourroient estre que de bon usage. (Peiresc 1888 s./ 2: 18) Enfin, on trouve un exemple de bon usage dans un contexte littéraire: Il ne faut point . . . croire en rien que ce soit l’estrange imagination d’un certain lunatic cerveau de ce temps qui pour la perfection des vers françois se fantasie qu’il faudroit observer en chaque mot des sylabes longues et breves se proposant ainsi folement suivant sa coustume, des accents estroicts et larges, hauts et bas et contre toute mesure, raison et bon usage. (Deimier 1610: 336) En revanche, je ne connais, dans la première moitié du XVII e siècle, aucune attestation de bon usage au sens de «norme linguistique». L’expression ne semble figurer ni chez Malherbe, ni chez Marie de Gournay, ni chez les principaux grammairiens de cette époque, Maupas et Oudin. Qu’en est-il de Vaugelas? La première surprise, c’est que, si le terme usage est courant dans le manuscrit de ses Remarques, bon usage en est absent. Il n’apparaît que dans deux remarques imprimées qui ne se retrouvent pas dans le manuscrit et sont donc, manifestement, des adjonctions tardives; puis, massivement, dans la Préface. Or celle-ci, selon le témoignage de Vaugelas lui-même, n’a été rédigée qu’en 1647, sans doute lorsque le corps de l’ouvrage était déjà composé en grande partie; quant au manuscrit, les dernières notations qu’on y trouve datent d’environ «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 191 1637. C’est donc dans les dix dernières années avant la publication des Remarques que Vaugelas s’est approprié la notion de bon usage 5 . D’où venait-elle? Il est douteux que Vaugelas se soit inspiré de l’une ou l’autre de ses rares occurrences dans un contexte linguistique ou littéraire que nous avons citées, même s’il les connaissait; il est probable en revanche que le sens moral de l’expression lui paraissait proche de celui qu’il lui a attribué. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on a remarqué l’attitude de moraliste prise par Vaugelas 6 . En effet, le bon usage fait partie des bienséances, c’est-à-dire, pour parler comme Richelet, des égards «qu’on a au tems, au lieu, ou aux personnes» 7 . Or le fait de se soumettre aux bienséances, en matière de langage comme ailleurs, fait partie de la morale. Il est vrai qu’il s’agit d’une morale purement sociale, qui ne fait pas plus appel à des convictions intimes qu’à des exigences rationnelles. Son seul critère est «l’opinion commune», le qu’en dira-t-on élevé au rang de valeur absolue. L’individu n’a pas plus le droit de s’y opposer en vertu de son «opinion particulière» qu’au nom de la logique ou d’une valeur supérieure, telle que l’amour de la vérité 8 . Cette morale sociale sera parfaitement représentée, dans Le Misanthrope de Molière, par le personnage de Philinte, alors qu’Alceste sera ridicule dans la mesure où il s’y opposera précisément par amour de la vérité. On dira qu’il y a là une déviation de sens. En effet, chez un Senault, dont De l’Usage des passions est de peu antérieur aux Remarques de Vaugelas, bon usage, employé d’ailleurs toujours avec un complément du nom, traduit une attitude personnelle et volontaire face à un mouvement intérieur: «bon usage des passions, de l’amour, de la haine, du désir», etc. Rien à voir donc avec l’opinion d’autrui; s’il y a référence hors de soi, c’est à un critère supra-humain: le bon usage des passions, c’est de les employer pour la gloire de Jésus-Christ et pour le salut de son âme 9 . Il faut donc chercher ailleurs. Nous ne trouvons pas grand-chose chez les auteurs anciens. L’expression bona consuetudo apparaît occasionnellement chez Cicéron; mais elle ne désigne pas, comme chez Vaugelas, un fait collectif qui fonde la norme, mais un sentiment linguistique spontané, précieux mais insuffisant pour se préserver des fautes 10 . Dès lors, tournons-nous du côté de l’Italie. Il convient de rappeler tout d’abord que Vaugelas savait bien l’italien et connaissait la littérature italienne: il cite Dante, Pétrarque et Boccace, Guarini et Le Tasse. Il était sans doute aussi au courant de la discussion sur la Questione della lingua, même si, parmi ses protagonistes, il ne nomme que Bembo. Il a certainement rencontré chez eux les termes buon uso et buona consuetudine. Dans tous les cas, ces termes désignent l’usage 5 Cf. Vaugelas 2009: 19-20. 6 Cf. notamment: «Die eigentliche Verbindichkeit von Vaugelas’ Sprachbegriff muss . . . auf einem moralistischen Hintergrund gesehen werden, der sich jedoch bei ihm nur gelegentlich in beiläufigen Bemerkungen zu erkennen gibt» (Ott 1947: 122). 7 Richelet 1680s. bien-séance. 8 Cf. Vaugelas 2009: 75. 9 Cf. citation ci-dessus p. 190. 