Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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Kristol De StefaniEric Méchoulan (ed.), Érudition et fiction. Troisième rencontre Paul-Zumthor, Montréal 13-15 octobre 2011, Paris (Classiques Garnier) 2014, 327 p. (Fonds Paul-Zumthor 1)
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Philippe Simon
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Besprechungen - Comptes rendus 259 le livre: dans l’illustration - miniatures de scènes de cour, de tournoi et de guerre, marginalia, armoriaux -, l’héraldique sert à la reconnaissance des personnages réels et fictifs et est parfois véhicule d’un message politique; comme marque d’appropriation, l’héraldique décline des significations différentes en fonction des types d’emblèmes utilisés et de leur organisation; enfin, les emblèmes, particulièrement dans les livres de dévotion, servent à exprimer la mainmise du propriétaire du livre sur le texte et sa présence au sacré. Cette étude a le grand intérêt de faire une place à des manuscrits français très différents de ceux étudiés par les autres contributeurs en ce que leurs textes sont de nature religieuse et de langue latine. La dernière section («De la lettre à l’esprit») ferme l’ouvrage par les mirabilia du livre: les trois contributions qui la composent abordent des questions plus nettement spirituelles, entre cognition, occultisme et philosophie. Florence Bouchet («Les cinq sens du lecteur médiéval») approche autant que possible l’«appropriation cognitive» (289) du livre par les lecteurs médiévaux. Son exposé, qui s’appuie sur des témoignages textuels, part de la perception réelle et métaphorique du livre et des textes par les sens, pour s’élever au niveau de l’entendement par l’intermédiaire des sens du cœur analogiques des sens du corps; ce faisant, elle esquisse une histoire de la lecture en montrant que les lettres françaises ont progressivement revendiqué pour elles une forme de lecture et de méditation du sens développée pour la lectio religieuse. Claude Lecouteux («Les grimoires et leurs ancêtres») présente un ensemble de livres fort particuliers : les livres de magie pour lesquels le nom de gramaire est attesté vers 1165 et sa déformation grymoire depuis le XIV e siècle: «Après avoir retracé leur émergence, leur aspect matériel, leur diffusion, et avoir présenté quelques ouvrages vedettes, Claude Lecouteux dresse une typologie des grimoires médiévaux et propose une bibliographie» (14). Jan Herman («Livre de la Destinée et Livre de la Renommée. Autour de Perceval») étudie le «problème de la liberté de l’écrivain» (326) dans les «romans autour de Perceval» (329): après une double mise en perspective convoquant Jacques le Fataliste et Don Quichotte, il déploie les articulations du Livre de la Destinée, écrit là-haut, et du Livre de la Renommée, écrit ici-bas, dans la poétique romanesque médiévale en se fondant sur la double série Fatum-Livre de la Destinée/ Fata-Aventure/ Fama-Livre de la Renommée, et en se concentrant sur la destinée de Perceval et la valeur symbolique du Graal comme image de la vérité du récit et lieu de la réunion de la destinée et de la renommée. Maxime Cario H Eric Méchoulan (ed.), Érudition et fiction. Troisième rencontre Paul-Zumthor, Montréal 13-15 octobre 2011, Paris (Classiques Garnier) 2014, 327 p. (Fonds Paul-Zumthor 1) «Il semble ... que le statut de la fiction change au Moyen-Âge, en particulier à partir du XII e siècle avec l’émergence en Europe d’une littérature en roman, qui enlève de sa pertinence à l’opposition traditionnelle entre fabula (entendue comme fiction) et historia (entendue comme manifestation de l’érudition» (7), écrivent en guise d’«Avant-propos» (7-8) l’éditeur de ce recueil, E. Méchoulan et ses collaborateurs (F. Gingras, E. Nardout-Lafarge et M.