eJournals Vox Romanica 70/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2011
701 Kristol De Stefani

Les recueils de cacologies du XIXe siècle en Suisse romande: entre description et proscription

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2011
Dorothée  Aquino-Weber
Sara  Cotelli
Christel  Nissille
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Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande: entre description et proscription 1. Introduction Notre intérêt pour les recueils de cacologies est en grande partie né du travail lexicographique que nous effectuons sur le volet suisse de la BDLP 1 et de l’élaboration, toujours dans le domaine de la lexicographie différentielle, d’un projet d’étude sur les marques d’usages dans le français de Suisse romande 2 . Dans ce cadre, nous avons très souvent recours à ces ouvrages regorgeant d’informations sur le français régional, notamment pour y puiser des précisions métalinguistiques sur les lexèmes traités. Ces productions sont très nombreuses au XIX e siècle et ce dans toute la francophonie historique (Belgique, France, Québec et Suisse). Toutefois, peu d’études scientifiques leur sont directement consacrées et la littérature secondaire s’y rapportant demeure rare et fragmentaire. La plupart des ces recherches envisagent en effet ces recueils uniquement dans le cadre de la lexicographie différentielle en cherchant notamment à montrer leur intérêt en tant que sources pour la constitution de dictionnaires (Wolf 1983, Rézeau 1992 ou Knecht 2000). Comme souvent, le Québec, confronté à une situation socio-historique spécifique, fait exception et ces ouvrages ont plus largement retenu l’attention des chercheurs travaillant sur cette région 3 . De notre côté, nous sommes persuadées que ces recueils de cacologies, à travers la description et l’évaluation qu’ils proposent des usages, peuvent fournir plus que des matériaux lexicographiques. Ils contiennent en effet des informations précieuses pour l’historien de la langue et pour le sociolinguiste, en particulier au niveau des représentations et des idéologies langagières qu’ils contiennent. Nous avons ainsi choisi de rassembler de la façon la plus complète possible les différents 1 La Base de Données Lexicographiques Panfrancophone (BDLP) est un projet international placé sous l’égide de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) qui propose la consultation du lexique régional de différentes zones de la francophonie. Elle est disponible à l’URL suivant: http: / / www.bdlp.org. Les informations métalinguistiques se trouvent sous l’onglet «Avis et études». 2 Cf. à ce sujet Aquino-Weber/ Nissille 2011. 3 Cf., par exemple, les travaux suivants sur les cacologies et les chroniques de langage au Québec: Corbeil 1986, Côté 1996, Mercier 1996, 2008, Farina 2001, Remysen 2005. Dans cette contribution, nous ne tenons compte que de la situation suisse romande. Il serait cependant intéressant de la comparer aux différentes traditions épilinguistiques de la francophonie pour en faire émerger l’originalité (moment de l’émergence d’un discours à tendance descriptive, positionnement des auteurs par rapport aux différentes origine des mots régionaux, etc.). Vox Romanica 70 (2011): 219-243 Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille recueils de cacologies publiés en Suisse romande au XIX e siècle afin de les comparer et de les analyser dans une perspective à la fois historique et sociolinguistique. Cette démarche permet de les repenser dans leur historicité et d’en analyser le contenu idéologique afin de comprendre la manière dont leur discours a évolué au cours de cette période. 2. Précisions terminologiques La littérature scientifique propose de nombreux termes pour désigner les discours que chacun - linguiste, «professionnel de la langue» (instituteur, journaliste, traducteur, etc.) ou simple amateur - est amené à faire sur sa pratique linguistique ou celle de ses contemporains: épilinguistique, métalinguistique, normatif, puriste, prescriptif. Nous utiliserons dans cet article le terme général de discours épilinguistique pour désigner «tout type de discours autonome sur les langues ou les pratiques» (Canut 2007: 51), une catégorie qui recouvre les discours descriptifs mais aussi les prises de position évaluatives et prescriptives 4 . Les discours épilinguistiques ne qualifient pas seulement les productions dans lesquelles est utilisé, pour parler de la langue, un métalangage professionnel mais englobent les textes rédigés aussi bien par des linguistes que par des non-spécialistes. Nous avons également préféré laisser de côté les termes puriste, prescriptif et normatif car ils sous-entendent un jugement de valeur trop souvent subjectif. À partir de là, nous postulons l’existence, au sein du discours épilinguistique, d’un continuum entre description et proscription 5 . En parallèle, nous emploierons divers termes pour qualifier les auteurs de ces discours épilinguistiques. Commentateur sera le nom générique appliqué à tous les producteurs de textes épilinguistiques; nous distinguerons ensuite entre descripteur et proscripteur pour différencier les deux tendances principales présentes dans ce type de discours. Remarqueur sera pour sa part réservé aux rédacteurs de remarques (Caron 2004). Finalement, tandis que dans la tradition dictionnairique, cacologie est réservé à la notion de «locution jugée vicieuse parce que contraire au bon usage de la langue commune» (TLF 6 ), nous employons ici ce terme par synecdoque pour désigner tant les locutions proposées par les auteurs de cacologies que les recueils les regroupant. 220 4 Si Cécile Canut emprunte le concept à Culioli 1999: 74-75, elle ne retient pas la différence que ce linguiste fait entre discours métalinguistique et épilinguistique. Nous la suivons en cela. 5 Malgré la présence abondante du terme prescription dans la littérature scientifique, nous avons préféré reprendre celui de proscripteur, accepté dans l’usage dictionnairique, plutôt que de forger le nouveau mot de prescripteur. En ce qui concerne l’adjectif qui qualifie ce type de discours, nous utiliserons la forme la plus courante, c’est-à-dire prescriptif; nous parlerons toutefois de proscription et non de prescription. 6 Trésor de la langue française, Paris 1971-74. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande 3. Repères historiques et hypothèses de recherche Les recueils de cacologies, ouvrages correctifs souvent à visée pédagogique dont la majeure partie date du XIX e siècle, s’inscrivent dans un ensemble plus vaste de discours épilinguistiques qui les précèdent et leur succèdent. Apparus dès la fin du XVIII e siècle dans l’ensemble de la francophonie, ces textes se placent dans la lignée des ouvrages de remarques qui prolongent le travail prescriptif initié par Vaugelas (Ayres-Bennett 2004, Caron 2004). En France, la production des commentateurs du XIX e siècle peut être répartie en deux groupes. D’une part, les continuateurs des remarqueurs des XVII e et XVIII e siècles 7 qui «tremp[ent] volontiers leur plume dans l’encrier de Vaugelas» (Rézeau 1992: 207) 8 et se focalisent sur les variations diastratique et diamésique cherchant à combattre les fautes de langues, les locutions défectueuses et à imposer un «bon style» (Paveau/ Rosier 2008: 250s.) et, de l’autre, des recueils qui se concentrent plutôt sur la variation diatopique de la langue, même s’ils n’excluent pas les autres types de «déviances». Ces derniers s’inscrivent dans la droite ligne des Gasconismes corrigés de Desgrouais (1766) et cherchent avant tout à rectifier, dans une intention puriste, un usage qui n’est pas considéré comme acceptable en se focalisant plus particulièrement sur l’aspect lexical de la variation. À la même époque, la francophonie périphérique ne suit pas une bipartition aussi claire. Les recueils de cacologies 9 s’appuient plutôt sur la tradition des Gasconismes corrigés, même si, comme eux, ils ne recensent pas uniquement des régionalismes mais prennent également en compte d’autres types de particularismes. Pour l’ensemble des régions francophones produisant des discours épilinguistiques et quelle que soit la forme que ces textes adoptent et le degré de proscription dont ils témoignent, la tendance générale du XIX e siècle va dans le sens d’un «réalignement des français régionaux sur le français de France» (Mercier 2008: 62). De ce point de vue, la tournure «locutions vicieuses» 10 qui est la plus fréquemment utilisée - tant dans les titres de recueils que dans les préfaces - nous semble particulièrement explicite. En parallèle, d’autres expressions tout aussi significatives émaillent le discours des auteurs de cacologies: «idiotismes vicieux» 11 , «expressions vicieuses» 12 , «expressions impropres» 13 , «vices de langage» 14 , etc. Elles sont 221 7 Sur ces textes, cf. Ayres-Bennett 1994, Savatovsky 2000. 8 De ce point de vue, le titre de l’ouvrage de Wey 1845 est particulièrement significatif. 9 Pour un aperçu non exhaustif de cette production, cf. l’annexe 1 de Serme 1998: «les régionalismes corrigés». 10 Pour la Belgique: Parent 1831, Lévy 1843; pour le Québec: Maguire 1841, Dunn 1880; pour les régions de France: Munier 1829, Pomier 1835, Sauger-Préneuf 1836. 11 Pour la Belgique: Remacle 1843. 12 Pour le Québec: Gringas 1867; pour les régions de France: Michel 1807. 13 Pour la Belgique: Poyart 1831. 14 Pour la Belgique: Benoît 1857; pour les régions de France: Sajus 1821. