eJournals Vox Romanica 69/1

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2010
691 Kristol De Stefani

Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue françoise. Édition critique avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, Genève (Droz) 2009, 1003 p. (Travaux du Grand Siècle xxxiv)

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2010
Gilles  Petrequin
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réalités qui leur auraient échappé sans les «translations» culturelles opérées au niveau du lexique; percevoir le «souffle» divin dans le ton général des Écritures, transmis par une forte variabilité de la langue et du style; comprendre le message révélé grâce à des phrases dans lesquelles le marquage de certains traits, la construction d’une syntaxe au service du style, le rythme tantôt fortement cadencé, tantôt subtilement développé, et surtout la cohésion d’un texte conçu comme un tout, viennent s’ajouter aux mots pour en permettre l’intelligence (345). Hélas, nous avons ici un exemple du wishful thinking. Comme nous ne savons rien de la diffusion de la Bible de Castellion, mais que nous pouvons supposer qu’elle a été très faible 12 , elle n’a sans doute pas pu atteindre les «idiots», qui restent un public imaginé, sinon imaginaire; nous ne pouvons donc pas savoir dans quelle mesure son texte aurait aidé ses lecteurs ou auditeurs. Le doute est permis en ce qui concerne en particulier la syntaxe, malgré les arguments persuasifs de l’auteure; cette syntaxe, très élaborée, est tout sauf simple. En revanche, on ne peut que louer l’ampleur et la précision de l’ouvrage qui nous est présenté, et aussi la belle langue française dans laquelle il est écrit: claire, alerte, scientifiquement précise mais sans excès de jargon. Ce que dit Carine Skupien de Castellion, on peut l’appliquer ainsi à elle-même: elle «a choisi de manière systématique ce qui aidait le lecteur». Zygmunt Marzys ★ Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue françoise. Édition critique avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, Genève (Droz) 2009, 1003 p. (Travaux du Grand Siècle xxxiv) Annoncée dès 1975 dans un texte programmatique publié dans VRom. 34: 124-39, l’édition critique des Remarques de Vaugelas [1585-1650] par Zygmunt Marzys est parue en décembre 2009, tenant grandement les promesses faites il y a presque trente-cinq ans. Dans son Avant-Propos (7-11), Zygmunt Marzys (ci-après ZM) commence par justifier la durée de son entreprise par l’abondance toujours croissante des matériaux philologiques à sa disposition, notamment grâce à la base documentaire Frantext 1 . Il est indéniable que la multiplication, ces dernières années, des ressources textuelles facilite et complique tout à la fois la tâche du chercheur en lui donnant conjointement un sentiment de complétude encore jamais atteint et celui d’un achèvement inatteignable. L’Avant-Propos énonce ensuite les principes éditoriaux suivis, dont nous résumerons pour commencer les aspects de présentation matérielle, réservant à traiter plus bas ce qui regarde l’apport plus spécifiquement scientifique. Commençons par des considérations de bibliographie matérielle. Le texte publié par ZM reproduit celui de l’«édition originale de 1647» - nous y reviendrons -, respectant l’orthographe et la ponctuation, à la réserve de la dissimilation typographique i/ j et u/ v ainsi que la résolution de l’éperluette (&). Les fautes évidentes d’impression ont été corrigées tacitement, ainsi que celles signalées dans l’errata de l’original, qui font cependant l’objet d’une annotation. Il est précisé par ailleurs (8 N4) que le texte de ZM reprend celui de l’édition anastatique procurée jadis par Streicher 1934. Il convient d’entrer ici d’avantage dans le détail de 317 Besprechungen - Comptes rendus 12 Il serait intéressant de savoir combien d’exemplaires il nous en reste et d’où ils proviennent. 