Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniNathalie Koble, Les Prophéties de Merlin en prose. Le roman arthurien en éclats, Paris (Champion) 2009, 590 p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge 92)
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Philippe Simon
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sur les descendants de ces textes, fin XIII e -XV e siècle, comme Paris et Vienne, Eledus et Serene, Jehan et Blonde et Pierre de Provence et la belle Maguelonne. Le travail d’intertextualité et de recherche de filiation d’œuvres et de thèmes permet d’approcher des textes encore peu lus actuellement. L’articulation du livre se forme autour du schéma rhétorique traditionnel en trois parties, avec une recherche poétique et féconde en matière de titres et de sous-titres en forme de citations poétiques qui se lient aux textes analysés et aux noms des personnages (par exemple un jeu se forme autour du champ lexical des fleurs pour Floire et Blancheflor: L’amour en fleur, Fleurs d’ente, fille-fleur, le fruit des enfants-fleurs). Une bibliographie thématique et un index rerum et nominum, ainsi qu’une grande richesse en matière de références complètent cet excellent ouvrage. Nous émettons néanmoins des réserves sur l’approche unilatéralement négative de la notion de réalisme (on aurait pu aller plus loin dans cette approche et proposer quelque chose de nouveau). Nous avons l’impression que M. Vuagnoux-Uhlig a une vision du réalisme très figée. En effet, elle essaie à tout prix de détacher ces textes du courant réaliste mais cette notion n’est-elle pas du tout compatible avec un projet littéraire? Le réalisme est-il seulement une notion de vraisemblance? Au final, nous recommandons chaleureusement cet ouvrage clair et très bien écrit, car il donne du plaisir à la lecture et facilite une première approche du thème idyllique médiéval. Aurélie Reusser-Elzingre ★ Nathalie Koble, Les Prophéties de Merlin en prose. Le roman arthurien en éclats, Paris (Champion) 2009, 590 p. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge 92) L’étude que Nathalie Koble consacre aux Prophéties de Merlin du pseudo-Richard d’Irlande, ainsi certainement que la prochaine édition critique du texte annoncée par l’auteure, permettront de rendre justice à une œuvre - parmi les derniers avatars du roman arthurien en prose de la fin du XIII e siècle - souvent mésestimée: à la suite de Charles-Victor Langlois, la critique considère que les «Prophesies de Merlin confinent à l’illisibilité» (35) alors que, pour Paul Zumthor, elles se résument à un «invraisemblable capharnaüm» 1 . Si le texte est effectivement déroutant par l’entrelacement apparemment lâche de prophéties merliniennes et de péripéties arthuriennes qu’il offre au lecteur, l’analyse en trois mouvements à laquelle N. Koble le soumet met au jour la subtilité de son organisation interne, la résonance des Prophéties dans le corpus arthurien et - n’en doutons pas - inaugurera un plaisir renouvelé à la lecture d’un texte encore peu pratiqué. N. Koble débute son étude (35-90) en mettant en évidence la répartition de la matière textuelle des Prophéties en deux régimes. Le premier d’entre eux (le «côté d’Arthur») prend la forme d’une «constellation romanesque» (49) de séquences narratives (tournoi de Sorelois, quêtes de Perceval, guerre contre les Saxons, etc.). Le second (le «côté de Merlin») rassemble les prophéties de l’architecte du monde arthurien émises, avant et après son «entombement» par la Dame du Lac, à l’adresse de deux scribes successifs, Antoine et le Sage Clerc. Ces deux régimes, présents dans des proportions très variables selon les différents éléments de la tradition manuscrite, sont liés par des formules d’entrelacement qui permettent, selon N. Koble, de subsumer «le discours sous l’autorité du récit» (44) et d’asseoir l’identité romanesque des Prophéties. 