eJournals Vox Romanica 74/1

Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2015
741 Kristol De Stefani

Gilles Roussineau (ed.), Perceforest. Sixième partie, 2 vol., Genève (Droz) 2015, cxxxi + 1419 p. (Textes Littéraires Français 631)

121
2015
Noémie  Chardonnens
vox7410328
Besprechungen - Comptes rendus 328 Roger Dubuis (ed.), L’Abusé en cour, Le Curial, Paris (Honoré Champion) 2014, 150 p. (Traductions des classiques du Moyen Âge 95) Le rapprochement des deux textes dont Roger Dubuis publie ici la traduction en français moderne repose sur des raisons de contenu - dans les deux cas, la condamnation morale de la vie à la cour - et sur leur date de composition (vers 1475 pour le Curial, 1450-1470 pour l’Abusé en cour). Texte bref en prose, traduction du Libellus de vita curiali d’Alain Chartier, le Curial se veut la réponse qu’un homme vivant à la cour adresse à un ami très cher qui voudrait le rejoindre: dans les mots du premier, c’est un tableau de tous les vices et les immoralités de la vie curiale qui est proposé au lecteur; la morale est explicitement exprimée: non seulement la cour ne réserve aucun bonheur à ceux qui y vivent, mais le seul salut offert à l’homme est une vie tranquille menée chez soi. L’Abusé est une œuvre plus complexe: il s’agit d’un prosimètre autrefois attribué au roi René d’Anjou, qui met en scène la rencontre entre un narrateur et un vieillard, misérablement vêtu, qui lui raconte sa vie; dans ce cas encore, c’est bien entendu la vie à la cour, avec des anecdotes et des petits épisodes concrets, qui constitue le noyau du récit, bien que des digressions moralisatrices viennent parfois l’interrompre. Roger Dubuis, qui connaît parfaitement ces textes - ne fût-ce que pour avoir édité l’Abusé (Genève 1973) - en donne une traduction très agréable à lire, qui reste fidèle aux textes du XV e siècle sans renoncer à une forme moderne tout à fait transparente; quelques notes en bas de page offrent des informations complémentaires sur les leçons originales, ou des commentaires sur des mots et des notions qu’il est difficile, voire impossible, de rendre dans la langue d’aujourd’hui. La traduction se base sur l’édition Heuckenkamp (1899, réimprimée par Slatkine en 1974) pour le Curial, et sur l’édition Dubuis citée pour l’Abusé; on regrette cependant que Dubuis, par modestie sans doute, n’ait donné aucune information sur les critères qui ont guidé son adaptation en français moderne et sur les difficultés que posent des œuvres de ce genre même à un spécialiste de son envergure (on n’oubliera pas de rappeler sa traduction des Cent nouvelles nouvelles dans cette même collection, 69, 2005). Maria Colombo Timelli H Gilles Roussineau (ed.), Perceforest. Sixième partie, 2 vol., Genève (Droz) 2015, cxxxi + 1419 p. (Textes Littéraires Français 631) Issu de la fin du Moyen Âge, rédigé en prose, le Perceforest est, avec ses six livres, le plus long texte que le Moyen Âge nous ait laissé. Il décrit la vie des ancêtres préchrétiens d’Arthur et de ses chevaliers en les faisant descendre d’Alexandre le Grand et en les confrontant notamment à Jules César. Par là, son auteur se propose de prendre en charge l’histoire de la Grande-Bretagne préchrétienne, de ses origines à sa christianisation. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre importante de la fin du Moyen Âge, le Perceforest a longtemps été rangé dans la catégorie des romans tardifs sans imagination. Il faudra attendre 1979 pour que paraisse la première édition partielle du texte: parue chez Droz, elle est le fruit du travail de Jane Taylor et reproduit la première moitié du livre I. Un peu moins de dix ans plus tard, Gilles Roussineau se lance dans l’édition de l’ensemble de l’œuvre, publiée chez Droz à partir de 1987. L’entreprise s’achève aujourd’hui, avec la parution du livre VI. Pour cette dernière partie, l’éditeur a été confronté à un choix. Alors que trois ensembles de manuscrits transmettent le Perceforest, un seul contient le livre VI. Il s’agit de la copie de Besprechungen - Comptes rendus 329 David Aubert, effectuée pour Philippe le Bon et datée de 1459-1460 (C, Ms. B.N.f.Ars. 3483- 3494). Cet ensemble propose une version passablement amplifiée