Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2015
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Kristol De StefaniMagali Rouquier, L’émergence des constructions clivées, pseudo-clivées et liées en français, Paris (Classiques Garnier) 2014, 206 p. (Histoire et évolution du français 3)
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Mathieu Avanzi
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Besprechungen - Comptes rendus 342 1 O. Jespersen, La philosophie de la grammaire, Paris 1971. 2 C. Molinier, «Construction en ‘c’est’: une classification générale», Cahiers de grammaire 21 (1996): 75-94. le professeur Wim Remysen (http: / / catfran.flsh.usherbrooke.ca/ chroque). R. Franceschini, «Pour une définition du lieu du contact linguistique». Discussion méthodologique documentée sur la façon de cerner et de catégoriser les situations de contact qui sont à l’origine des mutations que subissent les langues. L’auteure discerne dans les travaux récents l’émergence d’une approche d’analyse intégrée, qu’elle nomme «approche écologique», permettant d’établir une connexion entre les facteurs externes et internes du changement. Pour ce qui est du domaine du «français hors de France», on s’étonne tout de même du peu de place accordé aux travaux des chercheurs qui étudient les français nord-américains. Ces français présentent une diversité de situations de contact qui ont l’avantage d’illustrer presque en direct des phénomènes comme la minorisation, le métissage linguistique, la restructuration morphologique, l’alternance codique, en somme tous les stades de l’étiolement linguistique. G. Lüdi, «Politiques et gestion des langues et pratiques linguistiques dans l’ancien évêché de Bâle». L’étude de ce sujet relatif à des situations variables qui se sont produites sur une période de plusieurs siècles a nécessité d’importants travaux de dépouillement. En effet, la question de la gestion des langues en contact (allemand, français et latin) n’est abordée que de façon diffuse dans les quelques décrets qui abordent la thématique linguistique. C’est par l’étude de documents attestant des décisions, des pratiques effectives observables et de récits qu’on peut en arriver à dégager un état des lieux. L’auteur met en évidence la complexité de la politique linguistique et l’incohérence des décisions dans l’évêché de Bâle. On n’observe pas à l’époque de controverses publiques autour de la langue, comme c’est le cas de nos jours. S’il est une notion qui est omniprésente dans ces Mélanges, c’est bien celle de la variation linguistique. Elle se retrouve au cœur de l’œuvre d’Andres Kristol qui a, nous rappellent les éditrices dans l’«Avant-propos», créé l’image de la roue de secours pour parler de toute variante linguistique non standard qui pourrait un jour s’avérer indispensable. Nous nous joignons aux auteurs de ce recueil pour le remercier pour tout ce qu’il a apporté à la linguistique française et pour son humanisme souriant. Claude Poirier H Magali Rouquier, L’émergence des constructions clivées, pseudo-clivées et liées en français, Paris (Classiques Garnier) 2014, 206 p. (Histoire et évolution du français 3) L’ouvrage de M. Rouquier est consacré à la description de trois grandes familles de constructions en «c’est» du français. La première concerne les phrases formées sur le moule c’est X Qu- + Verbe, que l’on nomme, à la suite de Jespersen 1 , «clivées» (du type c’est mon stylo que Luc a volé, 8). Dans ces tours, un syntagme (le SN Luc) régi par un verbe (a volé) est mis en exergue dans un dispositif de c’est ... qu- ... La seconde famille constitue celle des «pseudo-clivées» et des structures apparentées, qui respectent le patron A c’est B (Ce que j’aime c’est les applaudissements, 11), et dans lesquelles la valence d’un verbe recteur (j’aime) est réalisée en deux moments dans la même séquence phrastique: d’abord sous la forme d’une proforme (ce que), ensuite sous une forme lexicale développée introduite par c’est (les applaudissements). La troisième et dernière famille concerne les configurations que l’auteure appelle, à la suite de Molinier 1996 2 «constructions liées», et qui s’alignent sur le moule c’est A que B (du type c’est un rôle difficile que Sepulveda, 138), constructions dans lesquelles Besprechungen - Comptes rendus 343 3 Voir p.ex. C. Blanche-Benveniste et al., L’approche pronominale et son application au français, Paris 1984. 