10 Cf. Vaugelas 2009: 27 N55. Zygmunt Marzys 192 linguistique d’une élite; mais celle-ci est définie chaque fois différemment. Pour Castiglione, la bona consuetudine est celle d’hommes d’esprit et d’expérience: qualités individuelles plutôt que signes d’appartenance à un milieu social. Varchi insiste davantage sur la culture littéraire: le buono uso est avant tout «quello de’ letterati». Le plus net est Salviati: pour lui, l’uso est la norme de la langue parlée, mais l’uso buono, c’est-à-dire en fait la tradition littéraire, est celui de la langue écrite 11 . Mais si Vaugelas a réellement emprunté la notion de bon usage aux Italiens, il l’a profondément transformée. Reprenons sa définition: le bon usage, c’est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’escrire de la plus saine partie des Autheurs du temps. (Vaugelas 2009: 68) Et il précise: Quand je dis la Cour, j’y comprens les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le Prince reside, qui par la communication qu’elles ont avec les gens de la Cour participent à sa politesse. (ib.) Cette définition dessine à la fois une fronitère géographique et une frontière socioculturelle. La frontière géographique est nette: «la ville où le Prince réside». Il faut rappeler en effet qu’en 1647, le roi Louis XIV - qui n’a que neuf ans - réside en plein Paris, au Palais-Royal, et qu’il ne s’installera définitivement à Versailles qu’en 1682. La frontière socioculturelle est plus floue. D’une part, la notion de «cour» ne se limite pas à l’aristocratie ni à l’entourage immédiat du roi, puisqu’elle comprend «plusieurs personnes de la ville» qui participent à la «politesse» des courtisans; en d’autres termes, tous ceux qui, par leur fortune, leur culture ou leurs fonctions dans l’État, sont en relations avec le milieu aristocratique et aspirent à suivre son mode de vie 12 . Pour parler le langage de l’époque, la cour, au sens large où l’entend Vaugelas, pourrait s’identifier à l’ensemble des «honnêtes gens» de Paris. Quant aux écrivains, ils semblent avoir un rôle subalterne; ce sont en quelque sorte les notaires ou les greffiers du bon usage. Ils ne le fondent pas, ils l’authentifient et lui donnent force de loi: Ce n’est pas pourtant que la Cour ne contribuë incomparablement plus à l’Usage que les Autheurs, ny qu’il y ayt aucune proportion de l’un à l’autre; Car enfin la parole qui se prononce, est la premiere en ordre et en dignité, puis que celle qui est escrite n’est que son image, comme l’autre est l’image de la pensée. Mais le consentement des bons Autheurs est comme le sceau, ou une verification, qui authorise le langage de la Cour, et qui marque le bon Usage, et decide celuy qui est douteux. (ib.) 11 Ib. 20 N13. 12 Cf. Auerbach 2 1965: 4s. «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 193 Nous pouvons en tirer deux conclusions: tout d’abord, la norme du français est fondée sur le code oral des secteurs les plus prestigieux du milieu socioculturellement dominant à prépondérance aristocratique, tel qu’il est mis en œuvre par les plus prestigieux des écrivains contemporains. Ensuite, fait unique dans la constitution de la norme des grandes langues européennes, elle rompt entièrement avec la tradition écrite du passé. Cette conception de la norme linguistique s’oppose plus ou moins nettement à celles sur lesquelles se fondent les tentatives de codification du français antérieures à Vaugelas, tentatives qui d’ailleurs diffèrent les unes des autres. En ne retenant que les principales d’entre elles, et en simplifiant à l’extrême, on peut dire que Tory propose de construire une langue monumentale digne de celles des Anciens, en tenant compte de la langue contemporaine des classes dirigeantes, mais en se référant en même temps à celle du passé, et en remontant même à l’ancien français. Sylvius, persuadé que le français est une corruption du latin, voudrait en reconstituer une forme rétrospective, aussi proche que possible de sa langue mère. Le projet de Du Bellay est de créer une nouvelle langue classique, indépendante des modèles littéraires et linguistiques du passé. Meigret enfin prend pour critère de la codification l’usage contemporain et oral des gens instruits. En d’autres termes, le modèle de Tory est archaïque et littéraire; celui de Sylvius, également archaïque, mais non littéraire; celui de Du Bellay, littéraire mais non archaïque; celui de Meigret, ni archaïque ni littéraire 13 . Meigret serait donc le seul à se rapprocher de Vaugelas, surtout que, comme pour ce dernier, le témoin de l’usage par excellence est pour lui «le courtisan» ou «le bon courtisan», considéré non comme individu, mais comme représentant d’un milieu dont il a intériorisé le comportement. Mais ce milieu n’est pas encore l’instance exclusive de la norme. D’une part, Meigret lui associe les savants, «hommes bien appris en la langue», auxquels Vaugelas n’attribuera qu’un rôle auxiliaire; d’autre part, il ne soumet à ces deux instances que le niveau formel de la langue, laissant les autres niveaux libres 14 . Mais surtout, son modèle ne s’imposera pas: dans la seconde moitié du XVI e siècle, la discussion va continuer. Robert Estienne associe la langue des courtisans à celle des juristes et des fonctionnaires. Ramus récuse les «savants» et voudrait former la norme sur l’usage de l’ensemble de la société parisienne. Henri Estienne, en 1578, rejette l’usage de la cour comme trop italianisé et l’usage en général comme trop variable, et revient à un modèle archaïsant et latinisant de la norme 15 . Vaugelas, en revanche, se fonde exclusivement sur l’usage de la cour et entend réglementer la langue à tous ses niveaux 16 . 13 Cf. Marzys 1996 (= id. 1998: 275-93). 14 Cf. Wunderli 1987: 274-77. 15 Cf. Marzys 1996: 138-39 (= id. 1998: 288-89). 