Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2015
741
Kristol De StefaniMathieu Avanzi / Virginie Conti / Gilles Corminboeuf / Frédéric Gachet / Laure Anne Johnsen / Pascal Montchaud (dir.), Enseignement du français. Les apports de la recherche en linguistique. Réflexions en l’honneur de Marie-José Béguelin, Bruxelles (Peter Lang) 2014, 378 p. (GRAMM‑R. Études de linguistique française 21)
121
2015
Cristina Brancaglion
vox7410345
Besprechungen - Comptes rendus 345 Mathieu Avanzi/ Virginie Conti/ Gilles Corminboeuf/ Frédéric Gachet/ Laure Anne Johnsen/ Pascal Montchaud (dir.), Enseignement du français. Les apports de la recherche en linguistique. Réflexions en l’honneur de Marie-José Béguelin, Bruxelles (Peter Lang) 2014, 378 p. (GRAMM-R. Études de linguistique française 21) Les élèves et les anciens collaborateurs de Marie-José Béguelin ont voulu saluer son départ à la retraite (2013) par un recueil de travaux visant à approfondir un des nombreux domaines de recherche auxquels elle a consacré son activité, à savoir la relation entre la linguistique et l’enseignement du français. Un «Avant-propos» (11-15, par les coordinateurs) et une «Postface» (361-66, par Michèle Fruyt) rendent hommage à Marie-José Béguelin en évoquant sa longue et prestigieuse carrière ainsi que la richesse et l’originalité de ses recherches, tandis qu’une bibliographie décrit de façon plus détaillée les volumes et articles écrits ou édités par la linguiste («Travaux de Marie-José Béguelin», 17-26). Le volume est organisé en quatre parties, dont la première («Les théories linguistiques à l’épreuve de la didactique des langues») réunit des réflexions sur le rôle du savoir linguistique dans l’enseignement actuel du français et sur les modalités de son intégration à la pratique didactique. Jean-Paul Bronckart («Des effets en retour de l’analyse didactique», 29-40) montre à ce propos que, face au caractère fractionné de la linguistique contemporaine, le champ didactique actuel réclame essentiellement, «avec force et urgence» (35), un cadre théorique général, dont les bases sont à rechercher dans l’œuvre saussurienne. Celle-ci est approfondie sous un angle particulier par Ecaterina Bulea («Réflexions sur et pour une didactique de la linguistique (saussurienne)», 41-53), qui étudie les «gestes didactiques» (45) de Saussure à partir des informations que l’on peut inférer des notes de ses étudiants, afin de contribuer à l’élaboration d’une didactique de la linguistique. La question du métalangage est au cœur des deux contributions suivantes, qui s’intéressent à l’enseignement de la grammaire. Dans un «Entretien grammatical d’une praticienne avec un théoricien» (55-67), Anne-Rosine Delbart invite Marc Wilmet à réfléchir aux problèmes théoriques qui surgissent lors de la conception de manuels de langue et de grammaires pédagogiques, tels que le choix de la terminologie grammaticale ou le degré de tolérance face aux usages qui contredisent la norme à enseigner. En essayant de fournir des réponses et des outils aux enseignants confrontés à ce genre de problèmes, Dan Van Raemdonck («Pour une linguistique applicable. Vers une refonte du penser et du dire grammaticaux à l’école», 69-86) décrit un parcours progressif d’«appropriabilité» du discours grammatical, mis en pratique avec les élèves âgés de 6 à 15 ans des Hautes écoles belges; le projet a abouti à la réalisation d’un référentiel, d’une plateforme web de discussion et d’outils pédagogiques audiovisuels. Ensuite Louis de Saussure propose un «Éloge de la phrase en impression subjective» (87- 102), où il s’interroge sur la notion de phrase telle qu’elle est proposée dans les ouvrages scolaires, ainsi que sur sa pertinence dans l’analyse d’énoncés oraux, en mettant ainsi en relief l’importance des compétences inférentielles dans la reconstitution des structures linguistiques. Marc Bonhomme adresse son attention aux «Apports de la linguistique pour l’enseignement des figures du discours» (103-17) et constate, à travers l’analyse de huit manuels, que leur traitement n’intègre pas encore les recherches linguistiques sur la figuralité du langage des cinquante dernières années. Il avance alors quelques propositions pour en renouveler l’approche dans l’enseignement secondaire et universitaire, et suggère de revisiter les classements en tenant compte des apports du Groupe Mu et de Molinié; de faire ressortir la productivité des figures en