eJournals Vox Romanica 70/1

Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2011
701 Kristol De Stefani

Frédéric Duval (ed.), Le Mystère de saint Clément de Metz, Genève (Droz) 2011, 815 p. (Textes littéraires français 608)

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2011
Marie-Claire  Gérard-Zai
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Les critères adoptés pour le Glossaire (157-78) ne sont pas scientifiques: l’éditrice n’a enregistré que «les mots dont la graphie ou le sens retiennent l’attention; ceux de la Table des rubriques n’ont pas été relevés» (157). La bibliographie est très riche (181-205): je me permets de signaler que le Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville a connu aussi une édition/ traduction commentée par Frédéric Duval (Saint-Lô, Archives Départementales de la Manche, 2006, avec reproductions du ms. Paris, BnF, fr. 12466). Ceci dit, Les visions que reçut . . . monseigneur Tondal, selon les mots de l’explicit, méritent bien d’être connues et appréciées par les lecteurs d’aujourd’hui, tant comme témoignage de la réception d’un véritable «best-seller» médiéval, que comme production bourguignonne de très haut niveau; on s’en rendra compte en jetant un coup d’œil au site du Getty Museum où le manuscrit est partiellement accessible 1 . Maria Colombo Timelli ★ Frédéric Duval (ed.), Le Mystère de saint Clément de Metz, Genève (Droz) 2011, 815 p. (Textes littéraires français 608) Ce texte a été édité une première fois en 1861 par Charles Abel et il a nourri de nombreuses études philologiques. Non seulement Le Mystère de saint Clément de Metz a été dépouillé par Frédéric Godefroy pour son Dictionnaire de l’ancienne langue française (1881-1902) et utilisé par Henri Chatelain pour ses Recherches sur le vers français (1907), mais il bénéficie d’une notice élogieuse dans l’ouvrage de référence pour le théâtre médiéval français, celui de Louis Petit de Julleville 1 qui portait pourtant un jugement sans indulgence sur la production littéraire théâtrale du Moyen Âge. «On peut louer dans ce mystère une certaine délicatesse de style et quelque bonheur dans l’expression du pathétique» 2 . Ses qualités littéraires le cèdent à ses qualités dramaturgiques, tant le fatiste s’est montré habile à concilier la légende avec les nécessités du spectacle. «Son importance pour l’histoire du culte de saint Clément de Metz est également de premier ordre: alors que l’écheveau des vies latines vient d’être démêlé, le versant français du dossier hagiographique - dont le mystère est l’une des pièces maîtresses - reste à explorer», comme le souligne F. Duval, dans son Avant-Propos (9). L’accès au texte se révèle doublement complexe: l’édition de Charles Abel est quasi introuvable depuis l’incendie de la maison d’édition Rousseau-Pallez et la destruction presque totale des exemplaires. Mais surtout le texte édité en 1861 fourmille d’erreurs de transcription 3 , de coupes de mots fautives, de ponctuation lacunaire ou inopportune qui semblent prouver plus d’une fois les difficultés de compréhension qu’a éprouvées Charles Abel face au texte et à la syntaxe de celui-ci. Il a une connaissance limitée de la langue ancienne: par exemple, il ne semble pas reconnaître l’adjectif isnel (v. 305, 1606, 2904 . . .) et le rend par la forme *isuel, ou l’adverbe «rapidement» isnelement (v. 282, 677, 1333 . . .) rendu par *isuelement; faute d’avoir saisi le sens de l’ancien mot ains, il le modifie en ainsi (v. 2205) et en avis (v. 6014). Il paraît souvent ignorer le système abréviatif médiéval: permet pour promet («Je vous p[ro]met en bonne foy» (v. 732). De plus, F. Duval remarque que cette première édition a suscité des mots fantômes dans le dictionnaire de Godefroy, à titre 353 Besprechungen - Comptes rendus 1 http: / / www.getty.edu/ art/ gettyguide/ artObjectDetails? artobj=1771. 1 Louis Petit de Julleville, Les Mystères, t. 2, Paris 1880: 493-98. 2 Op. cit., t. 2 496, cité par Duval (47). 