eJournals Vox Romanica 69/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2010
691 Kristol De Stefani

Carine Skupien Dekens, Traduire pour le peuple de Dieu. La syntaxe française dans la traduction de la Bible par Sébastien Castellion, Bâle, 1555, Genève (Droz) 2009, 390 p. (Travaux d’Humanisme et Renaissance 456)

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2010
Zygmunt  Marzys
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Bände (Rom. d’Alex.), da der Band Varianten und Anmerkungen zur vierten Branche des Textes enthält und innerhalb der Ausgabe keinerlei Sonderstellung einnimmt 6 . In den meisten Fällen freilich wurden die Doppelabkürzungen erkannt und ein entsprechender Verweis eingeführt, sei es bei den Abhandlungen, etwa von Foerster-Breuer Chrest. Wb. 2 auf Breuer Chrest. Wb. 2 , sei es bei den Texten, etwa von Jeh. Maillart auf Comte d’Anjou, von HMondev. Chir. auf Mondev. Chir. oder von Gaimar Haveloc auf Haveloc B. Gar drei verschiedene Abkürzungen für ein und dieselbe Textausgabe haben wir mit Lais Tristan F, Tristan Lais F sowie Tristan Pr. FSt. Dafür verweist dann wieder ein Sigel auf zwei verschiedene Ausgaben, etwa Meun. d’Arleux, das sowohl für die Ausgabe Michel von 1833 als auch für die von Montaiglon/ Raynaud von 1877 Verwendung findet. Als Schlüssel zum Wörterbuch von Tobler und Lommatzsch funktioniert das nun vorliegende Literaturverzeichnis bestens und erfüllt somit seinen Zweck. Besteht es auch zum größten Teil aus Einträgen, die noch aus der Feder von Erhard Lommatzsch und Hans Helmut Christmann stammen, so gilt doch nun unser uneingeschränkter Dank Richard Baum und seinen Mitstreiterinnen, Monika Keller, Susanne Winter und vor allem Brigitte Frey, die diese Arbeit zugänglich gemacht haben. Das Gesamtliteraturverzeichnis ist auf dem Titelblatt als «erste Lieferung des xii. Bandes» ausgewiesen. Nun dürfen wir gespannt sein, was dieser Band uns noch an Schönem bringen mag, «der dann mit einer Geschichte des Wörterbuchs als 94. Lieferung abgeschlossen wird», wie es in der Ankündigung des Verlags heißt. Thomas Städtler ★ Carine Skupien Dekens, Traduire pour le peuple de Dieu. La syntaxe française dans la traduction de la Bible par Sébastien Castellion, Bâle, 1555, Genève (Droz) 2009, 390 p. (Travaux d’Humanisme et Renaissance 456) La traduction française de la Bible par Sébastien Castellion suscite depuis peu de temps un regain d’intérêt. Elle vient d’être rééditée en totalité, pour la première fois depuis 1555, en version modernisée; parallèlement ont paru des éditions critiques de la Genèse, puis des Livres de Salomon 1 : tout cela accompagné d’études historiques, philologiques et linguistiques. L’ouvrage de Carine Skupien Dekens s’inscrit dans ce mouvement. Thèse de doctorat de l’Université de Neuchâtel dont on a pu voir, dès 1999, quelques prémices 2 , c’est un travail impressionnant par ses dimensions comme par sa qualité. On savait que la Bible de Castellion avait été rejetée par ses contemporains à cause de particularités de vocabulaire et de graphie qui tenaient à sa volonté d’écrire pour les «idiots», c’est-à-dire pour les gens sans instruction. Ces particularités ont été étudiées à plusieurs reprises et sont aujourd’hui assez bien connues. Carine Skupien a été autrement 311 Besprechungen - Comptes rendus 6 Vielleicht ist der Lapsus durch die Nicht-Benutzung des siebten Bandes zu erklären. So weit ich das sehe, wird er nirgendwo im Wörterbuch zitiert. (Rom. d’Alex. ist zweimal zitiert, einmal in 9,288,3 unter seable fälschlich für Alex. Gr. C, einmal (von Christmann) in 11,588,28 unter vivier). 1 La Bible nouvellement translatée par Sébastien Castellion (1555), Paris 2005; S. Castellion, La Genèse, 1555, éditée, introduite et annotée par J. Chaurand, N. Gueunier, C. Skupien Dekens, avec la collaboration de M. Engammare, Genève 2003; S. Castellion, Les Livres de Salomon (Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques), édités, introduits et annotés par N. Gueunier et M. Engammare, Genève 2008. 