-L. Ollier). C’est la renégociation de cette opposition que les dix-sept études ici présentes se donnent pour tâche, sous le patronage de la pensée en mouvance de Paul Zumthor, de décrire au fil de contributions très diverses, tant au niveau de l’ancrage temporel de leur objet (du Moyen Âge à la période la plus immédiatement contemporaine) qu’à celui de la manière de l’envisager. Un trio de contributions introductives ouvre le recueil. La première d’entre elles, «La fiction à l’ombre du savoir» (11-15), permet à J. Cerquiglini-Toulet de rappeler le triple champ Besprechungen - Comptes rendus 260 de l’exercice de l’érudition chez Paul Zumthor (pratique biographique, pratique romanesque, pratique critique), de brosser un panorama synthétique de la production critique récente ayant trait aux liens entre histoire et littérature, et de remettre en mémoire le phénomène de «mise en fiction du savoir» (14) à l’œuvre dans le domaine médiéval, par exemple dans le Roman de la Rose. Dans «Liber librorum» (17-27), J.-Y.Tilliette, après avoir rappelé que tout texte médiolatin consiste en «un empilage de textes latins antécédents» (18) - et s’appuie par là-même sur une forme d’érudition -, fait retour sur Le Nom de la rose d’Umberto Eco pour souligner les trois types de lectures (littérale, allégorique, sémiotique) qui peuvent en être faites et comment le dernier d’entre elles - qui porte Eco lui-même à voir dans son roman «un giallo di citazioni» (25) - permet de problématiser le rapport entre érudition et fiction. E. Méchoulan enfin, dans «Les débats d’érudition et de fiction» (29-32), rappelle que si les deux pôles du débat semblent s’opposer dans leur nature et dans leur exercice (modestie de l’érudit vs ostentation de l’auteur de fiction), ils se nourrissent mutuellement et se rejoignent - quelques fois au risque de l’imposture - dans un même rapport à liberté: pulsion d’accumulation pour le premier, tentation démiurgique pour le second. La première partie du recueil - «Résistances de l’histoire, résistances à l’histoire» (33- 115) -, s’ouvre sur une étude de M. Blaise, «‹Ceux qui se plaisent à décharner l’histoire›. Fictions et éruditions du Moyen Âge au XIX e siècle» (35-56). Prenant principalement appui sur le Hugo de Cromwell, le Balzac des Chouans et le Michelet de L’Histoire de France, l’auteur explique «que la pensée du Moyen Âge induit, au XIX e siècle, une fiction qui prend le nom d’histoire en engageant une poétique de l’érudition qui suppose ce que nous appellerons une fiction d’autorité, un récit qui légitime son auteur, et des procédés d’écriture particuliers, parmi lesquels l’hybridation» (38-39). L’érudition, et tant le projet littéraire de Balzac que celui, historique, de Michelet en témoignent, devient alors une arme mise au service de la lutte contre une morale de l’histoire habituée à résumer le passé à - la formule se trouve autant chez Potocki que chez Balzac - un «squelette chronologique». La contribution suivante, «Croire ou ne pas croire. Voltaire et le pyrrhonisme de l’histoire» (57-70), permet à P. Force de débusquer et d’amender les anachronismes qui selon lui entachent l’étude de la pensée historique voltairienne - par exemple chez un Peter Gay, chantre d’un Arrouet «révolutionnaire» en la matière. Partant de la constatation que, «[p]our Voltaire comme pour ses prédécesseurs humanistes et antiques, il y a continuité entre les mythes et l’histoire» (60), P. Force fait remarquer que la pratique de ce dernier porte moins sur la validation du récit historique que sur la validité comparée des types de sources - le témoignage (vista, audita) l’emportant sur la trace écrite (lecta) - qui en tissent la trame. Ou pour le dire autrement: «Le rôle de l’historien n’est pas d’établir d’hypothétiques ‘faits’ qui seraient indépendants du récit qui en est donné. Il est simplement d’effectuer un choix critique entre plusieurs récits» (69). Dans «‹Il ne faut pas être si exact en temps› (Verville, Le Moyen de parvenir). La mort au croisement de la fiction et de l’érudition humanistes» (71-86), N. Kenny se plonge dans les déroutants régimes de temporalité qui caractérisent ce banquet comiquement anachronique conviant 400 locuteurs provenant - pour ceux qui ne sont pas anonymes - de strates historiques hétérogènes. Gigantesque métaphore qui, peut-être, fait écho à la tradition voulant que «l’érudition humaniste tend[e] à rechercher ... une certaine maîtrise conceptuelle du temps ainsi que de son rapport à la vie et à la mort» (75): d’où un goût général pour la prosopopée (résurrection du défunt fameux dans le livre contemporain); d’où aussi, par un effet de retournement déterminé par la poétique grotesque de l’œuvre, le recours constant du Moyen de parvenir à ce que l’auteur nomme l’«anachronisme rabelaisien» (80) - qui voit par exemple Ovide partager mets