Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniMarc Baratin/Bernard Colombat/Louis Holtz, Priscien, transmission et refondation de la grammaire. De l’Antiquité aux Modernes, Turnhout (Brepols) 2009, xix + 770 p. (Studia artistarum 21)
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René Létourneau
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Besprechungen - Comptes rendus Philologie et linguistique générales - Allgemeine Philologie und Sprachwissenschaft Marc Baratin/ Bernard Colombat/ Louis Holtz, Priscien, transmission et refondation de la grammaire. De l’Antiquité aux Modernes, Turnhout (Brepols) 2009, xix + 770 p. (Studia artistarum 21) Les langues romanes doivent beaucoup, dans les réflexions grammaticales et linguistiques qui les ont codifiées et structurées, aux efforts d’un savant africain, Priscien de Césarée (V e et VI e siècles apr. J.-C.) qui a vécu durant l’une des plus importantes périodes de transition historique, à la croisée de l’Antiquité et du Moyen Âge. Il aurait, semble t-il, fui sa Mauritanie natale alors sous le joug des Vandales pour se réfugier dans l’orientale cité de Constantin où, au tournant du VI e siècle, il se mit à enseigner la grammaire latine à la noblesse grecque (Constantinople est le centre névralgique d’un empire dont la langue romaine se maintient à la cour et dans le reste de la vie officielle). Son œuvre majeure, les Institutions grammaticales (désormais IG), une énorme somme grammaticale (une Ars au sens antique du terme) servant d’outil de référence aux magistri, introduit pour la première fois dans le monde latin la notion de syntaxe empruntée aux Hellènes et opère un impressionnant syncrétisme des traditions grammaticales grecque et latine. Priscien mise sur l’autorité absolue de son modèle,Apollonius Dyscole (II e siècle apr. J.-C.) qu’il traduit et adapte tout en respectant scrupuleusement le modèle artigraphique romain habituel. Partant de la voix (uox), il traite en effet ensuite de la lettre, de la syllabe, puis du mot (dictio) et de l’énoncé (oratio). L’essentiel de son Ars est ainsi consacré à la morphologie (le mot et les parties du discours), dans une moindre mesure à la syntaxe (livres xvii et xviii) et finalement à la phonétique. Leur profondeur théorique, leur allure de complétude près de l’autosuffisance de même que leur proximité sémantique avec la logique aristotélicienne et la philosophie en général allaient assurer aux IG un succès que l’on ne saurait démentir que ce soit à la cour de Charlemagne, dans les écoles parisiennes de dialectique du XII e siècle, dans toutes les universités médiévales où l’on enseignait la discipline grammaticale, chez les grammairiens des Renaissances italienne et française et même dans bon nombre d’articles de l’Encyclopédie des Lumières. Paradoxalement, Priscien, l’autorité sur laquelle reposent la plupart des réflexions linguistiques européennes depuis la fin du Haut Moyen Âge, restait jusqu’à tout récemment méconnu et ses IG seulement disponibles par l’intermédiaire de la vétuste et désuète édition de Martin Hertz, publiée au milieu du XIX e siècle, dans la collection des Grammatici latini. Soucieux d’établir le plus exhaustivement possible l’état des recherches entourant le grammairien de Constantinople, de nombreux chercheurs se sont donc rassemblés à Lyon, du 10 au 14 octobre 2006, dans le cadre d’un colloque international: ce sont les actes de ce colloque qui constituent l’essentiel du volume paru en 2009 chez Brepols: Priscien, transmission et refondation de la grammaire. D’un point de vue méthodologique, l’équipe d’éditeurs a choisi de disposer la quarantaine d’articles en conformité avec le déroulement du dit colloque, lequel suivait grosso modo une logique chronologique. On compte au total six chapitres, à savoir: - 1) La position historique de Priscien (1); - 2) La transmission des œuvres: problèmes codicologiques/ éditions/ histoire du texte (35); - 3) L’Ars Prisciani, alias les Institutions grammaticales: sources et ruptures (83); - 4) L’Ars Prisciani, alias les Institutions grammaticales: le contenu (247); - 5) Les scripta minora; le Ps.