eJournals Vox Romanica 74/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2015
741 Kristol De Stefani

Valérie Guyen-Croquez, Tradition et originalité dans les Chroniques et Conquestes de Charlemaine de David Aubert, Paris (Honoré Champion) 2015, 466 p. (Bibliothèque du XVe siècle 79)

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2015
Maria  Colombo Timelli
vox7410317
Besprechungen - Comptes rendus 317 et souvent fautif, l’éditeur ne peut qu’hésiter, non pas quant au choix du texte de base (des critères philologiquement sûrs imposent de choisir B: lectiones difficiliores, archaïsmes, respect de l’usus scribendi de Guillaume), mais quant au type d’«orientation» à adopter: «vers le ou les manuscrits, ... vers l’auteur, ... vers le lecteur» (135); c’est ce tiraillement qui a déterminé Frédéric Duval à offrir tant la transcription synoptique des deux manuscrits (162-243), qu’une véritable édition critique (247-309) basée sur B et accompagnée de notes qui illustrent tous les problèmes textuels et discutent les variantes et les choix opérés par l’éditeur; lorsque ceux-ci vont à l’encontre des leçons des deux copies, ils se justifient par une profonde connaissance tant du moyen français que de la langue de Guillaume attestée dans les Pélerinages. Répondant à deux buts clairement exposés - rendre service aux lecteurs, mais aussi aux lexicographes, et enrichir le DMF -, le «Glossaire» (311-34) tient compte aussi des dépouillements qui en ont été faits jusqu’ici dans Gdf, GdfC, DMF, et dans la thèse de Béatrice Stumpf (consultable en ligne sur le site du DMF). Il est suivi d’un «Index nominum» sélectif, relatif à l’«Introduction» (335-38), et d’un «Index rerum» (338-41), renvoyant à des notions historiques, linguistiques et littéraires, dans l’«Introduction» et les notes critiques. La bibliographie, très vaste, comprend plusieurs sections (145-60): éditions des œuvres de Guillaume de Digulleville et études sur l’auteur, textes antiques et médiévaux, bibliographie critique (histoire; littérature, histoire de l’art, philosophie; langue; philologie éditoriale). Un tel ouvrage, qui permet de redécouvrir une œuvre certainement peu connue de Digulleville, rendra d’utiles services non seulement aux spécialistes du moine de Chaalis - qui, soit dit entre parenthèses, sont devenus plus nombreux ces deux dernières décennies - mais aussi aux éditeurs de textes médiévaux confrontés à des traditions textuelles lacunaires, corrompues ou de toute manière lointaines de l’«original». Maria Colombo Timelli H Valérie Guyen-Croquez, Tradition et originalité dans les Chroniques et Conquestes de Charlemaine de David Aubert, Paris (Honoré Champion) 2015, 466 p. (Bibliothèque du XV e siècle 79) Conservées dans un somptueux manuscrit unique (KBR 9066-9068), les Chroniques et Conquestes de Charlemaine de David Aubert furent éditées en trois volumes par Robert Guiette entre 1940 et 1951 (Bruxelles, Palais des Académies); depuis, elles ont fait l’objet d’une bibliographie critique importante, qui s’est cependant attachée à une section ou à l’autre de cette énorme compilation en prose. Le livre de Valérie Guyen-Croquez, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2008, constitue en revanche la première monographie entièrement consacrée à cet ouvrage. Après une «Présentation générale» (première partie, 13-44) centrée sur l’auteur, les commanditaires (le premier prologue est dédié à Jean de Créquy, le second à Philippe le Bon) et la cour de Bourgogne, le texte (dont est donné un utile résumé), on entre dans le vif du sujet. De fait, une des difficultés de l’analyse est représentée par le nombre et la variété des sources utilisées par David Aubert dans le but de fournir une biographie complète - en même temps historique et littéraire - du grand empereur; comme le titre l’indique, le compilateur fait à la fois œuvre d’historien, en rédigeant des Chroniques, et d’auteur épique, en présentant les Conquêtes de Charlemagne. Si l’identification des sources de David Aubert et le traitement qu’il leur a réservé constitue un terrain déjà bien balisé (voir surtout B. Boussmanne/ G. Palumbo dans La Librairie des Ducs de Bourgogne IV (2009): 127-58), Valérie Guyen-Croquez apporte sa pierre à l’édifice en analysant comment l’auteur a organisé la matière en idéalisant la figure