et mots avec Platon. Ce parti pris comique, N. Kenny en fait l’expression d’un discours critique vervillien représentant «les Anciens comme peu vénérables» (84) et mettant en scène «une solution de continuité entre les périodes de l’histoire Besprechungen - Comptes rendus 261 humaine, entre les vivants et les morts» et, plus fondamentalement, «un refus de la sagesse supposées des siècles» (85). L’étude de C. Jouhaud, «Le contexte comme fiction» (87-102), revient sur un épisode des Mémoires du maréchal de Bassompierre pour analyser sa transmission et les conditions de celle-ci eu égard à la problématique du punctum telle qu’elle est exprimée chez Roland Barthes. Initialement pensé par ce dernier pour illustrer la puissance d’évocation de la photographie (le terme désigne «ce qui dans une photographie ‹part de la scène, comme une flèche, et vient me percer›» [96]), cet outil est réinvesti par C. Jouhaud - qui le connecte à la notion d’expérience telle qu’elle s’exprime chez Michel Foucault et Walter Benjamin - dans le domaine littéraire: le punctum est dès lors à comprendre comme l’effet d’acuité d’un détail, générant sa propre décontextualisation. Dans le cadre du récit de Bassompierre, ce «détail» consiste dans l’habillement de la jeune lingère parisienne qui, un soir de juin, cherche à séduire le maréchal: et de fait, cette description sera fidèlement reprise par Chateaubriand, Goethe, ou Hoffmansthal dans leurs différents réemplois de cette anecdote des Mémoires - cette forme de sanctuarisation marquant dès lors le processus de décontextualisation auquel le complexe d’images a été soumis. Dernière étude de la première partie du recueil, «L’érudition comme stratégie de résistance. Roman et savoir aux XX e et XXI e siècles» (103-15), permet à B. Blanckeman d’esquisser les lignes de fracture qui, dans la production romanesque de ces cent dernières années, permet d’évaluer l’évolution des attitudes face au recours à l’érudition - et les raisons de cette évolution. Pour l’auteur, les années 1980 font office de charnière: jusque-là, la relation peut encore être «consubstantielle entre fiction et savoir» (105) - la figure de Marguerite Yourcenar pouvant faire office de dernier avatar d’une forme de tradition «humaniste», d’une érudition altière. Si, plus tard, l’érudit ne se résout pas à disparaître du champ romanesque - Pascal Quignard ou Pierre Michon en sont les preuves vivantes - il «noie volontiers sa superbe dans une mélancolie dont son savoir est à la fois l’agent et la cause ... À l’origine de ce changement de statut et de stature: l’inflation des savoirs spécifiques entraîne une déflation de la maîtrise intellectuelle qu’ils sont censés permettre» (107). Cette «atomisation ... des systèmes de connaissance» (109) ne vaut toutefois pas pour condamnation au silence: B. Blanckeman le montre, la fiction peut justement être le lieu de réinvestissements particularisés (par exemple sur le mode ludique, comme chez Pierre Senges) permettant un effet de «mise en perspective intellectuelle» (110). La deuxième partie du recueil, «Des vies aux biographies» (117-48), s’ouvre sur une contribution d’A. Jefferson, «Érudition, biographie, et la pratique des ‘Vies’» (119-27), dans laquelle l’auteur, après avoir déterminé ce qui oppose ces deux formes de récits - la vie, dans l’histoire des formes, précédant la biographie - dans leur fonction («on peut dire qu’on lit une biographie pour s’informer, par curiosité, et qu’on lit une ‘vie’ ... pour changer de vie en se modelant sur l’exemple d’un saint ou d’un homme illustre» [121]), s’interroge sur le regain d’intérêt contemporain dont semble bénéficier cette dernière - par exemple chez Gérard Macé, Jacques Roubaud, ou Pascal Quignard - et sur le fait que «ce sont pour ainsi dire les écrivains les plus érudits de l’actualité qui les pratiquent» (123). Trois hypothèses sont à évoquer, selon A. Jefferson: «un désir d’innovation où l’érudition sert de moyen pour découvrir des formes d’écriture susceptibles de produire de la variété» (id.); «[l]a fréquentation de ... genres d’écritures archaïques auxquelles l’érudition donne accès révèle ... des façons inusitées de concevoir une vie» (124); l’érudition enfin, selon l’auteur, est la garantie d’accès à une forme de réel. Dans sa contribution, «Pourquoi mettre la philologie en