4 Cf. p.ex. Sophie Brault-Scappini, Étude du dispositif d’extraction en ‘c’est ... qu-’, différenciation entre une relative en «c’est ... qu-’» et une proposition clivée, thèse de doctorat, Université de Provence, 2006. 5 M. Rouquier, «Les constructions clivées en ancien français et en moyen français», R 125 (2007): 167-212. 6 C. Blanche-Benveniste, «Prépositions à éclipses», TL 42-43 (2001): 83-95. l’élément qui suit c’est et qui précède que (un rôle difficile) joue un rôle évaluatif par rapport à l’élément qui suit la particule que (Sepulveda). L’approche choisie est essentiellement syntaxique (elle s’inscrit dans la lignée des études développées dans le cadre de l’approche pronominale, initiée par les linguistes C. Blanche-Benveniste et K. van Eynde 3 ) et diachronique (les corpus utilisés pour l’analyse concernent les périodes de l’ancien et du moyen français, même si le propos est parfois illustré avec des exemples de français moderne). L’ouvrage est organisé en 5 chapitres, précédés et suivis d’une introduction et d’une conclusion. Un index en facilite la consultation. Les trois premiers chapitres sont principalement consacrés aux constructions clivées. Cette partie, qui comporte plus de 100 pages, est la plus importante de l’ouvrage. Elle s’ouvre avec un chapitre qui fait le point sur le statut et la relation syntaxiques des éléments qui composent les structures de type c’est X Qu- + Verbe, présente quelques études sur la diachronie de ces tours ainsi leurs propriétés syntaxiques et pragmatiques. On y apprend que ces tournures sont très anciennes (21): les premières attestations dont on dispose figurent dans La Vie de saint Alexis (XI e siècle), mais leur fréquence augmente significativement à partir des XIV e et XV e siècles, quand les restrictions pesant sur l’ordre des mots commencent à être de plus en plus importantes (39). À la lecture de ce chapitre, l’on comprend également que l’identification des clivées dans les corpus d’ancien et de moyen français ne va toujours de soi, car sous un même schéma c’est X Qu- + Verbe, il existe de nombreuses constructions qui ne partagent pas les mêmes propriétés formelles que la clivée, comme c’est le cas en français moderne 4 . L’inventaire de ces structures homonymes en surface est établi au chapitre 2. L’auteure discute notamment d’exemples où l’élément c’est est suivi d’un pronom relatif cil, d’un superlatif ou d’un SN indéfini, et argue que dans ces exemples, la construction verbale introduite par quest une relative qui précise le champ d’application de l’élément qui suit c’est, et qu’il ne s’agit pas du second membre d’une clivée. Le chapitre 3, version remaniée d’un précédent article de l’auteure 5 , est dédié à la diachronie des constructions clivées. La description proposée s’articule en deux temps. Dans un premier temps, l’auteure passe en revue les propriétés des clivées non-prépositionnelles, i. e. des structures dans lesquelles l’élément mise en vedette est un SN (... ce n’est pas guerre qui en ce royaume se mayne, c’est une privee roberie ..., 62), un pronom (Es tu ço qui paroles? , 70) ou un adverbial temporel (ce fu l’autrier que je fui a Charlon, 99). Rouquier discute également du changement de paradigme dans la forme des pronoms (passage de ce sui je à c’est moi), de même que des rendements fonctionnels du clivage (mise en contraste et énumération de paradigmes). Dans un second temps, en se basant sur la description proposée par C. Blanche-Benveniste 6 pour le français moderne, l’auteure étudie les clivées mettant en jeu une préposition. Si l’auteure commente de nombreux exemples de clivées où la préposition précède l’élément mis en exergue (c’est por vos k’ele est en paine, 101) ou le suit (ce est li champions a qui je me devoie combattre, 101), elle conclut du faible nombre de constructions clivées où la préposition précède et suit le SN (c’est a vous a qui je vendi, 102), qu’il s’agit là d’un fait relativement marginal en ancien et en moyen français. Le chapitre suivant, consacré aux structures pseudo-clivées et aux constructions apparentées, est le plus court de l’ouvrage (123-35). L’auteure n’a en effet trouvé qu’une série Besprechungen - Comptes rendus 344 7 M.