1 Consultable, avec abonnement, sur le site de l’ATILF (CNRS/ Nancy-Universités): http: / / www.frantext.fr/ . la bibliographie matérielle que ne l’a fait ZM, qui jamais ne mentionne le nom de l’imprimeur de l’édition de 1647 qu’il reproduit, ce qui n’est pourtant pas sans importance. Il existe en effet deux éditions parisiennes des Remarques à la date de 1647, publiées sous des adresses différentes: l’une chez la Veuve Jean Camusat et Pierre Le Petit, - qui est celle reproduite par J. Streicher (et donc celle republiée aujourd’hui) - et l’autre publiée chez Augustin Courbé 2 . Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans une analyse de ces deux éditions qui ne sont pas, contrairement à ce qui est souvent le cas au XVII e siècle, le même tirage typographique, réparti entre plusieurs imprimeurs-libraires associés se partageant le même privilège, chacun mettant sa propre page de titre en tête de l’ouvrage. Ces deux éditions de 1647 ne constituant pas un seul et même tirage typographique 3 , elles présentent nécessairement des différences qui ne sont pas toutes des vétilles (certaines sont énoncées p. 8 N4, notamment en ce qui concerne les variantes graphiques); il convient donc, en toute rigueur scientifique, chaque fois que l’on cite les Remarques de Vaugelas, de préciser quel tirage parisien est utilisé: celui de Courbé ou celui de Camusat/ Le Petit. ZM précise qu’il a «contrôlé la lecture» (? ) de l’édition Streicher sur l’exemplaire coté Rés. X-917 de la Bibliothèque Nationale, dont il ne précise cependant pas l’éditeur. Concluons sur ce point que les différents tirages de 1647 n’ayant pas été systématiquement collationnés, l’étude de la bibliographie matérielle de la première édition des Remarques de Vaugelas reste à faire 4 , ainsi du reste que celle des éditions qui se sont succédées durant tout le XVII e siècle. Pour faciliter le report à l’édition originale qu’il reproduit ZM a pris soin de faire figurer dans son texte, entre crochets droits, la pagination du volume de 1647; par ailleurs, il renvoie, au début de chaque remarque, à la pagination de l’édition Chassang 1880, qui fournit à la suite du texte de Vaugelas certaines des observations faites par les remarqueurs du XVII e siècle [Patru (éd. 1738),Th. Corneille (1687), l’Académie française (1704)] et qui donne les élucidations de la Clef dite de Conrart. On peut s’étonner que ZM n’ait pas préféré renvoyer aux deux volumes de commentaires publiés dans Streicher 1936, beaucoup plus complets que ceux de Chassang, utilisés par ailleurs et auxquels il est renvoyé (10), mais l’auteur ne s’explique pas sur ce point (cf. 9). L’Avant-Propos est suivi d’une longue Introduction (13-56). Assez curieusement, celle-ci n’est, pour l’essentiel, que la reprise, avec peu de changements, du texte que ZM avait publié en 1984, en présentation de son édition séparée de la Préface des Remarques 5 , ce qui laisse entendre que les conceptions développées principalement au sujet de la seule Préface valent nécessairement pour l’ensemble du texte, ce dont on peut légitimement douter. Parmi les additions de 2009, on notera toutefois un développement sur la notion de bon usage dans la terminologie grammaticale française (19-20); une précision sur l’expression sanior pars, pour tenir compte d’articles plus récents (23-24); un court ajout (35) concernant l’usage de deux mots (inculquer et chose) discutés dans le Manuscrit (voir infra) et non repris dans l’édition de 1647. Les deux augmentations les plus substantielles concernent en premier lieu le but des Remarques en tant que norme de comportement linguistique (44-47), qui donne 318 Besprechungen - Comptes rendus 2 Déjà noté par W. Ayres-Bennett, Vaugelas and the Development of the French Language, London 1987: 10. Nous avons nous-même collationné les différents tirages de ces deux éditions. 3 La situation se complique du fait que chacune de ces deux éditions présente plusieurs tirages (ou émissions), qui diffèrent entre eux. 4 Dans la mesure où un relevé systématique des variantes des différents tirages des deux éditions parisiennes de 1647 n’a pas été fait, il semble prématuré de conclure (8 N4) que ces «variantes sont insignifiantes». 