eJournals Vox Romanica 75/1

Vox Romanica
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2941-0916
Francke Verlag Tübingen
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2016
751 Kristol De Stefani

Roland Alexander Issler, Europa Romanica. Stationen literarischer Mythenrezeption, Frankfurt (Klostermann) 2015, 838 p. (Analecta Romanica, 84)

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2016
Jean-Claude Mühlethaler
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Besprechungen - Comptes rendus Philologie et linguistique romane générales - Allgemeine Philologie und romanische Sprachwissenschaft Roland Alexander Issler, Europa Romanica. Stationen literarischer Mythenrezeption, Frankfurt (Klostermann) 2015, 838 p. (Analecta Romanica, 84) La thèse de R.A. Issler retrace la réception du mythe d’Europe enlevée par Jupiter, de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Son travail, qui suit (presque toujours) la chronologie des textes étudiés, force l’admiration par le matériel rassemblé, l’auteur tenant non seulement compte de la littérature française, italienne et espagnole, mais veillant à situer chaque œuvre dans son contexte socio-culturel. La bibliographie des œuvres primaires compte à elle seule dix-huit pages et le tableau chronologique (831-38), qui s’arrête en 1993 (pourquoi donc? ), comporte 153 entrées; quant à la littérature critique, elle s’étale sur quarante-cinq pages. L’ouvrage se présente comme une somme qui se veut complète, du moins aussi complète que possible, quand on aborde un sujet vaste - et c’est peu dire! - lequel présuppose des compétences de romaniste, telles qu’on ne les rencontre guère en dehors de l’Allemagne ou de l’Italie. Saluons le courage de R.A. Issler qui pourrait, malgré son érudition, se voir reprocher l’un ou l’autre oubli, par exemple celui de faire l’impasse sur l’entrée consacrée à «Europe» dans le Dictionnaire des mythes littéraires dirigé par P. Brunel (Paris 1988), laquelle esquisse une histoire du mythe au fil des siècles. D’autre part, la mise en valeur d’une œuvre au détriment d’autres paraîtra peut-être discutable au spécialiste d’une époque ou d’une littérature nationale - à condition, évidemment, que celui-ci lise l’allemand! Mais le nombre des textes convoqués imposait une hiérarchisation des témoignages: certains ont droit à une page à peine, d’autres à un chapitre entier. Ainsi ressortent, à juste titre, l’importance de l’Ovide moralisé (191-209), qui marque de son sceau la réception du mythe au-delà du Moyen Âge, ou l’influence de l’Adone de Marino qui, à l’époque baroque, suscite des émulations en France et en Espagne. Des auteurs moins connus comme Jean Desmarets de Saint-Sorlin (Europe, 1642) se retrouvent sous les feux de la rampe (526-60): sa pièce, qui lie intimement mythe et actualité politique (la guerre de Trente Ans), se démarque de la lecture allégorico-chrétienne du Moyen Âge aussi bien que de la veine érotique, telle qu’on la trouve dès l’Amorosa visione de Boccace (254-55), puis dans le lyrisme de la Pléiade et chez Marino. Intéressantes sont aussi les pages consacrées à l’inflexion particulière que connaît le mythe en Europe, quand les poètes, de Pétrarque à Du Bellay, Gongora et ... Lorca, en exploitent les implications astrologiques, ou les pages qui évoquent le lien entre la fable et la corrida, épreuve dans laquelle s’illustrent volontiers les nobles espagnols aux XVII e et XVIII e siècles (410-15). R.A. Issler a raison: si le rapt d’Europe mérite de retenir notre attention, c’est que - profitant de l’homonymie entre le nom du continent et celui de la princesse phénicienne - il est susceptible de lectures variées, de sorte que, répondant à des interrogations sans cesse renouvelées, il est resté plus vivant que d’autres récits. À cet égard, signalons que l’Institut Universitaire de la Formation des Maîtres de Bretagne a organisé, il y a quelques années, un séminaire consacré à L’Europe enseignée (Paris 2005). La contribution de N. Lucas et V. Marie, parue dans les Actes de la rencontre, porte sur le «mythe d’Europe dans l’histoire des arts de l’Antiquité à nos jours» et débouche sur une suggestive grille d’analyse à l’usage des enseignants. Le rapt d’Europe (représenté d’ailleurs sur l’euro grec) touche encore aujourd’hui à des questions identitaires: voilà qui