2 On en trouvera la liste dans la Bibliographie du présent ouvrage. plus ambitieuse: elle a voulu voir si Castellion a adapté au public visé «non seulement son vocabulaire et son orthographe, mais aussi sa grammaire et son style» (10). L’auteure a, à la fois, ratissé large et creusé profond. Dans une première partie, elle ne se contente pas de présenter la biographie de Castellion, sa position face aux Saintes Écritures et son projet de traducteur, mais encore, plus généralement, la situation linguistique de la France au XVI e siècle, les idées des érudits de l’époque, et spécialement des protestants, sur la langue écrite, enfin la syntaxe du français préclassique. Puis, dans une seconde partie, elle passe au détail du texte, à partir d’un corpus contenant le chapitre 2 de tous les livres de la Bible: ponctuation, rapports avec les langues sources, variation selon le genre littéraire, degré d’indépendance des modèles latins communément répandus. Dans ses Conclusions, elle tente de définir la langue de Castellion par rapport au public visé. Mais qui était Sébastien Castellion? Né en 1515 à Saint-Martin-du-Fresne (Ain) 3 , érudit formé à Lyon, théologien protestant marginal, pédagogue, régent du Collège de Genève, il va se brouiller avec Calvin et finira sa vie en 1563 comme professeur de grec à l’Université de Bâle. Il publiera deux traductions complètes de la Bible: en latin, en 1551, et en français, en 1555. Tout cela, Carine Skupien le présente avec force détails dans son premier chapitre (27- 44), après avoir résumé (17-27) l’état de la recherche sur Castellion 4 . Vient un deuxième chapitre, intitulé «Castellion et l’autorité des Saintes Écritures», où elle aborde notamment la question délicate des idées de Castellion sur l’inspiration de la Bible, qui influent directement sur le degré de liberté qu’il se donne en tant que traducteur. L’auteure essaie de définir ensuite le public visé par Castellion: le plus probablement petites gens des villes, plutôt non alphabétisés, ce qui suppose une lecture à haute voix devant un public assemblé. On peut en voir une confirmation dans le format in-folio du livre comme dans certaines particularités du texte, comme la traduction des proverbes, nettement plus rythmée que chez Olivétan 5 . Dans le chapitre sur «l’écriture protestante», Carine Skupien examine la double tension entre la simplicité chrétienne et la «majesté» du texte biblique d’une part et, d’autre part, spécialement chez le traducteur, entre la fidélité à la langue source et l’adaptation à la langue cible 6 . L’auteure se contente de résumer le débat et de poser la question en ce qui concerne Castellion, en renvoyant la réponse à l’étude de la syntaxe qui fait l’objet de la seconde partie de son ouvrage. Vient enfin le chapitre sur «la syntaxe du français préclassique entre modèle latin et propriété française». Le titre pose le problème: le style littéraire du XVI e siècle (car il s’agit ici plus de style que de syntaxe) est en effet très fortement influencé par la rhétorique latine, 312 Besprechungen - Comptes rendus 3 Castellion, comme la variante Châteillon, sont des «refrancisations» du latin Castellio, qui correspond au français Chatillon, nom répandu encore aujourd’hui dans le département de l’Ain. 4 Une erreur à corriger p. 21: Maurice et non Michel Bossard. 5 La Bible d’Olivétan (1535) sert souvent à l’auteure de réactif permettant de mettre en évidence des particularités du texte de Castellion. Il aurait été intéressant d’employer encore plus régulièrement ce moyen: si Carine Skupien montre qu’à cette occasion particulière, contrairement à la tendance générale de l’évolution de la langue, Olivétan emploie l’article plus souvent que Castellion, on aurait bien aimé savoir quelle est habituellement la relation entre les deux auteurs sur ce point; il en est de même, par exemple, de l’expression et de la place du sujet (cf. p. 288-309). L’auteure en est d’ailleurs consciente et elle le dit dans sa conclusion. Mais, sans doute, cela aurait exigé un autre livre. . . 