eJournals Vox Romanica 70/1

Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2011
701 Kristol De Stefani

Marie-Madeleine Castellani/Fiona McIntosh-Varjabédian (ed.), Louis XI, une figure controversée. Actes du colloque du Centre d’Études Médiévales et Dialectales de Lille 3, Lille (Centre d’études médiévales et dialectales de Lille 3) 2010, 379 p. (Bien dire et bien aprandre XXVII)

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2011
Laurent  Bozard
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Le texte, divisé en huit livres, est édité avec soin: des notes de bas de page rendent compte des modifications apportées à la leçon du manuscrit, tandis que les notes de commentaire et d’aide à la lecture sont regroupées à la suite du texte (511-96). Le glossaire proposé vise un lecteur non spécialiste (597-642). Au total, une édition fiable et diligente pour ce qui est du texte établi, mais à reprendre et à intégrer si l’on veut faire la mise au point sur les différents aspects historiques, littéraires et linguistiques de la compilation. Le premier mérite, toutefois, serait celui de stimuler la publication des autres textes du recueil (à présent inédits ou édités au sein de mémoires ou de thèses peu accessibles). Les recherches en cours du médiéviste polonais J. Kujawi ń ski et les contributions citées remontant aux années 1990 vont servir de jalons. Gabriele Giannini ★ Marie-Madeleine Castellani/ Fiona McIntosh-Varjabédian (ed.), Louis XI, une figure controversée. Actes du colloque du Centre d’Études Médiévales et Dialectales de Lille 3, Lille (Centre d’études médiévales et dialectales de Lille 3) 2010, 379 p. (Bien dire et bien aprandre XXVII) Ce numéro de Bien dire et bien aprandre est entièrement consacré à Louis XI. Les contributions portent un regard historique, littéraire et politique sur le roi, son personnage et ses actes. Cette somme montre combien les perceptions du monarque ont varié et évolué selon les époques ou les genres. Cependant, on note que dès les écrits de ses contemporains (Commynes en tête), Louis XI a toujours été l’objet de réinterprétations téléologiques et/ ou engagées. Le volume reprend vingt contributions présentées en 2007 lors d’un colloque organisé par l’ALITHILA à Lille. Elles sont présentées selon six grands axes: Vision des contemporains, Postériorité historiographique, Dans le roman du XIX e siècle: héritages et ruptures, Dans le roman du XX e siècle, Louis XI au théâtre et La figure de Louis XI dans le septième et neuvième arts. Jean Dufournet présente la vision du roi par Commynes. Pour celui-ci, il possède de nombreuses qualités (dissimulation, secret . . .) sans échapper pourtant aux défauts traditionnels des souverains. Le mémorialiste dresse un portrait contrasté du roi suivant les époques (période bourguignonne, après son transfuge à la cour de France puis après son éloignement du pouvoir); ses critiques se font plus vives lors de la troisième phase, son but étant sans doute de montrer qu’un prince ne peut briller «sans consulter des conseillers bien choisis». À travers le personnage de Louis XI, Commynes dessine en filigrane son propre portrait, celui du conseiller idéal ou du conseiller qu’il aimerait être. Irit Ruth Kleiman montre que Basin, contrairement à Commynes, représente davantage les charges contre le roi. Il construit son texte sur une grande culture historique, jouant ainsi avec les intertextes. Sa relation avec Louis XI lui permet de prendre des positions comme moi narrant, laissant apparaître une certaine nouvelle forme d’auteur. La diplomatie du règne de Louis XI n’est peut-être pas l’aspect à ce jour le plus approfondi des études sur l’époque. Alain Marchandisse propose dès lors pour sa part un aperçu des rouages diplomatiques relatifs à la situation politique liégeoise. On a souvent souligné le goût pour la chasse de Louis XI. Bertrand Schnerb décompose les différentes facettes de cette passion et de cette culture cynégétique qui ont généralement frappé ses contemporains et ont en partie contribué à forger sa «légende noire». La lecture ici proposée a le mérite de