eJournals Vox Romanica 69/1

Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2010
691 Kristol De Stefani

Marion Vuagnoux-Uhlig, Le couple en herbe. Galeran de Bretagne et L’Escoufle à la lumière du roman idyllique médiéval, Genève (Droz) 2009, 480 p. (Publications romanes et françaises 245)

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2010
Aurélie  Reusser-Elzingre
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ment - 11045 Lendemain imprimer L’endemain - 11266-71 ponctuation alternative: 11266 remplacer le point au milieu du vers par une virgule et faire débuter une nouvelle phrase avec La roïne au vers suivant. Le point après 11271 est, lui, à coup sûr nuisible, car la roïne est le sujet de semont - 11377 ne s’aseüre ne signifie pas «not feel secure», mais «ne pas s’attarder» - 11405 ne vi chevalier / Si tenist si chiere sa parole on attendrait Ki tenist . . . - 11406 majuscule à nicole, il s’agit de la ville de Lincoln - 11615 déplacer la virgule, l’incise est ce m’en dit - 11697 le legier hons est ici un «homme agile», non pas un «thin man» - 11942-43 dans cette énumération de chevaliers, après Uriens et li rois Arés, il y a un problème: li quans du pere Gerflet «the count of Gifflet’s father». Tout s’arrange si on imprime li quans Du, pere Gerflet. Girflet étant en effet toujours nommé filz Do dans la tradition - 12043-45 ponctuation: la nouvelle phrase commence 12044 Puis k’a cort . . ., car 12045 ne peut pas démarrer sur l’inversion Perdi il - 12131 Caradues imprimer Caradués - 12138 les routes boines et bieles de la Dame du Lac ne sont probablement pas ses «roads» mais ses «compagnies». Malgré les efforts de l’éditeur, dont la traduction a le mérite de rendre transparents les choix interprétatifs, le texte réserve quelques passages qui résistent, si bien que mon sentiment n’est pas bien éloigné de celui de Foerster, qui écrivait au terme de son introduction «Der Text selbst ist sehr nachlässig überliefert und [es] bleibt immer noch eine Zahl von Verderbnissen zurück, für die ich keine sichere Heilung wusste» (lxiii) 1 . Le premier pas vers la sortie de l’impasse sera une étude de la langue du scribe un peu plus poussée. Richard Trachsler ★ Marion Vuagnoux-Uhlig, Le couple en herbe. Galeran de Bretagne et L’Escoufle à la lumière du roman idyllique médiéval, Genève (Droz) 2009, 480 p. (Publications romanes et françaises 245) Cet ouvrage est issu d’une thèse en littérature médiévale, soutenue en juin 2007 à l’Université de Genève, et dont l’auteure a reçu le prix Hélène et Victor Barbour 2008. Perspective remise au jour, la notion d’idyllique médiéval avait perdu de son charisme auprès des critiques romanistes après les années 1930, au profit d’un autre point de vue: le réalisme médiéval, que R. Lejeune théorise en 1978 1 . Celle-ci donne un statut littéraire à la représentation du réel, en proposant un corpus de neuf romans qui lui semblaient correspondre à ce thème (et qui comprend les deux ouvrages analysés ici). La critique actuelle a tendance à prendre du recul sur cette notion de réalisme, qui dénote une volonté unique de reproduire la vie réelle sans tenir compte de la création littéraire et du prix du symbole au Moyen Âge. M. Vuagnoux-Uhlig se situe dans la mouvance de M. Zink, qui expose que la richesse fictionnelle, le jeu sur les formes littéraires et l’organisation sociale du roman ne reflètent pas la société réelle mais illustrent le fonctionnement de la littérature 2 . 300 Besprechungen - Comptes rendus 1 Je traduis: «Le texte a été transmis par un scribe négligent, et il reste un certain nombre de passages corrompus que je ne sais pas amender de façon certaine». 1 «Il ne s’agit donc plus d’étudier une littérature qui sacrifie à l’imitation de la réalité, mais bien d’observer l’installation du vraisemblable, sinon du réel, dans le choix de la matière», R. Lejeune, «Jean Renart et le roman réaliste au XIIIe siècle», GRLMA 4/ 1 (1978): 401. 