eJournals Vox Romanica 74/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2015
741 Kristol De Stefani

Anne Inos-Augé, Chanter et lire dans le récit médiéval. La fonction des insertions lyriques dans les oeuvres narratives et didactiques d’oïl aux XIIIe et XIVe siècles, 2 vol., Berne (Peter Lang) 2010, 1296 p. (Varia Musicologica 17)

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2015
Dominique  Billy
vox7410313
Besprechungen - Comptes rendus 313 1 L’auteure parle improprement de «prosodie». Anne Inos-Augé, Chanter et lire dans le récit médiéval. La fonction des insertions lyriques dans les œuvres narratives et didactiques d’oïl aux XIII e et XIV e siècles, 2 vol., Berne (Peter Lang) 2010, 1296 p. (Varia Musicologica 17) Nombreux sont les textes narratifs ou didactiques de langue d’oïl qui introduisent assez souvent des éléments ou des situations propres à l’expression de la poésie lyrique, avec à l’occasion des insertions lyriques aux fonctions diverses, allant de l’intermède ou du changement de registre qui permet de rythmer le récit ou la démonstration, à la citation d’autorités à des fins argumentatives, comme c’était le cas dans le cadre de la tradition des troubadours, des Novas au Perilhos tractat de Matfre Ermengaud, dans une tradition littéraire où la poésie lyrique jouait un rôle de premier plan. La tradition française est de fait beaucoup plus éclectique, allant parfois jusqu’à l’autocitation, en particulier chez Gautier de Coinci ou Adam de la Halle, le premier avec le remploi de chansons à la mode, le second avec une démarche plus créative, et on y observe une nette ouverture au répertoire popularisant qui permet d’introduire des airs et des refrains en vogue de tonalité variée, à fonction de divertissement. Certains auteurs insèrent aussi bien leurs propres vers que ceux des autres, de Jean Renart et Gerbert de Montreuil à Nicole de Margival. Les insertions peuvent s’inscrire plus étroitement dans la trame narrative, ou encore servir d’exemples, comme dans le Rosarius (louanges mariales). Avec Guillaume de Machaut, le rapport des insertions au texte cadre se trouve modifié, la trame narrative ne servant en fait qu’à la mise en valeur de l’œuvre lyrique, orientation dont l’imposant Meliador de Froissart, articulé sur le chansonnier du duc de Brabant, constitue un troublant aboutissement. Ce rapide survol montre la richesse de ce genre fascinant que constitue l’insertion lyrique auquel l’auteur consacre un ouvrage magistral qui bénéficie de sa double compétence littéraire et musicologique. Le corpus porte sur 75 œuvres de genres variés, allant du XIII e siècle au premier quart du XIV e , où dominent romans (quinze, dont cinq allégoriques) et saluts d’amour (treize), mais où l’on trouve également traités, nouvelles, sermons, poèmes courts, avec des insertions d’origine variée: chansons courtoises, pastourelles, chansons de toile, rondeaux ou rondets, refrains, motets, voire fragments épiques qui relèvent, bien entendu, d’un autre registre. L’auteur a structuré son étude en quatre chapitres consacrés successivement aux insertions à fonction de divertissement; à celles qui font partie intégrante du discours narratif; à celles qui témoignent d’une ingérence de l’auteur ou même du copiste (les insertions sont données à titre «conservatoire», à titre d’exemple ou de signature); celles enfin plus rares, qui remplissent une fonction génératrice dans le discours narratif ou une fonction structurante dans le texte cadre (Roman de la Poire). L’auteur écarte par contre le cas spécifique du Tristan en prose en raison de sa démesure, se promettant d’y revenir ailleurs, de même que les Dits entés de Jeannot de Lescurel, dont l’esthétique musicale relève de l’ars nova, et il semble que le Meliador de Froissart ait de même été écarté. Le Roman de Fauvel et l’Estoire de Joseph dont les insertions lyriques sont le fruit d’interpolations ont également été mis de côté. Ce travail constitue une somme aussi complète qu’ambitieuse, ne négligeant aucun des aspects, littéraires, métriques ou musicaux d’une problématique complexe. Il constitue plus précisément une «relecture amendée» de la thèse de doctorat de l’auteur (Bordeaux 2000), ce dont témoigne la taille impressionnante des