Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2011
701
Kristol De StefaniAnna Dutka-MaŃkowska/Teresa Giermak-ZieliŃska (ed.), Des mots et du texte aux conceptions de la description linguistique. Warszawa (Wydawnictwa Uniwersytetu Warszawskiego) 2010, 482 p.
121
2011
Zygmunt Marzys
vox7010269
Anna Dutka-Ma Ń kowska/ Teresa Giermak-Zieli Ń ska (ed.), Des mots et du texte aux conceptions de la description linguistique. Warszawa (Wydawnictwa Uniwersytetu Warszawskiego) 2010, 482 p. Cette collection de 49 articles constitue une véritable coupe à travers la linguistique contemporaine. À travers la linguistique générale et descriptive s’entend, car seuls deux auteurs s’aventurent dans la diachronie: Philippe Caron tente de reconstituer la prononciation soutenue des infinitifs français en -er vers 1700 («Reconstruire les conditions d’un changement linguistique. Socio-linguistique et histoire de la langue», 45-56), et Eryk Stachurski, d’établir «un système verbal intégrant l’aspect» en français médiéval («De l’aspect en ancien français», 397-406). Même Anna Bochnakowa, diachronicienne bien connue, s’est réfugiée dans son autre spécialité qui est la lexicologie contrastive, en comparant la sémantique du français gris à celle du polonais szary (29-36). Pour le reste, le livre permet tout d’abord de nous rendre compte à quel point la linguistique a évolué durant les dernières décennies: le structuralisme hérité de Saussure ou la grammaire générative et transformationnelle de Chomsky n’y apparaissent guère, si ce n’est à titre historique 1 , comme objets de controverse 2 ou de manière sous-jacente 3 . Lorsque certain(e)s auteur(e)s 4 se réfèrent expressément à la tradition saussurienne, c’est pour la dépasser largement 5 . Par ailleurs, la diversité des contributions montre que nous ne sommes plus en présence d’une discipline unique, mais d’une multiplicité de courants et de spécialisations: analyse du discours, pragmatique, théorie de l’énonciation, sociolinguistique, psycholinguistique, sémiologie, narratologie, linguistique cognitive, linguistique informatique . . . Quant à la terminologie, elle s’est diversifiée non seulement entre les différents domaines, mais encore à l’intérieur d’une même spécialité: ainsi, pour ne citer qu’un exemple, Halina Grzmil-Tylutki signale, à propos de l’analyse du discours, «l’incompatibilité terminologique entre périodes, pays et domaines» («L’analyse du discours à la française - tendances majeures et proposition d’une typologie de discours», 189). Dans cet apparent chaos, on peut reconnaître tout de même quelques tendances fondamentales. La première, c’est le déplacement du centre de gravité du système sur le discours, et du discours sur ses participants. «Dans ce cadre, la langue en tant qu’inventaire des unités de langue conventionnelles . . . ferait partie des ressources linguistiques parmi lesquelles on compte également la mémoire, les connaissances générales, la faculté de résoudre les problèmes, la planification et la reconnaissance des contextes social, culturel, physique et linguistique»: cette phrase, extraite de l’un des articles (Katarzyna Kwapisz-Osadnik, «Entre la lingustique et la psychologie - quelques réflexions sur l’emploi du participe présent 269 Besprechungen - Comptes rendus 1 Notamment dans l’article de Jadwiga Linde-Usiekniewicz, cité ci-après. 2 Cf. par exemple Márton Náray-Szabó, «Verbes supports et contrastivité: Théorie et usage», p. 351-58. 3 Cf. Paulina Mazurkiewicz, dans «La terminologie française et polonaise du mariage: entre le presupposé existentiel et les moyens linguistiques d’expression du concept» (343): «La méthodologie appliquée . . . se fonde d’une part sur les relations paradigmatiques, d’autre part sur les relations syntagmatiques (l’analyse transformationnelle et distributionnelle de Harris 1990).» 4 La grande majorité de ceux/ celles qui ont contribué au volume (45 sur 52) sont des femmes. Si l’on savait depuis au moins deux décennies que les études de langues et littératures, spécialement en Pologne, étaient très fortement féminisées, l’arrivée massive des femmes dans la recherche est un fait suffisamment nouveau pour mériter d’être relevé. 