2 M. Zink, «Une mutation de la conscience littéraire: le langage romanesque à travers des exemples français du XII e siècle», CCM 24 (1982): 3-27. L’auteure a choisi de traiter le thème des enfances amoureuses à travers deux romans du début du XIII e siècle, Galeran de Bretagne de Renaut et L’Escoufle de Jean Renart. Elle en propose une lecture idyllique, en remettant en question leur classement dans la catégorie des romans réalistes. Elle cherche à rétablir la valeur narrative per se de ces textes, à montrer que ces romans sont des œuvres abouties sur le plan littéraire et pas du tout vraisemblables (par exemple en ce qui concerne la dame indépendante financièrement, complètement irréaliste selon l’historien G. Duby (21) sur qui l’auteure se repose à cet égard 3 ). Le motif idyllique, proposé par Lot-Borodine en 1913 4 , est une mouvance littéraire qui met en scène les amours contrariées de deux enfants, élevés ensemble, séparés à l’adolescence par leur origine sociale (la famille éloigne celui d’origine moindre ou inconnue pour pouvoir donner en mariage celui de haute naissance à quelqu’un de son rang) et qui font tout pour se retrouver et légaliser leur union. D’après M. Vuagnoux-Uhlig, c’est un «modèle d’amour chaste et égalitaire orienté vers des fins matrimoniales, qui n’est pas le modèle de l’amour courtois» (237). Le modèle idyllique le plus connu de la littérature française reste Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre, qui date de 1787. L’auteure propose de situer les deux romans qu’elle analyse à l’intérieur de la production idyllique, en présentant deux nouveaux axes de lecture: une structure bipartite (histoire du couple parental suivi de l’histoire du couple héroïque) et le conflit qui oppose les deux générations. De plus, des enfants que tout oppose (rang et/ ou religion) ainsi que leur proximité sororale créent une tension, dont la résolution tend vers un idéal: la concorde des deux générations et l’équilibre retrouvé du jeune couple à la fin de l’histoire. M. Vuagnoux- Uhlig se propose d’aborder dans sa thèse de nouvelles perspectives en recourant aux instruments fournis par l’analyse du cadre familial et des rapports sociaux de sexe: anthropologie de la parenté et Études Genre (gender studies). Elle aborde des motifs comme la vie des parents déterminant la destinée des enfants, l’importance surprenante accordée aux personnages féminins: l’audace des héroïnes, la détermination maternelle hors du commun et le lien particulier mère-fille, peu courant en littérature et peu analysé par les critiques (c’est en général la relation père-fils qui fait l’objet d’études).Actuellement un engouement naissant pour le thème de l’idylle enfantine au Moyen Âge voit le jour sous l’impulsion de J.-J. Vincensini et C. Galderisi 5 . L’auteure choisit de commencer son analyse littéraire par l’intertextualité, avec des romans qui ont influencé ces deux œuvres. Par la filiation tout d’abord. En effet, la première histoire médiévale de ce genre, qui a influencé toutes les suivantes, ce sont les deux versions de Floire et Blancheflor (l’une dite «cléricale», le Conte, et l’autre dite «martiale», le Roman). M. Vuagnoux-Uhlig met en avant la valeur auctoriale de la parole maternelle (les mères sont les instigatrices du conte qu’elles engendrent vs leurs enfants, les héros du conte) ainsi que l’éducation intellectuelle idéale des deux enfants, qui fait grandir leur amour (par exemple ils utilisent le latin comme langage secret dans leurs lettres). «L’érudition devient le préalable à l’éclosion d’une forme d’amour capable de transcender la différence» (70). Elle met en avant l’importance de l’héroïne (en général, même des femmes indépendantes se soumettent à la loi culturelle de leur époux à la fin de l’histoire, quand les amoureux se marient), avec le renversement du topos de la bonne païenne qui se convertit: dans ce texte, c’est le bon sarrasin qui devient chrétien par amour. Cela bouleverse la répartition des fonctions sociales au sein du couple: la dame est l’instigatrice d’un monde meilleur, du bon dénouement de l’histoire. 301 Besprechungen - Comptes rendus 3 P. Ariès pour le thème de l’enfance (77). 4 M. Lot-Borodine, Le roman idyllique au Moyen Âge, Paris 1913. 5 J.