16 «Pour moy j’ay creu jusqu’icy que dans la vie civile, et dans le commerce ordinaire du monde, il n’estoit pas permis aux honnestes gens de parler jamais autrement que dans le bon Usage, ny aux bons Escrivains d’escrire autrement aussi que dans le bon Usage; Je dis en quelque stile qu’ils escrivent, sans mesmes en excepter le bas» (Vaugelas 2009: 84). Zygmunt Marzys 194 Vaugelas diffère de ses prédécesseurs également par le but qu’il assigne à la normalisation du français 17 . Pour les théoriciens du XVI e siècle, ce but était était situé dans l’avenir. La norme du français était à faire: elle devait contribuer à élever ce qui était encore une «langue vulgaire» au statut d’une langue classique comparable au grec et au latin, et susceptible de concurrencer l’italien. Mais entre-temps, ce but a été atteint par d’autres moyens: par l’apparition de grandes œuvres littéraires, celles de Ronsard et de Montaigne en tête, d’une part; et par l’introduction massive du français dans les procédures judiciaires à la suite de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, d’autre part 18 . Ainsi le français est devenu la langue littéraire et administrative par excellence; de telle sorte que Vaugelas proposera de le codifier non pour accroître son prestige, mais parce qu’il sera devenu assez prestigieux pour requérir une codification. Toutefois, cette codification ne se fera ni d’après des modèles littéraires, ni d’après l’usage administratif, mais d’après le «bon usage» de la cour. Il serait trop long de revenir ici sur les circonstances socioculturelles qui ont provoqué ce changement de visée. Toujours est-il qu’au contraire des grammairiens humanistes, Vaugelas situe le but de la normalisation non dans l’avenir, mais dans le présent: la norme du français existe, il s’agit de la codifier et de la diffuser. Ce but est défini par le sous-titre de son ouvrage 19 : Remarques sur la langue françoise, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire. Mais que veut dire «bien parler et bien écrire»? C’est parler et écrire selon le bon usage, c’est-à-dire de telle manière qu’on se fasse accepter par le «public», autrement dit par la société aristocratique, seul public qui compte 20 . Le bon usage est donc «l’imaginaire linguistique» 21 de cette société, l’idéal dans lequel devraient se reconnaître les honnêtes gens et auquel devraient aspirer ceux qui désirent acquérir cette qualité. Cet idéal est bien éloigné du «rêve d’une langue classique» des humanistes 22 . L’inventeur du bon usage, c’est donc Vaugelas. 17 Cf. Marzys 1974a: 317-21 (= id. 1998: 57-61). 18 Sur l’ordonnance de Villers-Cotterêts, cf. en dernier lieu Greub 2009. 19 Que je n’ai pas reproduit dans mon édition, ce dont je fais mon mea culpa. 20 Cf. Vaugelas 2009: 16. 21 «S’il existe un ‘imaginaire linguistique’, cet imaginaire n’est sans doute pas complètement coupé du réel . . . Il est assez peu contestable que toute grammaire se présente, à un degré ou à un autre, comme une description. Mais la valeur de réalité de cette description n’est pas fatalement univoque. On peut imaginer qu’elle comporte des degrés, en plus ou moins grande relation de voisinage avec ce qu’il faut bien, à un moment ou à un autre, essayer d’appeler la réalité de la langue. Le degré le plus éloigné sera ici posé ici comme ‘imaginaire’» (Siouffi 1995: 47-48). 22 Le mot est d’Alexis François: «Le rêve d’une langue classique hante déjà le cerveau des humanistes du XVI e siècle, dont aussi bien est-il un des plus authentiques produits» (François 1936: 91). «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 195 2. La plus saine partie Le milieu porteur de cet idéal, c’est «la plus saine partie de la Cour» et «la plus saine partie des Autheurs du temps». Mais qu’est-ce que «la plus saine partie»? Citons ici le commentaire de Danielle Trudeau: Le mot cour exclut tout d’abord ceux qui n’en sont pas; le substantif partie détermine un sousensemble à l’intérieur de la cour; la notion véhiculée par le qualificatif saine fractionne de nouveau la partie en question, qui se divise ainsi en partie saine et non saine; enfin, le superlatif la plus saine détache encore de la partie «saine» de la cour un groupe qui serait plus «sain» que l’ensemble. Le bon usage est ainsi enfermé au cœur de la cour, comme un trésor auquel on n’accède qu’en se dépouillant successivement de liens compromettants avec le peuple, la province, les individus vulgaires, les pédants et les fats. (Trudeau 1992: 172) Brillante analyse, qui pourtant dépasse sans doute l’intention de Vaugelas: rien ne laisse supposer que la plus saine partie, qui, comme nous allons le voir, correspond au latin sanior pars, donc à un comparatif et non à un superlatif 23 , désigne un groupe détaché de la partie «saine» de la cour. Essayons donc de voir ce que Vaugelas lui-même entend par la plus saine partie. Le seul texte qui comporte des précisions sur ce sujet se trouve dans le manuscrit des Remarques à propos du genre de rencontre: Messieurs les Gascons qui le font tousjours masculin, ont infecté la plus grande partie de la Court de cette erreur, et je l’ay oüy dire ainsi à M. le Cardinal du Perron et à M. Coef[feteau] si bien qu’aujourd’huy des six parts de la Court les quatre font rencontre masculin. Mais tous les bons Escrivains le font tousjours feminin, de sorte qu’estant joints avec ces deux autres parts de la Court qui restent exentes de cette corruption, il n’y a point de doute qu’ilz l’emportent par dessus les autres quatre, et qu’ainsi ilz maintiennent l’usage de le faire feminin. Car c’est une maxime que lors que la plus saine partie de la Court pour petite qu’elle soit, a les bons Escrivains de son costé, elle prevaut tousjours sur le plus grand nombre. (Vaugelas 2009: 142-43) Ce passage est instructif. Tout d’abord, l’emploi des mots infecter et corruption montre qu’une faute de langue est considérée par Vaugelas comme une maladie; par conséquent, d’en être exempt est un signe de santé. Ensuite, la plus saine partie de la cour constitue un tiers de l’ensemble, donc une minorité relativement importante. Enfin, pour que son avis soit pertinent, elle a besoin de l’appui des «bon écrivains». 