5 Cf. Anne-Marie Houdebine-Gravaud, «D’une théorie linguistique: l’imaginaire linguistique à une sémiologie: l’imaginaire culturel», 222-29; Katarzyna Wo Ł owska, «Du microau macro-: la sémantique componentielle et l’interprétation des textes», 457-63). et du gérondif en français», 316), montre bien ce déplacement qui apparaît dans une grande partie des contributions 6 . La seconde tendance, c’est une très forte formalisation, qui marque avant tout les articles théoriques 7 , mais aussi ceux qui rendent compte de recherches en vue d’une analyse informatique de la langue (ainsi Ewa Gwiazdecka, «Les verbes de mouvement: quelle modélisation pour le TALN? », 212-221, ou Ma Ł gorzata Izert, «À propos de quelques recherches actuelles en morphologie dérivationnelle du français», 230-37). D’ailleurs, l’informatique a imprimé sa marque sur beaucoup d’autres études, même lorsqu’elles ne s’en réclament pas explicitement. De cette manière, la langue est traitée avant tout comme un objet d’analyse mathématique. Ce traitement a d’évidents avantages lorsqu’il donne à la linguistique de nouveaux outils de travail, tels que les grands dénombrements ou des procédures strictes exigées par l’utilisation de l’ordinateur; mais il appauvrit notre discipline lorsqu’il écarte tout élément qui ne peut pas être chiffré ou mis en formules. Dans ces conditions, le lecteur ressent comme un bol d’air frais cette déclaration de Marcela Ś wi Ą tkowska («De la verbalisation des émotions à leur description linguistique», 415): «A l’époque des recherches visant des objectifs de plus en plus professionnalisants (langues contrôlées, traduction assistée par les machines, enseignement des langues à distance assisté par ordinateur) l’intérêt porté à la couche affective de notre activité verbale peut sembler superflu, comme un produit de luxe recherché au moment de la crise. Il s’agit quand même . . . d’une partie intégrante de notre personnalité, de notre présence dans l’acte de communication.» Une difficulté supplémentaire provient de la brièveté des articles, qui sont souvent des résumés d’ouvrages plus considérables (par exemple de thèses de doctorat) ou des états de la recherche sur un sujet donné, comme en témoignent, dans l’un et l’autre cas, des bibliographies importantes: le nombre de contributions a conduit sans doute à un resserrement des textes, qui obscurcit parfois le développement de la pensée. Les auteur(e)s se recrutent pour la plupart des universités polonaises; quelques-un(e)s seulement représentent la France, la Hongrie et la République Tchèque. Mais tous les textes sont écrits en français et - faut-il le souligner? - dans un excellent français 8 . Il est vrai que la grande majorité des articles traitent du français ou du moins mettent le français à contribution; mais deux s’occupent de problèmes de morphologie lexicale ou de syntaxe italiennes (El Ż bieta Jamrozik, «Morphologie des nouvelles formations en italien: entre formes libres et formes liées», 246-56; Alina Kreisberg, «Certains usages ‹inexplicables› de l’article italien», 294-305); et deux autres, de langues non européennes (Zlatka Guentchéva, «Considérations sur le morphème dit visuel dans les langues», 198-211; Alain Kihm, «L’origine de la morphologie dans les langues naturelles: comment les langues pidgins et créoles aident à formuler la question», 276-84). Une seule contribution porte exclusivement sur le polonais 270 Besprechungen - Comptes rendus 6 Le cas extrême de cette tendance est représenté par l’article de Ma Ł gorzata Tryuk, «Pour une approche socioculturelle du métier du traducteur/ interprète» (431-40), qui décrit la pratique de la traduction dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau, sur la base des témoignages d’anciens détenus et en l’absence de tout objet linguistique, puisque les textes, oraux pour la plupart, tant en langue source qu’en langue cible, ne se sont pas conservés. 