eJournals Vox Romanica 71/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2012
711 Kristol De Stefani

Svetlana Kaminskaïa, La variation intonative dialectale en français. Une approche phonologique, München (Lincom Europa) 2009, xiii + 116 p. (Studies in French Language 7)

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Mathieu  Avanzi
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Svetlana Kaminskaïa, La variation intonative dialectale en français. Une approche phonologique, München (Lincom Europa) 2009, xiii + 116 p. (Studies in French Language 7) Fruit du remaniement d’une thèse de doctorat, l’ouvrage La variation intonative dialectale en français se propose de comparer l’intonation du français parlé au Québec (désormais FQ) dans la région de Laval (Sainte-Foi, Canada) avec une variété de français parlée en France (désormais FF) dans la région Champagne-Ardennes (Châtres et environs) 1 . Le FQ, comme certaines autres variétés régionales de français parlées à l’intérieur et à l’extérieur de l’Hexagone, présente des particularités spécifiques par rapport au français que l’on qualifie de «standard». Une idée communément admise serait que le FQ connaîtrait des variations intonatives plus amples et plus étendues que le FF (cf. entre autres, Gendron 1966 2 ). C’est ce présupposé, qui n’a jamais vraiment reçu de validation empirique jusque là, que l’auteure va tenter de vérifier à travers l’étude acoustique fine de l’ancrage des cibles tonales associées aux proéminences accentuelles des productions de dix locutrices, puisées à l’intérieur du réservoir constitué dans le cadre du projet Phonologie du Français Contemporain (Durand et al. 2005 3 ). L’ouvrage comporte quatre chapitres. Le premier, à vocation liminaire, balaie un panorama d’ensemble des études portant sur la prosodie du français (8-26). SK rappelle que le français possède deux types d’accent, et que la distribution de ces derniers est caractérisée par des contraintes supra-lexicales essentiellement, les accents secondaires (ou non-finals) s’ancrant sur les bords gauches des groupes clitiques (définis à la suite de Garde 1968 4 comme des syntagmes contenant au minimum un mot lexical et les morphèmes grammaticaux qui en dépendent), les accents primaires (ou finals) étant associés à la dernière syllabe pleine des groupes clitiques. Dans le modèle théorique autosegmental adapté pour le français par Jun/ Fougeron 2002 5 , les accents finals de groupe délimitent des «syntagmes accentuels» (SA) qui se regroupent en «syntagmes intonatifs». À ces deux niveaux, SK ajoute une unité de regroupement intermédiaire, appelée «syntagme mélodique». Les données étudiées sont des extraits de parole spontanée, et à ce titre, elles ne se prêtent pas à une analyse en paires minimales. L’auteure a donc dû procéder à un certain nombre de décisions pour mener à bien la comparaison des patrons accentuels de chacune des deux variétés. Le chapitre 2 fait état de ces choix (27-47). Les SA soumis à l’analyse ont été extraits de conversations entre des locutrices dont l’âge varie entre 26 et 39 ans, toutes ayant passé la plus grande partie de leur vie dans la région de l’enquête. Au total, les productions de cinq locutrices de FQ et de cinq locutrices de FF ont été analysées, ce qui représente environ 1 heure et 30 minutes de parole (910 sec. pour le FQ, 4751 sec. pour le FF). L’ensemble des données a été segmenté en SA, et les cibles tonales associées aux bornes droites et gauche de ces SA 359 Besprechungen - Comptes rendus 1 Remarque terminologique: l’auteure de l’ouvrage dont nous proposons le compte rendu est «victime» d’une dérive terminologique qui commence à se répandre (sous l’influence de l’anglais) entre «dialecte» et «français régional». Dans le monde anglophone, on appelle effectivement dialect les formes régionales de l’anglais. En linguistique romane, en revanche, on continue à utiliser dialecte pour parler des dialectes primaires, directement issus du latin (dialecte picard, wallon, lorrain, etc.), et on parle de français régional lorsqu’on évoque les différentes variétés du français dans le monde francophone. De ce point de vue, les variétés de français parlées à Toulouse, à Neuchâtel ou à Québec ne sont pas des «dialectes», mais des formes régionales du français. 