apporte de l’eau au moulin de l’érudit allemand! Besprechungen - Comptes rendus 240 Son investigation s’ouvre par une réflexion autour de la notion de mythe. Dans le sillage des travaux d’A. et J.Assmann 1998, l’auteur voit dans le mythe un récit à portée collective, inscrit dans la mémoire culturelle, qu’il s’agisse d’un récit fondateur, visant à expliquer le monde, ou d’une création individuelle et signée. Aux yeux de R.A. Issler, les différents types de mythe - du moment que ses implications religieuses se sont estompées - tendent à se combiner, de sorte qu’il juge légitime d’étudier le rapt d’Europe sous l’angle de l’«ästhetischer Mythenrezeption» (61), autrement dit du mythe littéraire. Relevons qu’il ne donne pas à cette notion le sens qu’elle a sous la plume de Ph. Sellier (dans Littérature 55 (1984): 112- 26) - absent de la bibliographie -, pour qui elle désigne un récit non fondateur, mais néanmoins placé sous un éclairage métaphysique. Vu que R.A. Issler remonte jusqu’à Moschos et Homère et finit avec la construction de l’Union européenne, il aurait eu avantage à adopter la distinction entre mythe littéraire et mythe littérarisé. Le second terme suggère heureusement les transformations dont est susceptible un mythe fondateur (comme celui d’Europe) à partir du moment qu’il fait l’objet de réécritures actualisantes par des auteurs. La quatrième de couverture promet une analyse de la réception du mythe dans les langues vernaculaires du XIV e siècle à nos jours. R.A. Issler se limite donc à esquisser les vicissitudes du rapt d’Europe de l’Antiquité à l’Ovide moralisé, posant le cadre de son étude en soulignant l’impact de la lecture allégorique (evhémériste et/ ou morale). Il manque néanmoins un maillon important: est passé sous silence le Premier Mythographe du Vatican (éd. J. Berlioz, Paris 1995), manuel à l’intention des clercs qui, rédigé entre le IX e et le XI e siècle, résume (sans l’interpréter) la «fabula» d’Europe et Jupiter, puis celle d’Agénor et Cadmus (Livre II, chap. 46 et 47), contribuant à leur diffusion. Même dans le Speculum maius de Vincent de Beauvais (II, 71: De Europa et eius regionibus), encyclopédie éditée encore au XVII e siècle, la présentation du continent s’ouvre sur une phrase évoquant le rapt de la jeune fille. Dans le sillage de l’Ovide moralisé et de Pierre Bersuire (209-19), on aurait pu citer l’Archiloge Sophie (vers 1400) où Jacques Legrand lit la fable comme une dénonciation de la luxure: le moine augustin rejoint Giovanni del Virgilio (188-89) qui voit dans Jupiter séduisant Europe et ses compagnes un seigneur entouré de prostituées; il annonce aussi Matteo Bandello brossant le tableau d’un Jupiter lascif (300). À la «chute» de la jeune femme répond, chez Jacques Legrand, la quête de Cadmus, fondateur de Thèbes: la fable, ornement rhétorique propre à frapper les esprits, peut servir aux écrivains à illustrer la chuerte et la rédemption (éd. Beltran, Paris 1986: 162-63) sous le voile de la mythologie. Trêve de broutilles! R.A. Issler ne se contente pas de retracer la présence du mythe chez les grands poètes, de Ronsard à Rimbaud en passant par Chénier et Leopardi, mais met en valeur des auteurs inattendus, par exemple Henri Baude (164-67) qui utilise le rapt d’Europe pour dénoncer une courtoisie de façade. En constatant (291) que, dans le lyrisme (d’amour) européen, le récit fait l’objet d’une fragmentation en éléments susceptibles d’être utilisés indépendamment, le critique signale un mécanisme essentiel de l’appropriation du mythe non seulement en poésie, qui pratique volontiers l’allusion, mais plus généralement en littérature: quand ils ne réécrivent pas le récit en entier, les auteurs choisissent dans le matériau mythique la scène qui convient à leur propos. Le rapt d’Europe se prête non seulement à des récupérations en clé morale, politique ou érotique; il fait l’objet de travestissements burlesques aussi bien en France qu’en Espagne. L’Ovide bouffon de Louis Richer (475) vise, comme le Virgile travesti de Scarron, son contemporain, le divertissement des lecteurs. Remarquons que Jupiter retrouvant le «plancher des Vaches» (487) - l’expression n’est pas attestée avant le XVI e siècle - s’inscrit avec bonheur dans cette version dérisoire du mythe où le dieu se métamorphose en «Taureau banal», c’est-à-dire, sous