7 Certain(e)s auteur(e)s trouvent nécessaire de se justifier d’en rester à la théorie; ainsi Jolanta Zaj Ą c («Du métalangage à la méta-réflexion en didactologie des langues et cultures», 473): «Avant de décrire quoi que ce soit il faut bien poser l’objet de la description, voilà pourquoi, dans un premier temps, nous réfléchissons sur les traits constitutifs de la discipline même.» 8 Pourtant, une constatation maintes fois faite: les personnes de langues maternelles slaves, même lorsqu’elles savent très bien le français, commettent parfois des maladresses dans l’emploi des articles; ce qui tient à la difficuté de maîtriser non seulement une catégorie grammaticale absente de ces langues mais, plus profondément, la distinction fondamentale déterminé/ indéterminé. (Monika Kostro, «Les pratiques dénominatives en promotion immobilière dans les grandes villes de Pologne», 285-93); mais plusieurs auteur(e)s ont mis à profit leur bilinguisme - ou leur maîtrise de plusieurs langues: ainsi une bonne partie des articles ressortissent à la linguistique contrastive 9 , à la traductologie (sans oublier les problèmes de traduction automatique, cf. notamment l’article d’Ewa Gwiazdecka cité ci-dessus) ou à la didactique des langues. L’histoire de la linguistique n’est pas oubliée (cf. Slavomira Jeïkova, «L’apport de l’École linguistique de Prague», 257-66; Jadwiga Linde-Usiekniewicz, «Extrêmement fortes et incroyablement proches: les idées de Saussure, de Chomsky, de Hjelmslev et de Langacker», 333-41). Enfin, un article concerne la versification (Idilkó Szilàgyi, «Contribution de critères linguistiques au renouvellement de la versification française», 407-14). Il m’est évidemment impossible de rendre compte de toutes les contributions; je voudrais du moins m’arrêter à quelques-unes d’entre elles qui m’ont particulièrement intéressé. Parmi les études relevant de l’analyse du discours, trois concernent le discours rapporté. Dans les trois cas, les auteures s’intéressent non au contenu du discours, mais à la manière dont il est intégré dans le récit. El Ż bieta Biardzka («Entre le discours cité, le discours citant et le discours qui ne cite rien», 11-17) fait remarquer que le «discours citant» ne se limite pas à l’incise ou à l’énoncé introductif qui marque la citation comme telle, mais englobe la description des données situationnelles qui la commente. Parfois, d’ailleurs, la délimitation entre discours cité et discours citant, qui peut n’être pas marquée syntaxiquement, pose de sérieux problèmes. Joanna Jakubowska-Cicho Ń («Du discours rapporté au récit de paroles - les méthodes de la linguistique pour l’analyse du roman», 239-45) examine, dans des romans français contemporains, ce qu’elle appelle les didascalies narratives, c’est-à-dire les éléments qui «servent à marquer et à faciliter les transitions entre deux modes de récit (le récit d’événements et le récit de paroles)». Enfin, Anna Dutka-Ma Ń kowska («Le discours direct rapporté en français et en polonais dans des textes littéraires», 141-48), utilisant des extraits de romans traduits du français en polonais et vice-versa, met en parallèle les verbes introducteurs dans les deux langues; mais elle examine aussi des cas plus complexes: par exemple, lorsque la traduction polonaise ajoute un verbe introducteur dont se passe l’original français, ou lorsque la traduction française emploie au participe présent un verbe d’action qui est coordonné au verbe de dire dans l’original polonais 10 . Dans l’ensemble, ces études s’efforcent de montrer comment s’agencent, dans un texte continu, la parole, la pensée (celle de l’auteur comme celle des personnages) et l’action. Nous voici arrivés aux problèmes de la traduction. Teresa Giermak-Zieli Ń ska («De la théorie aux procédés de traduction», 166-74) les aborde d’un point de vue plus théorique. Elle commence par rappeler que le premier de ces problèmes, «celui de la fidélité du traducteur vis-à-vis de l’œuvre qu’il réécrit dans sa propre langue», s’est posé dès l’Antiquité. Aujourd’hui, plutôt que de fidélité, on parle de l’éthique de la traduction. Mais en quoi consiste-t-elle? Elle oscille entre la volonté de préserver «l’étrangeté», c’est-à-dire l’originalité de l’œuvre à traduire, et «la naturalisation», c’est-à-dire l’effort d’en faciliter la compréhension au lecteur; autrement dit, entre la traduction littérale et l’adaptation. Finalement, le traducteur «doit décider quelle serait la part d’adaptation et de restitution des connotations culturelles dans l’œuvre traduite . . . en fonction de l’univers présumé des connaissances du destinataire». Il est donc difficile d’élaborer une théorie générale de la traduction; on ne peut guère que formuler des «théories ciblées», qui «varient selon les contraintes socio-culturelles et le genre textuel». 271 Besprechungen - Comptes rendus 9 Cf. par exemple l’article d’Anna Bochnakowa cité ci-dessus. 