5 ZM précise honnêtement (10), il est vrai: «Dans l’Introduction, j’ai repris la structure de celle dont j’avais fait précéder l’édition de la Préface, tout en essayant de l’adapter à l’ensemble du texte et à l’état de [sic] recherches actuel.» Cela ne diminue en rien les regrets du lecteur de 2010! lieu (50) à un court ajout sur ce que ZM entend par la «doctrine de Vaugelas», fondée en dernière analyse «sur une pure question de ‹bien séance›, de comportement social acceptable pour autrui», ce qui - conclut ZM - devait nécessairement détourner Vaugelas de rédiger une grammaire formelle du français. L’autre ajout est le paragraphe 7 «De Vaugelas à nous» (52-56), où l’auteur dresse l’évolution, du XIX e au XXI e siècle, des trois thèmes majeurs abordés par Vaugelas dans ses Remarques: «les rapports entre l’écrit et l’oral, l’attitude à l’égard de l’évolution [diachronique] et le problème de la variation synchronique». Il ne nous appartient pas d’analyser davantage ici un texte déjà connu des lecteurs depuis 26 ans et qui a fait, depuis sa parution, l’objet de recension (Ayres-Bennett 1985). On est en droit, nous semble-t-il, de regretter que ZM n’ait pas trouvé le temps de synthétiser dans son introduction l’apport informatif tout à fait considérable que représente son édition sur de très nombreux points. Pour ne reprendre que le programme que ZM se proposait en 1975, comment ne pas trouver fâcheux que l’auteur ne nous ait pas donné cette «étude plus large des transformations socio-culturelles intervenues en France entre la seconde moitié du XVI e siècle et le milieu du XVII e [qui] devrait fournir la matière d’une introduction sur les rapports entre l’évolution de la société et la formation de la doctrine du bon usage». Certes, la réponse se rencontre presque dans chacune des 900 pages du volume, mais c’est au lecteur à renouer patiemment les fils pour tisser lui-même cette trame. On peut aussi s’étonner, dans la mesure où il nous est donné de si larges extraits du Manuscrit de l’Arsenal (voir infra), que ZM n’ait pas eu à cœur de ramasser et de mettre en évidence en quelques lignes dans son introduction les différences essentielles qui existent entre les idées linguistiques développées par Vaugelas dans son Manuscrit et celles qui transparaissent à travers l’édition de 1647. Il est vrai que ce point a déjà été en partie traité ailleurs (Ayres-Bennett 1983: 17-34; Ayres-Bennett 1987: 1-12), et que le sujet est, à de multiples occasions, abordé dans le très riche commentaire qui suit les Remarques mais, là encore, c’est au diligent lecteur à rassembler les disjecta membra. Ajoutons, pour finir, qu’il n’eût peut-être pas été sans intérêt de rouvrir plus largement le dossier de la datation de la rédaction du Manuscrit comme de celle des Remarques imprimées en 1647, question à peine évoquée ici par ZM. Comme le fait observer l’auteur (25 N45) le terminus ante quem de la rédaction du Manuscrit semble pouvoir se placer avec assez de vraisemblance au plus tard en 1637. Aux arguments avancés par ZM on peut ajouter le témoignage bien connu de Pellisson qui signalait qu’en 1637 Vaugelas avait offert à l’Académie «plusieurs belles et curieuses observations sur la langue» (Pellisson, in Livet 1858/ 1: 101; voir aussi Streicher 1936: xli); il n’est pas prouvé que ce texte offert à l’Académie soit exactement celui du Manuscrit, comme semble le penser Ayres-Bennett 1987: xv, mais il est vraisemblable qu’il devait présenter une version très approchée de ce dernier. Qu’en est-il maintenant du terminus a quo de la rédaction du Manuscrit? La question est plus délicate. ZM note que «deux indices suggèrent même que Ms dans son ensemble est antérieur à la fondation de l’Académie en 1635» (25 N45). On peut avancer à titre d’hypothèse une date plus ancienne, une durée de deux ans (1635-1637) semblant bien courte pour la conception des idées, la rédaction et la mise en forme alphabétique du Manuscrit. ZM a bien mis en évidence, à de nombreuses reprises, que les citations non sourcées du Manuscrit concernaient Malherbe et que ce dernier «apparaît ainsi comme la principale cible de ses critiques [scil. de Vaugelas] et non, ainsi qu’on l’a souvent cru, comme un de ses modèles» (45 N8). Or ZM a également bien établi que Vaugelas se servait de l’édition des Œuvres de Malherbe parue à Paris en 1630. On peut légitimement imaginer que le futur remarqueur ait acheté