304 Besprechungen - Comptes rendus 1 P. Zumthor, Merlin le Prophète, un thème de la littérature polémique, de l’historiographie et des romans, Genève 1943: 261. Toujours dans la première partie de son analyse, N. Koble livre un deuxième chapitre (91- 151) dans lequel elle fournit une très convaincante étude comparative des différents manuscrits et fragments par lesquels les Prophéties sont actuellement accessibles. Parmi ceuxci, l’auteur place en position de suprématie le codex Bodmer 116 (deux mains du Nord de la France, fin XIII e siècle), conservé à la Fondation Bodmer, à Cologny, qui «domine la tradition manuscrite non seulement par son volume et son achèvement, mais également pour la qualité de sa copie» (103). De fait, le Bodmer 116 présente la particularité, au contraire de plusieurs de ses concurrents, de préserver l’équilibre entre les deux pôles - merlinien et arthurien - des Prophéties (alors que d’autres, tel le ms. 593 de la Bibliothèque municipale de Rennes, copié en 1303 par le compilateur Robin Boutemont, évacuent les faits d’Arthur au profit de la seule parole de Merlin). L’analyse des conséquences de cette suprématie, l’étude des réagencements de la matière textuelle observés dans les manuscrits, ainsi qu’un travail sur les modalités d’inscription des Prophéties dans les compilations permettent à l’auteur de conclure à «une réception majoritairement romanesque» (150) du texte. En clôture de la première partie de son livre, N. Koble propose un troisième chapitre (153-215) qui s’intéresse au système narratologique choisi par les Prophéties. Ici, le pseudo- Richard d’Irlande reprend et infléchit la tradition inaugurée par le pseudo-Richard de Boron pour le Merlin en prose: «le prophète confie ses paroles à un clerc chargé de les transcrire dans la solitude de son cabinet» (157). Le tour d’illusionniste consistant à inviter le lecteur dans la chambre d’écriture pour assister aux échanges de l’enchanteur et de son scribe se double dans le cas des Prophéties d’une étourdissante multiplication des vecteurs de la parole merlinienne: la mort de Merlin inaugure en effet un type nouveau, différé, de transmission au scriptorium de la parole prophétique, qui se voit maintenant relayée par une multitude de personnages, tel un jeune homme qui apporte à Antoine une prophétie cachée dans un buisson, ou Méliadus, chevalier et amant de la Dame du Lac, qui chevauche jusqu’au tombeau de Merlin pour recueillir la voix d’outre-tombe du prophète. L’exposé de la diffraction de la parole merlinienne, et celui de l’intérêt de cette fragmentation même en termes de «virtualités poétiques» (212), constitue sans nul doute l’un des hauts faits de la démonstration d’ensemble. Pour la deuxième partie de son étude, N. Koble s’attache à différents aspects de réécriture de la tradition arthurienne dont témoignent les Prophéties: «le roman épouse des temps, des lieux et des pratiques d’écriture tracés par les romans antérieurs, mais soumis à de multiples variations qui en renouvellent les effets» (219). Ainsi le chapitre IV de l’ouvrage (221-70) s’ouvre-t-il sur l’analyse d’effets de mémoire intertextuelle: lieux investis déjà par la tradition arthurienne préexistante et réactualisés, telle la Douloureuse Tour, prison de Gauvain dans le Lancelot en prose, qui devient dans les Prophéties le centre d’une querelle territoriale entre Caradoc et ses voisins que dénouera le nouveau venu Alixandre l’Orphelin. On notera aussi la fréquence des prophéties interdiégétiques de Merlin, qui par exemple annoncent la mort d’Arthur ou de la sœur de Perceval, prédictions qui toutes deux excèdent les limites du récit. Tout en permettant d’«intégrer [les Prophéties] dans un ensemble cyclique préexistant» (228), emprunts, amplifications et détournements offrent par retour, explique N. Koble, la possibilité de produire «des effets de sens qui dévient peu à peu des chemins tracés par les modèles antérieurs» (270). Un phénomène particulier d’amplification, couplé à une problématique d’inversion, fournira le cœur du chapitre V (271-315) de l’étude de N. Koble, consacré à l’épisode de la «fausse Guenièvre». Les Prophéties offrent en effet un traitement tout à fait particulier de cette période de vacance du pouvoir déjà présente dans le Lancelot en prose; mais, chez le pseudo-Richard d’Irlande, Arthur ne se contente pas d’être sous la coupe de l’usurpatrice. Ici, le roi sombre dans la folie la plus noire