eJournals Vox Romanica 70/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2011
701 Kristol De Stefani

Silvain Detey/Jacques Durand/Bernard Laks/Chantal Lyche (ed.), Les variétés du français parlé dans l’espace francophone. Ressources pour l’enseignement, Paris (Ophrys) 2010, 295 p. + DVD.

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Jakob  Wüest
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çais très standardisé et ne mentionne même pas que le ne est aujourd’hui facultatif dans le français parlé. Franck Neveu («Les configurations du sens dans la terminologie linguistique», 89-102) a publié en 2004 un Dictionnaire des Sciences du langage chez Armand Colin. Il arrive à la conclusion que la terminologie linguistique «n’est qu’un ensemble de métalangues fortement hétérogènes» (89). Elle ne répond donc pas aux principes déontologiques auxquels devrait se plier une terminologie scientifique. C’est là une conclusion quelque peu alarmante, mais qui me semble tout à fait correcte. On constate d’ailleurs que la confusion est particulièrement grande quand il s’agit de termes linguistiques utilisés depuis longtemps et ayant fait l’objet de plusieurs redéfinitions, comme thème et rhème ou deixis et anaphore. Enfin, Charlotte Schapira («Les créations lexicales éphémères: le cas Sarkozy», 121- 35) s’occupe des formation lexicales avec Sarkozy ou la forme abrégée Sarko dans deux corpus différents. Si les dérivés trouvés dans L’Express et Le nouvel Observateur sur une période de 15 mois restent conventionnels (sarkozysme, sarkozyen, etc.), on constate un foisonnement extraordinaire de créations lexicales sur le Web (sarkopathie, sarkoïde, sarkoser, sarkoshow, etc.). Cela doit être un phénomène lié au nouveau mode de communication introduit par le Web, mais aussi à la relative impopularité du successeur de Jacques Chirac. Dans l’ensemble, il s’agit donc d’un recueil d’études d’un excellent niveau et qui font honneur à leur dédicataire. Jakob Wüest ★ Silvain Detey/ Jacques Durand/ Bernard Laks/ Chantal Lyche (ed.), Les variétés du français parlé dans l’espace francophone. Ressources pour l’enseignement, Paris (Ophrys) 2010, 295 p. + DVD. La variabilité de la langue française a déjà fait l’objet de plusieurs ouvrages destinés aux étudiants universitaires. L’avantage de celui que nous annonçons ici, c’est qu’il s’accompagne d’enregistrements de conversations authentiques. Son unique concurrent direct est donc le petit livre de Fernand Carton et al. 1 , qui connaît pourtant une double limitation: il ne tient pas compte du français parlé en-dehors de l’hexagone, et il traite exclusivement de la phonétique et de la phonologie. Notre livre s’accompagne d’un DVD (pour Windows seulement) qui contient près de deux heures et demie d’enregistrements, ainsi que les analyses très détaillées de ces enregistrements. Ces analyses ont toutes été conçues selon le même plan: après une introduction concernant les conditions de l’enregistrement, on traite d’abord les aspects culturels et lexicaux, puis les aspects syntaxiques et discursifs et, finalement, les aspects phonétiques et phonologiques. Ainsi ces descriptions sur le DVD forment-elles pratiquement un second livre de non moins de 379 pages. L’ouvrage est basé sur le corpus PFC (Phonologie du français contemporain: usages, variétés et structures), codirigé par Jacques Durand (Toulouse), Bernard Laks (Paris) et Chantal Lyche (Oslo et Tromsø). Plus exactement, il s’agit d’une publication du sous-projet PFC-EF (Phonologie du français contemporain: Enseignement du français). Heureusement, on ne s’est pourtant pas limité à la phonologie du français, comme l’intitulé du projet pourrait le faire croire, mais on s’est également intéressé aux aspects syntaxiques et discursifs des français régionaux. 