biographies» (129-38), A. Corbellari emprunte le récit de sa propre expérience pour plaider «en faveur de la possibilité d’adapter nos objets d’étude à nos caractères et même à nos vécus» (130). Dans son cas, ce fut la figure de Joseph Bédier, à qui il consacra sa thèse, et en qui il retrouva, dit-il, certains de ses propres traits de caractère - et en particulier le fait de ne pouvoir démêler le goût de Besprechungen - Comptes rendus 262 1 N. Koble et M. Séguy, «D’après mémoire. Les proses fantômes de Jacques Roubaud», Fabula-LhT 13 (2014), URL : http: / / www.fabula.org/ lht/ 13/ kobleseguy.html. l’érudition du désir de création: comme le disait Jean Borie selon le souvenir d’A. Corbellari, «les profs d’université sont des écrivains ratés» (134). L’auteur poursuit: «Toute activité historienne comporte ... sa part de fiction, et la meilleure façon de s’en défier c’est de l’accepter, en faisant si possible confiance - sans pour autant leur lâcher trop la bride - aux ressources d’imagination que l’on a en soi» (136): c’est la clé du goût d’A. Corbellari pour un Bédier «écrivain et philologue», mais c’est peut-être aussi la reconnaissance du lien nécessaire qui lie le biographique au fictionnel - «qui cernera jamais le noyau d’un être? » (137). Avec la dernière étude de la deuxième partie de ce recueil, «Écrire Gaston Miron, ou la fiction du lointain» (139-48), P. Nepveu parvient à des conclusions similaires à celles d’A. Corbellari en évoquant son travail de biographe de l’auteur de L’Homme rapaillé: «Que serait une biographie parfaitement ‹érudite›, sans le moindre recours à l’imaginaire? J’ai tout autant de mal à concevoir une biographie purement ‹fictive›, car ... une telle entreprise ne saurait faire l’économie d’une solide documentation» (139). La présence nécessaire de cette part d’imaginaire peut être ramenée à deux causes, selon l’auteur: premièrement, le travail du biographe implique de considérer son sujet sous l’angle objectif, mais aussi sous celui de sa légende («ses faux-fuyants et ses fantasmes, ses postures et sa théâtralité» [142]). Deuxièmement, la nécessité d’une empathie minimale du biographe pour son sujet colore son travail d’une dimension romanesque, si ténue soit-elle. Dès lors, conclut P. Nepveu, le biographe ne peut qu’être «pris dans la toile de son sujet, captif d’un espace où l’histoire et la légende ne sont jamais tout à fait dissociables» (148). La troisième partie du recueil, «Fabriques de l’érudition, fabriques de la fiction» (149-301) débute par une longue étude de N. Koble et M. Séguy, «Généalogies de la lettre. Les fictions érudites de Jacques Roubaud» (151-99). Avec un grand soin du détail et un goût pour l’analyse profonde, les deux auteurs déterminent le lien particulier (que les auteurs baptisent du néologisme de fictiérudition) qui arrime à la problématique de l’érudition des œuvres comme Graal théâtre, Graal fiction ou, à titre de complément, Le Chevalier Silence, une aventure des temps aventureux. Chez Roubaud, écrivent N. Koble et M. Séguy, «[l]a transmission érudite de la matière fictionnelle médiévale est inséparable de sa réinvention critique ou fictionnelle, érudition et fiction mêlant, dans cet échange croisé, leurs caractéristiques» (155). Cette transmission se base de plus chez Roubaud sur une «poétique mémorielle» particulière, dont les auteurs avaient déjà donné les caractéristiques ailleurs: «ce qui a disparu (ou qui est envisagé comme tel) est systématiquement réélaboré d’après mémoire» 1 . C’est ce travail, avec ses effets d’anachronismes, d’entrelacements, de commentaires, que N. Koble et M. Séguy mettent au jour, suivies en cela par J. Roubaud lui-même qui, dans la communication suivante («La Fabrication de Graal-Théâtre. Notes plutôt brèves» [201-13]), donne sous une forme paratactique la genèse et les éléments constitutifs (voire le making-of) de l’œuvre qu’il a co-réalisée avec Florence Delay. Y. Foehr-Janssens consacre quant à elle sa réflexion, «Fictions d’érudition, figures d’érudits. Savoir et affabulation dans la matière romanesque des XIIe et XIIIe siècles» (215-46), à plusieurs usages de la problématique érudite: c’est tout d’abord, comme le montre le prologue du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, le cas de figure d’une érudition mise au service de la fiction, conduisant «à