10 Par exemple: «To bardzo dobrze - powiedzia ł i u ś miechn ął si ę » (littéralement ‘dit-il et il a souri’) traduit par «Très bien, dit-il en souriant» (146). C’est un tout autre paysage qui nous apparaît lorsque, de la traduction littéraire, nous passons à celle des textes de spécialité. Ce paysage est décrit par Barbara Walkiewicz («Entre la sémantique et la pragmatique ou de la traduction des textes de spécialité», 441- 48). Ici, la qualité de la traduction «se mesure à sa précision et à sa clarté». Mais pour atteindre cette qualité, il ne suffit pas de traduire terme à terme; le traducteur doit encore connaître «les référents extra-textuels du domaine» et les «pratiques discursives jalonnant la communication propre à la spécialité en question». L’auteure illustre cette affirmation par l’exemple de la traduction d’un texte juridique du français en polonais, où une connaissance insuffisante des différences entre les deux systèmes juridiques et de textes parallèles dans les deux langues a conduit les traducteurs - en l’occurrence, un groupe d’étudiants - à employer des termes en apparence corrects, mais en réalité inadéquats. Plusieurs textes ressortissent à la sociolinguistique. Mais qu’est-ce que la sociolinguistique? C’est la question que se pose Krystyna Wróblewska-Pawlak («A la recherche de la sociolinguistique (en France)», 464-72), en examinant les sujets des contributions publiées par la revue Langage et Société durant les trente premières années de son existence, de 1977 à 2007. Il en résulte un éventail très vaste de domaines, du contact de langues à l’analyse du discours, en passant entre autres par les problèmes de norme et de planification linguistique. Souvent, d’ailleurs, la sociolinguistique touche à d’autres domaines de recherche: ainsi la question du plurilinguisme, dont s’occupe Teresa Maria W Ł osowicz («Le déséquilibre naturel de la compétence plurilingue: enjeux théoriques et méthodologiques», 449-56). C’est un sujet situé manifestement entre la sociolinguistique et la psycholinguistique, encore que l’auteure n’emploie aucun de ces termes. La première question est de savoir si la différence entre le plurilinguisme et le bilinguisme est seulement quantitative ou aussi qualitative, impliquant par exemple «un niveau plus élevé d’éveil aux langues, une plus grande expérience linguistique, etc.». D’autre part se pose le problème de l’ordre d’acquisition: alors que, dans le cas du bilinguisme, il n’y a que deux ordres possibles, simultané ou successif, la question se complique dès qu’intervient une troisième langue, et elle devient inextricable avec quatre langues ou plus. Enfin interviennent des facteurs psychologiques: «le style cognitif, les stratégies d’apprentissage, le contexte d’acquisition et les méthodes d’enseignement». J’ajouterai un facteur capital, à savoir l’attitude du sujet vis-à-vis de chacune des langues: dans quelle mesure s’identifie-t-il avec l’une d’entre elles, et jusqu’à quel point arrive-t-il à un équilibre? Chez les émigrés en particulier, un fort attachement à leur langue maternelle (et, partant, à leur pays d’origine) peut rendre difficile non seulement l’apprentissage d’autres langues, mais également l’intégration sociale et culturelle dans le pays d’accueil. Le cas inverse se présente également: un fort désir d’intégration peut conduire à l’abandon et à l’oubli rapide de la langue d’origine. Il est vrai que ce facteur est plus important chez les bilingues que chez les plurilingues: car l’acquisition d’une troisième langue signifie qu’on a surmonté les barrières qui empêchaient l’apprentissage des langues étrangères. Quoi qu’il en soit, il est rare, comme le souligne l’auteure, qu’un sujet atteigne les mêmes compétences dans deux ou plusieurs langues, ce qui tiendrait essentiellement aux différentes fonctions qu’elles remplissent dans sa vie quotidienne. Il me semble que cela tient à tous les autres facteurs qui viennent d’être énumérés, et notamment à la date de l’apprentissage: ainsi quelqu’un qui a quitté son pays d’origine dans l’enfance ou l’adolescence peut avoir gardé sa langue maternelle au niveau affectif et quotidien, et ne pouvoir s’exprimer sur des matières intellectuelles que dans la langue dans laquelle il a fait ses classes ou ses études. En