Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniVirgine Minet-Mahy, L’automne des images. Pragmatique de la langue figurée chez George Chastelain, François Villon et Maurice Scève, Paris (Champion) 2009, 345 p. (Bibliothèque du XVe siècle 75)
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Hélène Bellon-Méguelle
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de lui un véritable personnage. Non seulement, il est exploité très souvent dans des buts narratifs ou textuels, mais il l’est aussi à des fins politiques. Louis XI a laissé dans l’imaginaire collectif une figure controversée (peut-être comme celle des auteurs qui l’ont utilisé - Commynes le premier), mais ces études s’accordent pour démontrer ses qualités de personnage et de ressort fictionnel. Laurent Bozard ★ Virgine Minet-Mahy, L’automne des images. Pragmatique de la langue figurée chez George Chastelain, François Villon et Maurice Scève, Paris (Champion) 2009, 345 p. (Bibliothèque du XV e siècle 75) Efficace plaidoyer en faveur de la littérature de la toute fin du Moyen Âge et du début du XVI e siècle, cet ouvrage défend l’idée que les images figées, les conventions qui la nourrissent pour une bonne part et qui sont une des raisons majeures de sa déconsidération sont précisément le point de départ de la création poétique. Cette littérature à laquelle on reproche de ressasser les mêmes matériaux poétiques utilise des stéréotypes pour susciter une dynamique créative: le lecteur est incité à participer à la construction du sens à partir des connaissances qu’il possède, de son «encyclopédie personnelle». Ces images conventionnelles sont appelées par l’auteur des «métaphores mortes actives» en réponse notamment à la notion de métaphore vive théorisée par P. Ricœur. Le texte de cet ouvrage, souvent complexe et dense, repose sur un riche vocabulaire conceptuel. Dans l’ensemble bien écrit, il laisse toutefois apparaître quelques maladresses comme l’emploi étonnant d’archaïsmes médiévaux tant dans la syntaxe que dans le lexique: «quérir sens» (64), «la soif Villon» (201), «la pauvreté Villon» (210), «dans le chef du lecteur» (230-296); des néologismes parfois discutables: «mariologie» (63), «images interrogeantes» (65), «clergiaux» pour cléricaux (122), «s’originer» (135), «mosaïque» pour «de Moïse» (250); certains flottements dans la syntaxe ou dans la formulation comme dans le sous-titre: «La peau contaminée et parchemin brouillé» (215), «en écho de Sion» (263), «rétablit la dysphorie initiale» (303) - expression créant un contresens quand l’auteur veut dire «ramène l’ordre» - et enfin quelques coquilles, autant de petites erreurs qui auraient pu disparaître à la relecture. L’ouvrage en quatre parties commence par une longue première partie introductive et théorique: «Méthodologie d’approche de la langue figurée dans les textes de la fin de Moyen Âge» (11-60). L’auteur indique en note que ce chapitre a été conçu en collaboration avec David Cowling (Université de Durham). Y sont exposés les nombreux outils qui servent ensuite à V. M.-M. à mettre en évidence les mécanismes de la langue figurée dans les textes illustrant son propos. L’anthropologie historique lui permet de comprendre comment l’image est censée, dans la pensée médiévale, avoir un pouvoir de transformation sur ses destinataires; pour définir le concept de métaphore morte active, V. M.-M. exploite deux autres champs théoriques: le cognitivisme de G. Lakoff et M. Johnson - un petit nombre de métaphores conceptuelles fondées sur l’expérience du corps déterminent la création de réseaux d’images - et la sémiotique de Riffatterre avec la notion d’hypogramme - un élément métaphorique appartenant à la culture du lecteur permet de guider l’interprétation du texte. Le second objectif de cette étude est de définir le rôle dévolu aux images dans la civilisation médiévale et pour ce faire, l’auteur crée des rapprochements convaincants entre langue figurée et rituel: tous deux reposent sur des codes, sont porteurs de sens et participent de la quête d’identité du lecteur. 