cette édition des œuvres de son ancien ami dès sa parution en 1630 (à cette date Gaston d’Orléans, ayant fait sa paix avec le roi, revient en France, et Vaugelas avec lui). On peut donc concevoir que cette édition de référence de 1630 des ouvrages de Malherbe (ou sa réédition en 1631) ait servi comme de catalyseur aux idées linguistiques de Vaugelas, 319 Besprechungen - Comptes rendus idées qu’il développait certes depuis sa fréquentation des milieux parisiens dans les années 1610-1620, mais qui prirent corps peu à peu lorsque Vaugelas relut Malherbe, la plume à la main, annotant son exemplaire, comme l’avait fait en son temps Malherbe, noircissant les marges de son exemplaire de Desportes. Cette cristallisation de la pensée linguistique de Vaugelas à partir d’une lecture critique des œuvres de Malherbe vers 1630 pourrait expliquer à la fois la si forte prégnance de cet auteur dans les strates les plus anciennes des Remarques, et leur ton, currente calamo, si souvent polémique. Peut-être identifiera-t-on un jour dans quelque bibliothèque publique ou privée un exemplaire du Malherbe de 1630/ 1631 ayant conservé la trace des premières effusions linguistiques de Vaugelas? L’apport essentiel de l’ouvrage de ZM est naturellement le commentaire et l’annotation des Remarques de Vaugelas. Une nouveauté majeure est le fait que chaque Remarque de l’édition de 1647, considérée «comme une unité indépendante» est suivie du (ou des) texte(s) correspondant(s) du manuscrit de Vaugelas, conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal 6 , et qui donne une version antérieure de la réflexion de Vaugelas. Le manuscrit de l’Arsenal est cité in extenso chaque fois qu’il a laissé une trace en 1647, en revanche il est omis quand Vaugelas n’a pas conservé le sujet dans son texte définitif. Pour les passages non cités du Manuscrit, ZM renvoie à l’édition qu’en avait donné Louis-Augustin Alemand en 1690, considérant que les passages non conservés «sont reproduits, à quelques exceptions près et en général textuellement, par Alemand» (9 N6) 7 . ZM le reconnaît lui-même: «C’est donc dans le détail, c’est-à-dire dans les notes, qu’on trouvera l’essentiel de mon travail.» (10). De fait, l’apparat critique impressionne par son ampleur, sa précision et sa richesse informative.L’abondance du commentaire est telle qu’il n’est pas rare que ce dernier soit jusqu’à quinze à vingt fois plus long que le texte source (p. 316: quarante-deux lignes de notes pour trois lignes de texte de Vaugelas; p. 345 quarante-six lignes de commentaire sur deux lignes de texte des Remarques). L’annotation porte à la fois sur le texte du Manuscrit et sur celui des Remarques de 1647; elle est chaque fois de deux sortes: critique, portant par exemple sur les variantes graphiques ou sur les coquilles typographiques; et philologique, lato sensu, portant sur le contenu du texte selon ses deux strates. L’annotation philologique porte tout d’abord sur l’identification des sources: 1) sources contemporaines (XVI e -XVII e siècles) auxquelles Vaugelas fait très souvent allusion sans les citer nommément («de bons Ecrivains», «nos meilleurs livres», «nos bons Autheurs», principalement, on le sait, Malherbe, Du Perron, Coëffeteau). Les identifications proposées par la Clef de Conrart sont données, et au besoin rectifiées. 2) sources antiques auxquelles Vaugelas fait mention tout aussi anonymement («les meilleurs Orateurs Latins», etc., généralement Cicéron et Quintilien). Dans chacun de ces deux cas de figure, les passages visés par Vaugelas sont cités in extenso et souvent commentés. Sur le plan du commentaire linguistique, l’effort de ZM s’est concentré très légitimement sur la mise en perspective des faits de langue étudiés par Vaugelas: la contextualisation des Remarques de Vaugelas s’appuie donc sur la citation de très nombreux textes littéraires de la seconde moitié du XVI e siècle et de tout le XVII e siècle. Les analyses de Vaugelas (portant sur des faits lexicaux, grammaticaux, phonétiques, etc.), sont également confrontées aux opinions de ses contemporains qu’il s’agisse des remarqueurs (Ménage, Bouhours, etc.), des grammairiens (Maupas, Oudin, Chiflet, etc.) des lexicographes (Richelet, Furetière, Académie, Trévoux, etc.). Les écrivains qui ont pris part au débat sont également cités, no- 320 Besprechungen - Comptes rendus 6 Ms. Arsenal 3105; 98 feuillets in-folio. 