2 J.-D. Gendron, Tendances phonétiques du français parlé au Canada, Québec/ Paris 1966. 3 J. Durand/ B. Lacks/ Ch. Lyche, «Un corpus numérisé pour la phonologie du français», in: G. Williams, La linguistique de corpus, Rennes 2005: 205-17. 4 P. Garde, L’accent, Paris 1968. 5 S. A. Jun/ C. Fougeron, «Realizations of Accentual Phrase in French Intonation», Probus 14 (2002): 147-72. codées après que les courbes mélodiques ont été stylisées via le Prosogramme, développé par Mertens 2004 6 . Sur la base de travaux précédents (Poiré/ Kaminskaïa 2004 7 ), ont été retenus comme «prosodiquement similaires» (32), donc susceptibles d’être comparés les uns avec les autres, les SA étant assortis de contours de même forme, comportant un nombre de syllabes identique, d’une durée (en sec.) équivalente (2*écart-types), dont les cibles tonales étaient réalisées sur les mêmes sites et occupant la même position à l’intérieur du syntagme mélodique hôte. Chaque locuteur possédant son propre registre, SK procède par ailleurs à une normalisation par cote-z (Rose 1987 8 ) des valeurs de F0 (41-42). Au final, les SA retenus pour l’analyse sont ceux qui apparaissent le plus souvent dans les enregistrements dépouillés, à savoir les SA composés de trois à quatre syllabes et assortis d’un contour de continuation de type bBH (où le symbole «b» note un ton bas associé à la syllabe initiale du SA, «B» un tons bas associé à la syllabe pénultième du SA, «H» un ton montant ancré sur la dernière syllabe du SA). Le chapitre 3, le plus long de l’ouvrage (48-86), présente les résultats de l’analyse. Afin de déterminer ce qui variait dans les patrons accentuels, SK a mené des tests statistiques sur un certain nombre de mesures.Au total (puisqu’il serait trop long de faire état ici du détail de l’ensemble des calculs menés), il ressort les faits suivants: (i) au niveau du SA considéré isolément, SK remarque que les écarts entre les cibles hautes et les cibles basses sont moins prononcées en FF qu’en FQ, (ii) au niveau du SA analysé dans son contexte (par rapport à sa position dans le syntagme mélodique hôte et par rapport aux SA adjacents), les différences résident dans l’implémentation des tons bas associés à la syllabe initiale du SA et au premier ton du contour terminal de ce même SA: les pentes bB sont plus abruptes en FQ, ce qui confirme l’idée que le FQ a tendance à présenter une plus forte amplitude mélodique que le FF. Le dernier chapitre résume puis discute ces résultats (87-98). SK n’est pas francophone, et cela se ressent à la lecture de ses pages, dont certains morceaux sont pour le moins difficiles à lire. Que veut dire l’auteure quand elle écrit que: «Ces fonctions et ses domaines de fonctionnement distinguent l’intonation de l’accentuation qui ressort du niveau lexical et dont les fonctions sont culminative ou démarcative» (2)? De même on ne dit pas que «les tons cherchent des syllabes accentuées pour se réaliser» (12). Le verbe «poser quelque chose» ne demande pas le subjonctif («les auteures posent que le ton haut H* soit le seul disponible dans la grammaire du français», 17), et «malgré» ne devrait pas être suivi de «que» (4). Une relecture attentive du manuscrit aurait par ailleurs permis de supprimer de nombreuses coquilles («leur modèle à elle», 13; «nivaux» pour «niveaux», «de façon qu’en fonction» pour «de sorte qu’en fonction de» à la page 15); et de parvenir à une mise en page plus uniforme (on passe de la partie 2.2.1 à la partie 2.2.3 sans passer par la partie 2.2.2). Par ailleurs, la variation intonative en français s’adresse avant tout à des spécialistes de la prosodie du français, qui ont une solide connaissance du système accentuel et intonatif de cette langue. La portée de certains des problèmes abordés pourront en effet paraître difficiles à saisir pour le lecteur qui n’est pas familier avec le modèle autosegmental et les problématiques de fond qui animent les discussions des chercheurs qui s’en réclament (cf. par exemple l’argumentaire visant à justifier la nécessité de reconnaître un niveau intermédiaire dans la hiérarchie prosodique (24), la discussion sur la spécification sous-jacente d’un patron accentuel de type bhBH en français, 91-95). 