Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniEglal Doss-Quinby/Marie-Geneviève Grossel/Samuel N.Rosenberg (ed.), «Sottes chansons contre Amours». Parodie et burlesque au Moyen Âge, Paris (Honoré Champion) 2010, 242 p. (Essais sur le Moyen Âge 46)
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guisement en pauvre du spectre de la décomposition» (66). Une analyse sémantique de povre et povreté à propos d’Alexis eût évité certaines confusions et généralisations. Pour François Villon, G. Tanase avoue l’impossibilité d’en faire un portrait: l’auteur médiéval se dérobe sans cesse; l’œuvre du poète «résiste à toute interprétation univoque, autant par son message que par les circonstances de sa genèse» (187). Son langage dissimule la signification à travers la polysémie, les calembours, la paronymie et l’antiphrase, pas très éloignés de l’hermétisme du trobar clus. Ses vers hantés par le froid, par l’obscur, par la maigreur et la pauvreté tiennent d’une poétique de la feinte et découle «d’un discours fondé sur des oppositions» (247). L’auteure conclut par la théâtralité et par le jeu verbal, le masque se révélant être la condition même de la réalisation du texte littéraire, car «le topos du déguisement permet le passage entre l’écrit et l’oral» (353). Elle admet que le procédé n’est pas valable pour les œuvres de Christine de Pizan mais il est probant pour l’épopée médiévale, le roman et la farce. Quant à la poésie lyrique, nous sommes moins convaincue de la pertinence de cette hypothèse de lecture. Le dédoublement inhabituel des entrées dans l’Index des noms propres et des œuvres (371-82) peut dans un premier temps déconcerter. Dans la bibliographie (355-70), les mentions de l’élémentaire dictionnaire abrégé Lexique de l’ancien français de F. Godefroy (362) et celle de l’usuel Dictionnaire de l’ancien français d’A. J. Greimas (362) semblent superflues; l’ordre alphabétique a joué un mauvais tour à l’entrée «St Paul», Première et Seconde Lettres aux Corinthiens (368); pour François Villon, le titre exact de l’édition de Claude Thiry est Poésies complètes et non Poèmes complètes; la mention et l’utilisation de l’édition bilingue de Mühlethaler et Hicks, Lais, Testament, Poésies diverses. Ballades en jargon, Paris 2004, auraient été bienvenues. On pourra noter quelques coquilles: pre pour père (64), galement pour également (66), Menegalado pour Menegaldo (251, 378), Eglise pour église (294), analyss pour analysés (353), entre autres, mais cela n’altère pas le plaisir de la lecture de cette étude. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Eglal Doss-Quinby/ Marie-Geneviève Grossel/ Samuel N. Rosenberg (ed.), «Sottes chansons contre Amours». Parodie et burlesque au Moyen Âge, Paris (Honoré Champion) 2010, 242 p. (Essais sur le Moyen Âge 46) Les trois auteurs sont avantageusement connus pour leurs publications sur les trouvères, dont Chanter m’estuet: Songs of the Trouvères (1981), édité par S. N. Rosenberg, professeur émérite d’Indiana State University, anthologie reprise partiellement en 1995 (collection Lettres gothiques) avec la collaboration d’H. Tischler et de M.-G. Grossel; cette dernière, professeure à l’université de Valenciennes, a rédigé, entre autres, un ouvrage important sur Le milieu littéraire en Champagne sous les Thibaudiens (1200-1270) (2 vol., Orléans 1994) et E. Doss-Quinby, professeure à Smith College, a longuement étudié le chansonnier Douce 308, de la bibliothèque bodléienne d’Oxford (The Old French Ballette, Genève 2006) et publié diverses études concernant ce même manuscrit, entre 2007 et 2010. Jusqu’à aujourd’hui, à part quelques études isolées, aucune monographie n’a été consacrée au genre littéraire des «sottes chansons», et les éditions disponibles sont vieillies (Hécart 1834), diplomatique (Steffens 1900) ou incomplète (Långfors 1945). Les trois auteurs nous offrent donc ici une édition bienvenue, accompagnée d’une substantielle introduction (9-118). Le sommaire donne les titres de vingt-neuf pièces, mais en fait, il ne s’agit que de 334 Besprechungen - Comptes rendus vingt-cinq sottes chansons, ou plus exactement vingt-quatre et demie: pour les numéros 11, 12 13 et 14, nous ne possédons que l’incipit, et pour le numéro 15, nous avons l’incipit et sept vers isolés. Les textes (119-235) sont accompagnés d’une traduction en français moderne. La majorité des pièces proviennent de deux recueils très connus: a) Manuscrit Oxford, Bodleian Library, Douce 308; b) Manuscrit Paris, B. N. fr. 24432. Toutes les chansons éditées sont des unica, à l’exception du numéro 1, Ja mais, por tant con l’ame el cors me bate, contenue dans trois manuscrits et attribuée à Robert de Reims, dit la Chièvre (120-22). Le premier chansonnier (Ms Douce 308) d’origine lorraine, a été rédigé aux alentours de 1310. Fait très exceptionnel pour cette époque, cette compilation réunit les pièces (anonymes) et les classe par genre lyrique, à l’exclusion de tout autre principe d’organisation: grans chans, estampies, jeus partis, pastorelles, ballettes et sottes chansons contre amours. Le manuscrit, malheureusement, ne transmet aucune notation musicale. Quatre des vingt-deux sottes chansons inscrites dans la table du chansonnier n’y figurent pas; deux autres sont incomplètes. Dans les principes d’édition (99-100), les auteurs ont choisi d’opter pour une graphie «francienne» dans le cas de certains monosyllabes courants (adjectifs démonstratifs et possessifs, adverbe ou conjonction: si pour ci) en ce qui concerne le manuscrit Douce 308, dont le(s) copiste(s) sont lorrains. Le second manuscrit, composite (Paris, B. N. fr. 24432), aurait été copié en Île-de- France ou dans l’Oise, après 1345. Il comprend 87 pièces profanes et pieuses, en prose et en vers, dont des fabliaux, cinq textes de Rutebeuf et quatre dits de Watriquet de Couvin. Le recueil compte six sottes chansons, sans musique; les pièces lyriques ne sont pas groupées par genre, contrairement au manuscrit Douce 308. On présume qu’il s’agit d’une petite anthologie du Puy valenciennois (14). Toutes les sottes chansons sont désignées comme telles. Cinq sont dites «couronnée», une reçoit la précision «a Valenciennes», une autre «estrivee sote chançon a Valenchienes». Le terme «estrivee», qui signifie «mentionnée» évoque la notion de récompense lors d’un concours poétique. Le copiste attribue les pièces 26 Le miex tumant de toute no rivière, 28 Soit tors ou droiz, par faute de santé, et 29 Plourez, amant, car vraie Amours est morte à Jehan Baillehaut. Les sottes chansons se caractérisent par le décalage, l’inversion et la raillerie du système dominant. Plutôt que de renvoyer au registre de l’«anti-lyrique», la sotte chanson pourrait se définir «comme un contre-texte lyrique dont le comique parodique permet de subvertir le Grand Chant tout en le célébrant» (25). Elles apportent une lumière nouvelle sur le rire dans la poésie des XII e et XIII e siècles français. La fatrasie a suscité plusieurs études de valeur (P. Zumthor 1975, P. Uhl 1999 ou M. Rus 2005) et provoqué l’enthousiasme des surréalistes, dont celui de Paul Éluard et l’engouement du critique Albert-Marie Schmidt pour cette recherche des «mots en liberté» et leurs «essais d’écriture automatique» où l’inconscient «guidait la plume» (19). Or la fatrasie et la sotte chanson sont des genres distincts, voire antinomiques qu’il serait faux de confondre. La fatrasie ne traite jamais d’amour tandis que la sotte chanson s’identifie comme une parodie lyrique de la chanson courtoise médiévale. Contrairement à la première, elle ne remet pas en cause la signification de la parole, elle est jeu, travail sur le langage et nécessite absolument la connaissance de ce qu’elle parodie. La traduction des sottes chansons n’est pas aisée en partie à cause d’un vocabulaire peu courant (hapax et expressions populaires) et à des particularités dialectales et en partie par le sens déconcertant et insolite des textes. Les auteurs optent pour des traductions aussi littérales que possible, tout en rendant les nuances du texte et surtout en respectant l’esprit de l’original. Quand un mot peut avoir plusieurs