traquer les idées reçues: non seulement Louis XI s’inscrit dans une lignée de rois chasseurs mais ses contemporains bourguignons ou italiens partageaient la même passion. La chasse possède également plusieurs fonctions: outre l’aspect 346 Besprechungen - Comptes rendus nourricier (approvisionner le prince en gibier), elle est aussi politique et diplomatique (par ses déplacements, le roi sillonne le pays, prend possession de l’espace et se fait reconnaître par les populations). Louis XI sert parfois, par contraste, à mettre en valeur certains de ses successeurs. C’est le cas dans les Louenges du roy Louys XII de Claude de Seyssel présenté par Jonathan Dumont. Louis XI y bénéficie d’une place et d’un traitement inédit comparativement aux autres souverains. De ces biographies comparées, il ressort un portrait noir et tyrannique de l’universelle araigne, de sa personnalité et non de l’office royal en soi. Le souvenir de Louis XI est le parfait négatif - dans tous les sens du terme - de son futur successeur. Si l’étude n’est pas dénuée d’intérêt, on se réjouira d’en lire des prolongements, davantage ancrés dans une analyse textuelle plus profonde. Cela permettrait de démontrer l’usage littéraire et dialectique de la figure noire de Louis XI. Les époques renaissante et baroque utilisent chacune le personnage du roi à des fins différentes selon Alexander Roose. Bonaventure Des Périers et Matteo Bandello retiennent surtout les facéties du roi. Montaigne et François Hotman réfléchissent, eux, sur les «dangers d’une monarchie qui méconnait les sages équilibres du pouvoir». Gabriel Naudé voit en lui le premier souverain de la Renaissance, le premier à appliquer, avant la lettre, les préceptes de Machiavel; ce sera aussi le cas de La Mothe Le Vayer. Fiona Mc Intosh-Varjabédian examine les textes historiographiques de la fin du XVIII e et du XIX e siècles. Elle constate que le discours moral souvent dominant jusque là s’efface au profit d’un certain pragmatisme historique: le monarque «incarne la marche de l’histoire et de la mise à mort d’une féodalité déjà agonisante». Peu à peu, le souverain apparaît comme un mal nécessaire et est en partie exonéré de ses fautes; ainsi, le discours historique se modifie petit à petit. Les manuels scolaires primaires (1880-1968) analysés par Philippe Marchand ne sont pas exempts des clichés traditionnels (la légende noire) sur Louis XI. Toutefois, s’ils émettent toujours de sérieuses réserves sur l’homme du point de vue moral, ils soulignent aussi les bienfaits politiques (rassembleur, administrateur . . .) qui ont fait de lui un des grands rois de France. Avec les Contes drolatiques de Balzac, Louis XI devient un véritable personnage littéraire. Veronica Bonani montre combien les Joyeulsetez du roy Loys le Unziesme marquent une étape dans l’activité créatrice de l’auteur. Balzac s’intéresse au premier chef à la vie privée du personnage: il a l’ambition d’éclairer certaines zones d’ombre, ce que la perspective historique ne permet pas. En outre, en s’intéressant à la vie de cour, il dresse un panorama de la société qui préfigure celui qu’il fera dans la Comédie humaine. Bernard Gendrel oppose pour sa part les visions narratives de Balzac (Maître Cornélius) et de Victor Hugo (Notre-Dame de Paris). Chez ce dernier, on note une réinterprétation du personnage: Louis XI devient l’image de la centralisation du pouvoir et de l’absolutisme; Hugo lui donne une dimension épique et historique. Balzac, quant à lui, utilise avant tout le personnage royal comme trame narrative et fictionnelle. Rachel Killick souligne, entre autres, le fait que Louis XI permet avant tout à Hugo de développer ses réflexions culturelles, sociales et politiques. Le souverain symbolise en effet un pouvoir totalitaire mais cela ne l’empêche pas d’avoir eu un rôle positif dans la consolidation politique et économique de la France. La littérature de jeunesse (1823-1913) a exploité le règne de Louis XI, dans ses retranscriptions par Walter Scott et Victor Hugo, pour son arrière-plan historique mais aussi pour ses intrigues. Isabelle Guillaume remarque que Walter Scott a davantage plu aux auteurs. Néanmoins, ils ont présenté un roi moins sulfureux; il devient plutôt un politique audacieux. Le divertissement prend désormais le pas sur les valeurs éducatives et morales (celles-ci apparaissant peut-être davantage dans les illustrations que dans la narration). 