et cède son pouvoir au fou Daguenet, alors que Galehot - qui a offert asile à la vraie Guenièvre - endosse la responsabilité de fait de la 305 Besprechungen - Comptes rendus conduite des affaires du royaume de Logres, repoussant par exemple une attaque saxonne. Extrêmement développé dans les Prophéties, l’épisode de la «fausse Guenièvre» s’y remodèle, en puisant au renversement de valeurs caractérisant Arthur et au modèle positif incarné par Galehot, en «miroir du haut prince» (306). Le dernier chapitre (317-48) de la deuxième partie de l’analyse de N. Koble se concentre sur l’étude d’un cas étonnant d’éclatement du chronotope (et de la logique) arthuriens: alors qu’Arthur se trouve encore sous la domination de la fausse Guenièvre, le pape lui fait parvenir une demande de renforts pour soutenir les Croisés assiégés à Jérusalem par le roi de Baudac. Rétabli sur son trône, le monarque s’empressera de satisfaire aux exigences pontificales. Or, comme le note N. Koble, «[s]i l’Orient est l’horizon mythique de l’histoire arthurienne, rappelons toutefois que dans les romans en prose antérieurs aux Prophesies, cette origine est montrée pour être quittée ou posée comme impénétrable» (326), alors que le pseudo-Richard d’Irlande envoie effectivement les troupes d’Arthur combattre les païens sur leurs terres. Ce «décrochage idéologique et poétique» (336) se signale par l’invention de nouveaux personnages (Archemais d’Écosse, par exemple). Surtout, en portant «l’empreinte évidente de l’Histoire et de la chronique» (340), il permet de briser «la circularité du cycle arthurien pour l’inclure dans une temporalité encore plus totalisante, celle de l’Histoire humaine» (344). N. Koble inaugure la dernière partie de son étude en faisant retour, pour son chapitre VII (355-401), aux problématiques de l’éclatement de la voix du roman, envisagées cette fois-ci non plus à l’horizon de la parole merlinienne fragmentée, mais à celui, plus large, des figures d’énonciation d’un texte que n’effraient pas les bavardages, entre propos de table et confidences de narrateur: «Non seulement, le texte multiplie les paroles autorisées et souligne la singularité de chacune d’elles, mais il fait également entendre un grand nombre de voix dissonantes . . .» (353). Si, de fait, la présence très forte du narrateur et l’incrustation d’un grand nombre de récits enchâssés délégués à certains personnages (Mador de la Porte ou l’ermite Hélias) composent une polyphonie énonciative complexe mais harmonieuse, d’autres épisodes des Prophéties mettent en scène des interventions plus problématiques: parole de faussaire (par exemple lorsque le roi Marc, qui veut se débarrasser de Tristan, contrefait le style épistolaire pontifical pour l’inciter à se rendre en Terre sainte) ou témoignage d’une «contre-poétique» (385) manifestée par l’apparition cacophonique du «mauvais Jubler» et de sa suite infernale à la cour d’Arthur au moment de la Pentecôte. Dernier mouvement de l’analyse, le chapitre VIII (403-66) permet à N. Koble de s’intéresser à un cas particulier de délégation de la parole merlinienne, annexée dès l’«entombement» de son énonciateur par les multiples fées qui hantent les Prophéties: la Dame du Lac et Morgain bien sûr, mais également des personnages jusque-là secondaires dans la prose arthurienne, telles que la Dame d’Avalon, Sibylle, ou la reine de Norgales. Anciennes élèves (et anciennes conquêtes) de l’enchanteur, elles se partagent (et donc fragmentent) le savoir univoque de Merlin, diffractant dès lors une fois encore la parole de ce dernier. Par une analyse fine des modalités de leurs prises de parole, de leurs rivalités réciproques (particulièrement en matière de désir amoureux) et de celle qui les oppose à la voix d’outre-tombe toujours prégnante de Merlin (qu’elles tenteront, en vain, de faire taire par un enchantement), l’auteure souligne l’importance de cette polyphonie féerique dans l’expression «de la complexité et [de] la spécificité de l’écriture de fiction» (406). Pour sa conclusion (467-93), N. Koble retisse les fils de son étude et ouvre, entre diverses analyses, une réflexion sur le statut de ce texte déroutant que sont