349 Besprechungen - Comptes rendus Les trois chapitres suivants sont consacrés respectivement à la poésie de George Chastelain, à l’écriture testamentaire de François Villon et à la Délie de Maurice Scève. Ce corpus a été retenu pour la place qu’il accorde à la stéréotypie et à la sacralité pragmatique des images. Y sont étudiées en particulier les métaphores renvoyant à l’auteur et à l’acte de création littéraire. V. M.-M. présente son corpus suivant une progression logique: la poésie de George Chastelain et plus précisément sa poésie mariale fonctionne comme la thèse exposant le rapport proportionnel entre la sacralité des images et le pouvoir de réformation du texte; la poésie de Villon est l’antithèse: les images participent à des rituels de dérision célébrant de manière parodique la corporalité. Enfin, Maurice Scève réalise la synthèse en exposant dans sa poésie la réconciliation entre corps et sens. Le chapitre II, consacré aux figures mariales dans la poésie de George Chastelain (61- 158), commence par l’élucidation de deux images obscures: l’orientale conque dans la Louenge à la Très glorieuse Vierge et Dame Profondité dans l’iconographie des Douze Dames de Rhétoriques. On peut être étonné du choix de deux exemples ne relevant pas de la stéréotypie pour débuter une étude consacrée aux images conventionnelles. Ces analyses très subtiles reposent sur le dévoilement des sous-entendus du texte et des images. Le risque d’un travail sur les non-dits est de tomber dans la surinterprétation. Or il apparaît que l’auteure n’évite pas toujours cet écueil. Nous n’avons parfois pas été totalement convaincue par les rapprochements proposés lorsqu’ils étaient fondés sur des points de contact trop ténus. On peut se demander, par exemple, si, pour comprendre l’adjectif «orientale» dans l’expression «orientale conque» utilisée par Chastelain pour désigner la Vierge, il est nécessaire de se reporter à la porta orientalis du Temple d’Ezéchiel. Ne peut-on y voir plus simplement l’expression du caractère précieux et rare du coquillage associé à la Vierge? De même le rapprochement effectué entre les deux images de Précieuse Possession (Paris, BNF, fr 1174, f. 30v) et de Sapience (Bruxelles, KBR, IV, 111, f. 132) ne nous a pas paru évident du fait de différences dont il est difficile de faire abstraction (sphère dans le giron et non dans la main de la dame et absence du cœur dans la seconde image) (77). D’ailleurs l’auteure reconnaît elle-même à plusieurs reprises la difficulté de sa démarche: «La difficulté d’établir une intertextualité effective entre deux œuvres sur la base d’éléments imaginaires est importante.» (119). Ces réserves faites, on ne peut qu’apprécier la richesse et la profondeur des analyses proposées. Les recherches qui sont menées offrent notamment l’occasion de mettre en évidence l’ampleur du savoir clérical d’un poète comme George Chastelain. La poésie de Chastelain est mise en rapport avec la pensée de Jean Gerson, démontrant une influence directe ou tout du moins l’utilisation de sources communes. Le théologien et le poète se rejoignent dans l’usage qu’ils font de l’analogie inversée pour célébrer le pouvoir temporel du Prince et lui donner en modèle la perfection divine. Le chapitre III, consacré au Lais et au Testament de Villon, «La Lettre tue. Feu, prostitution et péchés de langue chez François Villon» (159-222), repose sur l’examen des différentes occurrences de prières.Villon utilise ce modèle de rituel sacré pour mieux le subvertir en tombant dans la dérision ou dans la violence verbale. Remettant en cause à la fois la tradition courtoise et la possibilité pour l’homme d’une élévation de l’âme par l’écriture, le poète donne la primauté au bas corporel et au plaisir par lequel il entend trouver son salut. Ainsi privilégie-t-il les jeux sur la lettre au détriment du sens. V. M.-M. s’intéresse en particulier aux thématiques du vin, du feu, de la prostitution, de la lèpre et des maladies de peau à partir desquelles Villon forge les métaphores topiques qu’il utilise pour se constituer une persona d’auteur. La lecture que V. M.