7 On trouvera ces passages écartés par ZM, et tels que publiés par Alemand, dans Chassang 1880/ 2: 375-477. tamment ceux qui se sont inscrits en faux contre Vaugelas, Marie de Gournay ou La Mothe Le Vayer, par exemple. Est ainsi évaluée la pertinence des règles édictées par Vaugelas par comparaison avec l’usage réel de ses contemporains (voire avec son propre usage qui pouvait différer de sa «doctrine»), les erreurs de perspective de Vaugelas étant au besoin corrigées, citations à l’appui. Bien naturellement, les commentaires de Vaugelas sont complétés par un renvoi quasi systématique aux monographies modernes et aux articles les plus récents, de même que ses appréciations sur les faits de diachronie sont utilement amendées par la citation des instruments lexicographiques actuels. Les faits analysés par Vaugelas sont également appréciés d’un point de vue statistique, par le recours aux données de la base Frantext, qui permet à ZM de donner des valeurs de fréquence aux occurrences, par tranches chronologiques (par exemple, tant d’occurrences de la forme X/ du mot Y entre 1600 et 1647, et tant de 1648 à 1700), ou par auteur. Il ne fait pas de doute que ces données présentent un intérêt en première approximation pour des valeurs très différentes (par exemple, 17 occurrences de dient contre 863 de disent, p. 575 N2), mais les résultats doivent être relativisés en évaluant la représentativité du corpus de Frantext qui comprend essentiellement des textes littéraires. C’est donc naturellement toute une part de l’usage non littéraire qui échappe à l’enquête (textes techniques ou d’expression plus populaire), ce qui n’est pas sans conséquence pour de nombreux faits lexicaux ou graphiques. Les données de Frantext, basées majoritairement sur un corpus linguistiquement normé (et qui plus est, généralement graphiquement normalisé), ont donc tendance à conforter les analyses de Vaugelas, elles-mêmes de tendances normatives, alors qu’une part non négligeable des usances linguistiques du XVII e siècle échappent à l’enquête (ne fût-ce, par exemple, que les textes juridiques, archaïsants, ou les correspondances privées, qui donnent un aperçu des graphies non standardisées par les typographes et donc laisse parfois entrevoir la prononciation 8 ). Une contextualisation linguistiquement moins normée des Remarques de Vaugelas relativiserait sans doute les résultats en terme de fréquences d’occurrences dans bien des cas, et contribuerait à relativiser, du même coup, les opinions du remarqueur, en accusant plus fortement encore leur ancrage dans un milieu socio-linguistiquement très circonscrit. Le volume se clôt très normalement sur une bibliographie des sources primaires et secondaires (905-39) et sur divers index: noms propres, cités par Vaugelas ou auxquels il fait allusion; mots, expressions, locutions et formes dont il est traité dans le texte imprimé en 1647, avec, par exception, enregistrement des faits de langue abordés dans le Manuscrit et les notes (944-60); enfin, un index analytique détaillé des notions grammaticales, stylistiques et sociolinguistiques utilisées par Vaugelas dans le texte de 1647 (961-1002). 321 Besprechungen - Comptes rendus 8 Voir les extraits bien connus reproduits dans Brunot 1966/ 4a: 150-67. À titre d’exemple, il est pour le moins hasardeux de se servir de (l’excellente) édition des Lettres de madame de Sévigné procurée par R. Duchêne (Paris 1972-1978), prise pour base par Frantext, pour établir des faits de graphies, alors que l’usage de la marquise était rien moins que normalisé (cf. Brunot 1966/ 4a: 166), et que R. Duchêne à modernisé toutes les graphies. Ainsi, concernant la graphie et la prononciation de gangrène au XVII e siècle, ZM signale (591 N1) la forme gangrène chez madame de Sévigné, à partir d’un passage de l’édition Duchêne (1972/ 1: 543), tout en notant, mais sans en voir la raison (c’est-à-dire la normalisation opérée par Duchêne) que pour une autre occurrence du