conclusion, l’auteure propose «une typologie provisoire des plurilingues en fonction de leurs biographies linguistiques». Il me semble que celle-ci devrait être encore passablement affinée. En effet, en considérant des cas particuliers, j’ai eu l’impression qu’ils entraient difficilement dans l’une ou l’autre des catégories établies par l’auteure. Puis je me suis posé une question plus fondamentale. Dans notre monde mobile et globalisé, beaucoup de gens ap- 272 Besprechungen - Comptes rendus prennent tant bien que mal plusieurs langues étrangères, dont ils se servent à l’occasion: à quel niveau de compétence peut-on estimer qu’ils les maîtrisent suffisamment pour être considérés comme plurilingues? Il faudrait établir, là aussi, au moins quelques critères. Mais la réalité humaine échappe toujours par quelque biais aux «grilles» que nous sommes bien obligés de lui imposer pour pouvoir la réduire à des catégories rationnelles. Ainsi les résultats de nos recherches restent toujours partiels et provisoires. Zygmunt Marzys ★ Eva Buchi, ‘Bolchevik’, ‘mazout’, ‘toundra’ et les autres. Dictionnaire des emprunts au russe dans les langues romanes. Inventaire - Histoire - Intégration, Paris (CNRS Editions) 2010, 570 p. + Annexes 145 p. Cette monographie, qui a pour objet l’étude du «vocabulaire d’origine russe des langues romanes» (9), poursuit un objectif triple: i) faire l’inventaire des emprunts au russe dans les langues romanes standard, ii) faire l’histoire des russismes romans, en indiquant leur première et éventuellement leur dernière attestation et iii) étudier l’intégration des russismes dans les langues d’arrivée. La démarche d’Eva Buchi est, à cet égard, d’une originalité incontestable: il n’existe, à notre connaissance, aucun ouvrage qui embrasserait toute une famille de langues, en l’occurrence, celle des langues romanes, et aurait une visée exhaustive. L’ouvrage comporte une introduction, où l’auteure détermine son objet d’étude, les sources auxquelles elle a fait appel pour l’élaboration des entrées lexicographiques (on comprend mal pourquoi l’auteure les appelle «notices étymologiques») et présente la microstructure de ces dernières. Suivent les entrées lexicographiques, qui constituent l’essentiel du travail: presque 500 pages avec 445 emprunts traités, dont 52 seulement, soit 12 %, sont panromans. L’auteure procède ensuite à l’évaluation de l’impact du russe sur le lexique des différentes langues romanes, d’abord prises séparément et ensuite dans une optique contrastive, afin d’isoler les tendances communes et de dégager les époques pendant lesquelles l’influence russe sur le vocabulaire roman a été particulièrement forte. Dans la partie conclusive, l’auteure dresse le bilan de son étude et réfléchit sur ses développements ultérieurs possibles. Dans les annexes, le lecteur trouvera la liste des abréviations et signes conventionnels, l’index récapitulatif des notices étymologiques, le répertoire chronologique des russismes et la bibliographie. Les apports de ce travail relèvent de quatre catégories: - Les datations: le dépouillement d’un nombre considérable de sources a permis à Eva Buchi de préciser la date de la première attestation d’un nombre important d’emprunts: antédater 365 sur 445 emprunts, rétrodater quelques russismes en roumain et apporter une première datation pour les russismes non encore lexicographiés. - Les étymologies: le réexamen systématique des étymologies relevées dans les ouvrages de référence a amené l’auteure à préciser dans certains cas (69 au total) la langue-source de l’emprunt. - L’intégration des emprunts: la recherche présente des résultats intéressants sur le degré d’assimilation de chaque russisme dans les six langues concernées, notamment dans le domaine des formations secondaires générées par les russismes, formations qui constituent un indicateur fiable de leur vitalité et de leur intégration dans la langue d’arrivée. - La mise en perspective, qui se fait à deux niveaux. Le premier niveau est constitué par la perspective romane adoptée dans les notices étymologiques, «dont le commentaire assigne à chaque idiome considéré sa place à l’intérieur d’un ensemble cohérent» (567). Le second niveau consiste en une synthèse des résultats obtenus pour les 445 emprunts réunis. 273 Besprechungen - Comptes rendus