358 Besprechungen - Comptes rendus 1 Les accents des Français, Paris 1983. Dans le chapitre 1 de la première partie («Les variétés du français parlé: méthodologie et ressources», écrit par les quatre éditeurs, 29-43), on précise que ce livre s’adresse à la fois aux enseignants du français langue étrangère ou langue maternelle, aux apprenants avancés de français, ainsi qu’aux chercheurs, experts ou novices. C’est beaucoup de monde en même temps et cela semble expliquer une certaine hétérogénéité du livre. Le chapitre 2 (S. Detey/ J. Durand/ Ch. Lyche, «Éléments de linguistique pour la description de l’oral», 45-65) s’adresse ainsi à des non-spécialistes et introduit un certain nombre de notions fort élémentaires comme les dichotomies décrire/ prescrire, écrit/ oral ou la notion de registre stylistique. Le chapitre 4 (N. Rossi-Gensane, «Oralité, syntaxe et discours», 83-106), en revanche, peut aussi intéresser les linguistes professionnels, bien qu’ils n’y apprennent rien de vraiment nouveau sur les particularités syntaxiques et discursives du français parlé. L’intérêt de cette étude, c’est qu’elle exploite un nouveau corpus, celui des enregistrements sur le DVD. Ce qui rend problématique de nos jours une étude de la variation diatopique du français parlé, c’est que nous vivons à une époque où la mobilité géographique et sociale est forte et où, de plus, les médias influencent le comportement linguistique des gens. C’est pourquoi la variation n’est jamais exclusivement diatopique, mais souvent aussi diastratique, voire diaphasique. Cette problématique est abordée dans le chapitre 3 de la première partie (J. M. Tarrier, «La variation socio-phonologique illustrée», 67-81). À ce propos, il importe de savoir que l’on ne trouve sur le DVD qu’un extrait d’un seul locuteur de 5 minutes au maximum, alors que l’on a enregistré dans le projet PFC pour chaque point d’enquête «environ 10 personnes représentatives de la communauté linguistique locale» (32). De surcroît, les enregistrements duraient environ une heure et comportaient quatre tâches: 1° la lecture d’une liste de mots, permettant d’établir les paires minimales, sans que les mots soient présentés sous forme de paires; 2° la lecture d’un texte comportant les mots de la liste dans un contexte; 3° une conversation guidée; 4° une conversation libre. L’article de Tarrier est le seul qui tienne compte de la totalité des enregistrements pour certains points d’enquête. Il confirme d’abord que plus la tâche est formelle, plus les oppositions phonologiques tendent à se conserver. C’est ce que William Labov 2 avait déjà constaté lors de ses enquêtes à New York City. Les observations portent ici sur la conservation du schwa final dans la prononciation méridionale, conservation qui est rarement totale, mais beaucoup plus fréquente que dans la prononciation septentrionale. C’est là un aspect de la variation diaphasique. Quant à la variation diastratique, c’est surtout l’âge qui est apparu comme un facteur décisif dans cette enquête. Le chapitre 5 (S. Detey/ D. Nouveau, «Des données linguistiques à l’exploitation didactique», 107-39) a une fonction nettement didactique. On suggère quelques activités auxquelles pourraient servir les enregistrements du DVD. Malheureusement, on ne précise pas à quel genre d’élèves s’adressent les activités suggérées. De fait, il y en a plusieurs qui présupposent des connaissances non évidentes. Une première série d’activités utilisent deux extraits d’un enregistrement fait à Douzans (Aude). Cet enregistrement, qui traite de la vie en France durant la première guerre mondiale, présente d’ailleurs un intérêt certain sur la plan du contenu, comme on le signale à juste titre dans le livre. Les premières activités proposées sont des exercices à choix multiple et à trous, exercices qui portent sur la compréhension auditive. Elles seraient aussi utilisables avec des élèves de 359 Besprechungen - Comptes rendus 2 Sociolinguistic Patterns, Philadelphia 1973; trad. fr., Sociolinguistique, Paris 1976. langue étrangère voulant se familiariser avec la «prononciation méridionale». Les