dehors du domaine littéraire; de mettre en relief comment elles peuvent investir tout l’espace discursif; de montrer qu’il s’agit de constructions malléables, capables d’ouvrir à une pluralité de lectures. Cette première section se termine par une contribution de Marinette Matthey («Faut-il vraiment former les (futurs) enseignants de français en linguistique? », 119-27), qui examine les arguments pour et contre la formation en Besprechungen - Comptes rendus 346 linguistique dans les curricula universitaires des études littéraires. Les travaux de Marie-José Béguelin prouvent l’utilité de cette formation, que l’on recommande cependant d’intégrer à une approche pluridisciplinaire élargie aux apports de l’ethnographie, de la sociologie et de l’histoire. Les sections suivantes sont ciblées sur des aspects plus spécifiques. La deuxième, qui concerne «L’enseignement du français langue étrangère», s’ouvre par deux études contrastives consacrées au système verbal, visant à réfléchir d’un côté aux savoirs et aux instruments nécessaires à un étudiant allophone pour catégoriser un verbe comme intransitif (Alain Kamber et Maud Dubois, «Io vado n’est pas je vais. Aller, un verbe ‹intransitif› pour les apprenants de FLE», 131-49) et de l’autre à analyser les difficultés des apprenants polonais dans la maîtrise du passé composé, à cause des différences considérables entre le système aspectuo-temporel de cette langue et celui du français (Małgorzata Nowakowska, «Note sur la difficulté d’enseigner le passé composé aux étudiants polonais», 151-66). D’autres contributions explorent des activités didactiques - notamment celles basées sur la contraction de texte, qui s’avère très efficace dans la pratique textuelle du discours rapporté (Janine Jespersen et Françoise Zay, «Place et usage du discours rapporté dans la pratique du résumé. Examen de quelques manuels d’enseignement FLE», 167-80) - ou des supports - en particulier l’emploi des textes littéraires dans la pratique de la lecture (Thérèse Jeanneret, «Simplification et réécriture des textes littéraires. Quels apports pour une didactique de la littératie en français? », 181-96). Enfin, Laurent Gajo («Plurilinguisme et FLE: entre étrangéité et étrangeté», 197-205) montre comment le paradigme du plurilinguisme est susceptible de modifier et de renouveler la réflexion sur le FLE, en prenant en compte aussi les champs de l’intercompréhension entre langues romanes et du contact des langues. La troisième section porte sur «La didactique de la grammaire» et propose tout d’abord une contribution qui invite à penser à la grammaire au-delà des limites de la phrase. Trois spécialistes de linguistique textuelle et de didactique - Michel Charolles, Bernard Combettes, Caroline Masseron («Grammaire de texte et grammaire de phrase. Les avatars d’une didactisation», 209-30) - offrent en effet un très avantageux rappel de l’évolution des études de grammaire de texte et d’analyse du discours en France de 1970 à 2000, avant de s’interroger sur les raisons de l’accueil modéré de ces travaux dans les programmes d’enseignement et dans les manuels. En prenant appui sur les travaux de Marie-José Béguelin, ils suggèrent finalement quelques pistes pour réorienter de façon efficace cet aspect de l’enseignement du français. Dans la contribution suivante, qui s’applique au cas particulier de l’enseignement du passif dans un contexte helvétique («Quelle voie pour le passif? », 231- 52), Jean-François de Pietro revient sur des questions liées à la transposition didactique de la grammaire, telles que les théories de référence ou les options terminologiques; il invite finalement à envisager la question dans une perspective panfrancophone et interlinguistique basée sur la collaboration entre didacticiens, linguistes, formateurs et enseignants. Ensuite, une réflexion critique sur la «manuélisation» de l’opposition «discours» vs «récit» et une relecture d’un écrit de Benveniste permettent à Françoise Revaz de proposer un modèle énonciatif articulé en trois sous-systèmes, qui offre l’avantage de réintroduire le récit au passé composé et de résoudre ainsi une des difficultés liées à l’analyse du texte narratif («Raconter au passé composé. Une infraction à la théorie? », 253-66). L’article suivant, qui s’inscrit dans la prolongation des recherches de Marie-José Béguelin sur la complémentation verbale, fait ressortir le lien linguistique entre perception et