l’Ancien Régime, en un taureau qui appartenait au seigneur et dont les paysans devaient payer les services. C’est l’un des rares cas où le passage cité - on ne peut que remercier l’auteur des multiples citations, des illustrations aussi, qui enrichissent l’ouvrage! - aurait mérité d’être commenté plus en détail. Besprechungen - Comptes rendus 241 R.A. Issler ne se limite pas à la littérature strictu sensu. Alors que le mythe d’Europe ne se rencontre guère dans la tragédie classique, il connaît un certain succès dans la cantate profane (Jean-Baptiste Rousseau) ainsi qu’à l’opéra. Le voici par exemple au cœur du Ratto d’Europa (1717) du Métastase (633-48) que le critique rapproche judicieusement de l’Europa de Marino en citant côte à côte (comme il le fait aussi pour d’autres œuvres) les deux versions de la plainte de la jeune fille. De tels rapprochements ont le grand avantage de tisser des liens (ou d’établir des contrastes) entre des auteurs éloignés dans l’espace ou le temps; la distinction conventionnelle en périodes littéraires (Moyen Âge, Renaissance, baroque, classicisme, romantisme, etc.), trop linéaire, s’en trouve heureusement atténuée. Celle-ci, en effet, a pour conséquence que l’analyse du mythe débouche sur des résultats en bonne partie attendus, puisqu’ils confirment l’image générale (et réductrice) qu’on se fait de l’esthétique d’une époque: à l’allégorisation médiévale (qui a pourtant des ramifications tardives) répondent la récupération subjective et amoureuse (288) à la Renaissance, la «Lust am Mythos» (343) de la littérature baroque, plus proche de Moschos que d’Ovide, et le détournement du récit à l’époque moderne. Mais que faire par exemple du dizain CCCXXXIX de la Délie, précédé d’un emblème où figure l’enlèvement d’Europe, entouré d’une inscription («A seurte va qui son fet cele») qui valorise - dans un geste pré-baroque? - le déguisement du dieu? La composition de Scève se lit à la fois comme l’expression du désir amoureux et une «poétique du déguisement» (H. Campangne, Mythologie et rhétorique, Paris 1996: 217-18), un hermétisme qui justifie le recours au voile de la fable: on perçoit là l’héritage de l’obscuritas poétique défendue par Boccace, mais aussi l’idéal d’une subtilitas dont se réclamait déjà Guillaume de Machaut. Si l’étude de R.A. Issler illustre avec bonheur la plasticité du mythe en retraçant ses multiples actualisations, une question reste néanmoins ouverte à la fin de son beau livre. Les types de récupération mis en évidence ne sont-ils pas ceux que connaît tout mythe qui a traversé les siècles? ... Ne conviendrait-il pas de se demander avec Judith Schlanger (La mémoire des œuvres, Paris 2008), si l’actualisation par l’appropriation et la réécriture n’est pas la condition même de la survie de toute œuvre artistique? ... La question esthétique est aussi une question transhistorique: l’ouvrage de R.A. Issler en offre une démonstration éclatante, laquelle invite, nous semble-t-il, à élargir la réflexion. Jean-Claude Mühlethaler H Pierre Flobert, Grammaire comparée et variétés du latin. Articles revus et mis à jour (1964- 2012), Genève (Droz) 2014, xx + 745 p. (Hautes études médiévales et modernes 105) Wenn ein Gelehrter nach fünfzig Jahren Forschung die Resultate seiner Arbeit in einem Band vereinigt, entsteht ein gewichtiges Werk. Das ist der stattliche Band, den der französische Latinist Pierre Flobert unter dem Titel Grammaire comparée et variétés du latin vorlegt, im eigentlichen und im übertragenen Sinn. Auf das Vorwort des Autors (vii-xi) folgt die Bibliographie der Schriften von Pierre Flobert (xii-xx). Von den 90 Beiträgen, die den Hauptteil des Bandes ausmachen, sind die ersten 16 Jahresberichte der 4. Sektion der École pratique des hautes études aus den Jahren 1977 bis 1993 (1-35). Die letzten 6 porträtieren unter dem Titel «Figures de savants» eine Reihe von Forscherpersönlichkeiten, denen der Autor sich verbunden fühlt (85.-90., 689-724). Die restlichen 68 Beiträge enthalten Artikel («Revues, colloques, mélanges»), die in 7 Sektionen gegliedert sind: I. «Voix et diathèse verbales» (17.-21., 37-86). II. «Grammaire comparée du latin» (22.-30., 87-153). III. «Auteurs et textes épigraphiques» (31.-43., 155-271). IV. «Grammairiens anciens et manuels latins» (44.-53., 273-377). V. «Les métamorphoses du latin» (54.-66.,