-N. Roubaud, Les constructions pseudo-clivées en français contemporain, Paris 2000. 8 M. Rouquier, «Les constructions liées: c’est une saine occupation que l’horticulture», BSL XCVII/ 1 (2001): 152-86. 9 Pour les origines du traitement de que comme élément anti-dislocation, voir C. Blanche-Benveniste, «Morphological and syntactical complexity in French interrogatives predicates», in: L. Mereu (ed.), Boundaries of Morphology and Syntax, Amsterdam 1999: 159-74. 10 Cf. Brault-Scappini, loc. cit. 11 D. Apothéloz, «Pseudo-clivées et constructions apparentées», in: Groupe de Fribourg, Grammaire de la période, Berne 2012: 207-32. de trente exemples dans les corpus à sa disposition (135). Cela lui a toutefois permis de conclure que la grammaticalisation de l’élément c’est comme verbe d’équivalence s’est établie au XIV e siècle, en concomitance avec l’installation de ce qui/ ce que. Une comparaison de ces résultats avec ceux de Roubaud 7 lui permet également de conclure que sur le plan syntaxique, l’inventaire des proformes permettant de construire des pseudo-clivées, de même que la nature des éléments équivalents à cette proforme étaient beaucoup plus restreints qu’en français moderne. En pratique, seuls les éléments chose, ce quet le plus que étaient utilisés pour introduire une pseudo-clivée, alors que les formes lexicales proportionnelles à ces proformes étaient de type SN, ADJ et que-P. Le dernier chapitre constitue une analyse retravaillée et augmentée d’un précédent article de l’auteure portant sur les constructions liées en français 8 . C’est un chapitre important dans l’histoire de la description de cette construction. Important d’abord car il rend compte du fait que l’inventaire morphosyntaxiques des éléments A et B dans des constructions de type c’est A que B en français moderne est plus large que ce que la littérature n’a laissé entendre alors (d’ordinaire, on ne trouve que des constructions où les deux termes A et B sont des éléments nominaux (c’est une belle fleur que la rose, 138)). Important ensuite car il rend compte, sur la base de cet inventaire, de la stabilité de la nature catégorielle des segments entre l’ancien et le moyen français. En ancien comme en moyen français, le paradigme des formes qui commutent avec A et B est assez restreint par rapport au français moderne: le segment B ne peut être que de nature nominale ou alors un verbe à l’infinitif. Ce n’est qu’à partir du XVI e que cette structure se diversifie, et que le paradigme des éléments A et B s’élargit. Le chapitre se termine par une analyse consacrée aux interrogatives de type qu’est-ce (qu’) un N? , où l’auteure voit ici aussi la présence du morphème que comme un élément anti-dislocation 9 . L’ouvrage de Rouquier comporte quelques problèmes de structure, ce qui peut gêner lors d’une première lecture (pourquoi ne pas avoir regroupé les trois premiers chapitres en une seule grande section? ). Il nécessite également que le lecteur ait quelques connaissances d’ancien et de moyen français (cf. la discussion sur le «fameux» ce sui je (71)), et qu’il procède par lui-même à l’interprétation de certains tableaux récapitulatifs (les tableaux p. 114-15 ne sont p.ex. pas commentés). On déplore l’absence, en bibliographie, de travaux importants et récents, dédiés aux clivées 10 et aux pseudo-clivées en français moderne 11 , conduits eux aussi dans le cadre de l’Approche Pronominale pour le premier, dans le cadre de la macro-syntaxe fribourgeoise pour le second. Mis à part ces petits problèmes, on ne peut recommander que la lecture de cet ouvrage. Pour les médiévistes, il constitue une synthèse inédite de nos connaissances sur des constructions qui ne sont pas ou à peine signalées dans les grammaires d’ancien et de moyen français. Pour les spécialistes du français moderne, il constitue une référence utile en vue de disposer de critères formels en vue de faciliter l’identification des structures clivées et liées dans les corpus écrits et oraux. Mathieu Avanzi H
