eJournals Vox Romanica 70/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2011
701 Kristol De Stefani

Peter Blumenthal/Salah Mejri (ed.), Les configurations du sens, Stuttgart (Franz Steiner) 2010, 188 p.

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La dramatis personae totalise 123 personnages mis en scène, dont 48 portent un nom, les autres sont désignés par leur fonction, leur qualité (enfant, malade) ou une relation de parenté. Si l’on admet, avec G. A. Runnalls, un rythme moyen de 500 vers à l’heure, il fallait au moins 18 heures pour représenter le Mystère de saint Clément (71). Quant à la datation du texte, sa fixation repose sur des hypothèses fragiles: dans ce cas précis, la langue du manuscrit ne peut être prise en compte ni même la versification; seules subsistent les références au contexte historique et le témoignage des chroniques urbaines. L’éditeur F. Duval privilégie, sous toutes réserves, «l’hypothèse d’une date de composition située peu après le décret d’union des Églises de juillet 1439, à un moment où les chroniques urbaines sont silencieuses sur les représentations théâtrales» (119). Rappelons pour l’anecdote que le «graouilly», nom donné au serpent-dragon dont Clément a débarrassé la ville de Metz, est un mythe fondateur encore bien présent dans l’imaginaire messin contemporain. L’ambition de l’éditeur moderne et son objectif de donner à lire le Mystère de saint Clément de Metz aux spécialistes de littérature et aux historiens dans une version critique sont pleinement réussis. Avec rigueur et une maîtrise philologique sans faille, Frédéric Duval nous livre les 9221 vers du Mystère de saint Clément de Metz: vu la situation de départ sur le plan textuel, son mérite est considérable et tous les historiens du théâtre médiéval, les philologues lui en sauront gré. Les abondantes notes critiques (625-720) et un excellent glossaire (739-813) complètent cette belle édition. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Peter Blumenthal/ Salah Mejri (ed.), Les configurations du sens, Stuttgart (Franz Steiner) 2010, 188 p. Ce volume réunit les textes des conférences qui ont été présentées à l’occasion d’un hommage rendu à Robert Martin dans le cadre d’une journée organisée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, le 12 juin 2009. Comme le problème du sens est le thème central de l’œuvre de Robert Martin, il est naturel que la plupart des contributions soient consacrées à la sémantique et à la lexicologie. Le premier article du recueil, dû à l’un des éditeurs, s’écarte pourtant un peu de l’orientation générale du livre. Peter Blumenthal («L’actualisation des noms d’affect», 13-25) s’intéresse aux problèmes de la collocation en étudiant les déterminants (actualisateurs) qui accompagnent les noms d’affect. En se fondant sur le corpus Frantext.romans, Blumenthal distingue ainsi entre les noms d’affect qui sont très fréquemment actualisés par des adjectifs possessifs et ceux qui sont accompagnés de préférence par un article indéfini. Il reste une troisième catégorie caractérisée par la préférence de l’article défini, mais qui semble essentiellement constituée par le nom euphorie. J’aimerais croire que le cas d’euphorie s’explique surtout par le fait que ce nom désigne le plus souvent un état émotionnel collectif («Si Jospin gagne, nous serons dans l’euphorie», Le Monde 2002, cité p. 21). De même, si Proust utilise souvent les noms de la deuxième catégorie avec l’article défini au lieu de l’article indéfini, cela me semble dû au fait que la réflexion sur les émotions joue un rôle important dans la Recherche du temps perdu: Les procédés de narration destinés à exciter la curiosité et l’attendrissement, certaines façons de dire qui éveillent l’inquiétude et la mélancolie, et qu’un lecteur un peu instruit reconnaît pour communs à beaucoup de romans, me paraissent simples. (20) 355 Besprechungen - Comptes rendus L’article suivant est de Claude Buridant («La morphologie dérivationnelle dans l’ancienne langue française», 27-57) et s’occupe de la formation des mots en ancien et en moyen français. C’est une synthèse des recherches récentes (et parfois moins récentes) en la matière, synthèse qui complète très utilement les manuels existants. Si les ouvrages sur la formation des mots en français contemporain ne font pas défaut, ceux qui abordent cette question du point de vue diachronique auraient en effet besoin d’être remplacés depuis longtemps. De fait, le manuel de Kristoffer Nyrop date de 1908 et celui de Willhelm Meyer- Lübke de 1921 1 ! Ajoutons que le moyen français apparaît comme une période particulièrement intéressante à cause des profonds changements que les nombreux emprunts faits au latin ont apporté à la morphologie dérivationnelle. En ce qui concerne le traitement sémantique des affixes, Buridant reste fidèle à l’analyse unitaire, en admettant avec Gustave Guillaume l’existence d’un «signifié de puissance» dont découlent les différents effets de sens. À ce propos, il renvoie également (40) au concept de radial category de George Lakoff 2 . Il aurait quand même fallu mentionner que, pour Lakoff, ce n’est qu’une seule forme de