23 Ainsi que l’a déjà remarqué Dieter Janik: «Die Formel la plus saine partie entpuppt sich also zunächst als Übersetzung des juristischen Fachterminus sanior pars, wobei zu bemerken ist, dass die französische Sprache es nicht erlaubt, den lateinischen Komparativ in entsprechender Weise auszudrücken. Die Formulierung Vaugelas’ wird von einem Franzosen als Superlativ aufgefasst. Dadurch entsteht der Eindruck, bei la plus saine partie de la Cour handele sich um eine sehr kleine, elitäre, tonangebende Gruppe. Der lateinische Ausdruck sanior pars meint jedoch zunächst nur, dass es sich um eine Minderheit, freilich eine herausragende Minderheit, im Verhältnis zu einer Mehrheit handelt» (Janik 1984: 426). Zygmunt Marzys 196 Toutefois, ce texte n’a pas été repris par Vaugelas dans la version imprimée des Remarques. D’une part, sans doute, celui-ci a trouvé incongru de faire un décompte précis; d’autre part et surtout, il n’a pas voulu donner trop d’importance aux écrivains, conformément à toute l’évolution de sa conception de l’usage, où la langue parlée va prendre le pas sur la langue écrite 24 . Parmi les passages du texte imprimé où figure la plus saine partie, et qui, inversement, ne se retrouvent pas dans le manuscrit, aucun n’est aussi explicite. Il est vrai que, dans la Préface, il reste une trace de l’assimilation du «mauvais usage» à une maladie: Ce n’est donc pas une acquisition si aisée à faire que celle de la pureté du langage, puis qu’on n’y sçauroit parvenir que par les trois moyens que j’ay marquez [c.-à-d. «la lecture, la frequentation de la Cour et des gens sçavants en la langue», cf. Vaugelas 2009: 70], et qu’il y en a deux qui demandent plusieurs années pour produire leur effet; Car il ne faut pas s’imaginer que de faire de temps en temps quelque voyage à la Cour, et quelque connoissance avec ceux qui sont consommez dans la langue, puisse suffire à ce dessein. Il faut estre assidu dans la Cour et dans la frequentation de ces sortes de personnes pour se prevaloir de l’un et de l’autre, et il ne faut pas insensiblement se laisser corrompre par la contagion des Provinces en y faisant un trop long sejour. (ib. 71; c’est moi qui souligne) Mais ce qui est plus remarquable, c’est que, dans les six passages de la Préface où revient la plus saine partie, la cour est toujours associée aux écrivains 25 . Il en est de même, une fois, dans le corps de l’ouvrage (ib. 356). Dans quelques autres cas, une seule des deux instances est appelée à juger du bon usage: une fois la Cour en sa plus saine partie, et alors son jugement est décisif 26 ; deux autres fois, la plus saine partie des Escrivains ou la plus saine partie de nos meilleurs Escrivains, et alors leur pratique n’emporte pas contre l’usage, sous-entendu oral, ou ne fait que le confirmer 27 , comme le précise aussi, à chaque fois, la Préface. Mais en tout état de cause, les écrivains pas plus que la cour ne font autorité en corps, mais uniquement dans leur «plus saine partie». Restent deux questions: premièrement, d’où vient l’expression? deuxièmement, qui appartient à «la plus saine partie» de la cour et selon quels critères? À la première de ces questions, Harald Weinrich a répondu en mettant en rapport toute la conception du bon usage avec le droit coutumier: c’est là que Vaugelas aurait notamment emprunté l’expression la plus saine partie, qui désigne en l’occurrence le 24 Cf. Marzys 1975: 136-39 (= id. 1998: 99-102). 25 Cf. Vaugelas 2009: 68, 75, 76, 83, 87, 103. 26 «Je dis mesmes que la Cour en sa plus saine partie ne la peut souffrir [l’expression faire pièce], et qu’entre tous les mots et toutes les phrases qu’elle condamne, celle-cy se peut dire l’objet principal de son aversion» (Vaugelas 2009: 519). 27 «On dira, la meilleure voye que l’on sçauroit prendre desormais, est, et c’est, tous deux sont bons, mais aujourd’huy est, semble estre un peu plus en usage, quoy que la plus saine partie des Escrivains trouve c’est meilleur» (ib. 503). - «M. de Malherbe ne les a jamais confondus [consommer et consumer] . . . et aujourd’huy la plus saine partie de nos meilleurs Escrivains n’a garde de les confondre» (ib. 499). «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 197 groupe de témoins émettant l’avis prépondérant sur une question de coutume 28 . Mais il faut remarquer, comme l’a fait déjà Werner Blochwitz, que dans le droit coutumier il est presque toujours question de «la plus grande et la plus saine partie» 29 . Or pour Vaugelas, il s’agit d’une notion purement qualitative où le nombre ne joue qu’un rôle secondaire. Cette notion serait plus proche de celle de sanior pars connue dans le droit ecclésiastique. Celle-ci a été prise en considération et écartée par Weinrich, sans doute parce qu’elle s’intégrait moins bien dans son système, puis reprise par Dieter Janik 30 . Ainsi la règle monastique de saint Benoît précise que l’abbé doit être choisi d’un commun accord par toute la communauté ou par «une partie de la communauté, quoique la moins nombreuse, pourvu