-M. propose de l’œuvre de Villon s’appuie sur les travaux des critiques qui l’ont précédée. L’auteure sait tirer le meilleur parti des nombreuses lectures qu’elle a réalisées tout en laissant la place à ses interprétations personnelles. Le dernier chapitre, «Le feu chez Scève, espace de réconciliation du corps et de l’esprit» (223-294), propose une lecture très éclairante de la Délie de Maurice Scève à partir du 350 Besprechungen - Comptes rendus thème omniprésent du feu et de ses dérivés que sont son antagonisme avec l’eau, le motif de la forge et celui de la trempe, la fumée et les parfums. Le thème du feu est une matrice, un hypogramme selon la terminologie de Riffaterre, à partir duquel Scève construit son univers mental et poétique. Dans celui-ci l’amour divin et l’amour charnel sont réconciliés, la mort est une étape vers la renaissance, la destruction précède l’immortalité, le corps et l’esprit fusionnent dans une conciliation des contraires. V. M.-M. s’attache aux différents intertextes qui peuvent aider à la compréhension de la Délie, en particulier l’œuvre courtoise de La Belle Dame sans mercy de Chartier qui présente un personnage d’amant martyr suppliant une dame inflexible proche de celui décrit par Scève et le texte biblique avec la figure de Moïse qui se superpose dans le texte à l’image de Délie, la sublime et inquiétante cornue lunaire. L’auteur consacre la deuxième partie de ce dernier chapitre à l’étude des emblèmes accompagnant le texte poétique qui, par leur caractère matériel et tangible, participent de la conciliation du corps, la lettre, et de l’âme, le sens. Ces figures souvent stéréotypées - l’auteur rappelle que la plupart des emblèmes sont des réemplois qui n’ont pas été créés spécialement pour être associés au texte de Maurice Scève - servent de guides pour le lecteur et lui permettent d’atteindre à la signification de la lettre, au «paradis de la senefiance» (293). En conclusion (295-307), l’auteure en appelle à une plus grande attention portée aux liens unissant les créations littéraires de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance à la théologie et à l’anthropologie. Le parcours qui nous est proposé tout au long de cette étude à travers les textes, les images et leur contexte démontre la pertinence d’une telle approche. Hélène Bellon-Méguelle ★ Yolande de Pontfarcy, L’au-delà au Moyen Âge. «Les visions du chevalier Tondal» de David Aubert et sa source la «Visio Tnugdali» de Marcus. Édition, traduction et commentaires, Berne etc. (Peter Lang) 2010, 205 p. Rédigée en 1149 en Bavière, la Visio Tnugdali connut un immense succès dans l’Europe entière, tant en latin que dans toutes les langues «vulgaires»; elle fut traduite plusieurs fois en français entre XIII e et XV e siècle, entre autres par Jean de Vignay (dans le Miroir Historial, vers 1320-1330), David Aubert (Visions du chevalier Tondal, 1475), Regnaud Le Queux (sous le titre de Baratre infernal, 1480): ces trois versions ont été éditées par Mattia Cavagna en 2008 (Classiques Français du Moyen Âge 159). Il s’agit, comme l’on sait, du récit d’un voyage dans l’au-delà chrétien - enfer et paradis - accordé à l’âme d’un chevalier en état de mort apparente: de retour sur terre, Tnugdal change de vie et prêche la conversion. Yolande de Pontfarcy offre une nouvelle édition des Visions, transmises par un manuscrit somptueux, copié par David Aubert et illustré par Simon Marmion à l’intention de Marguerite d’York, épouse du duc de Bourgogne Charles le Téméraire (ms. 30 du Getty Museum). L’Introduction (xi-xlvii) présente d’abord les traductions françaises, malheureusement avec une certaine confusion; par exemple, p. xiv, on lit: «En français, il y a onze versions dont cinq issues de celle de Vincent de Beauvais» (c’est moi qui souligne); mais les deux listes de manuscrits qui suivent contiennent, l’une huit manuscrits, l’autre (précédée du titre Traduction de la version de Vincent de Beauvais, p. xv) six; aucun commentaire, sauf quelques informations sur le contenu des témoins données dans les notes en bas de page, ne vient éclaircir ces groupements. Quelques pages sont consacrées à la Duchesse de Bourgogne et à sa bibliothèque, puis à l’activité de David Aubert en milieu bourguignon. On passe ensuite au manuscrit du Getty 351 Besprechungen - Comptes rendus