que, précisément, Gilles Roussineau avait décidé de ne pas suivre pour ses précédentes éditions. Arguant, dans l’introduction du livre IV (xiv-xx), des révisions d’Aubert, notamment de certaines qui faisaient douter de la fidélité de sa copie, Gilles Roussineau estimait que les autres ensembles (A, Ms. B.N.f.fr. 346-48, copié pour Louis de Bruges entre 1470 et 1475, et B, Ms. B.N.f.fr. 106-109, copié pour Jacques d’Armagnac entre 1471 et 1477), tous deux très proches l’un de l’autre, se rapprochaient davantage de la version initiale du remaniement vraisemblablement effectué, au milieu du XV e siècle, sur une version ancienne perdue du Perceforest. Il a ainsi suivi ces manuscrits pour ses précédentes éditions, respectivement A pour les livres I, II, III et V et B pour le livre IV, ce dernier n’étant pas conservé dans A. Pour le livre VI, l’éditeur se trouvait face à deux solutions: suivre l’imprimé de 1528 (réalisé par Nicolas Cousteau pour Galliot du Pré) qui dérive vraisemblablement d’un modèle commun à A; ou se fier à la version de David Aubert. Gilles Roussineau a tranché en faveur de la deuxième option, tout en se servant de l’imprimé comme contrôle. Si le choix se comprend aisément, notamment du fait que l’imprimé modernise le texte et supprime des passages délicats, comme certaines parties en vers, on peut regretter qu’il ne soit pas explicité au début de l’édition. L’introduction des variantes (911) expose brièvement ces éléments, mais le lecteur aurait gagné à être averti du changement de manuscrit de base dès l’introduction, dans une partie consacrée à la tradition manuscrite, ce afin d’anticiper la différence de style avec les précédents livres. C’est que, comme Gilles Roussineau le note en amont de l’édition du livre IV: C se distingue régulièrement de AB par le goût de l’amplification, une rédaction moins dense, des dialogues et des discours plus développés, l’insertion de quantité de détails et de scènes qui rendent le récit plus circonstancié, une tendance très apparente à développer les descriptions ou encore une recherche concertée de certains effets de style ... le rédacteur de C use largement des procédés de l’amplificatio: redoublement d’expressions, recours aux comparaisons et aux métaphores, multiplication des déplorations et des descriptions. (xv) L’éditeur ne juge pas non plus utile de revenir, dans l’introduction du livre VI, sur la genèse du texte. On ne peut ici que lui donner raison, puisque c’est un sujet qu’il a déjà traité en amont du livre IV en 1987 (ix-xx), et sur lequel il est abondamment revenu en ouverture du livre I, paru en 2007 (ix-xlvi), puis plus succinctement en avant-propos du livre V, paru en 2012 (xliii-lxviii). Il s’en tient ici à présenter la sixième partie et il réussit parfaitement cet objectif. Son édition s’ouvre sur une introduction de 121 pages très complètes. On y trouve tout d’abord plusieurs dizaines de pages consacrées aux lignes directrices et à l’économie du livre VI (i-xlv). Gilles Roussineau y réussit, comme à son habitude, un brillant exercice de synthèse. Il met en avant l’habileté de l’auteur du Perceforest et la richesse de l’œuvre à venir, tout en soulignant les articulations du récit et ses principales thématiques. Il termine son analyse en s’intéressant de près au long extrait de l’Evangile de Nicodème qui clôt le Perceforest (xl-xliv) et propose d’intéressants éléments quant aux procédés de traduction utilisés, les mêmes, semble-t-il, que ceux qui étaient à l’œuvre dans la reprise de l’Historia regum Britanniae qui ouvrait le Perceforest dans le livre I. Suit ensuite une étude de la langue (xlvii-lxxviii), qui distingue, à juste titre, entre celle des pièces versifiées et celle de la prose. L’introduction se termine par un résumé précis et détaillé de l’œuvre à venir (lxxixcxxxi), qui évitera au lecteur de se perdre dans les méandres complexes du roman, et par une table des rubriques (1-11), qui précède directement le texte. Tout au plus pourra-t-on regretter, dans cette introduction, l’absence d’une bibliographie, même minimale, consacrée au livre VI. Même si elle présente quelques aventures inédites, notamment liées à la Cour d’Amour dont elle raconte la mise en place (§536-70), la sixième partie du Perceforest est Besprechungen - Comptes rendus 330 principalement orientée vers le dénouement de l’œuvre. La première moitié résout de manière systématique les intrigues chevaleresques et amoureuses entamées précédemment, alors que la seconde s’attache aux objectifs plus larges de l’auteur, à savoir l’arrivée du christianisme en Grande-Bretagne et le rattachement à différents univers de fiction antérieurs. A l’orée du livre VI, le lecteur retrouve ainsi Gallafur, le petit-fils de Gadiffer et de la Reine Fée, dans la Forêt de Darnant, où il s’était lancé dans le livre V déjà. Alors que, dans ce dernier opus, le chevalier avait fait la démonstration de sa fidélité amoureuse en réussissant l’épreuve de l’Épée Vermeille, le livre VI le montre triomphant des mauvais esprits et des enchantements de Darnant et confirme qu’il est le libérateur attendu par les dames et demoiselles des forêts. Il est alors élu roi de la Grande-Bretagne et épouse Alexandre Fin de Liesse, la petite-fille d’Alexandre le Grand et de Perceforest. Leur union augure une période de paix et permet la naissance de trois enfants, l’aîné Olofer, Gallafur deuxième du nom et Ygerne. Ceux-ci réunissent le sang d’une quantité impressionnante de héros des livres précédents, tant Gadifer, la Reine Fée, Alexandre, Sebille que Perceforest et sa femme Ydorus. Comme toujours dans le Perceforest, le calme est de courte durée et une invasion d’étrangers aux origines troyennes va mettre un terme au règne de Gallafur. Ce dernier le pressent et fait transcrire dans un livre tous les événements qui se sont produits récemment dans le royaume à la suite de ceux consignés du temps de Perceforest et Gadifer. Il fait ensuite remettre le volume dans une armoire scellée. Ce livre, le lecteur s’en doute, n’est autre que celui qui sera trouvé par le comte Guillaume I er de Hainaut en ouverture du Perceforest (livre I, vol. I, §80-85). La fin est donc proche et il est temps d’en arriver à ce qui était régulièrement annoncé par le texte depuis son ouverture: la christianisation de la Grande-Bretagne et l’explicitation des liens avec des univers de fiction antérieurs. Cela se fait dans le dernier tiers du livre VI. Après avoir proposé une nouvelle version de la conception de Merlin, l’auteur du Perceforest s’attache à clore son récit à travers le destin des trois enfants de Gallafur, sauvés de l’invasion barbare par le luiton Zéphir. La vie de la jeune Ygerne offre au prosateur de régler ses comptes avec Geoffroy de Monmouth. Au début du livre I, il prétendait réparer un oubli de cet auteur. Il ouvrait son texte sur une traduction fidèle des chapitres 6 à 52 de l’Historia jusqu’à la mort du roi Pir, puis annonçait prendre en charge une histoire «celee, planee et mise hors des hystoires des roys de la Grant Bretaigne» (l. I, t. I, 68). Le dernier tiers du livre VI montre le retour du Perceforest à la trame de l’Historia regum Britanniae au moment précis où il l’avait laissée, soit à la mort du roi Pir. Le prosateur referme la rectification proposée en décrivant le couronnement du successeur initial de Pir, Scalpiol, équivalent du Capoir de l’Historia et présenté dans le Perceforest comme un chevalier d’Allemagne descendant de la lignée des Troyens, qui remplace Gallafur sur le trône de Bretagne. Alexandre et ses hommes n’auront représenté qu’une parenthèse dans l’histoire du royaume. Ygerne permet pourtant d’assurer la survivance du sang d’Alexandre, de Perceforest et de Gadifer, puisqu’elle épouse Scalpiol-Capoir, grâce à une manigance de Zéphir. Le destin d’Olofer permet de faire coup double, puisque son fils épousera la fille d’Ygerne et Scalpiol. Surtout, le fils aîné de Gallafur achève toute une série d’épisodes en suspens: il met fin au dernier enchantement subsistant dans le roman en réduisant en cendre le corps de Juvenis Pater, l’un des meurtriers d’Alexandre transformé en statue de chair; il élimine définitivement la «secte» de Darnant en tuant Nagor, allié de Scalpiol qui descendait du mauvais enchanteur; enfin il venge son arrière-grand-père, Gadifer, le Roi Mehaignié du Perceforest, en tuant le sanglier qui l’avait blessé et entraîne sa guérison, avec un onguent