les Prophéties, tout à la fois «œuvre de transition et . . . prototype» (481), dernier avatar d’une poétique cyclique consubstantielle à la prose arthurienne et premier pas vers les travaux de réécriture, de fragmentation et de reconfiguration qu’effectueront les compilateurs des XIV e et XV e siècles 306 Besprechungen - Comptes rendus sur cette même matière. Le livre se termine sur une analyse du roman d’après le codex Bodmer 116 (495-525), et une bibliographie très complète (527-71). Précise, étendue et suggestive, l’analyse fournie ici par N. Koble fait davantage que retenir l’attention du médiéviste: ouverte sur la contemporanéité tout en étant profondément au fait des acquis sur le roman en prose, l’étude recontextualise un moment charnière de l’histoire littéraire du XIII e siècle et augure d’un intérêt neuf porté à un pan méconnu et audacieux de la matière arthurienne. Philippe Simon ★ Laurent de Premierfait, Livre de vieillesse, édition critique de Stefania Marzano, Turnhout (Brepols) 2009, 218 p. (Texte, Codex & Contexte 6) Issue d’un mémoire de maîtrise rédigé sous la direction de G. Di Stefano à l’Université McGill de Montréal (2003), cette édition met à la disposition des lecteurs deux textes: la version latine du De Senectute de Cicéron et la traduction de Laurent de Premierfait (1405), toutes les deux contenues dans le ms. Paris, BnF, fr. 7789 (P), respectivement aux f. 8r-33v et 34r-104r. Cette transmission bilingue est exceptionnelle dans l’histoire du livre médiéval, et Stefania Marzano a bien fait de proposer les deux versions en regard, en y ajoutant des repères numériques qui permettent de lire en parallèle les segments corres-pondants. L’Introduction est sobre et, si elle contient les informations essentielles, on ne peut pas cacher que le lecteur reste un peu sur sa faim quant à certaines questions. Par exemple, on comprend bien ce qui a déterminé le choix du manuscrit de base (des deux seuls témoins qui contiennent les deux versions, le second, T, semble être une copie de P), mais rien n’est dit quant au choix des quatre manuscrits de contrôle sur une tradition qui en compte 27: le lecteur averti comprendra que ce choix porte sur quatre des six témoins qui transmettent tant le Livre de Vieillesse que la traduction du De Amicitia, manuscrits qui offrent un témoignage du plus haut intérêt quant à la lecture de Cicéron au XV e siècle (voir 13-17). Manque aussi la description matérielle du manuscrit de base, dont seule est donnée la liste des œuvres: outre le De Senectute/ Livre de Vieillesse, l’Oratio pro Marcello aux f. 1r-7v (12). L’analyse de la traduction du Livre de Vieillesse est synthétique (19-23), l’auteure ayant déjà publié un article sur ce sujet (in: L’écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, 2006: 229- 38); on est toutefois un peu surpris devant une Analyse linguistique (23-27) qui ne prend en compte que la ponctuation et la graphie du manuscrit de base (emploi de y et rétablissement des lettres (pseudo-)étymologiques). La Bibliographie (31-42) est précieuse, dans la mesure où elle réunit les études sur Laurent de Premierfait, sans négliger le cadre historique et culturel de sa production (humanisme et traductions), ni les aspects matériels de sa transmission (catalogues et études sur les manuscrits). Comme on l’a dit, la copie du De Senectute et la traduction sont éditées en regard, ce qui permet, d’une part, de vérifier sur pièces la réécriture effectuée par Laurent, avec notamment des procédés d’amplificatio touchant tant la forme que le contenu, d’autre part de mesurer la technique de traduction lorsque les deux textes se rapprochent. Deux apparats en bas de pages contiennent: pour le texte latin, les remarques sur le ms. et les variantes par rapport à l’édition de Willeumier (Belles Lettres 3 1969); pour la version française, les observations sur le témoin et les variantes des manuscrits de contrôle. Pas de notes au(x) texte(s). Les critères d’établissement du Glossaire exigent quelques mots de commentaire. Sans considérer les nombreuses erreurs dans l’ordre alphabétique, il faut saluer l’effort qu’a fait 307 Besprechungen - Comptes rendus