-Priscien (De accentibus) (393); - 6) La réception (427). Le volume contient en outre ici et là des contributions additionnelles qui n’ont pas été exposées à Lyon, mais qui paraissaient essentielles au bene esse de l’état de la question priscianienne. Au premier chapitre, G. Ballaira confronte le De Laude Anastasii Imperatoris, un panégyrique écrit par Priscien et adressé à l’empereur Anastase (v. 430-518), aux sources historiques de l’époque actuellement connues et éclaire ainsi les événements relatés par le grammairien tout au long de son éloge, produit évident de propagande politique commandé par le souverain lui-même. Au niveau historique toujours, suit la contribution de G. Bonnet qui propose d’analyser divers éléments de nature géographique présents dans les IG et qui seraient révélateurs à la fois de l’origine mauritanienne de Priscien et des aspirations géographiques universelles de l’Empire byzantin naissant, vestige du monde romain. À ce modeste premier chapitre historique succèdent cinq contributions liées, elles, à des problématiques matérielles, essentiellement codicologiques. L. Holtz retrace les différentes étapes de la diffusion de l’œuvre grammaticale priscianienne de l’Antiquité tardive à la Renaissance, tandis qu’A. Ahlqvist expose le cas de deux poèmes vieil-irlandais contenus en marge des IG dans le fameux codex 909 de Saint-Gall. O. Szerwiniack s’intéresse, dans un ordre d’idées similaire, à la réception de Priscien par les Irlandais et les Anglo-Saxons du Haut Moyen Âge et réaffirme à ce sujet le rôle de précurseur joué par le ministre carolingien Alcuin sur le continent et remet en cause par ailleurs la place de Bède le Vénérable dans ce même processus. Ce deuxième chapitre se conclut par un texte d’E. Antonets, de l’Université de Saint-Pétersbourg, qui traite brièvement et de manière quasi télégraphique des sept différentes sources manuscrites contenant des œuvres de Priscien se trouvant en terre russe, cinq à Saint-Pétersbourg et deux à Moscou. La troisième portion du volume, consacrée aux sources et aux inspirations de Priscien, situe le grammairien de Constantinople dans une riche tradition grammaticale, philosophique et littéraire gréco-romaine. Tout d’abord, S. Ebbesen évalue la présence platonicienne, aristotélicienne, et celle d’autres écoles philosophiques antiques dans les IG et apportera le constat de l’omniprésence stoïcienne par l’entremise du modèle apollonien. A. Luhtala, qui avait déjà écrit sur le sujet (Grammar and Philosophy in the Late Antiquity. A Study of Priscian’s Sources, Amsterdam/ Philadelphia 2005), rappelle, elle aussi, l’influence majeure de l’œuvre d’Apollonius Dyscole sur Priscien, mais nuance les propos d’Ebbesen en identifiant certains éléments aristotéliciens présents chez le grammairien latin, notamment les catégories du Stagirite. A. Garcea traite, quant à lui, de l’origine et des répercussions chez Priscien de la méthode grammaticale tardo-antique qui consistait à considérer les parties du discours comme des substances et leurs prédiqués comme des accidents. Toujours dans le domaine de la philosophie, le texte de M. Baratin met l’accent sur l’évidente et étonnante maîtrise de Priscien des sources stoïciennes qui lui étaient accessibles; l’auteur apporte pour preuve sa reconstruction du classement stoïcien des prédicats censée corriger les vues d’Apollonius. Deux articles traitent ensuite du modèle apollonien et de ses limites dans une perspective cette fois plus linéaire: J. Lallot étudie d’une part le travail de traducteur de Priscien (qui, rappelons-le, traduisait et adaptait Apollonius) et de Planude, un grammairien grec (1255-v. 1305) qui avait traduit Priscien en grec sans connaître Apollonius, en plaçant sur fond synoptique des extraits pertinents des trois textes. Son constat général est celui de la grande fiabilité des anciens traducteurs latins et grecs. D’autre part, A. U. Schmidhauser montre les libertés prises par le savant de Constantinople vis-àvis de son modèle dans le traitement qu’il fait du pronom. Le chapitre de Priscien sur les 233 Besprechungen - Comptes rendus pronoms dans les IG constituerait en effet plutôt un réagencement du traité Les pronoms d’Apollonius qu’une simple traduction; un souci pédagogique aurait justifié des changements significatifs pour se rapprocher davantage de la