6 Ici encore, une erreur à corriger: la citation mise en exergue à ce chapitre n’est évidemment pas de Parrhasios, peintre athénien du V e siècle avant Jésus-Christ, mais de Aulus Janus Parrhasius (ou Aulo Giano Parrasio), humaniste italien, comme l’indique clairement la source où elle a été puisée, qui la date de 1531. avec ses notions de période et de nombre oratoire; mais en même temps se fait jour la revendication de «naïveté» ou de «naturel» propre au «génie» du français. Finalement, il s’agit de trouver une voie moyenne entre ces deux extrêmes, «une adéquation parfaite du français avec l’image que les Français ont d’eux-mêmes et de leur idéal, tant rhétorique qu’éthique» (161) 7 . Ici encore, Carine Skupien nous laisse attendre la seconde partie pour situer Castellion dans ce débat, avec des arguments précis et chiffrés. Venons-en donc à cette seconde partie, qui constitue l’apport réellement original de Carine Skupien. Après avoir décrit l’édition de la Bible de 1555 et en avoir fait ressortir les traits saillants en la comparant à une réédition du Nouveau Testament parue en 1572, donc après la mort de l’auteur, elle aborde les points essentiels de son étude: la ponctuation, les rapports de la phrase du traducteur avec celles des langues sources, la variation du style de Castellion suivant le genre des textes, enfin la tension «entre influence latine et recherche de la propriété française»; le tout fondé sur des investigations minutieuses, appuyé par des statistiques, et illustré par des tableaux et des graphiques. Le chapitre sur la ponctuation est une révélation. Alors qu’on pensait jusqu’à présent que les auteurs - et surtout les imprimeurs - du XVI e siècle ponctuaient plus ou moins au hasard, Carine Skupien montre de manière convaincante que la ponctuation de Castellion constitue un système cohérent et rigoureux, au point qu’elle peut se risquer à définir la phrase de celuici comme «ce qui se trouve entre deux points» (239). C’est donc sur cette unité qu’elle va travailler dans les deux chapitres qui suivent. Elle ne se dispense pas pour autant de passer d’abord en revue les définitions de la phrase par nos contemporains et par ceux de Castellion, pour en revenir à sa définition initiale: «La phrase de Castellion, dans sa traduction de la Bible de 1555, commence par une majuscule, et se termine par un point» (248). Il s’agit ensuite de décrire les rapports entre la phrase de Castellion et celle de ses langues sources. Carine Skupien montre que le traducteur est libre tant vis-à-vis de l’hébreu que du grec, dont il ne suit pas forcément les articulations syntaxiques: «le respect de la propriété française» semble plus important pour lui que «le respect absolu du texte source». Ainsi «les choix du traducteur sont avant tout ceux d’un écrivain, dans son travail de création» (269). Dans le dernier chapitre, le plus long et sans doute le plus important de l’ouvrage, l’auteure va donc analyser le texte de Castellion pour lui-même, «sans forcément [se] référer au texte source» (ibid.). Elle commence par définir l’objet principal de son investigation, à savoir la variation. Il ne s’agit pas de la variation linguistique, notion qui part de l’hypothèse qu’une langue n’est jamais entièrement homogène et contient différentes variétés diatopiques, diastratiques, etc., mais de la variation rhétorique, la varietas des Anciens, corollaire de l’aptum, conformité du style au sujet, au public et au genre littéraire, et qui pourrait éventuellement correspondre à notre variation diaphasique, limitée à la langue écrite. Carine Skupien en examine les avatars, de Cicéron à Érasme, mais elle s’arrête surtout à saint Augustin et à son adaptation des notions rhétoriques traditionnelles à la langue de la Bible; puis elle montre sur quelques exemples comment Castellion utilise ces notions dans sa traduction. 