réalisé à partir de la moëlle de la défense de l’animal. C’est sur la vie de Gallafur, deuxième du nom, que s’achève le roman. Ce personnage permet d’introduire la christianisation de la Grande Bretagne et de clarifier les rapports entre le Perceforest et les textes arthuriens en prose, notamment avec l’Estoire del Saint Graal. À la fin du roman, le lecteur comprend en effet que Gallafur II n’est autre qu’un personnage de Besprechungen - Comptes rendus 331 1 Cf. dazu meine Rezension, in ASNS 251 (2014): 225 s. l’Estoire del Saint Graal, nommé dans ce texte Gallifés. Le Perceforest réécrit entièrement la visite faite à ce dernier par Alain le Gros dans son royaume de Terre Foraine. Le baptême du personnage permet celui de ses ancêtres, puisque la Reine Fée, Perceforest, Gadifer, Gallafur et l’ermite Dardanon attendent patiemment l’arrivée de la nouvelle religion sur l’Île de Vie, endroit où leur vieillissement est suspendu. Gallafur II s’y rend en compagnie de Nathanaël, qui leur propose une lecture de l’Évangile de Nicodème. L’apocryphe est intégré fidèlement sur plusieurs dizaines de pages (831-74). Il fournit ainsi un épilogue au texte et un parfait contrepoint à son ouverture, constituée d’une traduction quasiment littérale de l’Historia regum Britanniae. Le Perceforest s’achève peu après, sur une série de rappels d’épisodes de l’Estoire del Saint Graal et sur une annonce claire des temps arthuriens et de la quête du Graal. Le texte est suivi d’un long apparat critique (909-1419) très soigné. On y trouve tout d’abord un relevé des variantes de l’imprimé (909-1002), effectué sur l’exemplaire conservé à la B.N.f. sous la cote Rés. Y2 31-33. L’éditeur a judicieusement choisi de ne reproduire que les variantes qui peuvent aider à l’interprétation du texte ou à sa correction, ainsi que celles qui présentent un intérêt lexicographique ou syntaxique. Suivent (1003-97) des notes fouillées qui précisent de nombreux éléments, intratextuels, intertextuels et surtout linguistiques. Gilles Roussineau attire notamment l’attention sur le vocabulaire extrêmement riche du texte, véritable mine d’or pour les spécialistes. Sont encore fournis une liste des armoiries des chevaliers du texte (1099-1100), un relevé des proverbes, aphorismes et expressions silencieuses (1101-11), puis une table des noms propres. Pour celle-ci, l’éditeur a eu la bonne idée d’aborder séparément l’Évangile de Nicodème (1149-53), et le reste du texte (1113-47), offrant ainsi une aide précieuse aux spécialistes. L’ouvrage se termine sur un long glossaire (1155-1419) qui profitera grandement aux lexicologues. Au final, on ne peut que saluer ici la sortie d’une excellente édition et l’achèvement d’un travail de (très) longue haleine. Avec la sixième partie du Perceforest, Gilles Roussineau offre un ouvrage soigné, fruit d’un travail rigoureux et précis. Ce livre marque l’achèvement, pour l’éditeur, d’un monumental labeur entamé il y a près de trente ans. Sa persévérance et sa constance permettent de mettre aujourd’hui à disposition de la communauté scientifique la totalité d’un texte dont la richesse et l’ambition sont immenses et qui mérite à plus d’un titre d’être (re)découvert. Noémie Chardonnens H Pierre de L’Estoile, Journal du règne de Henri IV, édition critique publiée sous la direction de Gilbert Schrenck, tome II: 1592-1594 (transcription Ms. fr. 10299 et 25004 de la BnF), édité par Xavier Le Person, glossaire établi par Volker Mecking, Genève (Droz) 2014, xv + 551 p. (Textes Littéraires Français 630) Nachdem Gilbert Schrenck gemeinsam mit Madeleine Lazard bereits in den Jahren 1992-2003 L’Estoiles Werk Registre-Journal du règne de Henri III in sechs Bänden bei Droz (Genf) ediert hatte und nachdem dann 2011 der erste Band des von L’Estoile verfassten Journal du règne de Henri IV 1 von einem Editorenteam ebenfalls bei Droz herausgegeben worden war, ist nunmehr in einem zweiten Band dessen Fortsetzung von demselben Herausgebergremium ediert worden. Es ist zu begrüßen, dass damit das Editionsprojekt der von L’Estoile zur Regierungszeit Heinrichs III. (1574-89) und Heinrichs IV. (1589-1610) verfassten Werke einen relativ zügigen Fortgang nimmt; wird damit doch ein wichtiges