même mot, une édition différente (celle de Monmerqué 1862-1866) atteste la graphie cangrène, l’édition de Duchêne, pour le même passage, donnant, là encore, la forme gangrène. Il est à peu près certain que madame de Sévigné n’a jamais écrit que cangrène, forme qui reproduit la prononciation de l’époque, et que l’occurrence gangrène, évoquée par ZM à partir de l’édition Duchêne, n’existe tout simplement pas. Des exemples de ce type, où Frantext fourvoie l’utilisateur distrait, pourraient être aisément multipliés. Il ne fait aucun doute que cette édition critique constitue un apport majeur et décisif non seulement quant à la compréhension du texte des Remarques de Vaugelas, mais bien plus largement quant à l’analyse de la langue française à cette époque charnière où l’idiome littéraire classique se forme progressivement par un conscient travail métalinguistique. Gilles Petrequin [Alemand, L.-A.] 1690; Nouvelles Remarques de M. de Vaugelas sur la langue françoise, ouvrage posthume, avec des observations de M. *** [L.-A. Alemand], Paris Ayres, W. 1985: «A Study in the Genesis of Vaugelas’s Remarques sur la langue françoise. The Arsenal Manuscript», FS 37: 17-34 Ayres-Bennett, W. 1985: *C. F. de Vaugelas, La Préface des Remarques sur la langue française. Éditée avec introduction et notes par Zygmunt Marzys, FS 39: 464-65 Ayres-Bennett, W. 1987: Vaugelas and the Development of the French Language, London Brunot, F. 1966 ( 1 1905-53): Histoire de la langue française des origines à nos jours, Paris Chassang, A. (ed.) [1880]: Remarques sur la langue françoise, par Vaugelas, 2 vol., Paris Marzys, Z. 1984: Claude Favre de Vaugelas, La Préface des Remarques sur la Langue françoise, Neuchâtel/ Genève Livet, Ch.-L. (ed.) 1858 ( 1 1729): Pellisson-Fontanier, P./ d’Olivet, P.-J. T., Histoire de l’Académie françoise, 2 vol., Paris Streicher, J. 1934: Vaugelas, Cl. Favre de, Remarques sur la langue françoise. Fac simile de l’édition originale, introduction, bibliographie, index par J. Streicher, Paris Streicher, J. (ed.) 1936: Commentaires sur les Remarques de Vaugelas par La Mothe le Vayer, Scipion Dupleix, Ménage, Bouhours, Conrart, Chapelain, Patru, Th. Corneille, Cassagne, Andry de Boisregard et l’Académie française, édition par J. Streicher, Paris ★ Françoise Doro-Mégy, Étude croisée de think, believe, croire et penser, Paris (Ophrys) 2008, 232 p. (Linguistique contrastive et traduction, n o spécial) Vertiefte kontrastiv-lexikologische Einzelstudien sind ein Desiderat, zumal wenn sie, wie im vorliegenden Fall, die weltweit am meisten übersetzte Sprache, das Englische, einbeziehen. Wenn auch die Resultate solcher Studien die Übersetzer nicht unmittelbar erreichen, so werden sie doch früher oder später Eingang in die einschlägigen Handbücher finden und praktische Übersetzungshilfe liefern. Die von Doro-Mégy vorgelegte, konstruktivistisch angelegte Analyse zu eng. think und believe und den Beinahe-Äquivalenten fr. croire und penser, die sich vor allem zum Ziel setzt «de dégager des contraintes de traduction» (2), ist somit hochwillkommen. Die anwendungsorientierte Akzentsetzung zeigt sich im dreiteiligen Aufbau der Studie: die Entwicklung des eigentlichen methodischen Instrumentariums («Think, believe et la modalisation», 11-41) ist auf das erste Kapitel des ersten Teils beschränkt («Première partie: Specificité des prédicats subjectifs», 11-77); im zweiten Kapitel des ersten Teils geht es, neben einer kurzen Problematisierung des Begriffs der «identité lexicale», in erster Linie um syntaktische Distributionen sowie um Anwendungsbedingungen der vier Verben («Hypothèses de départ sur think, believe, croire et penser», 43-76). Sowohl der zweite als auch der dritte Teil sind dann den Übersetzungsmöglichkeiten von think und believe in subordinierendem Gebrauch gewidmet: «Deuxième partie: Contraintes de traduction liées à la première personne» (79-163) und «Troisième partie: Incidence de la dissociation entre le sujet de l’énoncé et le sujet énonciateur sur la traduction française» (165-209). In einer «Conclusion générale» (211-14) fasst die Autorin ihre Resultate zusammen. Gespeist wird die 322 Besprechungen - Comptes rendus