d’un héros dont il souligne la vertu guerrière, la légitimité lignagère, une jeunesse qui semble éternelle (deuxième partie, «Des sources Besprechungen - Comptes rendus 318 nombreuses au service d’un créateur original», 45-115). Malgré la diversité des matériaux exploités, David Aubert a su bâtir, aux yeux de Valérie Guyen-Croquez, une œuvre cohérente et unitaire: c’est ce que prouveraient un découpage soigné de la matière en chapitres, la construction d’une table des titres permettant une consultation ponctuelle tout en offrant un résumé détaillé du récit, et un certain nombre de procédés narratifs, qui permettent d’une part de reconnaître des reprises et des parallélismes, de l’autre de ne pas s’égarer dans une matière aussi abondante; selon l’auteure le traitement du temps d’un côté (la chronologie interne au récit), de l’espace de l’autre (itinéraires, voyages, guerres et batailles), correspond lui aussi aux deux volets du titre (troisième partie, «Le risque de l’hétérogénéité», 117-88). Lorsque Valérie Guyen-Croquez quitte le domaine littéraire, ses compétences s’avèrent un peu plus faibles, comme le montre l’analyse stylistique et linguistique abordée dans la quatrième partie («Une écriture sous tension: répétition et invention», 189-286); son examen tend par exemple à mélanger éléments syntaxiques («liens logiques», «rupture de construction, contamination entre coordination et subordination», «propositions infinitives et participes», «propositions relatives» 194-97: des tables ou des citations auraient certainement permis au lecteur de mieux comprendre certaines affirmations) et stylistiques («l’emphase épique», nombres, mots «forts», amplification, comparaisons, métaphores, 198-217; signalons ici que le passage cité page 207 est mal interprété: «un moulin mouldroit bien du sang des mors qui queurt par les ruisseaux» ne signifie pas que «le moulin rend du sang», mais que le sang coule si abondamment dans les cours d’eau qu’il pourrait faire tourner la roue d’un moulin). Le chapitre consacré au lexique (219-37) aurait aussi mérité plus d’attention: il est en effet difficile de convenir avec Valérie Guyen-Croquez que «moult, adverbe d’intensité ... semble caractéristique de l’emphase propre à l’épopée» (224), ou que «illec, et ainçois ou ains [sont] considérés comme archaïsants au XV e siècle» (225; le renvoi à Michèle Perret, 226, soulignant que iluec disparaît au XIV e siècle, n’est pas pertinent, dans la mesure où il s’agit justement d’une forme différente), ou encore que «orgueil, mot ancien, reste compréhensible pour le lecteur du XV e siècle» (230). Suivent des remarques sur la présence abondante du discours direct et sur les proverbes, ceux-ci pris dans l’acception la plus large du terme: «nous avons retenu comme expression proverbiale des passages qui ne sont pas forcément répertoriés comme tels» (260; en effet, dans la longue liste de 143 «proverbes» réunie (431-47), il n’y a pas de renvois au dictionnaires et répertoires d’usage); un dernier chapitre porte sur les portraits dressés par David Aubert, avec une attention particulière pour les «portraits longs», consacrés à Charlemagne comme il se doit, ainsi qu’à Olivier, puis à quelques croquis, qui figent un personnage secondaire en un geste unique. La cinquième et dernière partie («Thèmes et personnages. L’inspiration épique: souffle ou soupir? », 287-398) constitue une sorte de bilan basé cette fois sur les thèmes fondateurs du récit - combats et croisade d’une part, amour de l’autre - et sur les figures principales - l’empereur certainement, mais aussi ses ennemis, alors que les personnages féminins demeurent au second plan. Valérie Guyen-Croquez souligne encore l’effacement progressif de Dieu, surtout par rapport aux sources en vers dont David Aubert s’est inspiré, et en revanche une présence significative du rire, qui se réalise dans des procédés comiques qui tiennent du comique verbal et de situation. Le volume est complété par une bibliographie imposante (407-30), organisée en sections: «Manuscrits», «Éditions et traductions», «Contexte historique», «Littérature» (c’est là qu’on trouvera les titres consacrés à David Aubert), «Langue et style»; l’«Index» des noms et des titres exclut les «noms présentant un trop grand nombre d’occurrences» (449-57). Maria Colombo Timelli H