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille employées aussi bien dans les productions touchant les variétés régionales de la francophonie périphérique que les variétés de France. Vers la fin du XIX e siècle se dessine une nouvelle phase qui se prolonge au siècle suivant et connaît une modification de cette pratique puriste. Si dans toute la francophonie, cette tradition épilinguistique se poursuit par des commentaires et des chroniques à tendance plus ou moins puriste, des discours «scientifiques» sur la variation, notamment la variation diatopique, voient le jour avec les premiers grands travaux des dialectologues à la fin du XIX e siècle 15 . La Suisse romande 16 participe à ce même mouvement. Les productions du XIX e siècle comportent des formules comme «locutions vicieuses» 17 , «expressions vicieuses» 18 ou «fautes de langage» 19 ; elles affichent ainsi un a priori plutôt prescriptif. Le début du XX e siècle coïncide, quant à lui, avec la naissance de la grande entreprise scientifique du Glossaire des patois de la Suisse romande qui s’occupe notamment des patois mais aussi de la description du français régional. On peut également mentionner pour cette même époque la parution du dictionnaire de William Pierrehumbert, publié en 1926 et qui présente le premier travail réellement descriptif sur le français de Suisse romande (Knecht 1993). Toutefois, la lecture attentive des préfaces et l’analyse des contenus des cacologies permet d’établir qu’il existe en Suisse romande des textes à vocation plutôt descriptive dès le début du XIX e siècle déjà; c’est donc l’oscillation entre description et proscription contenues dans ces recueils que nous chercherons à faire apparaître dans la suite de cet article. Pour ce faire, nous présenterons d’abord brièvement le corpus de cacologies pris en compte dans cette étude puis nous analyserons ces textes du point de vue de leur contenu idéologique mais aussi de l’usage de la langue qu’ils proposent. 222 15 Cf. Saint-Gérand 1990. 16 Au XIX e siècle, les cacologies sont pour la plupart cantonales (Vaud, Genève, Fribourg, Neuchâtel); chacune décrit les particularismes d’une région. 17 Dans des titres: PéterVoc 1828, Pétercacol 1842, GrangFrib 1864, DupertuisVaud 1892. Ainsi dans la préface de GrangFrib (1864: v): «on s’applique trop peu à mettre en garde contre les locutions vicieuses». 18 Merle d’Aubigné 1790, ou, dans une préface, «le dictionnaire que nous publions a pour but de relever les expressions vicieuses qu’on emploie soit en parlant, soit en écrivant» (Pétercacol 1842: iv). 19 Pour la Suisse: GuilleNeuch 1858. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande 4. Les recueils de cacologies en Suisse romande 4.1 Le corpus 20 En Suisse romande, les recueils proposant de corriger la langue française apparaissent relativement tôt. Ainsi, F. Poulain de la Barre (Poulain 1691) publie à la fin du XVII e siècle déjà un Essai des remarques particulières sur la langue françoise pour la ville de Genève 21 qui ne trouvera pas d’écho immédiat (Knecht 2004). Ce n’est, en effet, qu’un siècle plus tard que paraît l’édition des Élémens de grammaire françoise en forme de leçons par P. Merle d’Aubigné (Merle d’Aubigné 1790). Cette grammaire comprend dans ses dernières pages un «tableau de quelques expressions & constructions vicieuses, usitées dans certaines provinces» (Merle d’Aubigné 1790: 128-30). On y trouve déjà la présentation en deux colonnes qui deviendra prépondérante dans la plupart des ouvrages du XIX e siècle: la colonne de gauche indiquant la forme fautive et celle de droite son équivalent en «bon français». Durant la première moitié du siècle, plusieurs grammaires françaises publiées en Suisse romande sont augmentées d’un «recueil de locutions vicieuses» suivant ce même modèle typographique 22 et élaborées pour le public romand. Enfin, de nombreux glossaires et des petites brochures sont publiés régulièrement depuis le début du siècle (tableau n° 1, ci-dessous): comme le montre ce tableau, la production épilinguistique suisse romande est très importante au XIX e siècle. En comptant les rééditions, on y dénombre une bonne trentaine de recueils, de fascicules et de chapitres de grammaires ou de vocabulaires, tous édités dans la région. 4.2 Formes et genre des recueils Si tous les recueils analysés ont un objectif similaire - exposer la langue d’un canton et/ ou les fautes commises par ses habitants -, les formes qu’ils prennent s’avèrent diversifiées. On peut en distinguer trois principales. La grande majorité des textes se présente sous la forme d’un glossaire ou d’une liste. Les entrées, en général classées par ordre alphabétique 23 , sont composées soit 223 20 Les abréviations que nous utilisons pour les ouvrages épilinguistiques suisses romands figurent toutes dans la bibliographie. Elles viennent pour la plupart de la bibliographie du Dictionnaire suisse romand; lorsque des ouvrages n’y figuraient pas, nous avons créé des abréviations sur le même modèle. 21 Nous soulignons. Sur les remarques comme genre textuel, cf. Caron 2004. Sur les cacologies comme genre textuel, cf. Aquino-Weber/ Cotelli/ Nissille à paraître. 22 Sambuc 1834, DelaHarpe 1843, 1858. Il est probable que d’autres recueils de ce genre aient été publiés. Une enquête est en cours pour en dresser une liste exhaustive. 23 À l’exception de Merle d’Aubigné 1790 et de la première partie du recueil de Sambuc 1834. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille des mots critiqués 26 soit de leurs équivalents en bon français 27 . Certaines publications - tout en conservant la mise en page sur deux colonnes - classent les termes incriminés dans des chapitres thématiques 28 . Récemment, en analysant les traits formels et pragmatiques de ces productions (cf. Aquino-Weber/ Cotelli/ Nissille à paraître), nous avons décelé l’existence de deux genres textuels dinstincts dans ce type de production: les recueils de locutions vicieuses ou cacologies et les glossaires. D’autres textes, les plus anciens, se rapprochent plutôt du genre des remarques, typique du discours épilinguistique des XVII e et XVIII e siècles. F. Poulain de la Barre - protestant parisien réfugié à Genève suite à la révocation de l’Édit de Nantes et y exerçant le métier de professeur de français 29 - a publié un Essai de 224 24 Ce tableau ne tient compte que des ouvrages publiés dont nous avons pu trouver la trace. La Bibliographie linguistique de la Suisse romande (BLSR) recense également d’autres travaux s’inscrivant dans la même veine mais qui n’ont pas été retenus pour cette étude (notamment BLSR n° 1926, n° 1929, n° 1944, n° 1956), en particulier parce qu’il ne s’agissait pas d’ouvrages imprimés. 25 Les astérisques signalent des textes auxquels nous n’avons pas encore eu accès; ils n’ont donc pas été pris en compte dans le cadre de notre analyse. 26 Par ordre chronologique, il s’agit de Dumaine 1810; GaudyGen 1820, 1827; PéterVoc 1828; Anonyme 1841; PéterCacol 1841, 1842; DelaHarpe 1843; Humbert 1852; DelaHarpe 1858; Anonyme 1860? ; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867; Anonyme 1880. 27 CalletVaud 1861. 28 DupertuisVaud 1892; PludFranç 1890. 29 Pour des précisions sur son parcours et sur la réception de son œuvre, cf. Knecht 2004; sur l’impact de ses écrits, cf. Schüle 1979. Tableau n° 1: Les principales publications de type épilinguistique en Suisse romande depuis 1690 jusqu’au début du XX e siècle 24 . Année de publication Ouvrages 1690-1800 Poulain 1691; Merle d’Aubigné 1790 1800-1810 DeveleyVaud 1808; Dumaine 1810 1810-1820 GaudyGen 1820 1820-1830 DeveleyVaud 1824; GE 1824* 25 ; GuilleDial 1825; GaudyGen 1827; PéterVoc 1828; Anonyme 1829 1830-1840 GuilleNeuch 1829-32; MulhGen 1831*; Sambuc 1834 1840-1850 Anonyme 1841; PéterCacol 1841; Anonyme 1841-1842*; PéterCacol 1842; DelaHarpe 1843; BonsVal 1843* 1850-1860 HumbGen 1852; GuilleNeuch 1858; DelaHarpe 1858; MulhGen 1858*; Anonyme 1860? 1860-1870 CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; MusGen 1864*; GrangGer 1964; BonNeuch 1867; GrangFrib 1868 1870-1880 1880-1890 Anonyme 1880; PludFranç 1887; Favrat 1888* 1890-1900 PludFranç 1890; DupertuisVaud 1892; PludFranç 1893; Dupraz/ Bonjour 1895* Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande remarques (Poulain 1691) qui reprend les caractéristiques principales du genre (cf. Caron 2004). Comme le mentionne P. Knecht (2004), l’origine de l’auteur et l’absence manifeste de filiation de ce texte le place plutôt dans la tradition française des remarqueurs. On trouve néanmoins d’autres publications ultérieures qui partagent certaines de ses caractéristiques formelles. Les Observations du langage du pays de Vaud 30 d’E. Develey (première édition DeveleyVaud 1808, seconde édition DeveleyVaud 1824) représentent, par leur longueur, le second ouvrage d’importance paru en Suisse romande. Il s’agit de remarques sur la langue des Vaudois; elles ont été rassemblées par un éminent mathématicien de son époque très intéressé par les faits de langage et mises en page de façon aléatoire, non pas en deux colonnes comme cela se fera par la suite mais en petits paragraphes traitant un ou plusieurs mots de façon thématique. Toutefois, contrairement à Poulain 1691, DeveleyVaud 1808 constitue bien le premier texte de la tradition épilinguistique romande et semble avoir inspiré certaines publications plus tardives, «les auteurs [ayant] une fâcheuse tendance à se plagier d’abondance les uns les autres» (Rézeau 1992: 207; cf. encore Aquino-Weber/ Cotelli/ Nissille à paraître). La troisième forme de recueil rencontrée est celle adoptée dans les deux ouvrages du Neuchâtelois A. Guillebert (GuilleDial 1825; GuilleNeuch 1829-32 avec la réédition de 1858). Ce dernier choisit de disposer sa matière sous la forme d’un dialogue dans lequel il met en scène une conversation remplie de termes jugés fautifs entre deux Neuchâtelois. Ce dialogue est abondamment commenté dans des notes qui se trouvent soit en regard du texte dans une colonne parallèle (1825) soit en bas de page (1829-32). Plusieurs éléments nous conduisent à classer cet ouvrage dans le genre des remarques. 