que son jugement soit plus sage» 31 . Le dernier mot appartenait à l’évêque diocésain. De là est née la règle de la sanior pars, opposée à la maior pars. Elle a joué un rôle important au cours du Haut Moyen Âge, non seulement dans l’élection des abbés, mais aussi dans celle des évêques et du pape. Mais, devant les difficultés d’application, en particulier dans le cas du pape, où aucune instance supérieure ne pouvait trancher en faveur d’une sanior pars, celle-ci, à partir du XII e siècle, a été progressivement identifiée à la maior pars, pour être finalement absorbée par elle 32 . Pourtant, la règle de saint Benoît est toujours le texte constitutif de la majorité des monastères d’Occident. Il serait intéressant de voir si le principe de la sanior pars y avait encore quelque application au XVII e siècle, et si Vaugelas, ou ceux qui ont employé l’expression avant lui, ont pu s’en inspirer; mais cela dépasserait le cadre de ce travail. Il est vrai qu’en 1674 encore, Bouhours reprendra la notion de la plus saine partie avec allusion aux royaumes électifs; mais il ne l’applique en fait qu’aux questions de langue, et peut-être ne cherche-t-il qu’une justification a posteriori d’un emprunt à Vaugelas: De mesme que dans les Royaumes électifs, l’élection d’un Prince n’est point legitime, si les Estats assemblez ne le choisissent d’un commun accord; dans les Langues une diction nouvelle n’est point autorisée, si toute la société, ou du moins la plus saine partie de la société ne se déclare en sa faveur. (Bouhours 1674: 48-49) Donc, dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons rien dire de certain quant à l’origine de l’expression chez Vaugelas. Venons-en à notre seconde question: qui appartient à la plus saine partie de la cour et des écrivains, et selon quels critères? 28 Cf. Weinrich 1989: 206s. 29 Cf. Blochwitz 1968: 129 N137. 30 Cf. Weinrich 1989: 208-09; Janik 1984: 427-28. 31 «In abbatis ordinatione illa semper consideretur ratio, ut hic constituatur quem sive omnis concors congregatio secundum timorem Dei, sive etiam pars quamvis parva congregationis saniore consilio elegerit» (Schmitz 1975: 185). 32 Cf. Ganzer 2000: 6-13. - L’auteur ne s’occupe pas de la pratique monastique. Zygmunt Marzys 198 Voyons d’abord les attestatins de la plus saine partie avant Vaugelas. Frantext n’en produit que trois pour le XVI e siècle: Jamais homme ne fut plus marry, d’estre ainsi copié au despourveu: Et encores d’une vieille. Et si c’eust esté un Roy comme on dit que c’estoit, je croy qu’il eust faict mauvais party à la vieille damnée. Mais la plus saine partie croid qu’il n’estoit pas Roy. (Des Périers 1980: 123) Il mourust, le Mercredi sixiesme jour du mois de may ensuivant, au grand regret de tous les gens de bien et de la plus saine partie de la Noblesse de France. (L’Estoile 1992s./ 3: 29) Les vertueux et les doctes Poëtes ne cessent de celebrer les loüanges et des Dieux et des personnes vertueuses: et . . . la meilleure et plus saine partie des hommes, les louë incessamment. (Tyard 1587: 59) Dans tous ces exemples, la plus saine partie désigne une élite. Mais si, dans le premier, c’est plutôt une élite intellectuelle: «les plus instruits, les mieux informés», le sens moral de l’expression prévaut dans les deux autres, surtout dans le dernier, où la plus saine est associé à la meilleure. En revanche, le sens intellectuel prend nettement le dessus dans l’exemple suivant, qui de plus se rapporte à la langue: La prolation consiste en la langue de tout un peuple: entre lequel, non la plus saine partie, mais la plus grande, domine. Car les gens doctes qui sont en petit nombre, et le plus souvent séparés du vulgaire, pour leurs études ou autres affaires sérieux: ne sauraient faire à tout leur bon sens, que la multitude d’artisans, de femmes et d’enfants, qui sont toujours en place, pour les menus et infinis négoces qu’ils traitent ensemble, ne parlent à leur mode. (Peletier du Mans 1555: 123; graphie modernisée par Z. M.; ponctuation originale) Qu’en est-il dans la première moitié du XVII e siècle? L’expression oscille également entre le sens intellectuel et le sens moral: On trouva meilleur de prendre tout le plat pays, afin d’avoir des vivres pour le long siege qu’on prevoyoit devoir estre celuy de cette grande ville . . . particulierement pour la personne du roy Policandre, qui s’y estoit voulu renfermer, contre l’opinion de la plus saine partie de son conseil. (Urfé 1925s./ 4: 601) Ceux donc qui veulent aspirer à la conqueste des cœurs, et gaigner la bonne volonté de la meilleure et plus saine partie des hommes, doivent acquerir premierement ce tresor inestimable [la vertu], qui de tout temps a esté jugé le vray bien des Sages. (Faret 1925: 23) Mais l’exemple le plus intéressant est celui de Balzac, datant de 1624 et isolé dans toute son œuvre: Puis que vous vous estes declaré en ma faveur, aussy bien que celuy que la France envie aujourd’huy à l’Italie [le cardinal de La Valette], et que vous emportez apres vous la plus saine partie de la Cour, je laisse volontiers errer tous les autres avecque les Turcs et les Infidelles, qui font le plus grand nombre des hommes. (Balzac 1933s./ 1: 179) «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 199 C’est le seul exemple de la plus saine partie de la cour que cite Frantext avant Vaugelas. Mais quelles sont les personnes qui la composent? On peut penser que