la polysémie parmi d’autres. Un article qui montre également que les théories linguistiques de Guillaume continuent à avoir des adeptes dans le monde francophone, c’est celui d’Olivier Soutet («et que je miaule . . . en hommage à Robert Martin, savant austère et amoureux des chats», 137-52). Soutet s’occupe d’une tournure populaire qui ne semble guère avoir attiré jusqu’à présent l’intérêt des linguistes. Son point de départ est un exemple qu’il a trouvé dans Le Journal d’un curé de campagne de Georges Bernanos: Un soir, tout le monde couché, on a grimpé sur les toits, et que je te miaule . . . de quoi réveiller tout le quartier. Quant à l’interprétation que l’auteur propose pour la polysémie de que, elle risque de ne convaincre que les adeptes du guillaumisme. L’interprétation du te comme datif éthique me semble en revanche incontestable. Reste le cas de je, qui ne désigne manifestement pas l’énonciateur, mais qui a ici la fonction d’une troisième personne. Il faudrait pourtant préciser qu’il s’agit d’une troisième personne neutre. Comme Soutet le mentionne lui-même, une expression équivalente serait en effet: et ça (te) miaule. J’ai particulièrement apprécié l’article de Gérard Petit («Polysémie et modèles de représentation du sens lexical: états d’une variation», 103-19). L’auteur y soulève la question de savoir si la polysémie est une propriété inhérente au lexique ou si elle résulte du modèle de représentation sémantique adopté par le linguiste. En comparant le modèle des conditions nécessaires et suffisantes avec celui des traits prototypiques, Petit arrive ainsi à la conclusion que le premier modèle limite les cas de polysémie au profit des cas d’homophonie, alors que le second, plus souple que le premier, favorise la polysémie. On peut se demander dès lors avec quels types de traits définitoires il est loisible de travailler dans les descriptions lexicographiques. Parmi les traits dont la description sémantique ne saurait se passer, à mon avis, se trouvent les traits axiologiques. Ceux-ci sont essentiels dans le cas de mots comme bestiole, merveille, bidule et escroc, mots qui ne sont pas assez déterminés par leur sens référentiel, merveille étant même presque exclusivement axiologique. 356 Besprechungen - Comptes rendus 1 K. Nyrop, Grammaire historique de la langue française III: La formation des mots, Copenhague 1908; W. Meyer-Lübke, Historische Grammatik der französischen Sprache II: Wortbildungslehre, Heidelberg 1921. De ce dernier ouvrage, il existe pourtant une seconde édition augmentée de 1966, due à J. M. Piel. 2 G. Lakoff, Women, Fire, and Dangerous Things. What Categories Reveal about the Mind, Chicago 1987. L’article de David Trotter («Configurer le ou les sens en moyen français: problème sémantique et défi lexicographique», 153-70) me semble une belle illustration de la problématique soulevée par Petit. Trotter se fonde sur les trois versions successives, disponibles sur le Web, du Dictionnaire du Moyen Français, dont Robert Martin assume la direction. La comparaison des articles cheville, fontaine et concevoir montre que, si la polysémie a augmenté de DMF1 (2003) à DMF2 (2007), la structure des articles a été en revanche simplifiée dans DMF2009, maintenant remplacé par DMF2010. C’est ainsi que dans l’article cheville, on est passé de quatre à six acceptions de la première à la deuxième version, alors que celles-ci ont été ramenées à deux acceptions dans le DMF2010. Il se trouve en effet que la définition ‘pièce de bois ou de métal, allongée et mince, servant à boucher un trou, à assembler des pièces, à suspendre’ convient également aux emplois techniques, qui avaient leur propre entrée dans les deux premières versions du DMF; le seul sens qui ne corresponde pas à cette définition, c’est celui de la ‘cheville (du pied)’. Mathieu Valette («Propositions pour une lexicologie textuelle», 171-88) s’inspire de la sémantique interprétative de François Rastier. L’auteur fait partie d’une équipe qui élabore un dictionnaire sémique du français dans le cadre de l’ATILF. S’il est question de sèmes dans cet article, il ne s’agit pourtant pas de ces traits universels que l’on désignait sous ce nom dans l’analyse sémique de la «première génération»; il s’agit plutôt de traits prototypiques. La thèse que Valette défend dans cet article, c’est que ces sèmes contribuent à la cohérence sémantique du texte. Jusqu’à présent, le concept de cohérence sémantique était relativement pauvre. Il s’appuyait sur les notions d’anaphore et subsidiairement de renominalisation et de récurrence. L’idée que la cohérence sémantique peut aussi se fonder sur des sèmes communs aux mots d’un texte me semble donc un élargissement très prometteur. On peut ainsi dire que, si les expressions chien, chat, canari ou hamster forment une énumération raisonnable, c’est parce que tous les quatre mots comportent le sème ‘animal domestique’. D’autres articles paraissent un peu isolés dans ce recueil, tout en ayant trait à la sémantique. Salah Mejri («Structuration sémantique des séquences figées», 59-71), qui a coédité le volume avec Peter Blumenthal, s’occupe dans un article très dense d’un thème auquel