précieuses annexes. Tous les éléments pertinents sont pris en compte: typologie et fonction des insertions, situation dans l’œuvre et intégration dans le texte cadre, protagonistes du discours chanté, terminologie employée dans l’introduction des insertions pour désigner les insertions ou leur performance (dite/ chantée), aspects rhétoriques (reprises de thèmes ou d’expressions), aspects métriques et rimiques relatifs à leur intégration qui peut s’appuyer sur le mètre ou/ et sur l’assonance ou la rime 1 , Besprechungen - Comptes rendus 314 2 Voir aussi «Las inserciones líricas en el Roman de Meliacin ou du Cheval de fust», CN 55 (2003): 211-32. L’auteure ignore également les thèses non publiées qui ont pu être consacrées au genre: A. Preston Ladd, Lyric Insertions in Thirteenth-Century French Narrative, Yale University 1977; H. Solterer, «Acorder li chans au dit». The Lyric Voice in French Medieval Narrative 1220-1320, University of Toronto; M. Boulton, The Song in the Story. Lyric Insertions in Medieval French Narrative 1200-1400, Philadelphia 1993. y compris dans ce dernier cas dans des textes en prose, comme L’Abeïe dou Chastel amoureus, aspects musicologiques (le «discours musical»), problèmes spécifiques posés par l’existence de plusieurs témoins divergeant dans l’utilisation des insertions. L’auteure est également soucieuse de distinguer ce qui se passe dans le cadre des différents genres, romans, textes didactiques, saluts d’amour (dont les refrains sont tirés d’une même chanson «avec des refrains»). L’auteur se soucie également de la cohésion éventuelle des choix opérés: ainsi, l’auteur du dit de la Panthere d’amour puise dans l’œuvre d’Adam de la Halle, le Roman du Chatelain de Coucy est illustré de chansons du trouvère éponyme. Quelques auteurs choisissent leurs insertions dans leur propre œuvre lyrique, comme Adam de la Halle, Adam de la Bassée, Gautier de Coinci, Philippe de Novare, Robert de Blois ou l’auteur du Tractatus de matrimonio scientiarum. L’auteur du Paradis, de même que celui de Renart le Nouvel, recherche une continuité mélodique entre les insertions, quitte à varier la mélodie des refrains par rapport aux versions indépendantes existantes. L’auteur s’intéresse aussi à l’intertextualité, relevant ainsi, par exemple, l’existence de points communs entre les refrains du Guillaume de Dole, du Roman de la Violette et du Tournoi de Chauvency qui témoignent d’une même recherche esthétique. L’ouvrage est donc une somme qui permet de faire le point sur le corpus des pièces à insertions lyriques: cela suffit à en faire un travail incontournable sur la question, même si l’on peut déplorer que, suivant en cela une tradition bien française (sans doute pas seulement), les travaux de Meritxell Simó, à commencer par La arquitectura del roman courtois en verso con inserciones liricas (Berne 1999) soient ignorés 2 . Se posant des questions aussi simples et fondamentales que le qui, le quand, le pourquoi et le comment, l’auteure peut apporter des réponses satisfaisantes, à partir de ce que les textes eux-mêmes peuvent nous apprendre, de façon explicite (par les prologues en particulier) ou implicite. Elle peut ainsi donner une vision synthétique du recours aux insertions dans le cadre de genres variés, qui peuvent viser tout aussi bien l’édification que le divertissement, en esquissant l’histoire du genre qui ne manque pas de mettre en évidence le rôle charnière joué par Nicole de Margival et Jehannot de l’Escurel, ouvrant la voie à des œuvres qui accordent une place essentielle à l’auto-citation où la musique semble disparaître, avec l’exception de Guillaume de Machaut, de l’Estoire de Joseph et des interpolations du Roman de Fauvel. Toutefois, l’apport de ce travail ne se limite pas à cette approche à la fois analytique et synthétique du genre de l’insertion lyrique dans une perspective d’histoire littéraire: l’auteure a en effet entrepris d’étudier la musique des insertions d’après les transcriptions qui les accompagnent dans certains manuscrits, comme on en trouve pour les Miracles de Gautier de Coinci, le Roman de la Poire, La Prison d’amour, La Cour de Paradis etc., ou d’après diverses sources parallèles qui nous les ont transmises comme compositions à part entière, ce qui lui permet d’approfondir l’étude des choix opérés par les auteurs des textes cadres. On est même étonné de ce qu’elle estime que la part la plus importante de sa recherche a porté sur la restauration de la mélodie à partir des sources notées, quitte à apporter les ajustements requis par d’éventuelles discordances métriques. Entreprise plus contestable sans doute, elle s’est également attachée à rechercher pour certains refrains unica des modèles mélodiques possibles. Besprechungen - Comptes rendus 315 3 On peut s’interroger sur la distinction «roman à insertions» (deux renvois) et «roman». 