3 Charles Abel transcrit, par exemple, famine pour famme (v. 6811): «Pren pitié de la povre famme / Qui tant fut bonne prudefamme, / C’est ma mère, souviengne t’en! » (v. 6811-13). d’exemple: s. Sonuoule: «Pain et char, fourmaige en presure / Ou sonuoules, se sont matons. Myst. de S. Clem., 163, Ch. Abel)». Il faut lire s’on voulés (v. 8119)! (10, N8). Au moment de dresser un bilan de l’édition de Charles Abel, F. Duval constate qu’«avec 225 variantes relevées sur les 1055 vers transcrits par Tinius, Abel a modifié la leçon du manuscrit en moyenne une fois tous les 4,7 vers» (146). Par un malheureux concours de circonstance, le manuscrit unique (conservé à la bibliothèque municipale de Metz), utilisé par Charles Abel, a disparu au cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet, quelque 1450 manuscrits messins brûlèrent dans la nuit du 31 août au 1 er septembre 1944. Et pourtant Frédéric Duval tente la gageure de proposer une nouvelle édition. Il amende le texte proposé par Charles Abel et s’appuie largement sur les transcriptions, concordances et corrections suggérées par Fritz Tinius 4 . En outre, le philologue allemand a édité plusieurs extraits, totalisant 1055 vers, corrigeant les lacunes et mélectures de Charles Abel. Une analyse scrupuleuse des passages problématiques, une méthode rigoureuse, une pratique exemplaire de l’ecdotique permettent à F. Duval de nous livrer une édition critique, dans laquelle la part de la conjecture demeure certes importante, comme il l’admet (12), qui permet toutefois au lecteur d’aujourd’hui de découvrir un témoin important du théâtre urbain de la fin du Moyen Âge; l’éditeur contemporain reconnaît également sa dette à l’égard de Darwin Smith, de Françoise Vielliard et de Gilles Roques. La description du manuscrit «disparu» laisse supposer, selon Fritz Tinius, la perte du cahier initial où auraient pu prendre place un prologue et la liste des personnages. Quant à savoir s’il s’agissait du manuscrit autographe (conviction de Charles Abel) ou d’une copie (thèse de Fritz Tinius), il est impossible de trancher. L’introduction de cette édition offre une analyse détaillée du mystère (28-34), une étude intéressante sur la légende de saint Clément et le Mystère (34-46) et une analyse littéraire pertinente (46-83). Frédéric Duval met l’accent sur la grande valeur dramaturgique du mystère hagiographique. La description de la langue du texte, étant donné la part de conjectures, n’est pas envisageable. L’auteur attire toutefois l’attention sur certaines particularités linguistiques (83-104). Quant à la versification, elle a été amplement étudiée par Henri Chatelain et Fritz Tinius, qui tous deux en ont souligné les approximations et la faible variété (105-12). Le Mystère de saint Clément narre le baptême de Clément, à Rome, par saint Pierre; ce dernier, averti des malheurs que connaît Metz, infesté par un serpent maléfique, envoie Clément libérer les Messins. Les évêques de Florence et de Myra élèvent Clément à la dignité épiscopale. Le nouveau prélat convertit le châtelain et sa femme, ainsi que sa maisnie, ressuscite Materne ainsi qu’une jeune fille; il fait construire des églises à Élégie, une autre dédiée à saint Pierre, une autre encore à saint Étienne. Après un long voyage qui le conduit de l’Italie en pays lorrain, Clément promet de libérer Metz du «dragon» si ses habitants se convertissent; il lie le serpent avec son étole et le conduit avec ses rejetons jusqu’à la rivière, leur ordonnant de ne plus nuire aux hommes. Sentant l’heure de sa mort approcher, Clément recommande à ses compagnons Félix et Céleste de veiller sur les Messins. Tandis que l’on porte en terre la dépouille de saint Clément, des malades accourent et à peine ont-ils touché le corps qu’ils sont guéris. Toute la population de Metz prie pour l’âme de Clément et surtout pour qu’il intercède en faveur des vivants. Ce mystère compte de nombreuses scènes de genre, de type farcesque: paysan battu, repris par sa femme (v. 772-1033) ou des scènes de tavernes récurrentes (par ex. v. 4838- 5062, 7766-92, 8107-70). Le fatiste multiplie les interventions des diables lors du baptême de Clément, lors de son élévation à la dignité épiscopale, au moment du miracle de la résurrection de Materne, à l’occasion de conversions et de baptêmes ou encore à la mort de saint Clément (v. 8521-66). 