une vaste opération de réhabilitation de la fable» (221) - même si les figures de l’érudit, par exemple dans Le Roman des sept sages de Rome, peuvent être soumises à des valorisations contraires, de la sagacité critique au savoir vain. Y. Foehr-Janssens poursuit son parcours par une analyse de la figure d’un grand clerc de l’espace arthurien, Hélie de Toulouse, et sur les modifications apportées, de la version brève à la Besprechungen - Comptes rendus 263 version longue de l’épisode de la fausse Guenièvre dans le Lancelot, à la valeur - là négative, ici positive - de l’érudit. T. Pavel, dans «Raconter, réfléchir, exhorter» (247-65), revient sur la distinction que faisait Paul Zumthor entre oralité et vocalité: «l’oralité est la manière dont un message est transmis par la voix et capté par l’oreille, la vocalité est une notion relative aux valeurs qui sont attachées à la voix comme voix» (254). Cette bipartition, qui implique selon l’auteur que nous écoutons la littérature autant que nous la lisons, est mise au service d’un programme d’application dont le but est de promouvoir la possibilité de mettre au jour, dans l’œuvre littéraire, les traces, par exemple réflexives comme dans le cas de l’ironie flaubertienne, de l’instance auctoriale - au rebours d’ailleurs de certaines habitudes critiques: «les attitudes de la voix - qui sont également celles de l’esprit qui s’y incorpore et qui l’anime - jouent un rôle essentiel» (256). Dans «Les fictions encyclopédiques. De Gustave Flaubert à Pierre Senges» (267-82), L. Demanze emprunte une problématique similaire à celle de B. Blanckeman pour mettre en regard savoir encyclopédique et érudition: «l’un est une pratique collective aimantée par un désir de totalité, la seconde serait essentiellement une préoccupation asociale et solitaire, magnétisée par la ressaisie précise des faits» (281-82). Or, pour l’auteur, Bouvard et Pécuchet représente le premier moment d’une mise en crise de la volonté totalisante de la pratique encyclopédique, qui se module dès lors en un savoir des multiplicités - où l’on retrouve la problématique de l’atomisation des savoirs mise en évidence par B. Blanckeman: «Si le monde est un labyrinthe, le livre même devra susciter cette étrangeté et provoquer chez le lecteur l’aveuglement du voyageur incapable d’accéder à une vision panoptique du réel» (271). À la lecture de ce recueil - qui se termine par une suite de notations de G. Macé, «Des livres mouillés par la mer. Pensées simples III» (283-301), en forme de journal de bord d’un lecteur érudit -, on est frappé par l’ampleur de la diversité des pratiques et des attitudes que la postérité de Paul Zumthor fait germer. Plusieurs contributions très personnelles offrent un éclairage inédit sur le métier de chercheur, sans toutefois faire l’économie d’analyses profondes et pertinentes. Philippe Simon H Przemys ł aw D ę bowiak, La formation diminutive dans les langues romanes, Frankfurt am Main (Peter Lang) 2014, 265 p. (Études de linguistique, littérature et art 2) La publication d’un nouvel ouvrage portant sur les diminutifs romans peut être expliquée de deux façons: soit les auteurs des études antérieures n’ont pas intégralement étudié la formation de ce type de dérivés, soit la situation actuelle de ceux-ci réclame la reconsidération des faits de langue, à cause des changements survenus au cours des années. Vu l’état des recherches, dans son ouvrage, le linguiste polonais Przemys ł aw D ę bowiak se propose de privilégier la première voie, qui s’explique par les parcours diachronique et synchronique précisés dans l’Introduction de son volume. Dès le début, l’auteur déclare que «le principal motif du choix du sujet de ce travail a été l’absence de monographie qui envisage la problématique signalée d’une manière complète» (11). Son étude prend comme points de référence les descriptions de la diminution romane élaborées dans les années 50 par Bengt Hasselrot et Reino Hakamies, rares et doctes à la fois. Après avoir attentivement parcouru la bibliographie afférente au sujet traité, D ę bowiak soutient «[qu’]il y a deux approches concernant la formation diminutive romane qui [lui] paraissaient manquer» (11): la description comparative synchronique des marqueurs diminutifs actuels dans les langues romanes et les changements survenus au cours des siècles.