4 Il s’agit de quatrains d’alexandrins monorimes que l’auteure édite, sans le justifier, comme s’il s’agissait de huitains d’hexasyllabes. Est-ce la disposition du ms.? Ou celle du premier éditeur (Omont)? Le premier volume comporte une abondante bibliographie, un précieux «Index rerum» (pour l’essentiel noms de genres et catégories littéraires 3 ), un «Index nominum» (auteurs, œuvres), un «Index des incipit» classés par genres (chansons, citations latines, motets, refrains et rondeaux). Il contient également un certain nombre d’appendices particulièrement utiles: I. Corpus général des textes munis d’insertions lyriques, avec des indications relatives à la datation, au genre, à l’auteur, au style, à la nature et la forme des insertions, plus le nombre de copies connues; II. Tableau récapitulatif des insertions en situation de divertissement, données pièce par pièce, avec l’indication du chanteur et de l’occasion; III. Transcription des refrains à fonction divertissante de Renart le Nouvel, suivi d’un tableau analytique de ces citations où sont notamment précisées la parenté modale ou la polarité et l’ambitus, ainsi que les autres textes qui contiendraient les citations en question; IV. Tableau récapitulatif des insertions jouant un rôle discursif; V. Tableau récapitulatif des citations musicales du Jeu de Robin et Marion; VI. Transcription des refrains à fonction discursive de Renart le Nouvel, suivi d’un tableau analytique de ces insertions; VII. Tableau analytique des insertions du Ludus, avec indication du modèle et ses caractéristiques musicales; VIII. Tableau analytique des insertions des Miracles de Gautier de Coinci; IX. Tableau des insertions citées à titre d’exemple, précisant chanteur et occasion; X. Caractéristiques musicales des insertions du Rosarius. Plus imposant, le second volume réunit les annexes musicales qui donnent enfin aux chercheurs un accès facile à l’ensemble des mélodies du corpus, inédites ou incomplètement éditées, sous la forme d’éditions critiques. Ces annexes traitent d’abord des refrains, puis des «citations longues». Suivent d’abondantes annexes improprement appelées «littéraires». La première décrit dans l’ordre chronologique pièce par pièce la situation des insertions: il s’agit d’index donnant leur place dans l’œuvre et la référence éventuelle au répertoire de van den Boogard, identifiant le chanteur et l’occasion et indiquant le cas échéant les autres localisations. La seconde décrit les choix métriques et prosodiques des insertions. La troisième donne des «analyses prosodiques générales»: en fait ni plus ni moins la description métrique et rimique des insertions, vers par vers, avec chaque vers en regard. On y trouve enfin l’édition de deux textes courts, L’Abeïe dou Chastel amoureus et le salut d’amour «Dame plesant et sage» 4 . Une table de concordance clôt ce volume, établissant le lien entre les numérotations des répertoires de Raynaud-Spanke, Linker, Tischler et Mölk/ Wolfzettel (le premier répertoire sert d’entrée). Dominique Billy H Guillaume de Digulleville, Le Dit de la fleur de lis, édité par Frédéric Duval, Paris (École des chartes) 2014, 344 p. (Mémoires et documents de l’École des chartes 95) C’est un véritable défi philologique que Frédéric Duval a relevé en rééditant le Dit de la fleur de lis de Guillaume de Digulleville; nouvelle, cette édition l’est de plusieurs points de vue, après celle fournie par Arthur Piaget en 1936 (R 62; numérisée en mode texte, sans apparat critique, Garnier électronique; en mode image, complète, dans Gallica): approche littéraire et historique du contenu, attention philologique aux deux manuscrits conservés,