sens, les auteurs n’hésitent pas à varier la traduction, c’est-à-dire à recourir à plusieurs termes pour rendre le même mot, «quitte à perdre l’effet de répétition de l’original». (101) Ainsi, lorsque le verbe reprendre apparaît à trois reprises dans une même strophe, les homonymes sont traduits par: prendre vie, repro- 335 Besprechungen - Comptes rendus cher et récupérer, selon le contexte! Ils concèdent avoir maintenu certaines obscurités qui donnent lieu à des interprétations multiples et avouent s’être heurtés «à des mots inconnus, incompréhensibles» (101), mais ils n’ont pas reculé devant les grossièretés, voire les obscénités. On regrette l’absence d’un glossaire qui aurait été d’une grande utilité non seulement pour les linguistes et les dialectologues mais également pour tout lecteur des chansons de la poésie courtoise, qui est confronté ici à la rareté de la terminologie et à un lexique très peu coutumier. Le lecteur appréciera en revanche les tableaux et correspondances (102-18), particulièrement, les schémas métriques et rimiques ainsi que les listes des rimes fort commodes. Un index thématique eût permis des rapprochements non dénués d’intérêt: topos de la vieille femme édentée, de la matrone laide et repoussante, de la lépreuse, du laideron crasseux, ainsi que les métaphores érotiques ou à référent animal et les comparaisons dépréciatives. Le lexique de la nourriture renvoie au monde du quotidien, des paysans. Les allusions à une nourriture fortement connotée: ail, oignon, fromage, matons, harengs évoquent davantage les maigres repas des vilains que ceux de nobles dames dans la cour d’un château. Les épisodes de dispute, de coups, de bagarres et de grossièretés langagières relèvent de scènes de farces. En contrepartie, les trouvères des sottes chansons vouent un soin particulier à l’aspect formel de leur composition, à la syntaxe, à la métrique, ils «entretiennent ce jeu d’échos et de broderies» (57). Contre-texte de la canso courtoise, la sotte chanson privilégie la strophe isométrique et le vers décasyllabique. On détecte une similitude lexicale et thématique avec certaines pastourelles d’oïl et avec quelques pastorella occitanes, en particulier avec la pièce anonyme L’altrier cuidai aber druda (M.-C. Gérard-Zai (ed.), «Édition d’une romance parodique occitane», in: Studia occitanica in memoriam Paul Remy, vol. 2, Kalamazoo 1986: 53-63 [avec transcription musicale]), reprise dans l’anthologie de C. Franchi (Pastorelle occitane, Alessandria 2006: 312-17) ou avec la porchère, anonyme également, Mentre per una ribiera (Franchi 2006: 338-49). Une référence à la belle étude récente de C. Schuster Cordone, Le crépuscule du corps. Images de la vieillesse féminine, Gollion 2009, serait particulièrement judicieuse. Une bibliographie utile qui déborde le cadre étroit de la sotte chanson (221-31) et un index des noms propres (233-35), noms géographiques et sobriquets, essentiellement, complètent cette édition très attendue par les médiévistes et par les personnes curieuses de découvrir des textes médiévaux peu conventionnels et pratiquement inconnus. Marie-Claire Gérard-Zai ★ Karin Ueltschi, Le pied qui cloche ou le lignage des boiteux, Paris (Champion) 2011, 326 p. (Essais sur le Moyen Âge 53) Le projet que suit Karin Ueltschi (KU) dans cet ouvrage est de «remonter le chemin partant en l’occurrence du pied pour atteindre des complexes littéraires et imaginaires formant un réseau - une galaxie - de signifiances» (13). Dans un premier chapitre consacré aux mots, thèmes et motifs, l’auteure explore en premier lieu les champs lexicologiques et sémantiques. Elle met en évidence quelques éléments descriptifs concernant le pied et, à l’aide notamment de locutions, elle s’intéresse aux fonctions du pied. Les pages suivantes sont consacrées aux différentes sortes de chaussures. Le vocabulaire de la claudication est étudié avec le mot clochier, et ses variantes morphologiques: clop, clopin, clopier, clopiner, puis ses variantes sémantiques: tort, potencier, escacier, 336 Besprechungen - Comptes rendus