-J. Vincensini/ C. Galderisi (dir.), Le récit idyllique: aux sources du roman moderne, Paris 2009. Par la suite, nous assistons à une comparaison des motifs idylliques avec les légendes de Piramus, Le Lai de Narcisse (contes hérités d’Ovide) et Tristan. Les héroïnes autonomes, voyageuses aventureuses et itinérantes, y disposent d’une mobilité qui n’a rien à envier aux chevaliers errants. Ces personnages sont apparemment indissociables de la mère influente et ambiguë: c’est elle qui pousse la destinée amoureuse des héros (par exemple c’est la mère d’Iseult qui élabore le philtre destiné aux nouveaux époux, engendrant ainsi toute l’histoire). Ces trois légendes sont le versant sombre du thème idyllique, puisque ce sont les seules dans lesquelles les amants finissent par se suicider (le programme matrimonial est ainsi contrarié). La reproduction d’une héroïne indépendante (Tysbé dans Piramus) serait spécifique à Galeran de Bretagne et à l’Escoufle après ce texte ovidien. La similitude des jeunes gens (même âge, même beauté, même éducation) pousse à l’évidence de leurs amours dites «amours gémellaires». Ainsi, la répartition symétrique des rôles entre Tristan et Iseult ressemble beaucoup à la gémellité amoureuse. M. Vuagnoux-Uhlig aborde ensuite des œuvres contemporaines des deux romans choisis, défendues comme idylliques: Aucassin et Nicolette, Floris et Lyriopé et Guillaume de Palerne. Dans une deuxième partie, M. Vuagnoux-Uhlig analyse en détail Galeran de Bretagne de Renaut (l’histoire de Fresne et de Galeran), en se focalisant sur l’héroïsme au féminin. En effet pour elle, l’intérêt porté à une féminité active et téméraire renouvelle le scénario idyllique. L’auteure se propose de redonner ses lettres de noblesse à un roman peu compris par la critique actuelle et qui a eu peu de succès à l’époque médiévale (il n’a jamais été imité). Ce texte, d’abord rangé dans les romans dits réalistes, serait à classer dans les romans idylliques. La richesse de l’intertextualité et des références regorgent de thèmes spécifiques à l’idylle et ce roman «assume une véritable réflexion sur l’écriture idyllique» (191): allusion aux amours de Floire et Blanchefleur brodées sur un drap, âge identique des enfants, leur ressemblance physique, l’importance de l’éducation, la succession de deux histoires (le couple des parents puis le couple des enfants), le conflit familial, la gémellité des sœurs Fresne et Florie. Un grand chapitre sur la mère de Fresne, Gente, suit cette première approche. La parole diffamatoire de la mère engendre l’action: jalouse de sa voisine qui a eu des jumeaux, elle colporte des médisances sur son compte. Enceinte elle-même de deux filles par la suite, elle est obligée d’exposer une de ses enfants pour éviter le déshonneur (restitutio famae publique 6 ). La mère sacrifie sa fille à sa réputation. L’auteure tisse une analyse très riche du passage sur «la mère amère» (193): la relation mère criminelle - enfant exposée, relation par le lait maternel et par le drap tissé par la châtelaine pour l’enfant (que celle-ci revêt par la suite en robe afin de se faire reconnaître), devient le symbole du projet romanesque. «Les écrivains du Moyen Âge font figure de grands couturiers de la littérature. À la faveur d’une telle analogie, le drap remanié par Fresne devient l’image même du travail poétique. Derrière l’héroïne, qui modifie l’ouvrage de Gente - ou œuvre-mère -, on distingue le profil du poète, déconstruisant la source bretonne [le Lai du Freisne de Marie de France] pour enrichir son roman» (257). Par ce travail de critique littéraire, M. Vuagnoux-Uhlig réussit à illustrer par l’exemple, en faisant l’analyse littéraire de deux passages (la mère qui abandonne son enfant et la scène de reconnaissance entre la mère et la fille, qui a donné lieu à deux articles publiés 7 ), sa théorie du message littéraire et symbolique/ imaginaire contre la théorie du cadre réaliste et de l’illusion référentielle. 302 Besprechungen - Comptes rendus 6 C. Casagrande/ S. Vecchio, Les Péchés de la langue. Discipline et éthique de la parole dans la culture médiévale, Paris 1991: 239-52. 