nos deux éditeurs avaient déjà consacré un autre ouvrage collectif 3 . Par séquence figée, ils entendent «des unités polylexicales bien formées syntaxiquement», ce qui oppose cette catégorie aux mots composés, qui obéissent à leurs propres règles combinatoires. La catégorie des séquences figées va donc des phénomènes de collocation, en passant par les proverbes, jusqu’à des formations comme carte d’étudiant ou pince sans rire, que d’autres linguistes qualifieraient de mots composés. On peut se poser la question de savoir si une catégorie aussi vaste est vraiment utile. Claude Muller («La ‹concordance négative› revisitée», 73-88) s’occupe d’un phénomène bien connu en français, mais aussi dans d’autres langues. C’est qu’une suite de mots négatifs peut équivaloir à une négation unique: «Personne n’a rien dit à personne» équivaut ainsi à ‘Il n’est pas vrai que quelqu’un ait dit quelque chose à quelqu’un’. On a proposé différentes explications à ce phénomène. Muller critique en particulier l’«analyse polyadique» apparue récemment. Selon lui «les négatifs comportent un trait de négation qui leur est inhérent en français moderne» (83), mais qui peut être neutralisé. Je suis en principe d’accord avec cette définition, car je ne crois pas qu’on puisse se contenter d’une règle unique dans ce cas. L’emploi des constructions négatives n’a pas seulement évolué dans une perspective diachronique, mais varie également en fonction des registres stylistiques dans le français contemporain. Il est regrettable que Muller étudie leur emploi exclusivement dans un fran- 357 Besprechungen - Comptes rendus 3 P. Blumenthal/ S. Mejri (ed.), Les séquences figées: entre langue et discours, Stuttgart 2008. çais très standardisé et ne mentionne même pas que le ne est aujourd’hui facultatif dans le français parlé. Franck Neveu («Les configurations du sens dans la terminologie linguistique», 89-102) a publié en 2004 un Dictionnaire des Sciences du langage chez Armand Colin. Il arrive à la conclusion que la terminologie linguistique «n’est qu’un ensemble de métalangues fortement hétérogènes» (89). Elle ne répond donc pas aux principes déontologiques auxquels devrait se plier une terminologie scientifique. C’est là une conclusion quelque peu alarmante, mais qui me semble tout à fait correcte. On constate d’ailleurs que la confusion est particulièrement grande quand il s’agit de termes linguistiques utilisés depuis longtemps et ayant fait l’objet de plusieurs redéfinitions, comme thème et rhème ou deixis et anaphore. Enfin, Charlotte Schapira («Les créations lexicales éphémères: le cas Sarkozy», 121- 35) s’occupe des formation lexicales avec Sarkozy ou la forme abrégée Sarko dans deux corpus différents. Si les dérivés trouvés dans L’Express et Le nouvel Observateur sur une période de 15 mois restent conventionnels (sarkozysme, sarkozyen, etc.), on constate un foisonnement extraordinaire de créations lexicales sur le Web (sarkopathie, sarkoïde, sarkoser, sarkoshow, etc.). Cela doit être un phénomène lié au nouveau mode de communication introduit par le Web, mais aussi à la relative impopularité du successeur de Jacques Chirac. Dans l’ensemble, il s’agit donc d’un recueil d’études d’un excellent niveau et qui font honneur à leur dédicataire. Jakob Wüest ★ Silvain Detey/ Jacques Durand/ Bernard Laks/ Chantal Lyche (ed.), Les variétés du français parlé dans l’espace francophone. Ressources pour l’enseignement, Paris (Ophrys) 2010, 295 p. + DVD. La variabilité de la langue française a déjà fait l’objet de plusieurs ouvrages destinés aux étudiants universitaires. L’avantage de celui que nous annonçons ici, c’est qu’il s’accompagne d’enregistrements de conversations authentiques. Son unique concurrent direct est donc le petit livre de Fernand Carton et al. 1 , qui connaît pourtant une double limitation: il ne tient pas compte du français parlé en-dehors de l’hexagone, et il traite exclusivement de la phonétique et de la phonologie. Notre livre s’accompagne d’un DVD (pour Windows seulement) qui contient près de deux heures et demie d’enregistrements, ainsi que les analyses très détaillées de ces enregistrements. Ces analyses ont toutes été conçues selon le même plan: après une introduction concernant les conditions de l’enregistrement, on traite d’abord les aspects culturels et lexicaux, puis les aspects syntaxiques et discursifs et, finalement, les aspects phonétiques et phonologiques. Ainsi ces descriptions sur le DVD forment-elles pratiquement un second livre de non moins de 379 pages. L’ouvrage est basé sur le corpus PFC (Phonologie du français contemporain: usages, variétés et structures), codirigé par Jacques Durand (Toulouse), Bernard Laks (Paris) et Chantal Lyche (Oslo et Tromsø). Plus exactement, il s’agit d’une publication du sous-projet PFC-EF (Phonologie du français contemporain: Enseignement du français). Heureusement, on ne s’est pourtant pas limité à la phonologie du français, comme l’intitulé du projet pourrait le faire croire, mais on s’est également intéressé aux aspects syntaxiques et discursifs des français régionaux. 358 Besprechungen - Comptes rendus 1 Les accents des Français, Paris 1983.