cognition grâce à l’analyse syntaxico-sémantique des verbes voir, regarder, observer, constater; Dominique Willems parvient ainsi à montrer tout l’intérêt d’une approche didactique qui sache mettre en lumière la portée sémantique de chaque construction («De la perception à la cognition ou comment donner du sens à la grammaire», 267-77). L’article conclusif de cette troisième partie, par Alain Berrendonner («De la norme en classe», 279-87), est une réflexion sur l’exposition Besprechungen - Comptes rendus 347 aux normes d’usage en milieu scolaire, à travers les manuels de grammaire et les remarques des enseignants en marge des copies corrigées. Il en résulte que le discours normatif se fait de plus en plus discret, implicite, vu que les prescriptions sur le bon usage sont presque absentes en dehors du domaine de l’orthographe, avec le risque évident de créer ainsi un obstacle ultérieur à l’apprentissage, puisque l’accès à la langue «légitime» (286) s’en trouve compromis. La quatrième partie du volume réunit des réflexions «Autour des compétences de l’apprenant». Persuadées, comme Marie-José Béguelin, de la nécessité d’analyser la logique grammaticale qui sous-tend les discours des élèves, Simona Pekarek Doehler, Evelyne Pochon-Berger et Ioana-Maria Stoenica («La grammaire comme ressource pour interagir. Réflexion autour de la compétence d’interaction en langue seconde», 291-305) essayent de mieux comprendre la place des ressources linguistiques dans la compétence d’interaction en examinant en particulier l’exploitation de la dislocation à gauche dans des échanges verbaux de lycéens non-natifs, ce qui contribue en outre à éclairer l’usage de formes non-standard. Toujours en s’appuyant sur des productions d’élèves, Marie-Noelle Rouhaud et Claudine Garcia-Debanc examinent les écarts à la norme relevés dans les écrits narratifs d’enfants de CM2 («L’approche d’‘anomalies’ dans des textes narratifs d’élèves de fin d’école primaire (10-11 ans). Quelques pistes pour la lecture des textes par les enseignants», 307-25); l’analyse porte en particulier sur les écarts syntaxiques (insertion de relatives, procédés de double-marquage, phénomènes de «lecture par le sens») et textuels (emplois anaphoriques et marques de segmentation et de connexion), qui sont étudiés en tant qu’«anomalies» afin d’encourager les enseignants à s’interroger sur la grammaire propre des élèves. Finalement, en adoptant la perspective du psychologue, Stéphane Breux et Anne-Nelly Perret-Clermont observent les prises de parole d’enfants en situation asymétrique, c’est-à-dire lorsque l’enfant ne prend pas la parole spontanément mais sur invitation d’un adulte («Être élève et exprimer une pensée propre: un paradoxe? », 327-40). Cela aide à mieux comprendre les difficultés des prises de paroles d’élèves en situation pédagogique, dues à la tension qui se crée entre l’invitation à s’exprimer de façon personnelle et le souci de produire des réponses acceptables. Après ces quatre volets thématiques, le volume accueille une «Contribution hors-thème» de Raffaele Simone, qui se veut «Une théorie simple de la saillance» (343-59). Cette collocation dans le volume semble confirmer la tendance à considérer le phénomène de la saillance «comme un élément surajouté» (343). Afin de mieux le définir, Simone précise qu’il concerne tout ce qui permet de «marquer la différence d’un constituant par rapport aux autres» (349) et l’inscrit dans une théorie linguistique - celle de la Grammaire des Catégories et Construction (GCC); il introduit ensuite les éléments nécessaires à sa description - le «support», le «format» et le «report» - et montre les pistes d’analyse que cette approche permet d’envisager. Le fait que la presque totalité des études ici réunies s’inspire des idées ou des travaux de Marie-José Béguelin contribue largement à souligner non seulement l’étendue de ses intérêts, mais aussi la productivité de sa réflexion dans les domaines de la linguistique théorique et appliquée, ainsi que sa capacité à stimuler la recherche actuelle. L’on ne peut conclure que par le souhait que ce livre puisse atteindre un vaste public, et notamment les enseignants, pour qui la lecture de ces essais sera l’occasion de mieux saisir les raisons profondes des difficultés constatées dans la pratique pédagogique et de s’interroger profitablement sur le cadre conceptuel dans lequel ils inscrivent leur activité. Cristina Brancaglion H