ce sont les plus raisonnables. Mais la lettre s’adresse à Richelieu: ce sont donc surtout ceux qui pensent comme le Cardinal. Ainsi la boucle est bouclée. De cette revue, nous ne pouvons conclure que deux choses: premièrement que, dans l’usage du XVI e et de la première moitié du XVII e siècle, la plus saine partie désigne une élite, et habituellement une minorité; deuxièmement, qu’il peut s’agir aussi bien d’une élite morale que d’une élite intellectuelle. Balzac est le seul chez qui la plus saine partie de la cour correspond plutôt à une élite sociale ou même politique: c’est celle qui a fait le bon choix en suivant Richelieu. C’est aussi une élite sociale que vise Vaugelas. Mais quelle élite? Ici encore, les réponses ont été diverses. Alexis François pensait que Vaugelas savait fort bien ce qu’il entendait par là: à l’exclusion de la foule confuse et mêlée des courtisans, une véritable élite, non seulement de nom, mais de fait, sur laquelle il était impossible de se méprendre. (François 1959/ 1: 268) En revanche, Larry Hillman prétend que Vaugelas lui-même s’arrogeait le droit d’en décider: When usage is in doubt, Vaugelas resolves it on the basis of the ‘sanest’ part of the court, this apparently being the part which corresponds to his own opinion. (Hillman 1972: 190) Pourtant, ce serait en contradiction avec l’attitude de «témoin» et non de législateur que prend Vaugelas dès le début de son livre. Mais Dieter Janik exprime une opinion semblable, bien qu’avec plus de nuances; il pense que Vaugelas formulait des recommandations après enquête, mais selon ses propres critères, de telle sorte que «la plus saine partie de la cour» ne comprenait pas nécessairement les mêmes personnes dans chaque cas: Freilich ging es im Falle der Bewertung des bon Usage nicht um ein Wahl- oder Schiedsverfahren im herkömmlichen Sinne, da nicht die Gesamtheit des Hofes sich jeweils konkret zu einzelnen Streitfragen des bon Usage äusserte und dann eine Gewichtung der Stellungnahmen vorgenommen worden wäre. Vielmehr übernahm Vaugelas die Doppelrolle eines sondierenden Schiedsrichters, indem er sich bei vielen Einzelnen nach ihrer Sprachauffassung erkundigte, hernach jedoch nach eigenen Kriterien eine abschliessende Empfehlung formulierte. In diesem Sinne muss «la plus saine partie» auch nicht bedeuten, dass es immer dieselben waren, die in jedem Fall als einheitliche Gruppe bestimmenden Einfluss auf die Urteilsbildung Vaugelas’ gewannen. (Janik 1984: 428) Quant à Alain Berrendonner, il s’érige en «maître du soupçon»: ne tenant aucun compte des précisions de Vaugelas sur ses enquêtes, ses lectures et ses consultations des «gens savants en la langue», il lui dénie la qualité de témoin et l’accuse de juger «par son seul parler» de «la parole d’autrui». Dans ces conditions, le problème de «la plus saine partie» perd tout son intérêt, puisque le grammairien pro- Zygmunt Marzys 200 noncerait ses jugements sans en référer à aucune instance externe, «le détour par l’élite» n’étant là «que pour donner plus de poids aux préférences idiolectales du linguiste» 33 . C’est oublier le conditionnement socioculturel de Vaugelas: son livre ne pouvait avoir de succès que s’il exprimait non pas ses propres opinions, mais celles du «public», c’est-à-dire de la société aristocratique. C’est finalement Harald Weinrich qui doit être le plus proche de la vérité lorsqu’il estime que Vaugelas laisse intentionnellement sans réponse la question de savoir qui appartient à «la plus saine partie» de la cour et des écrivains, et qu’ainsi il fait place dans son système au «je ne sais quoi» ou au «bon goût» 34 : Ces qualités, et bien d’autres, se retrouvent dans la remarque sur le mot galant, dont voici le passage essentiel: On demande ce que c’est qu’un homme galant, ou une femme galante . . . qui fait et qui dit les choses d’un air galant, et d’une façon galante. J’ay veu autrefois agiter cette question parmy des gens de la Cour, et des plus galans de l’un et de l’autre sexe qui avoient bien de la peine à le definir. Les uns soustenoient que c’est ce je ne sçay quoy, qui differe peu de la bonne grace; les autres que ce n’estoit pas assez du je ne sçay quoy, ny de la bonne grace, qui sont des choses purement naturelles, mais qu’il falloit que l’un et l’autre fust accompagné d’un certain air, qu’on prend à la Cour, et qui ne s’acquiert qu’à force de hanter les Grands et les Dames. D’autres disoient que ces choses exterieures ne suffisoient pas, et que ce mot de galant, avoit bien une plus grande estenduë, dans laquelle il embrassoit plusieurs qualitez ensemble, qu’en un mot c’estoit un composé où il entroit du je ne sçay quoy, ou de la bonne grace, de l’air de la Cour, de l’esprit, du jugement, de la civilité, de la courtoisie et de la gayeté, le tout sans contrainte, sans affectation, et sans vice. Avec tout cela il y a dequoy faire un honneste homme à la mode de la Cour. Ce sentiment fut suivy comme le plus approchant de la verité, mais on ne laissoit pas de dire que cette definition estoit encore imparfaite, et qu’il y avoit quelque chose de plus dans la signification de ce mot, qu’on ne pouvoit exprimer; car pour ce qui est par exemple de s’habiller galamment, de danser galamment, et de faire toutes ces autres choses qui consistent plus aux dons du corps qu’en ceux de l’esprit, il est aisé d’en donner une definition; Mais quand on passe du corps à l’esprit, et