autres activités, surtout celles de la deuxième partie, sont d’un tout autre niveau. Une directive comme «Aidez-vous des chapitres II.1. (français de référence) et III.1. (français méridional)» (122) présuppose que les étudiants disposent eux-mêmes du manuel en question. Quant à la directive «Notez les éléments essentiels permettant de reconstruire un récit oral minimal» (120), elle semble même présupposer que les étudiants aient suivi au préalable un cours de narratologie. On est ici clairement au niveau universitaire. Une deuxième série d’activités forment une leçon - par ailleurs, fort intelligemment construite - sur la morphologie et la syntaxe de l’adverbe français. Les différentes prononciations régionales y jouent un rôle secondaire dans la mesure où l’on utilise les extraits de divers enregistrements, sans que ces extraits fassent l’objet d’une exploitation didactique. Cette leçon semble donc s’adresser à des élèves ou à des étudiants qui se sont déjà familiarisés avec les prononciations régionales. Comme il s’agit de transcrire les formes orales, la leçon ne s’adresse pas non plus à des débutants, mais à des élèves qui connaissent bien l’orthographe des adverbes français. Quand on leur demande en outre de transcrire les adverbes en -ment «à l’aide de l’Alphabet Phonétique International présenté au début de l’ouvrage» (130), on admet qu’ils sont déjà familiers avec ce système de transcription, ce qui ne va pas non plus de soi. En fin de compte, il ne s’agit là que de suggestions. Le véritable travail didactique reste à faire. La deuxième moitié du livre est divisée en six parties, consacrées aux différentes régions francophones. Comme les analyses des enregistrements figurent sur le DVD, le livre ne contient que le chapitre introductif de chaque partie. C’est ainsi que dans la partie II, consacrée à la France hexagonale septentrionale, la présentation du livre se limite au français de référence (Ch. Lyche, «Le français de référence: éléments de synthèse», 143-56; S. Detey/ D. Le Gac, «Le français de référence: quels locuteurs? », 167-80). Les prononciations non standard du français que l’on peut trouver dans le Nord de la France apparaissent seulement sur le DVD. Encore ne dispose-t-on que d’un choix restreint, qui se limite pour le domaine d’oïl à la Vendée, à la Normandie et à la Lorraine, les points d’enquête dans le Forez et en Haute-Savoie étant déjà situés dans le domaine francoprovençal. Dans le cas de la France hexagonale méridionale (A. Coquillon/ J. Durand, «Le français méridional: éléments de synthèse», 185-97), trois des cinq enregistrements concernent le domaine languedocien au sens où les dialectologues entendent ce terme, les deux autres provenant de Marseille et de Bayonne (pour le pays basque). Sont donc absents non seulement la Corse et le Roussillon, mais aussi l’Auvergne, le Limousin et la Gascogne 3 . Il en résulte que le français méridional dans le chapitre introductif apparaît plus uniforme qu’il ne l’est en réalité. Dans le manuel de Carton et al. (cf. N1), les régions considérées à l’intérieur de l’hexagone étaient plus nombreuses, de sorte que la nouvelle publication ne remplace que partiellement celle qui l’a précédée. Ce sont d’ailleurs les auteurs de ce dernier manuel à qui l’on doit la notion de français standardisé, une variété de prestige qui n’est pas uniforme, mais qui admet certaines latitudes quant à la prononciation. C’est une conception semblable qui se trouvait à la base du dictionnaire d’André Martinet et d’Henriette Walter 4 . Elle me semble toujours valable. Certes, la description du français de référence dans la publication dont nous rendons compte ici est nettement plus subtile, mais n’aboutit pas à des conclusions très claires. Par 360 Besprechungen - Comptes rendus 3 Pour la Gascogne, on notera l’absence de l’étude de S. Gröbli/ H.-C. Haupt/ A. Kristol, dans J. Wüest/ A. Kristol (ed.), Aqueras montanhas. Études de linguistique occitane: Le Couserans (Gascogne pyrénéenne), Tübingen-Basel 1993: 365-95. 