tradition artigraphique proprement latine. L’imposant chapitre trois prend fin avec cinq textes définissant la place de Priscien dans la tradition grammaticale de l’Antiquité tardive. En premier lieu, V. Lamanto rappelle l’influence incomparable de l’érudit romain Varron en grammaire et en linguistique antiques par l’entremise du traitement que lui réserve notre grammairien: les Saturæ Menippeæ et le De Lingua latina sont les œuvres du premier qui sont le plus fréquemment citées chez le second. De son côté, F. Bertini prouve de manière irrévocable que Priscien avait à sa disposition le traité grammatical encyclopédique De compendiosa doctrina de Nonius Marcellus le Numide (début V e siècle) pour la rédaction des IG. Cette filière «nonienne» est ensuite approfondie par M. Keller qui, dans une approche comparative, oppose le chapitre du maître byzantin sur les adverbes à celui de Nonius Marcellus: l’auteur montre que Nonius est bien la principale source (et non la seule) du texte priscianien, dans une importante réorganisation paradigmatique réglée chez Priscien en fonction de la priorité de l’usus sur la ratio. Si l’exposé de M. Keller se fonde sur des certitudes, celui de L. Cristante met au jour toutes les difficultés d’une recherche des sources pour une œuvre aussi complexe que les IG. À la recherche des points de convergence entre les De nuptiis Philologiae et Mercurii de Martianus Capella (V e siècle) et les IG, il évoque les renvois chez le couple d’auteurs à Pline l’Ancien (surtout à son traité disparu Dubius sermo) par l’intermédiaire de l’artigraphe Caper. Seule contribution de langue anglaise dans notre ouvrage, l’article de R. Maltby passe en revue l’ensemble des étymologies données par Priscien dans son Ars. La pédagogie qu’il préconisait - son public était hellénophone - le forçait à insister sur l’origine grecque de la langue latine et à aborder la relation qui unissait celles-ci diachroniquement. Le quatrième chapitre des actes du colloque lyonnais s’éloigne des sources et des influences de Priscien pour s’intéresser davantage au contenu de ses IG. La première des huit contributions de ce champ d’étude est celle du philologue italien M. De Nonno. Elle constitue à la fois un juste plaidoyer typologique pour l’appellation «Ars» en remplacement du terme «Institutio», habituellement réservé à des traités pour débutants (ce qui est loin d’être le cas des IG) et un essai de reconstruction partielle de la méthode de rédaction du savant byzantin. L’impact doctrinal de ce dernier en linguistique se mesure notamment par son approche particulière de la phonétique. À la suite du texte de De Nonno, F. Biville détermine en ce sens les paradigmes fondamentaux de la phonétique chez Priscien, prenant d’emblée toutes les précautions chronologiques nécessaires (la phonétique est une science à proprement parler depuis le XIX e siècle seulement). C. Conduché, de son côté, analyse la structure du chapitre De syllaba et précise la rupture que représentent les définitions de la syllabe par rapport à la tradition artigraphique latine; la source principale de Priscien serait ici le De orthographia de Hérodien. De la phonétique «syllabique», nous passons subséquemment à des considérations syntaxiques: G. Calboli porte effectivement à l’attention du lecteur le traitement priscianien des constructions modales au subjonctif. La principale difficulté présentée par la lecture de Priscien relative aux modes latins serait, comme c’est d’ailleurs souvent le cas chez lui, sa trop grande propension à expliquer la langue latine par la seule langue grecque. Plus près de la morphologie que de la syntaxe, vient ensuite le texte de P. Flobert qui, après avoir présenté succinctement le chapitre des IG sur la voix, suggère d’attribuer à Priscien le mérite d’avoir été le premier à distinguer uox et significatio (diathèse) dans son étude des modes verbaux. Les trois articles qui terminent cet autre imposant chapitre (environ deux cents pages) traitent eux aussi de morphologie et se rapportent à des parties génériques du discours en particulier: le pronom, la conjonction et l’interjection. Respectivement, P. Swiggers et A. Wouters suivent la progression logique des 234 Besprechungen - Comptes rendus