354 Besprechungen - Comptes rendus 4 Fritz Tinius, Studium über das Mystère de Saint Clement, Greifswald 1909. La dramatis personae totalise 123 personnages mis en scène, dont 48 portent un nom, les autres sont désignés par leur fonction, leur qualité (enfant, malade) ou une relation de parenté. Si l’on admet, avec G. A. Runnalls, un rythme moyen de 500 vers à l’heure, il fallait au moins 18 heures pour représenter le Mystère de saint Clément (71). Quant à la datation du texte, sa fixation repose sur des hypothèses fragiles: dans ce cas précis, la langue du manuscrit ne peut être prise en compte ni même la versification; seules subsistent les références au contexte historique et le témoignage des chroniques urbaines. L’éditeur F. Duval privilégie, sous toutes réserves, «l’hypothèse d’une date de composition située peu après le décret d’union des Églises de juillet 1439, à un moment où les chroniques urbaines sont silencieuses sur les représentations théâtrales» (119). Rappelons pour l’anecdote que le «graouilly», nom donné au serpent-dragon dont Clément a débarrassé la ville de Metz, est un mythe fondateur encore bien présent dans l’imaginaire messin contemporain. L’ambition de l’éditeur moderne et son objectif de donner à lire le Mystère de saint Clément de Metz aux spécialistes de littérature et aux historiens dans une version critique sont pleinement réussis. Avec rigueur et une maîtrise philologique sans faille, Frédéric Duval nous livre les 9221 vers du Mystère de saint Clément de Metz: vu la situation de départ sur le plan textuel, son mérite est considérable et tous les historiens du théâtre médiéval, les philologues lui en sauront gré. Les abondantes notes critiques (625-720) et un excellent glossaire (739-813) complètent cette belle édition. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Peter Blumenthal/ Salah Mejri (ed.), Les configurations du sens, Stuttgart (Franz Steiner) 2010, 188 p. Ce volume réunit les textes des conférences qui ont été présentées à l’occasion d’un hommage rendu à Robert Martin dans le cadre d’une journée organisée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, le 12 juin 2009. Comme le problème du sens est le thème central de l’œuvre de Robert Martin, il est naturel que la plupart des contributions soient consacrées à la sémantique et à la lexicologie. Le premier article du recueil, dû à l’un des éditeurs, s’écarte pourtant un peu de l’orientation générale du livre. Peter Blumenthal («L’actualisation des noms d’affect», 13-25) s’intéresse aux problèmes de la collocation en étudiant les déterminants (actualisateurs) qui accompagnent les noms d’affect. En se fondant sur le corpus Frantext.romans, Blumenthal distingue ainsi entre les noms d’affect qui sont très fréquemment actualisés par des adjectifs possessifs et ceux qui sont accompagnés de préférence par un article indéfini. Il reste une troisième catégorie caractérisée par la préférence de l’article défini, mais qui semble essentiellement constituée par le nom euphorie. J’aimerais croire que le cas d’euphorie s’explique surtout par le fait que ce nom désigne le plus souvent un état émotionnel collectif («Si Jospin gagne, nous serons dans l’euphorie», Le Monde 2002, cité p. 21). De même, si Proust utilise souvent les noms de la deuxième catégorie avec l’article défini au lieu de l’article indéfini, cela me semble dû au fait que la réflexion sur les émotions joue un rôle important dans la Recherche du temps perdu: Les procédés de narration destinés à exciter la curiosité et l’attendrissement, certaines façons de dire qui éveillent l’inquiétude et la mélancolie, et qu’un lecteur un peu instruit reconnaît pour communs à beaucoup de romans, me paraissent simples. (20) 355 Besprechungen - Comptes rendus