347 Besprechungen - Comptes rendus Dans son Roman de Louis XI, Paul Fort a tendance à gommer les aspérités du personnage; l’action du roi est examinée en fonction des intérêts supérieurs du pays. Christian Leroy analyse l’œuvre du romancier-poète et souligne les liens littéraires, créatifs, qui existent entre l’auteur et son personnage. Marjan Krafft-Groot constate, chez Hella Haasse, une nouvelle utilisation de Louis XI. Dans son roman En la forêt de longue attente, biographie littéraire du poète Charles d’Orléans, Louis sert ici encore d’opposant, de contrepoint. Mais, plus encore, Krafft-Groot met en évidence les parallélismes entre la situation personnelle de Hella Haasse et du poète français. Louis XI devient alors en quelque sorte le symbole «d’un monde politique où il n’y a pas de place pour l’individu», une allégorie de la montée du nazisme. Au théâtre, le roi de France permet à Louis-Sébastien Mercier (La Mort de Louis XI, roi de France) de réaliser ce que certains nomment «le premier drame shakespearien jamais composé en français». Monique Dubar présente les éléments qui permettent de qualifier la pièce de telle manière. À nouveau, on verra que Mercier utilise la figure royale à des fins politiques: par la mise en scène du peuple sans histoire on découvre chez lui certains accents prérévolutionnaires. Louis XI permet à Casimir Delavigne de composer son chef-d’œuvre. Stéphanie Tribouillard insiste à nouveau sur les accents shakespeariens du personnage. La pièce est certes un grand spectacle mais elle sert à montrer la complexité d’un homme tout en proposant une réflexion sur l’exercice et la finalité du pouvoir monarchique. Dominique Laporte s’attarde sur Louis XI comme «métaphore du pouvoir dictatorial sous le Second Empire». Le règne de Louis XI devient chez Nerval (L’imagier de Harlem), Féval (L’homme de fer) et Banville (Gringoire), une représentation du poids du contrôle politique et de la censure gouvernementale, de l’imprimé notamment. Au cinéma, le succès du personnage de Louis XI (20 films) tient avant tout à celui qu’il a eu auparavant en littérature (Scott, Hugo, Delavigne, etc.). Néanmoins, François Amy de la Bretèque note une polarisation dans les représentations audiovisuelles entre le «camp» de Scott et celui d’Hugo. Le premier représente le «nation building» tandis que le second exploite principalement le thème des conflits sociaux. À nouveau, le roi est le reflet de l’époque qui le représente: par exemple, dans Le pacte des loups d’André Hunebelle (1962), le réalisateur propose une image autoritaire du roi qui n’est pas sans faire penser à celle de De Gaulle. Outre cette dimension politique, l’étude des représentations cinématographiques de Louis XI montre aussi que, progressivement, celui-ci acquiert le statut de personnage de répertoire. Caroline Cazanave poursuit ce regard sur les adaptations filmiques en se centrant sur celles de Notre-Dame de Paris. Sur un corpus d’une trentaine de films, elle constate que les représentations se divisent en trois groupes: approche défavorable, affaiblissement de la légende noire, primauté de l’aspect ludique (entre autres dans les films d’animation). Quoi qu’il en soit, les absences du personnage royal se justifient dans la mesure où l’histoire sentimentale d’Esmeralda prime sur l’Histoire. Dans la dernière étude, Marie-Madeleine Castellani analyse la figure du roi dans la bande dessinée. Il n’y a que peu d’originalité dans les représentations, les stéréotypes traditionnels sont bien présents même si les traits plus grivois ou grossiers deviennent globalement les plus saillants. L’ensemble des contributions présentées ici montre les multiples facettes du roi Louis XI, un peu comme si le lecteur contemporain était un insecte pris dans la toile de l’universelle araigne et