Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniCraig Baker (ed.), Le Bestiaire. Version longue attribuée à Pierre de Beauvais, Paris (Honoré Champion) 2010, 472 p. (Classiques français du Moyen Âge 163)
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Philippe Simon
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Craig Baker (ed.), Le Bestiaire. Version longue attribuée à Pierre de Beauvais, Paris (Honoré Champion) 2010, 472 p. (Classiques français du Moyen Âge 163) C’est à une pièce rare de la tradition complexe des bestiaires que le travail d’édition critique de C. Baker rend justice: en effet, des deux textes attribués à Pierre de Beauvais, la version longue (dans laquelle on ne voit plus aujourd’hui la main de l’auteur picard, mais celle d’un continuateur anonyme) n’était jusqu’ici disponible que dans l’édition désormais obsolète qu’en donna le père Charles Cahier au milieu du XIX e siècle, ou dans celle, tout à fait partielle puisque réduite à deux chapitres, de Françoise Vielliard en 2002 1 . Par son édition de grande qualité, C. Baker offre à la lecture un texte qui, par une synthèse originale entre projet encyclopédique et démarche moralisante, tient une place particulière dans l’évolution du genre du bestiaire durant la seconde moitié du XIII e siècle. Surtout, du lion à l’orphanay, l’éditeur met en évidence l’architecture et l’histoire complexes d’une œuvre plurielle. Le bestiaire moralisé dont il est ici question doit être envisagé à l’aune de la version courte dont il prétend partager l’attribution. La comparaison de ces deux rédactions offre ainsi à C. Baker l’entame de l’introduction à son édition critique (9-20). Les différences sont d’abord de l’ordre de l’étendue et de l’organisation: 38 chapitres pour la version courte, 72 pour la version longue, les 34 entrées supplémentaires de cette dernière étant distribuées à travers toute l’œuvre. Surtout, il ressort de l’étude comparée de ces deux versions avec le Physiologus latin que, si la rédaction courte est très proche de ce dernier, la rédaction longue est à considérer comme un remaniement profond, nourri de traditions très diverses. L’écart dont témoigne la version longue par rapport à la tradition latine plaide pour sa postériorité par rapport à la version courte, ce que confirment plusieurs éléments de datation indiquant une période de rédaction comprise entre 1246 et 1268 (contre 1180-1206 pour la version courte). Un tel écart, selon C. Baker, «rend [l]a paternité [de Pierre de Beauvais] douteuse» (18); une série de divergences - touchant à la stylistique et au rapport à l’intertexte - opposant les deux œuvres permettent d’en avoir la conviction. «À la fois compilation et œuvre originale, [la version longue] du Bestiaire constitue un témoin privilégié de la transmission du savoir et du phénomène de la récriture au XIII e siècle» (21). De fait, l’étude fine à laquelle se livre ici l’éditeur (21-54) permet de mettre au jour le terreau intertextuel complexe sur lequel l’œuvre éclot, ainsi que les méthodes de remaniement auxquelles le continuateur de Pierre de Beauvais a recours. Outre, bien entendu, la version courte du Bestiaire, C. Baker isole cinq textes mis à contribution par le remanieur (dans le cas de sources latines, il semble que ce dernier se soit majoritairement basé sur des traductions françaises): L’Image du monde de Gossouin de Metz; La Lettre du Prêtre Jean; Le Lucidaire; Le Livre du palmier; enfin, le Bestiaire d’amour de Richard de Fournival. Ces œuvres fournissent davantage qu’un réservoir de références au continuateur: «le plus souvent, [ce dernier] ne réélabore pas, il recopie. Il transcrit des phrases et des passages entiers et il les transcrit mot à mot» (22). C. Baker insiste toutefois sur le fait que ce travail de compilation et, surtout, de réorganisation de la matière intertextuelle permet à la version longue du Bestiaire d’être intégrée dans le mouvement qui rénove le genre dès le milieu du XIII e siècle (pensons à Richard de Fournival ou au bestiaire marial du Rosarius). De fait, le nombre et la diversité des œuvres auxquelles le continuateur de Pierre de Beau- 328 Besprechungen - Comptes rendus 1 C. Cahier, «Le Physiologus ou Bestiaire», in: C. Cahier/ A. Martin (ed.), Mélanges d’archéologie, d’histoire et