4.3 Le contenu des recueils: mélange des variations Tous les recueils, lexiques et chapitres de grammaires que nous étudions ici ont une caractéristique commune: leur contenu se constitue d’un mélange d’éléments - lexèmes, locutions, expressions, etc. - se rapportant à différents types de variation linguistique. Implicitement par leur titre et/ ou explicitement dans leurs remarques liminaires, leur auteur prétend que leur contenu porte sur la variation diatopique et donne à voir l’état de la langue dans un canton ou région: dialecte neuchâtelois, glossaire genevois / neuchâtelois / fribourgeois / vaudois, recueil de germanismes et de fautes locales, etc. Dans les faits, si ces ouvrages recensent effectivement de nombreux termes régionaux - qui peuvent être évalués positivement ou négativement -, ils regroupent aussi une foule de termes ou d’expressions que l’on emploie également en France mais qui soit sont absents des dictionnaires, soit y apparaissent avec les marques «familier» ou «populaire». Ainsi, le but explicite d’E. Deve- 225 30 Nous soulignons. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille ley est de «recueillir les expressions vicieuses particulières à notre pays» mais il y a ajouté «un grand nombre d’articles qui ne contiennent autre chose que des fautes de grammaire, d’orthographe ou de prononciation» (DeveleyVaud 1808: iii). En ce qui concerne les expressions non spécifiques à la Suisse romande, nous pouvons par exemple noter le traitement de par contre qui est critiqué par la plus grande partie des cacologies romandes 31 , en particulier par DeveleyVaud 1824 qui le considère comme n’étant «pas français». Comme l’explique Doppagne 1966: 193s., par contre est largement utilisé dans toute la francophonie même s’il a été critiqué depuis Voltaire. Il n’a donc rien de spécifiquement romand et apparaît même dans la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie (1835) qui signale toutefois qu’il appartient au «style commercial». Un grand nombre de cacologies suisses 32 stigmatisent l’expression marier quelqu’un (ex. Jean a marié la fille de X ) substituée à l’emploi pronominal se marier avec quelqu’un. Cet usage n’est pas spécifiquement suisse romand, il est aussi critiqué au Québec 33 et en Belgique 34 . Le TLF propose d’ailleurs cette tournure avec la mention «populaire ou régional». De plus, ces ouvrages, même s’ils sont plutôt axés sur le lexique, se veulent également des guides de bonne prononciation. Plusieurs «prononciations vicieuses» y sont signalées, comme par exemple août [au] qu’il conviendrait de prononcer [u] 35 . Enfin ils contiennent une série de considérations portant plus spécifiquement sur la grammaire, notamment sur l’usage des prépositions, comme l’utilisation de la préposition à pour marquer la propriété (le livre à Jean) 36 . 5. Le discours épilinguistique en Suisse romande au XIX ème siècle Souvent écrites dans un dessein apologétique, les remarques liminaires des ouvrages épilinguistiques nous éclairent sur certains points théoriques importants. Elles dévoilent les représentations que se font leurs auteurs de la langue française et de la variation. Dans le traitement des lexèmes, cependant, ces idées apparaissent parfois de manière floue ou semblent en contradiction. 226 31 Poulain 1691: 17; DeveleyVaud 1808, n° 25; Dumaine 1810; GaudyGen 1820; Develey- Vaud 1824; GuilleDial 1825; GaudyGen 1827; Anonyme 1841, Pétercacol 1841, 1842; Humb- Gen 1852; DelaHarpe 1858; GuilleNeuch 1858; BonNeuch 1867; Anonyme 1880; Dupertuis- Vaud 1892. 32 GuilleDial 1825: 82; PéterVoc 1828; Sambuc 1834: 217; Anonyme 1841; PéterCacol 1841; DelaHarpe 1843; GuilleNeuch 1858: 238; Anonyme 1860? ; CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; Anonyme 1880; PludFranç 1890: 5, 1918: 18. 33 Boucher-Belleville 1855; Dunn 1880. 34 Cf. Klein 2004: 204 qui cite cet exemple que Poyart, a inséré dans son Flandricismes, wallonismes et expressions impropres dans le langage français (1806 et plusieurs rééditions). 35 En particulier selon DeveleyVaud 1808 n° 15; Anonyme 1841 s.v. A; Anonyme 1880 s.v. A. 36 GaudyGen 1820, 1827; PéterVoc 1828; PéterCacol 1841, 1842; HumbGen 1852; Callet- Vaud 1861; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande 5.1 Variation de la langue et purisme dans les préfaces La majeure partie des recueils a été produite dans un contexte scolaire 37 ; c’est le cas des œuvres de Dumaine, Péter, Sambuc, De la Harpe, Grangier, Dupertuis ainsi que de plusieurs textes anonymes 38 . Ces ouvrages sont généralement précédés d’une préface exposant leurs objectifs; quand ce n’est pas le cas, ces derniers sont souvent aisément déductibles du contexte de publication et/ ou du contenu du texte. De même le titre des recueils suffit souvent à en indiquer le positionnement idéologique: Recueil de mots et de locutions populaires, ou façons de parler contraires à l’usage, avec leur véritable signification (Anonyme 1829), Nouvelle cacologie ou dictionnaire des locutions vicieuses, des difficultés de la langue française (PéterCacol 1841), Recueil de locutions vicieuses les plus usitées que l’on doit éviter dans le langage et remarques à ce sujet (DelaHarpe 1843), Recueil de germanismes et de fautes locales (Anonyme 1880), Recueil des locutions vicieuses les plus usitées dans le canton de Vaud. (DupertuisVaud 1892). Ces titres parlent d’eux-mêmes. D’autres auteurs, comme Péter, explicitent leur démarche: Le dictionnaire que nous publions a pour but de relever les expressions vicieuses qu’on emploie soit en parlant, soit en écrivant; il renferme les barbarismes et les solécismes les plus répandus, ainsi que les expressions contraires au bon goût. . . . La plupart des fautes que nous corrigeons, sont généralement répandues, d’autres sont particulières à la France, à la Suisse, ou seulement à telle ou telle contrée de ces deux pays. (PéterCacol 1842: iv) Ces recueils de cacologies sont indissociables de l’univers d’apprentissage et de correction de la langue dont ils sont issus. Ils ont pour but explicite de servir de «complément de la plupart des grammaires élémentaires . . .» (PéterCacol 1842: iv; cf. encore Dumaine 1810: x; GrangGer 1864: vi), d’être des recueils «au[x]quel[s] ne peuvent suppléer ni les grammaires ni les autres dictionnaires» (Péter- Cacol 1842: vi). Cette synergie entre recueil de cacologies et grammaire apparaît d’ailleurs clairement dans les cas où tous deux sont publiés dans un même ouvrage (cf. DelaHarpe 1843 et 1858). Les recueils de cacologies proposent la simple formalisation d’une pratique déjà ancienne comme l’indique Dumaine: 227 37 En Suisse romande, l’utilisation pédagogique des cacologies dans les classes semble être répandue et s’étend tout au long du XIX e siècle. Ainsi, la Bibliothèque universelle des sciences, belles-lettres et arts (Genève 1828, t. 38: 337-38) nous apprend que PéterVoc 1828 a été «adopté pour le collége de Neuveville». Anonyme 1841 dit avoir écrit pour ses «élèves particulièrement ce recueil de locutions». De même, le compte rendu de DupertuisVaud 1892 dans la Bibliothèque universelle et revue suisse (Genève 1893: 218) indique que si le programme des collèges inclut depuis longtemps l’étude des locutions vicieuses, le recueil de Dupertuis devrait encore être amélioré pour être digne de prendre la place de CalletVaud 1861 dans les classes vaudoises. 38 Dumaine 1810; PéterVoc 1828; Anonyme 1829; Sambuc 1834; Anonyme 1841; PéterCacol 1841, 1842; DeLaHarpe 1843, 1858; Anonyme 1860; GrangFrib 1864; Anonyme 1880; Dupertuis 1892. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille Au reste, je faisois déjà la plupart de ces observations dans mes leçons, avant que l’ouvrage de Mr. Develey parût; et Mr. le Professeur Lanteires en avoit commencé de semblables dans son Journal de Lausanne, il y a environ vingt-cinq ans. (Dumaine 1810: x) Trente ans plus tard, PéterCacol témoigne que «l’utilité des ouvrages destinés à signaler les expressions vicieuses, est trop connu pour qu’il soit nécessaire d’en parler ici . . .» (1842: iv). Avant les premières publications, les professeurs étaient contraints de rassembler eux-mêmes, le plus souvent à partir de copies d’élèves, les locutions jugées fautives sur lesquelles ils souhaitaient insister avant de les dicter à leurs élèves ou de reprendre des cours qu’eux-mêmes avaient suivis en tant qu’étudiants (Dupertuis 1892: 5). La publication met donc le travail de chacun au service de la collectivité (DeveleyVaud 1824: iii). C’est dans ce cadre que l’on voit se développer une tradition: chaque auteur témoigne du caractère incomplet de sa propre récolte et insiste souvent sur un problème particulier de la langue - comme l’utilisation des germanismes (GrangGer 1864: v), les phénomènes récurrents dans l’une ou l’autre des régions, les mots glanés au fil des expériences, etc. - tout en étant conscient que son travail sera complété par ses successeurs (Anonyme 1841: i). Par conséquent, l’auteur se pose aussi en imitateur de ses prédécesseurs (GrangFrib 1864: 6) et admet que l’exhaustivité ne pourra être atteinte que