species du pronom dans l’œuvre de Priscien et exposent pour chaque cas les innovations du grammairien; le philosophe anglais J. Barnes examine les différentes propositions formant la définition de la conjonction (laquelle, en logicien averti, il appelle «connecteur») en regard de la tradition grammaticale ultérieure, tandis que pour terminer, M. Pugliarello opère la genèse antique et du concept d’affectus, de fait fondamental dans la definitio interiectionis, et des quatre catégories d’affects présents chez Priscien (gaudium, dolor, timor, admiratio), à propos de l’interjection (une partie du discours pour les Latins, mais pas pour les Grecs). Le schéma quadripartite adopté trouverait - sans surprise - ses origines dans la philosophie stoïcienne. Le cinquième et avant-dernier chapitre est l’occasion de discussions autour de deux autres textes associés au corpus priscianien (faussement dans le cas du De accentibus): les Praexercitamina, un manuel d’exercices rhétoriques, et le pseudépigraphe De accentibus. M. Martinho confronte le texte de Priscien à son modèle grec, les Progymnasta du Pseudo-Hermogène, avec l’intention avouée de corriger les leçons manuscrites des deux œuvres et d’identifier tant que faire se peut les sources rhétoriques employées par le grammairien. Court traité de prosodie qui allait connaître un destin non négligeable (on le compte notamment longtemps parmi les textes obligatoires à la Faculté des arts de Paris), le De accentibus est en effet contenu dans au moins cent vingt-quatre manuscrits; M. Passalacqua et C. Giammona répertorient ceux-ci, font le bilan des connaissances autour de cet opuscule méconnu et situent de façon convaincante sa rédaction dans l’Espagne wisigothique du VII e siècle. La réception des IG au fil des siècles prend diverses formes. Prisées des penseurs carolingiens en tant que précieux complément à l’Ars Donati, le traité grammatical latin alors canonique, rédigé par le Romain Donat (IV e siècle), précepteur de Jérôme, elles serviront amplement la cause des débats philosophiques de nature grammaticale et plus globalement langagière tout au long du Bas Moyen Âge et jusqu’aux Lumières. Le sixième et dernier chapitre de notre volume, agencé chronologiquement, reflète la complexité et les nombreux visages de la réception de Priscien au fil du temps. L’étude des gloses manuscrites, c’est bien connu, apporte un éclairage inespéré sur le processus de réception des textes médiévaux. Dans le cadre de ses études doctorales, F. Cinato a établi cinq corpus (d’autres restent selon lui vraisemblablement à découvrir) de gloses carolingiennes aux IG. Son exposé traite des perspectives méthodologiques liées au traitement des gloses, souvent elles-mêmes le résultat d’une tradition parallèle. A. Grondeux s’intéresse également à la place occupée par Priscien dans l’obscur univers grammatical du Haut Moyen Âge: sous un angle plus philosophique, elle prouve que la lecture de Consentius (début V e siècle) et de Priscien a permis aux grammairiens de ce temps d’éclairer la doctrine visiblement erronée de Donat relative aux réalités corporelles à nom propre. L’Adbreuiatio artis grammaticae, un manuel didactique condensé se voulant une synthèse de la discipline grammaticale, accorde à Priscien une importance capitale. Présenté dans ses grandes lignes par L. Munzi, cet ouvrage aussi d’époque carolingienne et composé par l’évêque-grammairien italien Orso de Bénévent (IX e siècle) paraphrase en fait une bonne portion des IG tout en s’appuyant sur l’ensemble de la tradition (c’est-à-dire Donat et ses commentateurs). Sa vocation est avant tout religieuse: l’étude approfondie du latin servant de porte de salut. Écrite entre 850 et 854, la longue lettre (quatre-vingt-dix pages manuscrites) du moine Ermenrich d’Ellwagen à Grimald, abbé de St-Gall, contenue par ailleurs dans un seul manuscrit presque contemporain de l’auteur, consacre un exposé à l’art grammatical fondé sur l’autorité de Priscien et de Godescalc d’Orbais, à propos plus précisément du rapport phonétique sensus/ accentus. La lettre en question fut l’objet de la conférence de M. Goullet. Les dernières années de la dynastie carolingienne sont difficiles. L’instabilité politique s’avère loin