Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniDanielle Buschinger/Liliane Dulac/Claire Le Ninan/Christine Reno (ed.), Christine de Pizan et son époque. Actes du Colloque international des 9, 10 et 11 décembre à Amiens, Amiens (Presses du Centre d’Études médiévales) 2011, 250 p. (Médiévales 53)
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Claire-Marie Schertz
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Besprechungen - Comptes rendus 341 manuscrit (xi-xix; manuscrit composite, copié entre la fin du XIII e et le début du XIV e siècle, il réunit deux unités: la première contient des œuvres en prose, la seconde des œuvres en vers; dans celle-ci les Vers de la Mort et Li loenge se suivent; il pourrait s’agir d’un livre de confrérie, peut-être celle des Jongleurs et Bourgeois d’Arras); les critères suivis pour l’établissement du texte (xix-xxii), minutieusement détaillés; la présentation de la traduction en français moderne (xxii-xxiv) et des appareils complémentaires (notes, glossaire, index: xxivxxvi). Sous l’intitulé Opportunité du titre de cette composition anonyme, un long paragraphe discute le contenu du poème, où la louange de la Vierge occupe une place de choix, certes, mais s’accompagne d’une présence affichée de l’auteur, qui expose son expérience personnelle et n’hésite pas à associer son lecteur dans une réflexion de portée universelle sur le péché et la possibilité du salut (xxvi-xliii). Suit l’analyse de la versification (xliv-lxiv), mise en relation avec celle des Vers de la Mort ainsi qu’avec d’autres poèmes d’inspiration proche, en particulier la Prière de Thibaut d’Amiens; les analogies avec les Vers appuient l’hypothèse d’un auteur commun, hypothèse étayée par l’analyse linguistique (lxiv-cx): les concordances à tous les niveaux sont si nombreuses qu’on suit volontiers Annette Brasseur dans la certitude qui l’amène à intituler son dernier paragraphe Robert le Clerc auteur de Li loenge Nostre Dame et des Vers de la Mort (cx-cxxxv). Si les Vers peuvent être datés ca 1266-1271, la datation de Li loenge s’avère plus délicate, et l’éditrice ne peut que proposer prudemment une chronologie relative selon laquelle ce dernier poème suivrait l’autre dans le temps. Ce même paragraphe examine l’écriture de Robert, en soulignant son goût pour les images pittoresques et pour une symbolique mariale à la coloration cistercienne, sa volonté d’exposer son vécu réel et son univers mental. La Bibliographie de référence trouve place aux p. cxxxix-cliii. Si le poème est bref (il occupe moins de 30 pages dans l’édition, sur deux colonnes, à gauche le texte original, à droite la traduction en français moderne), l’apparat est imposant. De très nombreuses notes (35-89) accompagnent le lecteur dans la découverte d’un texte souvent ardu ou ambigu, en lui offrant des commentaires linguistiques et des renvois bibliographiques supplémentaires; la table des noms propres (91) ne comprend que quatre noms: Adans, Creatour, Diu/ Diex, Virge; le glossaire, exhaustif (93-121), permet d’éclaircir le sens de chaque mot, surtout là où la traduction doit s’éloigner, même de peu, du texte de Robert afin de le rendre intelligible. L’Index des notes (123-28) permet de repérer facilement certains sujets qui ont fait l’objet d’un commentaire spécifique. On trouvera enfin un Index des rimes (129-33) et un Index des énoncés sentencieux classés par incipit, puis par mots-clefs (135-40). Édition impeccable, a-t-on dit, qui permet de redécouvrir un texte quasiment inconnu: après l’édition confidentielle de H.Andresen (1891), Li loenge ne figurait pas dans le Dictionnaire des Lettres Françaises - Le Moyen Age, mais a intégré Arlima, sous le nom de Robert le Clerc déjà, signe de la réception du travail d’Annette Brasseur auprès de la communauté des médiévistes. Maria Colombo Timelli H Danielle Buschinger/ Liliane Dulac/ Claire Le Ninan/ Christine Reno (ed.), Christine de Pizan et son époque. Actes du Colloque international des 9, 10 et 11 décembre à Amiens, Amiens (Presses du Centre d’Études médiévales) 2011, 250 p. (Médiévales 53) Le congrès organisé à Amiens en décembre 