7 M. Uhlig, «Pour ce que cuers ne puet mentir: le personnage maternel dans Galeran de Bretagne de Renaut», in: K. Busby/ C. Kleinhenz (ed.), Courtly Arts and the Art of Courtliness. Selected Papers from the Eleventh Triennal Congress of the International Courtly Literature Society, Uni- En abordant le thème de la démesure, la langue des femmes et des médisants qui court comme un cheval vs les preux chevaliers qui maîtrisent leur monture, elle démontre que «tissage et chevalerie revêtent dans l’espace du texte des fonctions complémentaires; c’est de leur combinaison que naît le roman. Mais lorsqu’il déplace la métaphore de la création poétique des arts du combat à l’œuvre brodée, Renaut paraît cependant trancher en faveur du savoir-faire féminin» (259). Renaut réécrit le roman familial, en le transformant en intrigue lancée et résolue par les dames. «On verra une preuve supplémentaire que la démarche de Galeran de Bretagne n’a rien de vraisemblable ou de réaliste, mais qu’elle participe d’une réflexion sur la littérature» (270-271). M. Vuagnoux-Uhlig propose même, par un jeu de sous-titre provocateur, de renommer cette œuvre Le Roman de Fresne, car la place que prend l’héroïne est plus grande que celle du héros. L’auteure se garde de parler de Renaut comme d’un féministe avant-coureur: celui-ci veut explorer de nouvelles perspectives littéraires en changeant le rôle habituellement donné aux personnages. D’après M. Vuagnoux-Uhlig, c’est l’originalité de ce roman et sa non conformation à la convention romanesque qui lui a valu un accueil peu gratifiant à l’époque de son écriture. À notre avis, c’est le chapitre le plus réussi de l’ouvrage. Dans une troisième partie, l’auteure aborde L’Escoufle de Jean Renart (l’histoire de Guillaume et Aelis). Son programme: restituer l’uniformité et la cohérence du texte par les personnages féminins (les deux parties du roman familial: la mère puis la fille) mis à mal par les critiques qui le jugeaient trivial et trop morcelé en épisodes différents les uns des autres. La représentation licencieuse des échanges amoureux participe en fait d’un projet matrimonial novateur. Par diverses explications de textes, notamment l’histoire des parents, la filiation mère-fille qui induit la suite de l’histoire et la répartition différente de l’espace traditionnel (la jeune fille n’est pas figée à un endroit ou déplacée malgré elle à attendre passivement son héros, elle pérégrine aussi) et un tableau intéressant des rapports de genre (valeurs différentes de la quête masculine et de la quête féminine, qui se complètent: l’itinéraire de la jeune fille est plus riche mais c’est le jeune homme qui la sauve), on en arrive à la conclusion suivante: «l’équivalence absolue des déplacements et leur dépendance réciproque renouvellent la conception du couple et repensent la logique du roman matrimonial et a fortiori idyllique. C’est dans la démarche concordante, l’équivalence des destins de l’héroïne et du héros - et non pas dans la domination de l’un ou de l’autre - que réside la vertu» (423). D’après M. Vuagnoux-Uhlig, on assiste avec Jean Renart au renouvellement de la pensée féodale: le programme nuptial qui accepte la différence mais repose sur l’équité, un propos moral qui concilie amour égalitaire et intérêts de la parenté et de la collectivité. Ainsi le poète voit loin dans les champs narratifs en marge de l’image traditionnelle. En conclusion, M. Vuagnoux-Uhlig pousse à considérer ces textes comme des récits idylliques, par l’hypotexte de Floire et Blancheflor. Fondés sur une structure bipartite (le cadre familial et l’histoire sentimentale), on retrouve une unité, une cohérence à «des schémas narratifs longtemps considérés comme hétérogènes» (425). Par les adaptations d’Ovide et la légende de Tristan et Iseult, on retrouve la filiation du modèle féminin actif et du couple égalitaire. Les deux textes choisis sont des illustrations exemplaires du schéma de l’idylle qui se termine harmonieusement (ils concilient amour et intérêt de lignage). Elle termine 303 Besprechungen - Comptes rendus versity