d’être propice à la spéculation grammaticale. Il faut attendre la deuxième moitié du XI e siècle, à l’époque où la dialectique reprend résolument vie et à laquelle correspond un important essor urbain, 235 Besprechungen - Comptes rendus avant que ne soient reprises les réflexions grammaticales spéculatives. La philosophe-médiéviste I. Rosier-Catach réitère ainsi l’importance de Priscien dans la philosophie langagière (sermocinalis) typique des écoles de dialectique de ce temps, par exemple chez Guillaume de Champeaux et Pierre Abélard. Divers passages chez lui, dont ceux qu’il consacre au nom, ont exercé un impact certain sur la fameuse querelle des universaux, opposant réalistes et nominalistes. Issu de l’école de Thierry de Chartres, le grammairien Pierre Hélie (v. 1100-v. 1166) publie autour de 1150 la Summa super Priscianum, un substantiel commentaire aux IG qui allait connaître une longue postérité et devenir même l’une des premières étapes majeures dans la réception des œuvres du grammairien de Constantinople. J. Brumberg-Chaumont propose une réflexion sur la notion de substance (substantia) chez Priscien, notion qu’elle tente d’éclaircir dans ses différentes acceptions principalement en vis-à-vis du texte de Pierre Hélie. Il y a impasse: l’élève de Thierry de Chartres n’arrive finalement pas à déterminer un sens homogène de la substantia chez Priscien quoiqu’il ait su les placer sur deux niveaux distincts, à savoir un niveau métaphysique et un autre grammatical. Quand naissent les premières universités au début du XIII e siècle, l’autorité de Priscien est en voie de se substituer unanimement à celle de Donat. Dans sa contribution, L. Basset traite de l’influence pratiquement exclusive des IG dans la grammaire grecque du philosophe franciscain Roger Bacon (1214-94). Bacon, comme les autres auteurs scolastiques, n’hésite toutefois pas à rejeter ou modifier au besoin certaines thèses du savant byzantin. C’est d’ailleurs également le cas de Jean Balbi (ou Jean de Gênes, mort en 1298), auteur du Catholicon, un traité grammatical rédigé à la fin du XIII e siècle, qui remanie la théorie priscianienne relative aux espèces (species) du nom. À nouveau dans une approche comparative et ciblant à travers les IG les définitions pertinentes et utiles à son propos, C. Codoñer expose donc les différents rapports existants entre l’étude du nom chez Priscien et chez Jean Balbi. C’est à E. Marguin-Hamon que revient de clore le volet médiéval de ce sixième chapitre: elle recense les caractéristiques propres à chacune des deux périodes de rédaction des manuels grammaticaux latins versifiés (incluses dans la fourchette chronologique 1200-34) et remarque un accroissement fort révélateur du statut autoritaire priscianien d’une période à l’autre. À la Renaissance et à l’âge classique, la découverte (ou redécouverte) d’œuvres grammaticales antiques et médiévales ne bouleverse que très peu de choses dans l’ordre «autoritaire» établi de cette science. Même s’il ne le nomme qu’une seule fois, Jean-César Scaliger utilise abondamment Priscien dans l’élaboration de ses théories sur les origines de la langue latine (il ne cite effectivement que très rarement ses sources). Il est incisif, aime la controverse, s’attachant à confronter les autorités pour faire jaillir la vérité. P. Lardet évalue la teneur de la présence de Priscien parmi ce groupe composé des grandes figures antiques évoquées implicitement ou explicitement par Scaliger. Les grammaires vernaculaires en langue française des XVI e et XVII e siècles ont subi elles aussi une influence similaire. J.-M. Fournier et V. Raby accordent aux IG un statut de référence, voire d’autorité dans la normalisation des articles français et la terminologie nominale adoptée entre autres par Meigret (1510-58). Enfin, B. Colombat s’intéresse aux soixantequatorze occurrences du nom «Priscien» et de ses dérivés dans l’Encyclopédie. Parfois contesté ou remis en cause par Beauzée, le jugement du savant byzantin est cependant habituellement positif suivant Du Marsais. Le fait qu’il ait vécu à une époque où le latin est toujours une langue vivante, son statut de «fondateur de la syntaxe», l’admirable syncrétisme de ses IG, au confluent de deux grandes traditions