2011 par Danielle Buschinger a donné fruit à un beau et riche recueil d’articles autour de Christine de Pizan. L’ensemble de ces études, composées en français, en anglais et en italien, dû à la plume de spécialistes venant d’horizons divers, donne une image de la large palette des sujets abordés et maîtrisés par cette femme, auteure hors du commun. Besprechungen - Comptes rendus 342 Pour commencer, Tracy Adams offre un nouveau regard sur Louis d’Orléans à travers l’œuvre de Christine de Pizan, dans un article qui mérite largement d’être lu: «Like Father, Like Son: Louis of Orleans and Charles V in Le Chemin de longue étude and the Le Livre des Fais et bonnes meurs du sage roi Charles V». Elle s’appuie pour cela sur les éloges à Charles V dans le Livre des Fais et bonnes meurs, sur les comparaisons entre le père et le fils, ainsi que sur les éloges faits aux conseillers de Charles V. L’auteure y voit une manière détournée de désapprouver la politique de Philippe de Bourgogne qui a chassé les Marmousets du pouvoir, méprisant la volonté de son défunt frère quant aux règles de régence, moyen parmi d’autres pour Christine de Pizan de placer hiérarchiquement Louis d’Orléans au-dessus de son oncle. Anne-Marie Barbier propose ensuite une étude des liens entre le texte et l’image dans l’œuvre de Christine de Pizan («Les cycles iconographiques courts de l’Epistre Othea (vers 1400-1405): un essai de conciliation entre éthique profane et éthique religieuse? »). Richement illustré, cet article décrit les divers procédés de figuration mis en œuvre pour représenter les vertus et démontre ce qui a souvent été avancé, soit le caractère indissociable du texte et de l’image dans l’Epistre Othea. Composé par Christine de Pizan en 1410, le Livre des faits d’armes et de chevalerie a connu une postérité internationale. Dans sa contribution «Le Livre des faits d’armes et de chevalerie de Christine de Pizan et ses adaptations anglaise et haut-alémanique», Danielle Buschinger s’est penchée sur deux traductions, une anglaise et une suisse-allemande, qui poursuivent le même but utilitaire : la préparation de l’armée en vue de la guerre, au cœur d’un XV e siècle troublé. La communication collective d’Olivier Delsaux, Gilbert Ouy, Christine Reno et Inès Villela-Petit («Le premier recueil de la Reine») se rapporte aux manuscrits Chantilly 492 et 493, qui contiennent vingt-six titres de l’œuvre de Christine de Pizan. Produits dans son propre atelier entre 1399 et 1405, ces deux volumes (qui n’en formaient originellement qu’un) représentent probablement le premier recueil des œuvres de Christine de Pizan. Les quatre chercheurs aident ici à mieux comprendre la production d’un manuscrit à travers les liens à la cour entre les différents acteurs de son élaboration, et particulièrement les copistes. L’œuvre mystique de Christine de Pizan est au cœur de l’étude d’Earl Jeffrey Richards et Liliane Dulac («Affective and Cognitive Contemplation in Christine de Pizan’s Heures de contemplacion sur la Passion de Nostre Seigneur Jhesucrist»). Ces deux grands spécialistes de l’œuvre de la poétesse cherchent à mettre en lumière les différentes couleurs spirituelles dont ce texte est empreint. La question centrale ici traitée est de savoir si ce texte, écrit par une femme et pour des femmes, probablement en 1420, est porteur d’une idée proprement féminine de la contemplation. Barbara Falleiros donne des exemples qui illustrent la méthode de compilation de Christine de Pizan («Christine et Alain de Lille: les sources de la classification des vertus dans la deuxième partie du Livre de Prudence»). Elle montre combien Christine se sent libre par rapport à la source employée et effectue un réel travail de création. Elle abonde dans le sens d’Angus J. Kennedy qui, dans l’introduction de son édition du Livre du Corps de Policie de Christine de Pizan (Paris 1998), signale à quel point l’écrivaine «dépasse ses modèles» en organisant, développant et recréant la matière dont elle dispose. Thelma Fenster s’interroge ensuite sur les raisons pour lesquelles Christine se dit touchée par la fièvre au moment où elle doit