313 Besprechungen - Comptes rendus 7 Cette aspiration, toujours vivante, s’est transformée en idée de la «clarté du français», dont Harald Weinrich présente ainsi l’évolution: «De vertu rhétorique, elle était devenue un mythe; or le mythe a donné naissance à une éthique linguistique qui engage celui qui parle ou écrit en français» (H. Weinrich, «Clarté du français ou clarté des Français? », in: id., Conscience linguistique et lectures littéraires, Paris 1989: 219-35 (232)); texte original: «Aus einer rhetorischen virtus war ein Mythos geworden; aus dem Mythos aber entstand ein sprachliches Ethos, verpflichtend für jeden, der Französisch spricht oder schreibt» («Die clarté der französischen Sprache und die Klarheit der Franzosen», ZRPh. 77 (1961): 528-44 (541)). Vient ensuite, sous le titre «La variation dans la Bible de 1555», une étude très minutieuse de trois phénomènes «stylistico-syntaxiques»: l’inversion du sujet, la subordination et la longueur des phrases. Le traitement du premier phénomène pose quelques problèmes. Premièrement, seules les propositions déclaratives dont le sujet n’est pas un pronom relatif ou interrogatif se prêtent à la comparaison, car ce sont les seules qui comportent des alternatives: expression ou non-expression, préposition ou postposition du sujet. En effet, le sujet est forcément absent des impératives; il est normalement postposé au verbe dans les incises et les interrogatives directes, du moins lorsque c’est un pronom personnel; et il est forcément exprimé et préposé lorsque c’est un pronom relatif ou interrogatif. Ainsi, dans mon étude sur Jehan de Paris, il n’était resté dans la statistique que 2529 propositions sur 3261. J’ai fait la même opération pour celle sur Rabelais et Montaigne, malheureusement sans indiquer la proportion du déchet 8 . Je ne sais pas comment a procédé Carine Skupien; si elle a pris la totalité des propositions de son corpus, ses chiffres sont légèrement faussés. Ensuite, pour ce qui est de l’expression du sujet, il me paraît erroné de traiter ensemble le sujet nominal et le sujet pronominal. En effet, le sujet nominal est forcément exprimé; l’opposition ne peut donc s’établir qu’entre Sp et So (sujet zéro). Dès lors, la non-expression du sujet prend d’autres proportions: d’après mes études, elle est de 43,6% dans Jehan de Paris et encore de 40,4% dans Rabelais, mais elle tombe à 10,1% dans Montaigne. Si je compare ces chiffres avec ceux que produit l’auteure pour Castellion (sans tenir compte d’une divergence vraisemblable mentionnée ci-dessus), j’obtiens: 219 (So) + 352 (Sp) = 571; 35200: 571 = 38,4%; ce qui situerait Castellion près de Rabelais et loin de Montaigne, et confirmerait mon hypothèse d’une césure qui se situe dans la seconde moitié du XVI e siècle. Mais alors, peut-on encore «parler d’omission, puisqu’il s’agit d’un trait minoritaire» (292)? Le doute est permis. Enfin, devant la proportion nettement plus faible, chez Castellion comme chez tous les auteurs contemporains, de la postposition du Sp par rapport à celle du Sn, il est quelque peu naïf de dire que le Sp est «par nature assez rebelle aux principes syntaxiques et continue à y déroger» (293). En réalité, les pronoms personnels sujets 9 , dès la fin du XVI e siècle, ont perdu leur indépendance et sont devenus des marques grammaticales; dès lors ils se sont fixés devant le verbe, et c’est par opposition à l’ordre dorénavant normal SpV que l’ordre VSp devient la marque spécifique de l’interrogation directe et de l’incise. Mais l’intérêt de la présente étude est ailleurs, à savoir dans la variation stylistique. Carine Skupien compare trois textes de même longueur: un texte narratif (Genèse, chap. 6-9), un texte poétique (Cantique des cantiques, chap. 1-7) et un texte argumentatif (Lettre aux Philippiens en entier). Elle montre que la postposition du sujet est fréquente dans le premier (15 occurrences), moyenne dans le deuxième (7 occurrences) et faible dans le dernier (3 occurrences).Ainsi la langue, qui est en train d’abandonner le «principe informationnel», plaçant en tête de proposition un élément «référant à ce qui précède et donc peu chargé en informations nouvelles», au profit du «principe grammatical», faisant de la place en tête de 314 Besprechungen - Comptes rendus 8 Cf. «La place et l’expression du sujet dans le Roman de Jehan de Paris» (fin du XV e siècle)», in: A. Rosetti/ S. Reinheimer R Î peanu (ed.), Actele celui de-al Congres interna ţ ional de lingvistic ă ş i filologie romanic ă , Bucureşti 1970: 607-14; «Du moyen français au français moderne: quelques transformations syntaxiques fondamentales», VRom 54 (1995): 115-27 (= Z. Marzys, La Variation et la norme, Essais de dialectologie galloromane et d’histoire de la langue française, Neuchâtel 1998: 11-18 et 261-73). 