grammaticales intimement liées (traditions grecque et latine) impressionnent encore les penseurs du xviii e siècle. La conclusion du volume fut confiée à P. De Paolis (de l’Université de Cassino), membre d’un groupe de recherche italien récemment mis sur pieds afin d’établir un catalogue complet des manuscrits grammaticaux latins copiés avant le début du XI e siècle. Il s’agit concrètement ici pour De Paolis de résumer le travail accompli par ce même groupe et de 236 Besprechungen - Comptes rendus présenter les objectifs, les défis (les problèmes de typologie, par exemple) et les étapes d’une telle initiative. À la date de la publication de notre ouvrage, six cent quarante-trois manuscrits avaient été répertoriés et deux cent cinquante d’entre eux soumis à une numérisation. Marc Baratin, Bernard Colombat et Louis Holtz souhaitaient en publiant ce volume «faire le point sur l’état des recherches [sur Priscien] . . . et . . . ouvrir de nouvelles perspectives» (xiv): l’objectif est bien suffisamment atteint. L’un pourrait certes reprocher aux éditeurs le style peu homogène de l’entreprise, leur manque d’appétit pour les textes-sources en annexes (lacune compensée par une bibliographie substantielle et des indices pertinents), puelques défauts d’uniformisation au niveau de la mise en pages, l’absence de conclusion générale récapitulative, etc. Mais quiconque côtoie un jour ou l’autre des sources grammaticales antiques et médiévales et est le moindrement familier avec les sciences du langage médiévales saluera cet ouvrage comme l’une des premières portes ouvertes sur le fondamental et incontournable univers priscianien. La diversité des nations représentées au colloque de Lyon sur Priscien témoignerait à elle seule de l’étendue de son prestige. L’Italie privilégie le «Priscien philologique», alors que la France cherche à discerner toujours un peu mieux le rôle complexe joué par les Institutions grammaticales dans les débats philosophiques du Bas Moyen Âge. Des chercheurs d’autres pays s’y attardent aussi, sans doute pleinement conscients du caractère universel de la réflexion linguistique offerte par Priscien de Césarée. René Létourneau ★ Francisco Rodríguez Adrados, Geschichte der Sprachen Europas. Aus dem Spanischen übersetzt von Hansbert Bertsch, Innsbruck (Innsbrucker Beiträge zur Sprachwissenschaft) 2009, 392 p. In seiner Geschichte der Sprachen Europas, die im Original 2008 beim Verlag Editorial Gredos in Madrid 1 erschienen ist, gibt Francisco Rodríguez Adrados einen Überblick über die sprachliche Entwicklung in Europa von der vorchristlichen Zeit bis heute. Er beginnt mit der Ankunft der Indogermanen um das Jahr 5000 v. Chr. Zur selben Zeit gelangten auch benachbarte und vielleicht mit dem Indogermanischen verwandte Sprachen uralischer und finnougrischer Völker nach Europa. Vielleicht kam um dieselbe Zeit auch das Baskische. Von all diesen Sprachen hat das Indogermanische in Europa die Hauptrolle gespielt. Von ihm stammen die Mehrheit der Sprachen Europas und vor allem auch die Sprachen, die sich dann über Europa hinaus verbreiteten, nämlich das Portugiesische, das Spanische, das Französische, das Englische und das Russische, ab. Die Einwanderung des Indogermanischen muss man sich als eine Abfolge von Wellen, die zuerst von der Ebene zwischen der Wolga und dem Dnjestr nach Westen und dann nach Süden vorstießen, vorstellen. Rodríguez Adrados unterscheidet zwischen verschiedenen, zeitlich aufeinanderfolgende Arten von Indogermanisch: das präflexionale IG I, das monothematische IG II, das IG III, das Deklinationen und Konjugationen mit verschiedenen Stämmen bildete, und schließlich das IG IV, zu dem die heute in Europa gesprochenen Sprachen gehören. Das IG I und das IG II sind in Europa nicht direkt präsent. Beim IG III unterscheidet der Autor dann zwei Stämme, das IG IIIA und das IG IIIB. Das IG IIIA stieß südlich der Karpaten nach Europa vor und bildete die Grundlage des Griechischen. Das IG IIIB stieß nördlich der Karpaten zuerst Richtung Westen und dann nach Süden vor, und von ihm stammen alle übrigen indogermanischen Sprachen in Europa ab. 237 Besprechungen - Comptes rendus 1 Francisco Rodríguez Adrados, Historia de las lenguas de Europa, Madrid (Gredos) 2008.