par l’accumulation des ouvrages: [N]ous ne prétendons pas encore publier une œuvre achevée: elle pourra le devenir lorsque nos lecteurs de toutes les parties du canton voudront bien s’y associer, en la considérant comme une œuvre nationale . . . (GrangFrib 1864: 8) Comme en témoigne cette dernière citation, la cacologie se voit investie d’un devoir national 39 lié à sa pratique corrective et acquiert une toute puissance: [I]l pense qu’il pourra aussi être de quelque utilité aux personnes qui désirent acquérir plus de correction dans leur langage ou leur style, et se préserver des fautes qui se conservent dans toute localité, en plus ou moins grand nombre, jusqu’à ce qu’un glossaire vienne les signaler et les faire disparaître. (Anonyme 1841: ii) En effet, selon la citation, le public auquel s’adressent ces ouvrages d’enseignement de la langue est avant tout allophone - catégorie d’apprenants particulièrement exposée aux calques, qu’ils soient dialectophones romands ou alémaniques (Anonyme 1841: i; PéterCacol 1842: v; GrangGer 1864: vi) -, mais l’incorrection du langage guette également toute personne parlant le français. Ce témoignage montre que les écarts à la norme que l’on trouve en premier lieu chez les élèves 228 39 L’idée que ces ouvrages remplissent une fonction nationale est explicitée par plusieurs auteurs, dont Gaudy-LeFort qui considère que son recueil contribue à rappeler - en évoquant la précieuse langue qu’ils tiennent de leurs pères - que les Genevois ont été indépendants (GaudyGen 1820: ii). Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande dépassent le simple cadre d’apprentissage de la langue française: elles font partie d’une variété de français régional. Pour des raisons pratiques, l’objectif général de l’ouvrage correctif se colore de facteurs idéologiques. L’un des auteurs des recueils dont nous venons de parler, tout en clarifiant l’objectif didactique en contexte scolaire de son ouvrage, propose une réflexion sur sa portée corrective: En signalant, sous le titre de Glossaire fribourgeois, les fautes de langage particulières à notre canton, nous n’avons certes pas la ridicule vanité de nous poser en puriste: le puriste est voisin du pédant, et personne ne hait plus que nous la pédanterie, dans quelque carrière qu’elle se présente. Nous n’avons pas même la simple prétention de réformer notre langue maternelle. Notre unique but est de fournir à ceux de nos compatriotes qui voudront bien prendre la peine de nous lire sans préjugé, les moyens de parler, sinon purement, du moins plus correctement leur langue, aujourd’hui où l’éducation est d’une si grande ressource, surtout pour notre petit pays . . . Il n’est pas de classe dans la société fribourgeoise à laquelle ce livre ne soit appelé à rendre d’excellents services; mais nous le destinons, avant tout, aux instituteurs primaires, comme aux jeunes gens qui veulent se vouer à l’éducation, et, au terme de leurs études, quitter le sol natal pour aller enseigner leur langue à l’étranger. (GrangFrib 1864: 5-6) Tout en conservant un jugement sévère sur la langue de ses concitoyens, variété désignée plus loin comme un «fatras de tournures allemandes, de mots patois, d’expressions triviales de notre cru» (GrangFrib 1864: 6), Grangier rejette cependant l’étiquette de puriste. Il introduit d’ailleurs, de manière discrète, un élément diatopique à cette correction en en définissant clairement le contexte et en ciblant les enseignants se déplaçant à l’étranger. Il met aussi en avant la variété de français qui doit être maîtrisée dans un tel cas: «le français classique, le français des livres, comme nous l’avons entendu appeler» (GrangFrib 1864: 6). En plus de ces restrictions quant au domaine linguistique visé par la correction, il circonscrit la notion de locution vicieuse: Il va sans dire que sous le nom de barbarisme et de locution vicieuse, nous n’entendons parler que des expressions qui ont des équivalents en français, et non de celles qui tiennent uniquement à nos coutumes, à notre industrie, et qu’aucun dictionnaire ne saurait remplacer. (GrangFrib 1864: 8 N) On retrouve ces particularités chez deux auteurs qui s’éloignent du type de productions dont nous venons de parler et qui ne sont pas en rapport direct avec le milieu scolaire: E. Develey avec ses Observations sur le langage du Pays-de-Vaud (DeveleyVaud 1824) et A. Guillebert dont la troisième édition de l’ouvrage porte le titre de Fautes de langage corrigées, ou Dialogue entre Mr. P. et Mlle R. (Guille- Dial 1825). Contrairement à Grangier, ces auteurs ne portent pas uniquement des jugements négatifs sur la langue de leurs concitoyens - qui n’est «point a beaucoup près, le plus défectueux de tous» (DeveleyVaud 1824: iii; cf. encore GuilleDial 1825: 2). Mais comme lui, s’ils se défendent d’être puristes, ils admettent qu’il faut éradiquer du parler les locutions impropres et vicieuses, en particulier chez les per- 229 Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille sonnes qui souhaitent voyager 40 ou chez les jeunes gens qui se destinent à l’enseignement 41 . GuilleNeuch (1858: 86-88) fait de plus une distinction entre usages oraux et écrits et Develey propose les mêmes nuances de correction que Grangier dans sa définition de locution vicieuse: Dans des cas de ce genre, si j’ai élevé des doutes sur tel ou tel mot, ce n’est point pour qu’il soit absolument banni, proscrit; mais pour qu’on soit averti qu’il est peut-être entaché de quelque illégitimité, et soupçonné d’avoir usurpé son rang. (DeveleyVaud 1824: iv) Ces trois auteurs s’éloignent donc des recueils de cacologies par leur idéologie sous-jacente, de même que par le genre de leur ouvrage. Develey et Guillebert s’inscrivent tous deux dans le genre des remarques tandis que Grangier exprime le caractère mixte de sa démarche dans son titre: Glossaire fribourgeois ou Recueil des locutions vicieuses usitées dans le canton de Fribourg. Tous trois prennent le chemin d’une tendance plus descriptive que celles des auteurs précédemment traités, et que l’on trouve de façon plus développée dans les discours liminaires de J.-A. Gaudy-LeFort, de Jean Humbert, de P. M. Callet et de J.-H. Bonhôte 42 . Ces derniers ne nient généralement pas la portée corrective de leur ouvrage mais y introduisent des nuances concernant la qualité du français de Suisse romande et posent eux aussi des conditions à la correction de la langue. Car même si le français n’est pas considéré par tous comme totalement corrompu, certains domaines doivent être améliorés en tenant compte des circonstances. Ainsi, les aspects du français à corriger sont clairement définis. Tout d’abord, ces auteurs décrivent la langue à l’aide d’une terminologie spécifique: dialecte 43 , dialecte populaire, idiome, idiome populaire/ genevois. Il s’agit d’une réelle prise en compte de la variation, mise en rapport - dans les commentaires accompagnant les lexèmes traités - avec les autres français de Suisse et de France et avec le français de référence dans une perspective historique et étymologique (GaudyGen 1820: iii-ix; HumbGen 1852: xxix). La correction que ces auteurs proposent est de plus soumise à des contraintes diatopiques ou diaphasiques/ diamésiques. Gaudy insiste sur le fait qu’un «Génevois, en faisant usage des termes de son dialecte, sera toujours compris à Genève» (GaudyGen 1820: ii) mais prévient qu’il ne le sera peut-être pas dans un pays étranger, ou du moins qu’il risque de subir des moqueries. Bonhôte, qui semble reprendre les mots de la préface posthume de l’ouvrage d’Humbert 44 , déclare qu’il «n’est pas au nombre de ces puristes exagérés qui veulent bannir de la conversation familière toutes les locutions qui ne sont pas strictement académiques» (BonNeuch 1867: iii). 230 40 Poulain 1691; GaudyGen 1827: ix; GuilleDial 1825: 1, 1858: 75. 41 GrangFrib 1864: 5; GuilleNeuch 1858: 75. 42 GaudyGen 1820, 1827; HumbGen 1852; CalletVaud 1861; BonNeuch 1867. 43 Les auteurs de cacologies semblent faire une distinction entre «patois» qui désigne les parlers francoprovençaux et «dialecte» qui s’applique au français régional. 44 «Il se serait élevé contre le purisme exagéré qui voudrait bannir de la conversation familière toutes nos locutions indigènes» (HumbGen 1852: xxix). Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande Comme Guillebert, Develey et Grangier, tous ces auteurs se défendent d’être des puristes. Ils nuancent leurs attaques contre la langue et proposent un tri raisonnable des expressions dans la variété incriminée avec des arguments semblables à ceux que l’on a vu chez Grangier en les accompagnant toutefois d’une argumentation historique et étymologique (cf. le point suivant). En s’émancipant du contexte scolaire - le plus souvent du fait de leur statut professionnel mais aussi par le public auquel ils destinent leur ouvrage -, ils augmentent leur volonté de correction partielle du langage d’un argument de conservation de l’idiome: Être utile à cette classe nombreuse de Génevois que leur vocation n’a point appelés à des études; offrir aux gens instruits quelques observations sur les origines de notre dialecte populaire, tel est le double but que je me suis proposé, en publiant ce recueil . . . Ce recueil sera donc, tout-à-la fois, un conservateur de notre langage, et un guide qui pourra nous faire éviter des fautes, lorsque nous voudrons nous exprimer en français. (GaudyGen 1820: i-ii) Mon but n’a point été de me poser en réformateur de notre langage, encore moins d’en faire la critique. J’ai tout simplement cherché, d’une part, à dresser l’inventaire du matériel d’un idiome qu’un grand nombre de personnes jugent peut-être sévèrement; et, de l’autre, à faire connaître les mots correspondants ou les expressions équivalentes que donne le dictionnaire. (CalletVaud 1861: 5) Il aurait dit, en premier lieu, que son but avait été de présenter dans le Glossaire la nomenclature complète des termes genevois, c’est-à-dire, des expressions qui ne se trouvent pas dans les dictionnaires français, et qui sont en usage dans la ville ou dans le canton de Genève; qu’il avait en même temps pris soin de relever les fautes de langage les plus grossières et les erreurs de grammaire les plus choquantes; qu’il avait enfin cherché à jeter quelque variété dans ce travail, par l’insertion de tous les proverbes nationaux qu’il avait pu recueillir, et par des rapprochements entre notre idiome et les dialectes français circonvoisins. C’est dans la même intention, et pour éveiller l’intérêt sur la langue des campagnes, qu’il a introduit dans le Glossaire quelques-uns des mots patois les plus répandus. (HumbGen 1852: xxvii-xxviii) C’est le titre de Glossaire qui a été choisi par les auteurs pour rendre compte de leur démarche, Gaudy seul explicitant d’entrée de jeu ce double objectif: Glossaire Génevois, ou Recueil étymologie des termes dont se compose le dialecte de Genève, avec les principales locutions défectueuse en usage dans cette ville. Humbert, quant à lui, précise le projet de «conservation» véhiculé par ces ouvrages: il s’agit de constituer un fond qui permette de susciter l’intérêt de la population pour les réalités linguistiques de la Suisse romande et d’élaborer un corpus permettant une étude philologique. L’appel est d’ailleurs lancé par Gaudy: Si, dans chaque province de la France, il se trouvait un amateur de philologie, qui voulût bien s’occuper de recherches pareilles aux miennes, et les publier, il en résulterait des comparaisons dont le fruit ne serait pas douteux. (GaudyGen 1820: iii) Parmi ces productions, celle de Bonhôte fait exception. Elle ne contient aucune information historique et l’auteur n’intègre pas à ses objectifs la correction de la langue: 231 Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille Son but a été de faire la nomenclature, aussi complète que possible, des mots composant notre idiome populaire, laissant au public le soin de faire de l’ouvrage l’usage qui lui paraîtra le plus convenable. (BonNeuch 1867: v) Ainsi, l’auteur se présente explicitement comme un descripteur, laissant à ses lecteurs une quelconque intention prescriptive. De cette manière, il semble se positionner à l’extrémité du continuum entre prescription et description qui se dégage de la lecture des préfaces et sur lequel s’échelonnent les ouvrages épilinguistiques. Le caractère descriptif des glossaires se situe non seulement dans les conditions d’emploi proposées par leurs auteurs - certains faits de langue se trouvant de fait simplement définis, voire valorisés -, mais également dans leur prétention à constituer des répertoires qu’ils souhaitent voir tendre à l’exhaustivité et à mettre sur pied une entreprise philologique. 5.2 Critères d’exclusion ou d’acceptation des régionalismes Le continuum dégagé dans le discours liminaire des ouvrages se répercute également dans le traitement de l’information. Dans les cacologies, la nomenclature révèle les expressions à bannir: ce qui s’y trouve est nécessairement faux, et les matériaux sont expliqués et corrigés à l’aide des meilleurs dictionnaires. Ce n’est pas le cas dans les ouvrages à tendance descriptive, leurs auteurs oscillant entre critique et valorisation et ne présentant jamais un front uni face aux particularismes régionaux. Certains sont acceptés, d’autres rejetés, sans qu’il soit toujours possible de distinguer de critères logiques: en effet, si ces différents auteurs utilisent tous les mêmes autorités en matière de français de référence (Académie Française, dictionnaires, grammaires ou auteurs), lorsqu’il s’agit de savoir ce que signifient les termes de «locution vicieuse» ou de «barbarisme», nous constatons qu’ils ne partagent pas une définition unique de ces notions. Cependant, dans le tri entre usages considérés comme légitimes et usages à proscrire tel qu’il est proposé par les auteurs que nous avons classés du côté de la description, certains arguments communs émergent. Humbert (HumbGen 1851: xxviii-xxix), par exemple, considère que les «défauts véritablement choquants dont nous devons chercher à purger notre langage» sont les «barbarismes grossiers, les erreurs de syntaxe et les fautes de prononciation» sans donner plus de précisions sur ce que signifie «barbarisme grossier». Il retranche cependant de sa liste les archaïsmes ainsi que les noms qui servent à «désigner . . . des objets qui n’existent pas hors de notre pays» ou ceux qui n’ont pas en «français classique, de véritables équivalents». Il est suivi dans cette démarche par Grangier 45 et Develey, qui propose la typologie suivante: 232 45 Cf. GrangFrib 1864: 8 N. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande Qu’on doive se corriger de locutions décidément vicieuses, des expressions plus ou moins barbares, des fautes de grammaire bien évidentes, c’est ce que personne ne niera sans doute. Qu’il convienne aussi de remplacer, quand cela se peut, des mots purement vaudois, ou des mots français dénaturés, par d’autres mots qui ont réellement la même acception, et que le bon usage a consacré, cela paraît encore tout-à-fait incontestable. Mais si l’on prend à part les mots du pays qui, d’après les dictionnaires, n’ont décidément point de synonymes proprement dits, parce que les objets qu’ils désignent ne sont pas du tout connus à Paris, ou du moins pas avec les nuances que nous y avons introduites, je ne vois assurément aucun inconvénient à les conserver. (DeveleyVaud 1824: iv) Gaudy semble partager implicitement les mêmes critères, puisqu’il indique que la variété qu’il décrit renferme «plusieurs verbes qui n’ont point de correspondans en français, et qu’on ne pourrait remplacer que par des périphrases» (GaudyGen 1820: ii). Bonhôte, quant à lui, n’indique aucune restriction puisque son but avoué est simplement de proposer une nomenclature. Cependant, le traitement qu’il propose des mots et des expressions répertoriés atteste des conditions d’emploi similaires à celles de ses prédécesseurs. Nous allons voir cependant que si ces critères sont partagés dans leurs définitions, les auteurs ne présentent pas toujours de cohérence dans leur application. Pour tous, il est nécessaire de corriger ce qui peut être considéré comme des «fautes de prononciation», que cela soit montré de façon implicite (BonNeuch 1867, s. aighiser; GaudyGen 1820, s. abus) ou présenté explicitement (Develey- Vaud 1808: iii; GrangFrib 1864: 8; HumbGen 1852: xxix). Il en va de même pour les «fautes de grammaire» (DeveleyVaud 1824: iv; HumbGen 1852: xxix; Bon- Neuch 1867, s. aimer, boudin) ou du moins celles qui sont communes avec le reste de la France (GrangFrib 1864: 8). De même, lorsqu’il s’agit d’un mot français endossant un sens régional, son emploi est presque toujours critiqué par peur de l’ambiguïté. Ainsi, adieu utilisé comme terme de salutation lorsqu’on aborde quelqu’un est unanimement décrié 46 . De même, le substantif bouchère ‘herpès labial’ est corrigé par la majorité des auteurs 47 qui soulignent parfois qu’une bouchère en français s’utilise pour désigner la ‘femme d’un boucher’ (Develey- Vaud 1808). Quant à fourneau - qui est connu en Suisse romande dans le sens de ‘poêle’ -, il «ne se dit que par rapport aux arts» (GaudyGen 1820, 1827), ce qui est corroboré par HumbGen 1852 et BonNeuch 1867 qui mentionnent que «le mot fourneau est français dans un autre sens». Un autre exemple montre, au contraire, une hésitation: fruitière - dans le sens de ‘fromagerie’ - est critiqué par GaudyGen 233 46 Ce terme apparaît dans les ouvrages suivants: DeveleyVaud 1808, 1824; GuilleDial 1825, GaudyGen 1820, 1827; Anonyme 1841; PéterCacol 1842, DelaHarpe 1843; HumbGen 1852; GuilleNeuch 1858; Anonyme 1860? ; CalletVaud 1861; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867; Anonyme 1880; DupertuisVaud 1892. 47 Bouchère est corrigé par les commentateurs suivants: Merle 1790; DeveleyVaud 1808; Dumaine 1810; GaudyGen 1820, 1827; PéterCacol 1841, 1842; HumbGen 1852; GuilleNeuch 1858; CalletVaud 1861 s. bouton; GrangFrib 1864; BonNeuch 1867; PludFranç 1890; Dupertuis- Vaud 1892. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille 1820 et 1827 qui spécifie qu’une fruitière «en bon français, est une marchande de fruits». Par contre, HumbGen 1852 et BonNeuch 1867 partagent un même traitement non marqué de ce régionalisme.Ainsi, en dehors de quelques cas particuliers, tout ce qui est contraire à la norme du français est à bannir. Les avis sur les mots n’ayant aucune tradition dans la lexicographie française - et donc non pas contraires mais extérieurs à la norme - sont moins unanimes. Ainsi, en théorie, les mots qui ont un équivalent exact en français de référence doivent être évités et remplacés par leur synonyme «français». En dehors de ce cas précis, peuvent être utilisés ce que la lexicographie différentielle des années soixante et soixante-dix se plaisait à nommer des «régionalismes de bon aloi» 48 : les mots du français de Suisse romande qui n’ont pas de synonyme parce qu’il nomment des réalités typiques d’une région ou qu’il sont porteurs d’une nuance, d’un charme supplémentaire par rapport à la notion que l’on veut transmettre 49 . L’utilité et la redondance d’un terme par rapport au français de référence sont donc des critères flous pour lesquels la subjectivité est importante. Ainsi, si certains régionalismes désignant des réalités typiques de la Suisse romande ou de l’un de ses cantons francophones sont unanimement acceptés (fera ‘poisson du lac Léman’ 50 , bondelle ‘poisson du lac de Neuchâtel’ 51 ), la plupart créent la controverse. Par exemple, le biscôme, spécialité culinaire suisse que l’on fabrique et consomme généralement pour les fêtes de fin d’année, est donné sans marque par GaudyGen (1820, 1827), HumbGen (1851), BonNeuch (1867) et GrangFrib (1864) mais est critiqué par GuilleDial (1825: 83) et CalletVaud (1861) qui préconisent de le remplacer par pain d’épices. Clédar ‘porte à claire-voie, barrant l’entrée d’un pâturage’ est accepté par certains auteurs à l’instar de GuilleDial (1825: 57; 1858: 29) qui le considère comme faisant partie des mots «qu’il [est] à-propos de conserver dans notre idiome» parce qu’il s’agit d’une «espèce particulière de barrière». Pour les autres commentateurs, le terme n’est simplement «pas français» 52 et il est préférable d’utiliser les équivalents du «bon français», barrière ou claire-voie 53 . La chose n’est pas plus claire pour les lexèmes qui ne se distinguent de leur équivalent du français de référence que par une nuance expressive. Si la majorité des auteurs semble dans ce cas d’accord sur le principe général, les avis restent partagés en ce qui concerne les exemples concrets, la nuance apportée par ces régionalismes par rapport au français demeurant des plus subjectives. Ces derniers apparaissent pour certains commentateurs comme des termes indispensables à la langue, alors que d’autres les condamnent. Ainsi, par exemple, l’adjectif gringe 234 48 Cf. en particulier le titre d’une publication du Gouvernement du Québec datant de 1969 - Canadianismes de bon aloi - et l’article de Schüle de 1979 (p. 185). 49 CalletVaud 1861 est le seul des ouvrages à tendance descriptive à ne pas prendre cet argument en compte. 50 HumbGen 1852; CalletVaud 1861. 51 BonNeuch 1867; GrangFrib 1868. 52 GrangFrib 1864 s. claidra. 53 DeveleyVaud 1808, 1824; CalletVaud 1861 s. barrière. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande ‘chagrin, mécontent’ est considéré par Guillebert comme «commode et très expressif» (GuilleDial 1825: 60; GuilleNeuch 1829-32: 75) mais donné sans marque par BonNeuch 1867 et critiqué par les autres auteurs (DeveleyVaud 1808 nº 205; CalletVaud 1861 s. triste; GrangFrib 1864; GrangFrib 1868). De même, acouet ‘courage, énergie, élan’ est accepté par HumbGen 1852 et BonNeuch 1867, et même valorisé par Guillebert 54 , tandis que d’autres auteurs le rejettent 55 . Quant à gicler ‘asperger, éclabousser; arroser’ (ou le substantif correspondant giclée), il est donné sans marque par GaudyGen 1820, HumbGen 1852 et BonNeuch 1867, et est valorisé par Guillebert 56 mais critiqué par Callet et Grangier 57 . Un dernier argument de stigmatisation ou de valorisation des régionalismes est celui de l’origine et de l’histoire d’un mot: Je qualifie de locution vicieuse tout mot ou toute expression qui n’est pas dans le dictionnaire, qui n’a jamais été employée par les auteurs soit anciens, soit modernes et qui n’a aucun acte d’origine à présenter pour légitimer sa présence dans le langage. (CalletVaud 186: 6-7) La légitimité de certains régionalismes peut donc provenir de leur utilisation dans la langue générale des XVI e , XVII e et XVIII e siècles ou «des meilleurs auteurs des siècles précédents» (CalletVaud 1861: 6). Certains archaïsmes se trouvent ainsi valorisés 58 : On verrait, par exemple, qu’un grand nombre de mots romans se sont conservés dans presque tous les dialectes français, et que la plupart de ces mots, par leur caractère expressif, aussi bien que par leur droit d’ancienneté, ne seraient pas indignes d’être indiqués à l’Académie, auprès de laquelle on pourrait, à cet égard, s’appuyer d’une opinion bien respectable, celle de Fénélon, qui a dit quelque part: «Je voudrais autoriser tout terme qui nous manque, et qui a un son doux, sans danger d’équivoque . . . (GaudyGen 1820: iii) Mentionnons dans ce groupe septante, huitante et nonante qui ne portent pas sur des spécificités propres à une région et qui ont donc leur équivalent exact en français standard. À leur propos, les cacologies sont divisées; elles oscillent entre spécialisation d’usage, valorisation et critique. Vaugelas ([1647] 2009: 665-66) ne tolère septante que dans l’expression théologique la traduction des Septante. Pour le reste, il condamne son utilisation comme celle de nonante. Dès la première édition du Dictionnaire de l’Académie (1694), septante, huitante et nonante apparaissent comme des termes en usage en arithmétique 59 . Si Develey les considère comme 235 54 GuilleDial 1825; GuilleNeuch 1829-32: 74. 55 «Pas français» CalletVaud 1861 s. force; «pas français, terme patois» GrangFrib 1864. 56 GuilleDial 1825: 60; GuilleNeuch 1829-32: 75. 57 CalletVaud 1861 s. jaillir; GrangFrib 1864 s. jicler. 58 HumbGen 1852: xxix; cf. encore affanner chez CalletVaud 1861. 59 C’est ce qu’indique déjà Poulain de la Barre trois ans auparavant au sujet de septante, octante et nonante: «ces mots sont bons en termes d’Aritmethique & d’Astronomie, mais hors-de là, Il faut dire, Soixante dix, quatrevingt, quatrevingt dix» (Poulain 1691: 18). Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille «pas français» et préconise de les éviter (DeveleyVaud 1808, 1824), Guillebert (GuilleDial 1825, GuilleNeuch 1858) considère quant à lui que les termes utilisés en Suisse romande sont plus commodes. Il fait toutefois une distinction entre huitante qui ne serait pas français et septante et nonante qui le seraient. HumbGen 1851 signale qu’ils sont «fort commode[s]» et «fort usité[s]». GrangFrib 1864, sans être aussi apologétique, regrette que septante, huitante et nonante soient sortis d’usage ce qui sera d’ailleurs aussi l’opinion du lexicographe français Émile Littré 60 . BonNeuch (1867) est du même avis que les auteurs précédents; il ajoute même que «Soixante et dix est un terme incommode». Dans la même veine, les mots régionaux qui semblent formés «à la française» - ou du moins qui partagent l’esthétisme traditionnellement attaché à la variété de référence - bénéficieraient d’un jugement positif. Cet élément n’apparaît pas clairement dans le traitement des matériaux, mais transparaît dans le discours de certaines préfaces: Notre idiome n’est pas dépourvu d’énergie; il renferme des mots remplis d’harmonie imitative. (GaudyGen 1820: i-ii; nous soulignons) Il aurait fait ressortir le caractère expressif, énergique, ou gracieux, de quelques-uns de nos mots, qui n’ont pas, dans le français classique, de véritable équivalent. (HumbGen 1852: xxix; nous soulignons) J’en dis autant de certains idiotismes dont il est possible de trouver le sens par l’étymologie: tels sont les vocables traluire, à novion, etc. (CalletVaud 1861: 6; nous soulignons) L’origine des mots d’emprunts - qu’il s’agisse de dialectalismes ou de germanismes -, si elle est indiquée, ne semble pas invoquée pour stigmatiser les faits de langue 61 , comme cela sera notamment le cas chez des auteurs du tournant du siècle pour les dialectalismes (PludFranç 1903) et dans les écrits des remarqueurs de l’Entre-deux guerres pour les germanismes. 62 236 60 «Septante, quoique bien préférable à soixante-dix, puisqu’il est dans l’analogie de quarante, cinquante, soixante, n’est guère usité que par des personnes appartenant au midi de la France. Il serait à désirer qu’il revînt dans l’usage et chassât soixante-dix» (Littré). 61 Grangier, dans sa publication d’un Tableau des germanismes les plus répandus en Allemagne et dans les pays limitrophes (GrangGer 1864), adresse son ouvrage tout d’abord aux «Allemands qui tiennent à parler purement» le français, en indiquant que celui-ci ne sera pas moins profitable aux locuteurs habitant une région située près de la frontière linguistique et qui empruntent, à leurs voisins, «une foule d’expressions et de tournures qui leur sont propres» (GrangGer 1864: vi). 62 Sur cette question cf. Skupien Dekens 1998. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande 6. Synthèse et conclusion Les auteurs étudiés ne se posent pas d’emblée en correcteurs de l’usage mais se répartissent plutôt sur un continuum entre proscription et description. L’analyse de leur discours préfaciel conjugué à l’examen du traitement des lexèmes a en effet révélé une oscillation constante entre ces deux pôles; le discours des commentateurs demeure ambivalent quel que soit le genre dans lequel s’insère l’ouvrage et la filiation dont il se réclame. Le continuum dégagé dans le discours liminaire des ouvrages se répercute généralement dans le traitement de l’information. Ainsi, les auteurs qui ne se posent pas directement en correcteurs mais plutôt en descripteurs de l’usage - J.-A. Gaudy-Le- Fort (GaudyGen 1820, 1827), J. Humbert (HumbGen 1852) et J.-H. Bonhôte (Bon- Neuch 1867) - traitent les régionalismes de façon moins normative que les autres. Nous mettons ici à part P. M. Callet (CalletVaud 1861) qui, s’il se donne le double objectif de répertorier et de corriger comme les précédents auteurs, pose des limites plus strictes que ces derniers au niveau de l’acceptation d’un lexème, puisque seuls les archaïsmes et les mots identifiables étymologiquement trouvent grâce à ses yeux. Ces auteurs font donc preuve d’une réelle prétention descriptive: une grande partie des termes régionaux n’est pas directement critiquée. Les informations concernant ces termes sont exposées selon la méthode d’un dictionnaire ou d’un glossaire 63 , sans remarque particulière. Cependant, la proscription ne disparaît pas complètement de ces ouvrages: on note que certains termes sont tout de même corrigés, ce qui remet en question l’affirmation d’objectivité avancée par J.