qu’il contemplait le prédateur de ses yeux à la vision kaléidoscopique. Mais toutes les images se superposent et composent, d’une certaine manière, un nouveau portrait du souverain. Si l’on ne peut éviter sa légende noire et les poncifs y afférents, beaucoup d’analyses du recueil insistent sur les fins qui ont amené les auteurs à utiliser Louis XI et à faire 348 Besprechungen - Comptes rendus de lui un véritable personnage. Non seulement, il est exploité très souvent dans des buts narratifs ou textuels, mais il l’est aussi à des fins politiques. Louis XI a laissé dans l’imaginaire collectif une figure controversée (peut-être comme celle des auteurs qui l’ont utilisé - Commynes le premier), mais ces études s’accordent pour démontrer ses qualités de personnage et de ressort fictionnel. Laurent Bozard ★ Virgine Minet-Mahy, L’automne des images. Pragmatique de la langue figurée chez George Chastelain, François Villon et Maurice Scève, Paris (Champion) 2009, 345 p. (Bibliothèque du XV e siècle 75) Efficace plaidoyer en faveur de la littérature de la toute fin du Moyen Âge et du début du XVI e siècle, cet ouvrage défend l’idée que les images figées, les conventions qui la nourrissent pour une bonne part et qui sont une des raisons majeures de sa déconsidération sont précisément le point de départ de la création poétique. Cette littérature à laquelle on reproche de ressasser les mêmes matériaux poétiques utilise des stéréotypes pour susciter une dynamique créative: le lecteur est incité à participer à la construction du sens à partir des connaissances qu’il possède, de son «encyclopédie personnelle». Ces images conventionnelles sont appelées par l’auteur des «métaphores mortes actives» en réponse notamment à la notion de métaphore vive théorisée par P. Ricœur. Le texte de cet ouvrage, souvent complexe et dense, repose sur un riche vocabulaire conceptuel. Dans l’ensemble bien écrit, il laisse toutefois apparaître quelques maladresses comme l’emploi étonnant d’archaïsmes médiévaux tant dans la syntaxe que dans le lexique: «quérir sens» (64), «la soif Villon» (201), «la pauvreté Villon» (210), «dans le chef du lecteur» (230-296); des néologismes parfois discutables: «mariologie» (63), «images interrogeantes» (65), «clergiaux» pour cléricaux (122), «s’originer» (135), «mosaïque» pour «de Moïse» (250); certains flottements dans la syntaxe ou dans la formulation comme dans le sous-titre: «La peau contaminée et parchemin brouillé» (215), «en écho de Sion» (263), «rétablit la dysphorie initiale» (303) - expression créant un contresens quand l’auteur veut dire «ramène l’ordre» - et enfin quelques coquilles, autant de petites erreurs qui auraient pu disparaître à la relecture. L’ouvrage en quatre parties commence par une longue première partie introductive et théorique: «Méthodologie d’approche de la langue figurée dans les textes de la fin de Moyen Âge» (11-60). L’auteur indique en note que ce chapitre a été conçu en collaboration avec David Cowling (Université de Durham). Y sont exposés les nombreux outils qui servent ensuite à V. M.-M. à mettre en évidence les mécanismes de la langue figurée dans les textes illustrant son propos. L’anthropologie historique lui permet de comprendre comment l’image est censée, dans la pensée médiévale, avoir un pouvoir de transformation sur ses destinataires; pour définir le concept de métaphore morte active, V. M.-M. exploite deux autres champs théoriques: le cognitivisme de G. Lakoff et M. Johnson - un petit nombre de métaphores conceptuelles fondées sur l’expérience du corps déterminent la création de réseaux d’images - et la sémiotique de Riffatterre avec la notion d’hypogramme - un élément métaphorique appartenant à la culture du lecteur permet de guider l’interprétation du texte. Le second objectif de cette étude est de définir le rôle dévolu aux images dans la civilisation médiévale et pour ce faire, l’auteur crée des rapprochements convaincants entre langue figurée et rituel: tous deux reposent sur des codes, sont porteurs de sens et participent de la quête d’identité du lecteur. 349 Besprechungen - Comptes rendus