of Wisconsin-Madison, 29 July-4 August 2004, Woodbridge 2006: 709-20 et M. Uhlig, «La mère, adversaire ou auxiliaire de l’idylle? Les figures maternelles dans quelques récits idylliques français des XII e et XIII e siècles» in: A. Paravicini Bagliani (ed.), La Madre = The Mother, Micrologus: natura, scienze e società medievali = nature, sciences and medieval societies, Firenze 2009: 255-80. sur les descendants de ces textes, fin XIII e -XV e siècle, comme Paris et Vienne, Eledus et Serene, Jehan et Blonde et Pierre de Provence et la belle Maguelonne. Le travail d’intertextualité et de recherche de filiation d’œuvres et de thèmes permet d’approcher des textes encore peu lus actuellement. L’articulation du livre se forme autour du schéma rhétorique traditionnel en trois parties, avec une recherche poétique et féconde en matière de titres et de sous-titres en forme de citations poétiques qui se lient aux textes analysés et aux noms des personnages (par exemple un jeu se forme autour du champ lexical des fleurs pour Floire et Blancheflor: L’amour en fleur, Fleurs d’ente, fille-fleur, le fruit des enfants-fleurs). Une bibliographie thématique et un index rerum et nominum, ainsi qu’une grande richesse en matière de références complètent cet excellent ouvrage. Nous émettons néanmoins des réserves sur l’approche unilatéralement négative de la notion de réalisme (on aurait pu aller plus loin dans cette approche et proposer quelque chose de nouveau). Nous avons l’impression que M. Vuagnoux-Uhlig a une vision du réalisme très figée. En effet, elle essaie à tout prix de détacher ces textes du courant réaliste mais cette notion n’est-elle pas du tout compatible avec un projet littéraire? Le réalisme est-il seulement une notion de vraisemblance? Au final, nous recommandons chaleureusement cet ouvrage clair et très bien écrit, car il donne du plaisir à la lecture et facilite une première approche du thème idyllique médiéval. Aurélie Reusser-Elzingre ★ Nathalie Koble, Les Prophéties de Merlin en prose. Le roman arthurien en éclats, Paris (Champion) 2009, 590 p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge 92) L’étude que Nathalie Koble consacre aux Prophéties de Merlin du pseudo-Richard d’Irlande, ainsi certainement que la prochaine édition critique du texte annoncée par l’auteure, permettront de rendre justice à une œuvre - parmi les derniers avatars du roman arthurien en prose de la fin du XIII e siècle - souvent mésestimée: à la suite de Charles-Victor Langlois, la critique considère que les «Prophesies de Merlin confinent à l’illisibilité» (35) alors que, pour Paul Zumthor, elles se résument à un «invraisemblable capharnaüm» 1 . Si le texte est effectivement déroutant par l’entrelacement apparemment lâche de prophéties merliniennes et de péripéties arthuriennes qu’il offre au lecteur, l’analyse en trois mouvements à laquelle N. Koble le soumet met au jour la subtilité de son organisation interne, la résonance des Prophéties dans le corpus arthurien et - n’en doutons pas - inaugurera un plaisir renouvelé à la lecture d’un texte encore peu pratiqué. N. Koble débute son étude (35-90) en mettant en évidence la répartition de la matière textuelle des Prophéties en deux régimes. Le premier d’entre eux (le «côté d’Arthur») prend la forme d’une «constellation romanesque» (49) de séquences narratives (tournoi de Sorelois, quêtes de Perceval, guerre contre les Saxons, etc.). Le second (le «côté de Merlin») rassemble les prophéties de l’architecte du monde arthurien émises, avant et après son «entombement» par la Dame du Lac, à l’adresse de deux scribes successifs, Antoine et le Sage Clerc. Ces deux régimes, présents dans des proportions très variables selon les différents éléments de la tradition manuscrite, sont liés par des formules d’entrelacement qui permettent, selon N. Koble, de subsumer «le discours sous l’autorité du récit» (44) et d’asseoir l’identité romanesque des Prophéties. 304 Besprechungen - Comptes rendus 1 P. Zumthor, Merlin le Prophète, un thème de la littérature polémique, de l’historiographie et des romans, Genève 1943: 261.