-H. Bonhôte. De plus, comme les autres cacologies, les ouvrages à tendance plutôt descriptive optent également pour un contenu dans lequel apparaissent plusieurs types de variations (il y figure des exemples de variation diachronique, diamésique ou diastratique) ainsi que des particularités autres que lexicales. Par ailleurs, tous trois témoignent explicitement dans leur préface de leur influence réciproque: J. Humbert se posant comme le continuateur de J.-A. Gaudy- LeFort et J.-H. Bonhôte comme disciple de J. Humbert. HumbGen 1852 reprend d’ailleurs certains articles à GaudyGen 1827, et BonNeuch 1867 fait de même avec HumbGen 1852 64 ; cette filiation pouvant attester d’un début de tradition descriptive en Suisse romande. Mais les auteurs ne se confinent pas à la reproduction plus ou moins améliorée des éléments trouvés chez des prédécesseurs partageant des buts identiques. Ils 237 63 C’est d’ailleurs ce terme et non celui de locution vicieuse qui apparaît dans les titres de ces ouvrages. 64 Cf. BonNeuch 1867: v qui signale, dans sa préface, que parmi tous les «ouvrages de même nature existant dans la Suisse française; un surtout a été son modèle et son guide, c’est le Nouveau Glossaire genevois de feu M. le professeur Humbert, qui peut passer pour un chef d’œuvre dans son genre, et dont les définitions, aussi claires que concises, ont été très souvent reproduites dans le Glossaire neuchâtelois». Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille proposent un traitement critique des matériaux antérieurs et ont consulté une bibliographie plus large. Mentionnons à ce propos la préface d’Humbert qui indique avoir utilisé «plus de vingt glossaires imprimés, et renfermant les mots usités dans plusieurs parties de la Suisse romande et dans certaines provinces de France» (HumbGen 1852: xxx). Les informations ainsi glanées sont utilisées surtout pour ses commentaires concernant les rapprochements avec les autres variétés de français régionaux. De même, si Bonhôte (BonNeuch 1867) s’inspire surtout de Humbert (HumbGen 1852), il nomme aussi parmi les ouvrages consultés et utilisés les glossaires de Callet (CalletVaud 1861), de Gaudy (GaudyGen 1820 et 1827) et de Grangier (GrangFrib 1864), les Observations sur le langage du pays de Vaud de Develey (DeveleyVaud 1824) - dont l’ouvrage s’inscrit dans la tradition des remarques -, la Nouvelle cacologie de Péter (PéterCacol 1841), les dialogues de Guillebert (GuilleDial 1825 et GuilleNeuch 1829-32) ainsi que l’ouvrage de Bridel, intitulé Glossaire du patois de la Suisse romande et répertoriant le vocabulaire dialectal 65 . Il s’agit bien de faire la somme raisonnée et critique des connaissances dans une visée «scientifique». Cette tendance se retrouve aussi chez d’autres auteurs, qu’ils se situent plutôt du côté de la description ou de la prescription. Grangier indique qu’il a «voulu imiter et continuer, en quelque sorte, ce qui a déjà été fait pour plusieurs cantons de la Suisse romande; ce qui a été entrepris avec le plus grand succès, entre autres, par MM. Humbert, Callet et Guillebert pour les cantons de Genève, de Vaud et de Neuchâtel» (GrangFrib 1864: 6). De son côté, Péter (PéterCacol 1842), pour sa Nouvelle cacologie, s’inspire des ouvrages qui peuvent être classés plutôt du côté de la description, comme ceux de Develey et de Guillebert, ainsi que du glossaire de Gaudy-LeFort, et figure à son tour dans les ouvrages consultés et utilisés par Bonhôte (BonNeuch 1867). Chacun puise donc dans les ouvrages épilinguistiques de ses prédécesseurs les éléments dont il a besoin, sans réellement tenir compte, semble-t-il, de l’importance de la portée correctrice de ceux-ci ni de l’orientation idéologique de leurs auteurs. En s’inspirant de leurs prédécesseurs, les auteurs ne s’en approprient pas automatiquement les présupposés idéologiques ni n’empruntent l’intégralité de leurs nomenclatures 66 . De plus, il semblerait que l’utilisation qui a été faite de ces glossaires plutôt «descriptifs» n’a pas été très différente des ouvrages à visée corrective. Le glossaire de Bonhôte (BonNeuch1867) porte la mention, sur la page de titre: «Ouvrage approuvé et recommandé par la direction de l’instruction publique du canton de Neuchâtel», et semble donc avoir été utilisé comme un recueil de cacologie en contexte scolaire. En définitive, ce qui rassemble tous ces recueils est leur inscription dans une tradition antérieure. Quelle que soit leur place dans le continuum entre description et proscription, ils se positionnent par rapport à la norme du français et, pour ce faire, 238 65 Bridel/ Favrat 1866. 66 Ainsi, par exemple, Dumaine 1810, annonce s’être inspiré de DeveleyVaud 1808; il ne lui emprunte pourtant pas l’ensemble de sa nomenclature (cf. enfler et coter). Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande s’appuient sur les mythes anciens qui ont participé à son élaboration. En effet, la volonté partagée par les commentateurs d’éviter l’utilisation de mots du français de référence mais employés dans un sens autre a pour but d’éviter l’ambiguïté: en cela, ils rejoignent l’idéal de la «clarté» de la langue française. De même, l’acceptation par les descripteurs de certains régionalismes semble fondée sur l’idée malherbienne du «mot juste» qui induit l’existence d’un mot spécifique unique pour désigner une réalité ou un concept 67 . Finalement, l’argumentation historique et esthétique joue un rôle non négligeable dans l’acception de certains lexèmes. Neuchâtel Dorothée Aquino-Weber Sara Cotelli Christel Nissille Bibliographie Site Internet BDLP-Suisse: http: / / www.bdlp.org/ suisse.asp Textes épilinguistiques Francophonie (sauf Suisse romande) Benoît, J. 1857: Belgicismes ou les vices de langage et de prononciation les plus communs en Belgiques corrigés d’après l’Académie et les meilleurs écrivains, avec des remarques sur les principales difficultés de la langue française, Anvers Boucher-Belleville, J.-P. 1855: Dictionnaire des barbarismes et solécismes, Montréal Desgrouais 1766: Les gasconismes corrigés. Ouvrage utile à toutes les personnes qui veulent parler et écrire correctement, et particulièrement aux jeunes gens, dont l’éducation n’est point encore formée, Toulouse Dunn, O. 1880: Glossaire franco-canadien et vocabulaire de locutions vicieuses usitées au Canada, Québec Gringas, J. F. 1867: Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes, Outaouais Lévy [Alvarès], D. 1843: Les omnibus du langage, corrigé des locutions vicieuses employées journellement, avec la signification de plusieurs termes qui présentent quelques difficultés, Bruxelles Maguire, T. 1841: Manuel des difficultés les plus communes de la langue française, adapté au jeune âge, et suivi d’un recueil de locutions vicieuses, Québec Michel, J.-F. 1807: Dictionnaire des expressions vicieuses usitées dans un grand nombre de départements et notamment dans la ci-devant Province de Lorraine, Nancy, etc. Munier, F. 1829: Dictionnaire de locutions vicieuses avec les corrections et des notes grammaticales ou la langue française enseignée par l’usage, Metz/ Paris Parent, F. 1831: Manuel de la conversation ou recueil complet des locutions vicieuses les plus usitées en Belgique, avec leur correction, Bruxelles Pomier 1835: Manuel des locutions vicieuses les plus fréquentes dans le département de la Haute- Loire et la majeure partie due midi de la France, Au Puy Poyart, A. 3 1821: Flandricismes, wallonismes et expressions impropres dans le langage français . . ., Bruxelles 239 67 Cf. Paveau/ Rosier (2008: 216-19) sur l’histoire et l’actualité de ce mythe. Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille Remacle, L. 1843: Dictionnaire wallon-français, dans lequel on trouve la correction de nos idiotismes vicieux, et de nos wallonismes, Liège Sajus, B. 1831: Essai sur les vices de langage ou supplément de grammaire française, Pau Sauger-Préneuf, F. 2 1838: Dictionnaire des locutions vicieuses les plus répandues dans la société, Limoges Vaugelas, Cl. F. de 2009 [1647]: Remarques sur la langue françoise, éd. critique avec introduction et notes par Z. Marzys, Genève Wey, F. 1845: Remarques sur la langue française au dix-neuvième siècle, sur le style et la comparaison littéraire, Paris Suisse romande Adout, J. 1986: Le français malmené. 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M. 1861: Glossaire vaudois, Lausanne; réimpression Genève 2003 (BLSR n° 1948) DelaHarpe 1843: De la Harpe, C. 1843: «Recueil de locutions vicieuses les plus usitées que l’on doit éviter dans le langage et remarques à ce sujet», in: Noël, F./ Chapsal, C., Abrégé de la grammaire française ou extrait de la nouvelle grammaire française. Vingt-deuxième édition, augmentée d’un tableau pour faciliter la conjugaison des verbes par M. C. de la Harpe, et terminée par un recueil des principales locutions vicieuses, Lausanne 68 DelaHarpe 1858: De la Harpe, C. 1858: «Locutions vicieuses», in: Noël, F./ Chapsal, C., Nouvelle grammaire française . . . revue augmentée et mise à l’usage de la Suisse française . . ., Lausanne: 193-218 DeveleyVaud 1808: Develey, E. 1808: Observations sur le langage du pays de Vaud, Lausanne (BLSR n° 1928) DeveleyVaud 1824: Develey, E. 2 1824: Observations sur le langage du pays de Vaud, Lausanne (BLSR n° 1928) Dumaine, A.