4 Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel, Paris 1973. ailleurs, l’affirmation que l’on ne s’est intéressé que depuis une quinzaine d’années à la perception et à la représentation des variétés régionales par les locuteurs non-spécialistes (170s.) nous a étonné. N’était-ce pas déjà l’objectif des enquêtes menées à l’aide de la méthode du locuteur masqué (matched guise)? 5 Parmi les introductions aux différents français régionaux, la plus réussie me semble être celle, très complète, de la Suisse (H. N. Andreassen/ R. Maître/ I. Racine, «Le français en Suisse: éléments de synthèse», 213-31). Il est vrai qu’il s’agit là de la plus petite communauté francophone prise en considération. Il est beaucoup plus problématique de parler d’un français parlé en Amérique du Nord (J. Eychenne/ D. C. Walker, «Le français en Amérique du Nord: éléments de synthèse», 249-64). À nouveau, le chapitre introductif ne me semble pas assez rendre compte de la diversité du langage, le domaine en question comprenant le Québec, la Louisiane, l’Acadie, ainsi que la diaspora française en Amérique du Nord, sans parler des différences diastratiques à l’intérieur même du québecois. Décrire le français parlé en Afrique est encore plus difficile, car, pour la plupart des locuteurs, le français n’y est pas la langue maternelle. Si l’on y a ajouté le français parlé dans les départements et régions d’outre-mer, largement créolophones, cela ne fait que compliquer la tâche. Heureusement, l’auteur de la contribution correspondante (B. Akissi Boutin, «Le français en Afrique et dans les DROM: éléments de synthèse», 237-44) a eu la sagesse de se contenter d’une petite introduction générale, en renvoyant aux enregistrements et à leurs analyses sur le DVD pour les détails linguistiques. C’est la stratégie qu’ont également adoptée les auteurs qui se sont occupés du français en Belgique (P. Hambye/ A.-C. Simon/ R. Wilmet, «Le français en Belgique: éléments de synthèse», 203-08). Malgré toutes les critiques que nous venons d’adresser à cette publication, elle est tout à fait remarquable sur le plan scientifique et constitue un complément indispensable à la documentation disponible pour les français régionaux, notamment pour ceux hors de France. Quant aux analyses des différents enregistrements, elles sont faites avec beaucoup de compétence et de soin et avec un remarquable souci pour les détails. En revanche, je suis plus réticent en ce qui concerne les ambitions didactiques de cette publication. Jakob Wüest ★ Anika Falkert, Le français acadien des Îles-de-la-Madeleine. Étude de la variation phonétique, Paris (L’Harmattan) 2010, 308 p. + CD-ROM Les recherches sur le français en Amérique du Nord - le domaine francophone actuellement le mieux étudié du point de vue de la linguistique variationnelle - s’enrichissent d’une analyse très sérieuse et approfondie de la variété parlée aux Îles-de-la-Madeleine. L’ouvrage d’Anika Falkert contribue aussi à combler une lacune, en rendant disponible un corpus oral pour cette région qui n’en disposait pas encore, un corpus qui est maintenant accessible à tous ceux qui s’intéressent à ce sujet, étant donné que les transcriptions sont entière- 361 Besprechungen - Comptes rendus 5 Pour le domaine francophone, cf. D. Hoppe, Aussprache und sozialer Status, Kronberg/ Ts. 1976; C. Koller/ C. Müller, dans A. Kristol/ J. Wüest (ed.), Drin de tot. Travaux de sociolinguistique et de dialectologie béarnaise, Bern 1985, 155-84; D. Lafontaine, Le parti pris des mots. Normes et attitudes linguistiques, Bruxelles 1986; U. Bähler/ B. Christen/ J. Wüest, dans Wüest/ Kristol, op.cit., 141-61. Se sont également occupés du problème de l’insécurité linguistique: N. Gueunier et al., Les Français devant la norme, Paris 1978; P. Singy, L’image du français en Suisse romande. Une enquête sociolinguistique en pays de Vaud, Paris 1996.