de littérature, Paris 1847-56, II: 85-100, 106-232; III: 203-88; IV: 55-87. F. Vielliard, «Le Bestiaire, version longue, chapitres XXI-XXII», in: P. Bourgain/ F. Vielliard (ed.), Conseils pour l’édition des textes médiévaux, fasc. 3: Textes littéraires, Paris 2002: 181-98. Pour la version courte du Bestiaire - dont l’attribution fait consensus -, cf. Pierre de Beauvais, Le Bestiaire de Pierre de Beauvais (version courte), ed. G. Mermier, Paris 1977. vais fait appel lui permet d’enrichir de façon singulière les descriptions offertes par son devancier. On se rapportera pour l’exemple à la première notice, consacrée au lion: le recours au Bestiaire d’amour lui donne la possibilité d’insérer une nouvelle nature du fauve (relative à sa piété) et, en rédacteur soucieux d’instruire son public sur les faits naturels, de préciser la description de la naissance de l’animal: «Aussi bien par l’abondance des ajouts et l’importance des remaniements que par la place accordée à la connaissance de la nature, les descriptions animalières de la version longue portent la marque du nouvel auteur» (35). Une même volonté d’enrichissement se retrouve dans certaines des interprétations allégoriques qui font suite aux descriptions animalières, par exemple dans le cas du cygne (chapitre XLVII), qui use du Livre du palmier et, là encore, du Bestiaire d’amour. C’est bien au niveau des senefiances que le continuateur de Pierre de Beauvais affirme surtout son individualité: «Sur les trente-quatre nouveaux chapitres [de la version longue], vingt-et-un contiennent des interprétations qui sont sûrement de la seule plume de notre auteur» (37). Si, en l’espèce, la démarche du continuateur de Pierre de Beauvais s’inscrit dans la ligne du Physiologus (moralisations générales évitant tout surplus de subtilité théologique, séquençage du discours allégorique reprenant point par point les éléments de la description animalière), elle s’en écarte toutefois sur plusieurs points. On notera par exemple que l’auteur abandonne l’emploi des nombreuses citations bibliques qui caractérisaient les moralisations de son modèle latin: dès lors, «les nouvelles interprétations possèdent un caractère plus simple, moins théologique, et qui marque encore plus fortement la distinction entre l’exégèse biblique et l’interprétation de la nature» (41). Ce mouvement de simplification (et de «modernisation», précise C. Baker) se retrouve dans la terminologie herméneutique utilisée par le continuateur: il ne fait ainsi que rarement appel au riche vocabulaire de l’allégorèse que lui laisse Pierre de Beauvais, pour se satisfaire du lexique de l’exemple. De même, l’enseignement dispensé par la version longue du Bestiaire tend à délaisser le rappel de faits de l’histoire religieuse - caractéristique de la version courte ou du Physiologus - «pour se concentrer sur la vie spirituelle et morale de l’individu et sa lutte avec les puissances du mal» (44). Ce parti pris se concrétise dans certaines notices par le recours à un système rhétorique innovant qui, dans ces allégories particulières, escamote le recours traditionnel à la troisième personne pour assimiler directement le lecteur à la nature de l’animal pris en compte (ainsi au chapitre XI, consacré à l’hirondelle: «Tu, hom, pren example, que tu est l’aronde» [156]). Une vue d’ensemble de la version longue du Bestiaire incite in fine C. Baker à la considérer sous les rapports complémentaires de son hétérogénéité et de sa cohérence: hétérogène, la rédaction l’est «par le nombre et la diversité des sources mises à contribution, [et] par les particularités de l’écriture de l’auteur lui-même» (47). Cependant, plusieurs aspects de l’œuvre tendent à montrer un rédacteur occupé à tenter de transcender l’hétéroclite: l’utilisation de tactiques de suture textuelle est à observer dès les premières lignes de l’œuvre, qui reproduit le prologue que Pierre de Beauvais avait composé pour la version courte, offrant ainsi au remaniement une paternité identique, fût-elle déceptive. Surtout, «l’unité de la nouvelle rédaction est renforcée par le caractère systématique des interprétations allégoriques» (48). La tradition latine des bestiaires tendait, en tous cas dès le X e siècle, à accueillir un nombre toujours croissant de notices dépourvues d’interprétation: le rédacteur de la version longue, pour sa part, les rétablit et, qui plus est, les met au service d’une réinscription du savoir des bestiaires «dans un cadre d’intelligibilité qui relie l’homme à Dieu à travers la Création» (51), comblant en cela l’appauvrissement allégorique que l’on constate chez certains de ses modèles directs, Gossouin de Metz ou Richard de Fournival. Par son travail d’assimilation et d’interprétation, le continuateur de Pierre de Beauvais réalise «une œuvre qui est à la fois une somme des connaissances héritées du passé et une contribution originale à la poursuite de cette quête de l’intelligence du monde» (52). 329 Besprechungen - Comptes rendus La troisième partie (55-98) de l’introduction au Bestiaire permet à C. Baker de faire l’histoire de la tradition manuscrite de l’œuvre, actuellement disponible par cinq copies complètes 2 et un fragment 3 . En étudiant l’organisation des chapitres ainsi que les fautes communes aux différents manuscrits, l’éditeur parvient à la constitution d’un stemma qui indique une claire divergence entre le recueil de l’Arsenal (probablement exécuté en Artois vers 1267/ 68) et les autres représentants de la tradition. C’est d’ailleurs ce manuscrit précis qui sert de base à C. Baker pour son édition, comme il s’en explique dans la quatrième partie de son introduction (99-126): «Non seulement il est le manuscrit le plus ancien de la version longue du Bestiaire, mais encore il contient moins de fautes grossières que les autres témoins, conserve plus souvent les traces de l’origine des fautes, et montre une plus grande fidélité aux leçons originelles» (103). La langue du copiste se rattache à la scripta de l’ancien français commun, mais présente un certain nombre de particularismes de la zone picarde. L’édition de la version longue du Bestiaire est accompagnée d’une bibliographie et d’un appareil critique (variantes, notes, index) extrêmement étendus. Philippe Simon ★ Delphine Dalens-Marekovic (ed.), Enfances Renier. Chanson de geste du XIII e siècle, Paris (Champion) 2009, 1239 p. (CFMA 160) Das hier edierte monumentale Epos wurde in der zweiten Hälfte des 13. Jahrhunderts von einem anonymen Autor geschrieben. Es umfasst in dieser Ausgabe 20’065 Zehnsilbler, die in 746 jeweils auf einen einzigen Reim ausgehende Laissen von unterschiedlicher Länge gegliedert sind. Ebenso wie die erste Herausgeberin C. Cremonesi 1 mit Bezug auf v. 2044 das Werk erstmalig Enfances Renier (= ER 2 ) bezeichnete, hat Dalens-Marekovic der chanson, die bis 1957 in der Forschungsliteratur stets nur Renier benannt wurde, den Titel Enfances Renier gegeben, der inzwischen allgemein gebräuchlich ist. Dabei stellt das Epos aber nur in einem Teil seines Recit die Ausbildung des Helden bis zu seinem Aufstieg zur ritterlichen Würde dar; insgesamt wird vielmehr das gesamte Schicksal Reniers ab seiner Geburt aufgezeigt. Inhaltlich nämlich «(l)es ER opèrent la jonction entre le cycle de Guillaume qu’elles achèvent et le premier Cycle de la Criosade, [sic! ] qu’elles fondent» (63). Das Epos wird eröffnet mit der Darstellung von Reniers Geburt, eines Nachkommen des Guillaume d’Orange. Renier wird als Sohn von Maillefer und Florentine geboren; sein Großvater väterlicherseits ist also der aus dem Cycle de Guillaume d’Orange bestens bekannte Rainouart au Tinel. Schon unmittelbar nach seiner Geburt statten drei Patenfeen den Neugeborenen, der als Zeichen seiner zukünftigen königlichen Würde auf der Schulter ein Kreuz 330 Besprechungen - Comptes rendus 2 Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert I er , II.6978, fol. 22-62 v ; Montpellier, Bibliothèque interuniversitaire, Section de médecine, H. 437, fol. 195-250 v ; Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3516, fol. 198 v -212 v ; Collection privée, Virginie, États-Unis (ancien Cheltenham, Phillipps 6739), fol. 1-51 v ; Vatican, Biblioteca Apostolica, Reg. Lat. 1323, fol. 2-36. 3 Freiburg im Breisgau, Universitätsbibliothek 979. 1 Enfances Renier, canzone di gesta inedita del sec. XIII, Milano-Varese 1957. 2 Das Epos werden wir fortan stets unter Verwendung der Abkürzung ER anführen. Falls wir uns auf einen oder mehrere Verse dieser chanson beziehen, geben wir natürlich jeweils den/ die Vers(e) der hier anzuzeigenden Edition an.