écrire l’histoire des Juifs, passage qu’elle écrit en prose, contrairement au reste du texte, qui est en vers («The Fortune of the Jews in the Mutacion de Fortune»). Il semble que cette différence de traitement n’ait probablement pas été prévue par Christine qui cherche avant tout un État chrétien et tolérant, même s’il ne peut pas vraiment intégrer la communauté juive. Besprechungen - Comptes rendus 343 Deux grands personnages du XVI e siècle ont retenu l’attention de Thierry Lassabatère, dans un article fort intéressant, au caractère plus historique («Portraits littéraires croisés de Bertrand du Guesclin et Louis II de Bourbon»). Leurs valeurs militaires sont mises en avant, marquant la proximité des personnalités et de l’expérience entre les deux hommes. Christine de Pizan rapporte les deux figures au roi Charles V dans une volonté politique d’unité dans la gloire. Dans son article très fouillé («Tu, Charles, roy des François: La construction de la figure de Charles VII dans le Ditié de Jehanne d’Arc de Christine de Pizan»), Claire Le Ninan complète les pages qu’elle a consacrées au Ditié de Jehanne d’Arc dans sa thèse (Le Sage Roi et la clergesse, Paris 2013: 198-222). Tout en faisant la louange de Jeanne, cette œuvre rédigée en français se donne pour but premier de rassembler les Français autour de Charles VII, dont le couronnement est le point nodal du poème. Christine en profite pour définir un modèle de prince, dans le sillage de ses précédents textes. L’Epistre Othea, la Mutacion de Fortune et la Cité des Dames sont les trois œuvres de Christine de Pizan où l’on retrouve la fable ovidienne de la métamorphose des compagnons d’Ulysse. Ana Pairet montre la place que prend Christine dans la tradition ovidienne, en donnant une image plus positive de Circé que ses prédécesseurs. Elle montre aussi combien l’auteure tâche de diminuer la charge érotique de l’exemplum en focalisant son attention sur les compagnons d’Ulysse («Circes l’enchanteresse: de l’Epistre Othea au Livre de la Mutacion de Fortune»). Le travail de Malgorzata Posturzynska-Bosko se distingue de celui des autres participants au colloque en proposant une analyse linguistique («Critères d’acceptabilité de l’anaphore associative dans les textes en prose de Christine de Pizan: problèmes d’analyse des exemples authentiques»). La chercheuse s’applique à évaluer le fonctionnement textuel et le phénomène de l’anaphore associative à travers deux œuvres de Christine, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V et Le Livre du corps de Policie. Delphine Reix signale, à travers les notions de droit, de justice ou d’équité, les grands courants de pensées auxquels l’auteur s’affilie («Christine de Pizan et la justice»). Si on savait déjà Christine de Pizan lectrice des autorités philosophiques et littéraires que sont Aristote, Cicéron, Thomas d’Aquin, Dante ou encore Nicole Oresme, on découvre ici sa maîtrise de la matière juridique et sa conception de l’écriture comme un «miroir d’équité» (133). Dans la même perspective, et de manière plus approfondie, Bernard Ribémont propose l’exemple d’une affaire juridique de son époque traitée par Christine («Christine de Pizan et le procès de Jacques de Rue et Pierre du Tertre: une affaire d’empoisonnement»). Il en ressort que Christine a une idée de la justice royale souvent incertaine, «axée principalement sur une vision morale» (153), mais aussi qu’elle agit selon son habitude en ne reprenant que les éléments qui l’intéressent, et délaissant certains aspects qui, pour le chroniqueur ou l’historien, semblent essentiels, telle la référence à Charles le Mauvais. À partir d’un relevé lexical autour du mot tyran dans l’œuvre de Christine de Pizan, Earl Jeffrey Richards propose une mise en perspective de son emploi («The Meaning of the Word Tyrant in Christine de Pizan»). Cette riche analyse lexicale révèle notamment combien Christine s’inspire des traductions de Nicole Oresme, véritable pionnier du vocabulaire, ainsi que du Songe du Vergier. Les derniers chapitres du Livre des fais et des bonnes meurs du sage roy Charles V ont retenu l’attention de Shigemi