-H.-L. 1810: Cours complet de langue françoise, ou Nouvelle méthode pour apprendre à prononcer, à parler et à écrire correctement cette langue, mise à la portée de tout le monde, Lausanne (BLSR n° 1930) DupertuisVaud 1892: Dupertuis, F. 1892: Recueil des locutions vicieuses les plus usitées dans le canton de Vaud. Recueillies et mises en ordre alphabétique, avec leur signification française, Lausanne (BLSR n° 1957) Dupraz/ Bonjour 1895*: Dupraz, L./ Bonjour, E. 1895: «Les locutions vicieuses vaudoises», in: Livre de lecture à l’usage des écoles primaires. Degré supérieur, Lausanne: 475-86 (BLSR n° 1959) Favrat 1888*: Favrat, L. 1888: «Note [sur les termes locaux]», in: Rambert, E., Dernières poésies, Lausanne: 247-51 (BLSR n° 1955) 240 68 Sans référence de pages. Les recueils de cacologies du XIX e siècle en Suisse romande GaudyGen 1820: Gaudy-LeFort, J.-A. 1820: Glossaire genevois ou recueil étymologique des termes dont se compose le dialecte de Genève, avec les principales locutions défectueuses en usage dans cette ville, Genève (BLSR n° 1931) GaudyGen 1827: Gaudy-LeFort, J.-A. 2 1827: Glossaire genevois ou recueil étymologique des termes dont se compose le dialecte de Genève, avec les principales locutions défectueuses en usage dans cette ville, Genève (BLSR n° 1931) GE 1824*: G., E. 1824: Recueil contenant les principales règles de la langue française, où toutes les difficultés sont levées et expliquées clairement; à l’usage des jeunes gens et des personnes qui ont déjà des notions de cette langue, Genève (BLSR n° 1932) Glossaire des patois de la Suisse romande, Neuchâtel/ Genève 1924- GrangFrib 1864: Grangier, L. 1864: Glossaire fribourgeois ou recueil des locutions vicieuses usitées dans le canton de Fribourg, Fribourg (BLSR n° 1951) GrangGer1864: Grangier, L. 1864: Tableau des germanismes les plus répandus en Allemagne et dans les pays limitrophes, suivi d’un aperçu des principaux gallicismes, Leipzig GrangFrib 1868: Grangier, L. 1868: Supplément au glossaire fribourgeois ou recueil des locutions vicieuses usitées dans le canton de Fribourg, Fribourg (BLSR n° 1951) GuilleDial 1825: Guillebert, A. 1825: Le dialecte neuchâtelois. Dialogue entre M r Patet et M lle Raveur, sa cousine, Neuchâtel (BLSR n° 1933) GuilleNeuch 1829-32: Guillebert,A. 2 1829-32: Fautes de langage corrigées, ou dialogue entre Mr P. et Mlle R., précédé d’un dialogue entre le critique et l’auteur. Répertoire 1° des fautes de langage communes à tous les pays où l’on parle français, 2° de celles qui sont particulières à la Suisse française, 3° de celles qui sont particulières au canton de Neuchâtel, Neuchâtel (BLSR n° 1937) GuilleNeuch 1858: Guillebert, A. 3 1858: Glossaire neuchâtelois ou fautes de langage corrigées. Répertoire contenant sous forme de dialogue et d’une table complète des matières, 1° les fautes de langage communes à tous les pays où l’on parle français, 2° celles qui sont particulières à la Suisse française, 3° principalement et surtout celles qui sont particulières au canton de Neuchâtel, Neuchâtel; réimpression Genève 1980 (BLSR n° 1937) HumbGen 1852: Humbert, J. 1852: Nouveau glossaire genevois, Genève; réimpression Genève 1983 (BLSR n° 1945) Knecht, P./ Thibault, A. 2 2004: Dictionnaire suisse romand, Genève Merle d’Aubigné 1790: Merle d’Aubigné, P. 1790: Élémens de grammaire françoise en forme de leçons. Dédiés aux institutrices et aux bonnes mères, Genève (BLSR n° 1924) MulhGen 1831*: Mulhauser, M. A. 1831; «Vocabulaire», in: La lessive, épître au voisin, Paris/ Genève: 37-62 (BLSR n° 1938) MulhGen 1858*: Mulhauser, M. A. 1831: «Glossaire», in: Nos joyeusetés. Conte genevois et vaudois, Genève: 101-46 (BLSR n° 1946) MusGen 1864*: Mussard, J. 1864: Petit-Jean le messager genevois. Photographie populaire, Genève (BLSR n° 1950) PéterVoc 1828: Péter, A. 1828: Vocabulaire usuel de la langue française, contenant un choix de mots dont la connaissance est indispensable à ceux qui veulent parler et écrire avec élégance et facilité, Genève (BLSR n° 1934) PéterCacol 1841: Péter, A. 1841: Nouvelle cacologie ou dictionnaire des locutions vicieuses, des difficultés de la langue française. Suivi de la prononciation figurée d’un grand nombre de mots, et de celle des consonnes et de voyelles finales, dans leur rapport avec les voyelles et les consonnes initiales des mots qui suivent, Genève/ Paris/ La Neuveville (BLSR n° 1940) PéterCacol 1842: Péter, A. 2 1842: Corrigé de la nouvelle cacologie et de la phraséologie, ou dictionnaire des locutions vicieuses, des difficultés de la langue française. Suivi de la prononciation figurée d’un grand nombre de mots, et de celle des consonnes et de voyelles finales, dans leur rapport avec les voyelles et les consonnes initiales des mots qui suivent, Genève/ Paris/ La Neuveville (BLSR n° 1940) Pierrehumbert, W. 1926: Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand, Neuchâtel (BLSR n° 1962) PludFranç 1887: Pludh’un, W (pseudonyme de Louis-Theodore Wuarin) 5 1887: Parlons français. Quelques remarques pratiques dont on pourra profiter en Suisse et ailleurs, Genève (BLSR n° 1954) 241 Dorothée Aquino-Weber, Sara Cotelli, Christel Nissille PludFranç 1890: Pludh’un, W 8 1890: Parlons français. Quelques remarques pratiques dont on pourra profiter en Suisse et ailleurs, Genève PludFranç 1893: Pludh’un, W. 10 1893: Parlons français. Quelques remarques pratiques dont on pourra profiter en Suisse et ailleurs, Genève (BLSR n° 1954) PludFranç 1918: Pludh’un, W. 17, 18 et 19 1918: Parlons français. Quelques remarques pratiques dont on pourra profiter en Suisse et ailleurs, Genève Poulain 1691: Poulain de la Barre, F. 1691: Essai des remarques particulières sur la langue françoise pour la ville de Genève, Genève (BLSR n° 1923) Quinche 1909: Quinche, P. 1909: «De l’influence de l’allemand sur le parler populaire de la Suisse française», Zeitschrift für französischen und englischen Unterricht: 305-21 Sambuc 1834: Sambuc, J. 1834: «Locutions vicieuses du Pays de Vaud», in: Noël, M./ Chapsal, M., Nouvelle grammaire française . . . revue augmentée et mise à l’usage de la Suisse française . . ., Lausanne: 210-30 Littérature secondaire Aquino-Weber, D./ Cotelli, S./ Nissille, C. à paraître: «Les cacologies, un genre textuel? essai de définition à partir du corpus suisse romand», in: Actes du XXVI e Congrès international de linguistique et philologie romanes, Valencia 6-11 septembre 2010 Aquino-Weber, D./ Nissille, C. 2011: «Prolégomènes à une étude des marques d’usage dans la lexicographie différentielle: le cas du français régional de Suisse romande», in: Baider, F./ Burston, M./ Lamprou, E. 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(ed.): La lexicographie québécoise: bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par l’équipe du TLFQ les 11 et 12 avril 1985, Québec: 55-65 Côté, N. 1996: «Le français québécois dans les chroniques de langage de l’abbé Narcisse Desgagné», in: Laberge, J./ Vézina, R. (ed.): Actes des 10 e Journées de linguistique (1996), Québec: 67-71 Culioli, A. 1999: Pour une linguistique de l’énonciation. Formalisation et opération de repérage, vol. 2, Paris Doppagne, A. 1966: Trois aspects du français contemporains, Paris Farina, A. 2001: Dictionnaires de langue française du Canada, Paris Gouvernement du Québec 1969: Canadianismes de bon aloi, Québec Klein, J.-R. 2004: «De l’esthétique du centre à la laideur de la périphérie: réflexions sur les remarqueurs belges du XIX e et du début du XX e siècles», in: Caron, P. 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(ed.): Français du Canada - Français de France. Actes du quatrième Colloque international tenu à Chicoutimi, Québec, du 21 au 24 septembre 1994, Tübingen: 239-55 Mercier, L. 2008: «À la découverte des particularismes canadiens et de leur origine: la lexicographie québécoise à l’époque des glossaires (1880-1930)», in: Cormier, M./ Boulanger, J.-C. (ed.): Les dictionnaires de la langue française au Québec. De la Nouvelle France à aujourd’hui, Montréal: 61-98 Paveau, M.-A./ Rosier, L. 2008: La langue française. Passions et polémiques, Paris Remysen, W. 2005: «La chronique de langage à la lumière de l’expérience canadienne-française: un essai de définition», in: Bérubé, J./ Gauvin, K./ Remysen, W. (ed.): Les journées linguistiques. Actes du 18 e Colloque 11-12 mars 2004, Québec: 267-81 Rézeau, P. 1992: «Les dictionnaires normatifs des XVIII e et XIX e siècles et leur intérêt pour l’histoire des variantes régionales du français», in: Grammaire des fautes et français non conventionnel. Actes du IV e Colloque international organisé à l’École Normale Supérieure les 14, 15 et 16 décembre 1989, Paris: 207-27 Saint-Gérand, J.-P. 1990: «Des cacologies et des curiosités patoisantes en France au XIX e siècle, à la dialectologie», in: Niederehe, H.-J./ Koerner, K. (ed.), History and Historiography of linguistics. Papers from the fourth international conference on the history of language sciences (ICHoLS IV), Trier, 24-28 August 1987, Amsterdam/ Philadelphia: 701-13 Savatovsky, D. 2000: «Les cacolangues de l’enseignement classique», in: Desmet, P. et al. (ed.): The History of Linguistic and Grammatical Praxis. Proceedings of the XI th International Colloquium of the Studienkreis «Geschichte der Sprachwissenschaft» (Leuven, 2 nd -4 th July 1998), Leuven: 283-302 Schüle, E. 1979: «Le français régional de Suisse», in: Rousseau, L.-J. (ed.), Actes du Colloque «Les français régionaux». 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