que dans la conversation des Grands et des Dames, et dans la maniere de traiter et de vivre à la Cour, on s’y est acquis le nom de galant, il n’est pas si aisé à definir; car cela presuppose beaucoup d’excellentes qualitez qu’on auroit bien de la peine à nommer toutes, et dont une seule venant à manquer suffiroit à faire qu’il ne seroit plus galant. (Vaugelas 2009: 734-35) On peut penser que «la plus saine partie de la cour» se compose précisément de galants hommes et de galantes femmes, qui réunissent un ensemble de qualités avant tout sociales, mais difficiles à définir plus précisément. Ce sont celles qui leur 33 «On soupçonne . . . que le détour par l’élite n’est là que pour donner plus de poids aux préférences idiolectales du linguiste, mais qu’en définitive, c’est bel et bien par rapport à son seul parler qu’est située et évaluée la parole d’autrui. L’élite n’est qu’un masque de plus pour le locuteur-grammairien, sa caution d’instance évaluatrice. Mais sa maxime est en réalité: ‹Le bon Usage, c’est mon usage›» (Berrendonner 1982: 60). 34 «Il semble . . . que Vaugelas soit resté volontairement imprécis . . . aussi précise que soit par ailleurs sa réflexion sur la langue. C’est à dessein qu’il ne dit pas quelles personnes font partie de la plus saine partie de la Cour et des écrivains. Son système laisse ici une place pour ce ‹je ne sais quoi› qu’on appelle aussi au XVII e siècle le ‹bon goût›» (Weinrich 1989: 211). «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 201 permettent, en toute situation, de trouver l’attitude et les mots justes, c’est-à-dire acceptables pour les autres. Or il y a une personne qui incarne toutes ces qualités: la marquise de Rambouillet. C’est la seule que Vaugelas nomme, par allusion il est vrai, parmi les gens de cour, et qu’il autorise à former des mots: On a fait un mot en nostre langue depuis peu, qui est debrutaliser, pour dire oster la brutalité, ou faire qu’un homme brutal ne le soit plus, qui est heureusement inventé, et je ne sçaurois croire qu’estant connu, il ne soit receu avec applaudissement. Au moins tous ceux à qui je l’ay dit, luy donnent leur voix, et pas un jusqu’icy ne l’a condamné pour sa nouveauté, comme on fait d’ordinaire tous les autres. Aussi a-t-il esté fait par une personne, qui a droit de faire des mots, et d’imposer des noms, s’il est vray ce que les Philosophes enseignent, qu’il n’appartient qu’aux sages d’eminente sagesse d’avoir ce privilege. (ib. 753-54) On ne risquera donc pas beaucoup en disant que c’est en premier lieu dans le milieu de la marquise qu’il faut chercher «la plus saine partie de la cour», même si ce ne sont pas nécessairement les personnes qui assistent tous les matins au lever du roi. Et «la plus saine partie des écrivains»? Vaugelas en nomme plusieurs: parmi les défunts, Du Perron et Coëffeteau 35 ; parmi les vivants, Chapelain, Voiture, Balzac, peut-être aussi Godeau, Habert, Gombauld, cités avec éloges dans la remarque sur l’«Arrangement des mots» (ib. 741), encore que Godeau soit critiqué à d’autres endroits 36 . Tous ces écrivains, quelles que soient leurs différences, ont un caractère commun: ils suivent de près les goûts et les dégoûts des courtisans, ou plutôt de «la plus saine partie de la cour», ce qui est le gage de leur succès et, du même coup, la source de leur autorité. Donc leur accord est postulé a posteriori: leur rôle se limite à ratifier, éventuellement à préciser le bon usage. Conclusion Ainsi le bon usage, tel que le conçoit Vaugelas, est le sociolecte d’un milieu très restreint, milieu autant culturel que social, ayant en commun un code de vie, de comportement et de langage difficile à définir avec précision, et où pourtant les initiés se reconnaissent sans difficulté. Beaucoup aspirent à acquérir ce code, et peu sont acceptés: qu’il suffise de rappeler les déboires de Jourdain et de Pourceaugnac, ou de ce gentilhomme qui, s’embrouillant devant Julie de Rambouillet, a fini par s’écrier: «De par tous les diables! on ne sçait comment parler céans» 37 . Peu à peu, les mœurs changeront, mais le code linguistique élaboré par «la plus saine partie de la cour» finira par s’étendre, colporté d’abord par «la plus saine par- 35 Il nomme aussi très souvent Malherbe, mais c’est surtout pour le critiquer: cf. Marzys 2000. 36 Cf. Vaugelas 2009: 577 N3. 37 Cf. Tallemant 1960s./ 1: 467. Zygmunt Marzys 202 tie des écrivains», puis par la société bourgeoise et enfin par l’école obligatoire avec l’aide des grammairiens. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Cela demanderait, bien entendu, une autre étude. Mais en abrégeant au maximum, on peut dire qu’il en reste avant tout, chez les locuteurs francophones, une attitude normative beaucoup plus affirmée que chez ceux des autres grandes langues européennes 38 . Cette attitude se traduit essentiellement par trois idées: 1. Que la norme du français se fonde sur l’usage d’une élite; ou, pour reprendre une formule qu’avait utilisée naguère Maurice Grevisse, sur «le consentement des bons écrivains et des gens qui ont souci de bien s’exprimer» 39 . Il est vrai qu’aujourd’hui nous ne savons plus très bien qui sont «les bons écrivains», si l’on entend par là ceux qui se soumettent au discours normatif des grammairiens et des lexicographes; et du temps de Grevisse déjà, un Robert-Louis Wagner exemptait la littérature du «pouvoir des censeurs» 40 . Mais il existe toujours