9 Parmi lesquels il ne faut pas comprendre on, qui continue à se comporter dans la phrase comme un nom, ainsi que l’a bien vu Carine Skupien (303); mais alors elle n’aurait pas dû le faire figurer parmi les Sp dans le tableau de la p. 300 et, comme je le suppose, dans les statistiques. proposition la marque du sujet (290), laisse encore à l’écrivain assez de liberté pour attribuer à l’ordre des mots une valeur stylistique 10 . L’auteure conclut: «Dans le style narratif, comme pour accélérer le récit, la forte densité d’inversions du sujet augmente la cohésion syntaxique et rend le texte plus fluide. En ce qui concerne le style poétique. . ., on peut faire la même remarque.» En revanche, dans Ph, «la cohésion syntaxique est assurée par un autre phénomène qui tient davantage du style que de la syntaxe: la subordination» (307-08). Ainsi nous en arrivons au deuxième phénomène choisi par Carine Skupien pour illustrer la variation du style de Castellion. Elle a compté et présente graphiquement le nombre de subordonnées par phrase dans les trois textes retenus: grande majorité de phrases simples ou à une seule subordonnée dans Ct, phrases parfois très longues dans Ph, complexité moyenne (majorité de phrases à 1-3 subordonnées) dans Gn; en somme, résultat attendu. Ce qui est plus intéressant, c’est que l’étude détaillée confirme l’hypothèse initiale sur la liberté du traducteur vis-à-vis de ses originaux. Dans Ph, il ajoute des circonstancielles, comme s’il «cherchait à aider le lecteur à comprendre le texte de Paul, en y intégrant des conjonctions de subordination qui ne se trouvent pas dans le texte grec, comme autant de marqueurs de structuration» (312-13). Quant aux deux textes de l’Ancien Testament, alors que l’hébreu est aussi paratactique dans l’un que dans l’autre, Castellion laisse la parataxe dans Ct et traduit Gn «de manière beaucoup plus imbriquée», car «le style narratif semble impliquer davantage de subordinations circonstancielles, chronologiques et logiques que le style poétique» (313). Il aurait été intéressant, ici encore, de confronter la traduction de Castellion avec celle d’Olivétan; je me contenterai d’en comparer deux fragments que cite Carine Skupien (313) avec la version moderne de la Bible de Jérusalem 11 . Ph 1, 1214: Je désire que vous le sachiez, frères, mon affaire a tourné plutôt au profit de l’Évangile: en effet, dans tout le Prétoire et partout ailleurs, mes chaînes ont acquis, dans le Christ, une vraie notoriété, et la plupart des frères, enhardis dans le Seigneur du fait même de ces chaînes, redoublent d’une belle audace à proclamer sans crainte la Parole (BJ). Or veux-je bien que vous sachés, freres, que mon cas s’êt tellement porté, que c’a plûtôt été a l’avancement de l’evangile, qu’autrement, en sorte que mes liens en l’affaire de Christ ont été publiés tant par toute la court, qu’a tous les autres, tellement que la plus grande part des freres au Seigneur, en confiance de mes liens, s’aventurent de parler plus avant de la parolle de dieu, sans avoir peur (Castellion). Gn 7, 16b-20: Et Yahvé ferma la porte sur Noé. Il y eut le déluge pendant quarante jours sur la terre; les eaux grossirent et soulevèrent l’arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre et l’arche s’en alla à la surface des eaux. Les eaux montèrent de plus en plus sur la terre et toutes les plus hautes montagnes qui sont sous tout le ciel furent couvertes. Les eaux montèrent quinze coudées plus haut, recouvrant les montagnes (BJ). 315 Besprechungen - Comptes rendus 10 Cette liberté, comme celle d’exprimer le sujet, va diminuer fortement dès la seconde moitié du XVI e siècle: alors que la proportion de l’ordre VSn sur le total des propositions avec sujet nominal est de 22.5% chez Castellion (292), elle tombe à 7.1% chez Montaigne (cf. Z. Marzys, La Variation et la norme, op. cit.: 270); au siècle suivant, Vaugelas en traquera les dernières traces chez Malherbe (dans: et fut son avis d’autant mieux receu; estant le bien-fait de cette nature; cf. C. Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue françoise, éd. Z. Marzys, Genève 2009: 565, 821). 11 La Bible de Jérusalem, traduite en français sous la direction de l’École biblique de Jérusalem, nouvelle édition revue et corrigée, Paris 1998. Et apres le Seigneur l’enferma, puis fut un tel deluge quarante jours sur terre, que la force de l’eau emporta l’arche, e la leva de terre, et creut l’eau sur terre de telle force, que l’arche s’en alla par dessus l’eau. E tant e tant creurent les eaux, qu’elles couvrirent toutes les plus hautes montagnes de dessous le ciel universel, e les couvrirent de quinze coudées par dessus (Castellion). On voit la différence: dans les deux cas, la traduction moderne tâche de rester autant que possible près du texte original, alors que Castellion prend des libertés pour le structurer davantage. Dernier point de cette section, «variation et longueur de phrase»: ici, Carine Skupien a commencé par compter le nombre de mots par phrase dans tout son corpus et les a répartis par groupes de cinq; elle nous présente les résultats de ce travail dans un graphique faisant apparaître que la phrase de Castellion compte le plus souvent de 5 à 25 mots, mais qu’elle peut aller au-delà de 100 mots. Puis elle a superposé à cette courbe globale celle qui concerne chacun des trois textes étudiés en détail, pour voir leur écart caractéristique par rapport à la moyenne. Le résultat montre dans le style narratif de Gn la prédominance de phrases moyennes, comprises entre 15 et 45 mots; dans le style poétique de Ct, un grand nombre de phrases brèves, de 10 à 15 mots, imposées par la versification; dans le style argumentatif de Ph, une grande variabilité de la longueur des phrases: à la fois des phrases brèves, lorsque Paul donne des conseils à ses correspondants, et des phrases longues, voire très longues, lorsqu’il parle de lui-même ou entreprend une réflexion. Castellion les allonge encore parfois, en imbriquant plusieurs phrases du texte grec en une seule. Une comparaison avec Olivétan montre que la phrase de Castellion est plus diversifiée, «ce qui signifie que Castellion adapte plus volontiers la longueur de ses phrases au genre de chaque livre traduit que son prédécesseur» (320). En conclusion des trois points illustrant la variation, Carine Skupien peut affirmer que «Castellion respecte l’aptum en tant qu’adéquation du style au genre littéraire» (ibid.). Reste le problème de l’imitation: comment Castellion résout-il la tension «entre influence latine et recherche de la propriété française» (321)? L’auteure avait décrit, dans la première partie de son étude, la position des théoriciens de l’époque sur cette question; ici, elle cherche à définir les solutions pratiques apportées par le traducteur sur trois points précis: la traduction des discours, la cohésion textuelle et le nombre de subordonnées par phrase. Sur le premier point, elle signale tout d’abord que, dans sa traduction latine de la Bible, Castellion traduit régulièrement le dicours direct de l’original hébreu par le discours indirect, en justifiant ce procédé par les habitudes stylistiques latines; or, dans la version française, «on peut trouver des exemples pour tous les cas de figure» (322): discours direct ou discours indirect correspondant au discours indirect latin, mais aussi discours direct correspondant au discours direct latin. En ce qui concerne la cohésion textuelle, elle montre qu’entre le circuitus, période cicéronienne fermée sur elle-même, et l’ambitus, phrase ouverte sur le contexte, Castellion préfère nettement l’ambitus, ce qui implique une nette prédominance de l’anaphore sur la cataphore et renforce la cohésion. Enfin, quant au nombre de subordonnées, elle fait une comparaison entre Castellion et Olivétan sur un échantillon restreint, mais réparti dans toute la Bible; il en ressort que «la phrase de Castellion est plus variable que celle d’Olivétan . . ., mais connaît un point d’équilibre entre trois et quatre subordonnées», ce qui correspondrait à «la ‹médiocrité› idéale définie par les rhétoriciens». Dans l’ensemble, Carine Skupien pense que Castellion «a choisi de manière systématique ce qui aidait le lecteur» (332-33). Citons encore le beau paragraphe final du livre: S’ils avaient eu accès au texte, les «idiots» auraient pu lire ou entendre une langue française, comprise par la plupart des habitants de la France, dépourvue presque complètement des traces orthographiques et lexicales des langues savantes; imaginer aussi facilement que possible des 316 Besprechungen - Comptes rendus réalités qui leur auraient échappé sans les «translations» culturelles opérées au niveau du lexique; percevoir le «souffle» divin dans le ton général des Écritures, transmis par une forte variabilité de la langue et du style; comprendre le message révélé grâce à des phrases dans lesquelles le marquage de certains traits, la construction d’une syntaxe au service du style, le rythme tantôt fortement cadencé, tantôt subtilement développé, et surtout la cohésion d’un texte conçu comme un tout, viennent s’ajouter aux mots pour en permettre l’intelligence (345). Hélas, nous avons ici un exemple du wishful thinking. Comme nous ne savons rien de la diffusion de la Bible de Castellion, mais que nous pouvons supposer qu’elle a été très faible 12 , elle n’a sans doute pas pu atteindre les «idiots», qui restent un public imaginé, sinon imaginaire; nous ne pouvons donc pas savoir dans quelle mesure son texte aurait aidé ses lecteurs ou auditeurs. Le doute est permis en ce qui concerne en particulier la syntaxe, malgré les arguments persuasifs de l’auteure; cette syntaxe, très élaborée, est tout sauf simple. En revanche, on ne peut que louer l’ampleur et la précision de l’ouvrage qui nous est présenté, et aussi la belle langue française dans laquelle il est écrit: claire, alerte, scientifiquement précise mais sans excès de jargon. Ce que dit Carine Skupien de Castellion, on peut l’appliquer ainsi à elle-même: elle «a choisi de manière systématique ce qui aidait le lecteur». Zygmunt Marzys ★ Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue françoise. Édition critique avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, Genève (Droz) 2009, 1003 p. (Travaux du Grand Siècle xxxiv) Annoncée dès 1975 dans un texte programmatique publié dans VRom. 34: 124-39, l’édition critique des Remarques de Vaugelas [1585-1650] par Zygmunt Marzys est parue en décembre 2009, tenant grandement les promesses faites il y a presque trente-cinq ans. Dans son Avant-Propos (7-11), Zygmunt Marzys (ci-après ZM) commence par justifier la durée de son entreprise par l’abondance toujours croissante des matériaux philologiques à sa disposition, notamment grâce à la base documentaire Frantext 1 . Il est indéniable que la multiplication, ces dernières années, des ressources textuelles facilite et complique tout à la fois la tâche du chercheur en lui donnant conjointement un sentiment de complétude encore jamais atteint et celui d’un achèvement inatteignable. L’Avant-Propos énonce ensuite les principes éditoriaux suivis, dont nous résumerons pour commencer les aspects de présentation matérielle, réservant à traiter plus bas ce qui regarde l’apport plus spécifiquement scientifique. Commençons par des considérations de bibliographie matérielle. Le texte publié par ZM reproduit celui de l’«édition originale de 1647» - nous y reviendrons -, respectant l’orthographe et la ponctuation, à la réserve de la dissimilation typographique i/ j et u/ v ainsi que la résolution de l’éperluette (&). Les fautes évidentes d’impression ont été corrigées tacitement, ainsi que celles signalées dans l’errata de l’original, qui font cependant l’objet d’une annotation. Il est précisé par ailleurs (8 N4) que le texte de ZM reprend celui de l’édition anastatique procurée jadis par Streicher 1934. Il convient d’entrer ici d’avantage dans le détail de 317 Besprechungen - Comptes rendus 12 Il serait intéressant de savoir combien d’exemplaires il nous en reste et d’où ils proviennent. 1 Consultable, avec abonnement, sur le site de l’ATILF (CNRS/ Nancy-Universités): http: / / www.frantext.fr/ .