Sasaki, qui expose de nombreux exemples de l’influence d’Ovide sur Christine («‹Ovide en la fin de son livre Methamorphoseos›: Christine de Pizan et ‹ses princes à venir›»). Notamment pour le long passage narrant la visite de Charles IV à la cour de France, Shigemi Sasaki met en évidence les caractéristiques communes aux deux textes. Elle fait ainsi ressortir l’intérêt pour la thématique de la fama et l’espoir, pour l’auteure, d’être reconnue par la postérité en tant que poète. Besprechungen - Comptes rendus 344 1 B. Birk, Christine de Pizan and Biblical Wisdom. A Feminist-Theological Point of View, Milwaukee 2005. Dans la lignée des travaux de recherche de Bonnie Birk 1 , Muriel Schmid s’intéresse à la symbolique biblique dans le Ditié de Jehanne d’Arc («Si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé: les prophéties d’Esaïe, Christine de Pizan et la lecture messianique de Jeanne d’Arc»). Telle un évangéliste, mais aussi comme Alain Chartier dans le Quadrilogue invectif (faut-il ajouter), Christine lit les événements auxquels elle assiste à la lumière des prophéties, notamment celles du prophète Esaïe. Ces prophéties deviennent essentielles dans la construction de son autorité d’auteure, à la fois chroniqueuse et interprète de l’actualité. Dans le Chemin de Longue Étude, la narratrice assiste à un débat entre quatre reines qui, chacune, plaident en faveur de l’excellence des vertus qu’elles prônent. Anna Slerca montre les parallèles au niveau de la structure du texte en forme d’émulation, non seulement avec le Parlement des oiseaux de Chaucer, mais aussi avec de nombreux contes folkloriques de traditions différentes («Christine de Pizan, Geoffroy Chaucer, Giovanni da Prato et l’allégorèse ornithologique»). Cette étude tente d’établir les influences que ces textes ont exercées les uns sur les autres. Maria Alessandra Soleti propose de chercher une autre tradition féminine et prophétique, qui peut avoir influencé la pensée et l’écriture de Christine («Madri silenti e impreviste: alla ricerca di un’altra tradizione, femminile et profetica. Tracce d’indicibili mediatrici nell’edificazione della Città delle Dame»). À partir de la Cité des Dames, elle signale des femmes contemporaines, que Christine ne cite jamais, mais dont la posture et les modes d’agir pourraient avoir influencé sa propre façon de se mettre en scène dans le texte. Olga Vassilieva-Codognet propose une analyse iconographique des miniatures des sept manuscrits de la Mutacion de Fortune réalisés du vivant de Christine de Pizan («Les illustrations des manuscrits du Livre de la Mutacion de Fortune»). Elle montre combien l’intervention de Christine est manifeste, particulièrement dans certaines miniatures ainsi que dans la représentation majeure de Fortune. À partir de l’étude du manuscrit 5223 de la Bibliothèque de l’Arsenal, Lori J. Walters retrace la manière dont Philippe le Hardi, son aumônier Jean Gerson et Christine de Pizan ont travaillé de concert à la formation politique de la reine, Isabeau de Bavière («Christine de Pizan, Jean Gerson, et un exemplaire des Grandes Chroniques prêté par Philippe le Hardi à la reine de France»). Pour terminer, Friedrich Wolfzettel choisit la perspective de la légitimité de la voix pour son étude très engagée en faveur de la cause féministe, «Moy, feme, pour mon indigneté. Christine de Pizan à la recherche d’un discours féminin». Les thèmes abordés dans ce volume sont multiples et, vu la quantité des articles, on eût opté pour un classement thématique plutôt qu’alphabétique. La qualité d’un bon nombre d’entre eux nous fait d’autant plus regretter que les éditeurs n’aient pas eu le temps ou les moyens d’unifier la mise en page des contributions et d’y apporter une introduction plus conséquente. Les spécialistes des différentes disciplines (histoire, histoire de l’art, littérature) intéressés par l’œuvre de Christine de Pizan trouveront de quoi nourrir leurs recherches parmi la diversité des sujets traités, même si l’on peut déplorer le manque d’unité du volume. Les contributions ne se répondent ou se complètent que rarement. Claire-Marie Schertz H