360 Besprechungen - Comptes rendus 6 P. Mertens, «Le Prosogramme: une transcription semi-automatique de la prosodie», Cahiers de l’institut linguistique de Louvain 30, 1/ 3 (2004): 7-25. 7 F. Poiré/ S. Kaminskaïa, «Préliminaires à l’étude de la variation intonative en français régional», in: D. Trotter (ed.), Actes du XXIV e Congrès de linguistique et de philologie romanes, Tübingen 2004: 209-22. 8 Ph. Rose, «Considerations in the normalization of the fundamental frequency of linguistic tone», Speech communication 6 (1987): 343-51. Si on laisse de côté ces détails, on ne peut que saluer le travail publié par SK. Il demeure novateur à bien des égards. Il se donne la peine de vérifier sur la base de corpus de parole spontanée des préjugés restés jusqu’alors à l’état d’hypothèses. Il intègre des éléments nouveaux pour traiter dans un cadre autosegmental la parole non-préparée non-lue (on a particulièrement apprécié le traitement des hésitations et des segments interrompus, 38), et présente une approche originale et novatrice (basée sur la notion de «similarité prosodique») pour comparer l’intonation de différentes variétés de français parlé. En conclusion, cette étude devrait permettre aux chercheurs travaillant sur le français de disposer d’une méthodologie robuste pour l’étude prosodique de la variation régionale, et du même coup, nourrir la réflexion sur un champ de travail encore largement inexploré à l’heure actuelle. Mathieu Avanzi ★ Patrice Brasseur, Atlas linguistique et ethnographique normand, vol. IV, cartes 1069-1400, Caen (Presses universitaires de Caen) 2011. (Instrumenta) S’inscrivant dans le grand projet des Atlas linguistiques de la France par régions, le quatrième et dernier volume de l’Atlas linguistique et ethnographique normand 1 est un pas de plus dans la publication des résultats obtenus lors des enquêtes dialectologiques effectuées sur l’ensemble du territoire de la France et amorcées au début du siècle dernier. Commencé par René Lepelley dans les années 1970 et repris peu après par Patrice Brasseur, l’ALN compte 114 points d’enquête, traversant d’ouest en est le territoire du Royaume-Uni, dans les îles anglo-normandes de Sercq, Jersey et Guernesey et le territoire français, dans les cinq départements de la Normandie. Nous résumerons ici quelques-unes des réponses que propose Patrice Brasseur quant aux questions soulevées par les enquêtes et la cartographie des données dans le quatrième volume, et noterons quelques observations quant à leur application dans la cartographie des matériaux. Macrostructure. Du point de vue de la réalisation matérielle des cartes, le quatrième volume de l’ALN se compare avantageusement avec les volumes précédents. La taille et la lisibilité des caractères d’une carte à l’autre indiquent un progrès continu des ressources informatiques depuis le premier volume. L’épithète ethnographique du titre de l’ALN indique une affiliation à la tradition des atlas de type «Wörter und Sachen», promue par plusieurs dialectologues du début du siècle dernier 2 . Cette orientation méthodologique, qui concerne surtout l’élaboration du questionnaire, soutient que des questions sur les «mots ruraux ayant des attaches avec le sol ou exprimant les coutumes et les traditions régionales» 3 doivent y figurer. La première version du questionnaire, élaborée par René Lepelley avec l’aide d’étudiants de l’Université de Caen, devait sans doute se rapprocher du questionnaire unique imaginé par Albert Dauzat en 1939 pour la collecte globale des données sur tout le territoire français. Cette version comprenait 1200 questions. Des chapitres qui n’avaient pas été abordés par ses prédécesseurs furent ajoutés par Patrice Brasseur, qui bonifia le questionnaire de 1300 questions. Au fil des années d’enquête, ce questionnaire a été remanié; 361 Besprechungen - Comptes rendus 1 Désormais ALN. 2 Cf. K. Jaberg, Aspects géographiques du langage, Paris 1936: 28. 3 A. Dauzat, cité par P. Gardette, «Le questionnaire des atlas linguistiques régionaux de France. Vers un nouveau questionnaire lexicologique», in: Id., Études de géographie linguistique, publiées par B. Horiot et al., Strasbourg 1983: 752.