des «gens qui ont souci de bien s’exprimer», et que le Trésor de la langue française, en définissant le public auquel il s’adresse, décrit ainsi dans sa Préface sous le nom de «l’homme cultivé moderne»: Ce type d’homme cultivé s’incarne dans ce que naguère on nommait les élites, mais qu’on préfère aujourd’hui appeler les cadres supérieurs ou moyens de la société, c’est-à-dire les éléments moteurs des principaux secteurs de la vie moderne, entourés de leurs coéquipiers associés, sans en exclure, en les privilégiant même quelque peu, ni les écrivants et écrivains de toute espèce qui tiennent la plume de notre culture, ni les enseignants de tous degrés qui la mettent en forme didactique en vue de la translation des études à des masses de plus en plus étendues. (TLF, Préface: XVIII) 2. Que cette norme fait partie de la culture, celle-ci étant conçue à la fois comme un savoir, un savoir-vivre et l’enracinement dans une tradition. Citons encore R.-L. Wagner: La grammaire normative n’est pas une invention des grammairiens. S’il existe des grammairiens pour enseigner aux enfants et pour rappeler aux adultes les règles d’un parler correct et celles du style, c’est parce que dans une société évoluée la connaissance de ces règles et le fait de s’y soumettre font partie d’une institution. Ce ne sont pas les marques d’une vaine supériorité ni les privilèges exclusifs d’une caste. La discipine que réclame l’apprentissage des règles d’usage concorde dans son résultat avec celles de la morale civique et de l’éducation physique. L’individu doit apprendre à dominer l’emploi de sa langue maternelle, à nuancer son expression, à l’adapter aux circonstances donc à en varier le ton, comme il s’exerce à se servir 38 Cf. Marzys 1974b: 11 (= id. 1998: 82). 39 Cf. Grevisse 1961: 6. 40 «Parle-t-on de littérature? Je désigne par ce mot galvaudé - mais quel autre choisir? - un système d’expression où la langue, au terme d’une opération à jamais mystérieuse, confère puissance, existence surréelle à tous les contenus qu’elle informe. Alors les censeurs n’ont aucun pouvoir sur elle quand elle se fait. A peine sont-ils bons à disserter sur elle quand elle est faite» (Wagner 1968s./ 2: 168; le texte en question reproduit un article paru dans le Mercure de France en 1964). «Le bon usage» et «la plus saine partie» dans les Remarques de Vaugelas 203 librement, élégamment de son corps ou à se comporter comme il faut avec ses semblables. (Wagner 1968s./ 1: 51; cf. ib. 2: 169) 3. Que cette norme évolue: ici, par-dessus la pétrification classique et scolaire du XVIII e et du XIX e siècle, nous renouons avec Vaugelas, qui admettait le changement. Il est vrai que cette dernière idée suscitait encore naguère une forte résistance 41 , qui semble pourtant faiblir aujourd’hui; Anna Bochnakowa, qui a étudié les feuilletons parus dans Le Figaro de 1996 à 2000 sous le titre «Le bon français», caractérise ainsi leurs auteurs: Leur attitude par rapport au français actuel n’est pas, malgré quelques propos violents, celle des combattants pour la défense de la langue. L’attachement au français hérité, appris à l’école d’autrefois et une certaine réticence par rapport à l’innovation, qu’elle vienne de l’évolution interne ou de l’emprunt, reste nettement perceptible. Nous n’avons pourtant pas le sentiment d’être soumis à une tyrannie du purisme. (Bochnakowa 2005: 103) Ainsi le bon usage, apparemment battu en brèche aujourd’hui par la montée du français «relâché» comme des variétés populaires, professionnelles et régionales, subsiste pourtant dans ses aspects fondamentaux, bien qu’il n’y ait plus de cour à Paris ni à Versailles et que les écrivains n’enregistrent ni, à plus forte raison, ne dictent plus la norme. Il subsiste dans la tête des francophones sinon toujours dans leurs pratiques langagières. Car il existe toujours des «honnêtes gens», même si on les appelle d’un autre nom: or toute personne qui aspire à cette qualité, c’est-à-dire à un minimum de culture, prend soin de s’exprimer en «bon français». Neuchâtel Zygmunt Marzys Bibliographie Auerbach, E. 2 1965: Das französische Publikum des 17. Jahrhunderts, München Balzac, J.-L. Guez de 1933s.: Les Premières lettres. 1624-1627, ed. H. Bibas/ K. T. Butler, 2 vol., Paris Bar, F. 1960: Le Genre burlesque en France au XVII e siècle. 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Zygmunt Marzys 204 Bray, R. 1 1946: Anthologie de la poésie précieuse. De Thibaut de Champagne à Giraudoux, Paris Bray, R. 1 1948: La Préciosité et les précieux. De Thibaut de Champagne à Jean Giraudoux, Paris Bronckart, J.-P. 1988: «Normes, langues et école. Présentation», in: Schoeni, G./ Bronckart, J.-P./ Perrenoud, Ph. (ed.), La Langue française est-elle gouvernable? Normes et activités langagières, Neuchâtel/ Paris: 7-22 Brunot, F. 1905s.: Histoire de la langue française, Paris Calvin, J. 1957s.: Institution de la religion chrestienne, ed. J.-D. Benoît, 5 vol., Paris [ 2 1560] Deimier, P. de 1610: L’Académie de l’art poétique, Paris Des Périers, B. 1980: Nouvelles récréations et joyeux devis, ed. K. Kasprzyk, Paris [ 1 1558] Du Bellay, J. 1974: L’Olive, ed. E. Caldarini, Genève [ 1 1549] Faret, N. 1925: L’Honnête homme ou l’art de plaire à la cour, ed. M. Magendie, Paris [ 1 1636] François, A. 1936: «D’une préfiguration de la langue classique», in: Mélanges offerts à M. 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