Vox Romanica
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Francke Verlag Tübingen
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2016
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Kristol De StefaniAlain Corbellari, Des fabliaux et des hommes. Narration brève et matérialisme au Moyen Âge, Genève (Droz) 2015, 204 p. (Publications romanes et françaises CCLXIV)
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Laurent Bozard
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Besprechungen - Comptes rendus 288 La nomenclature est très vaste, réunie à partir de dépouillements nombreux; organisée en ordre alphabétique, elle limite, pour des raisons qui tiennent à son statut encore in fieri, les articles dévolus à l’édition électronique, mais inclut des unités lexicales traduites ou calquées sur d’autres langues, l’italien en particulier (par exemple: apparat critique, diachronique, évolutif, génétique, mixte, innovation contrainte ...), et de nombreux mots communs à bien d’autres disciplines et sciences humaines dont ne sont retenues que les acceptions propres à la pratique éditoriale (analyse, archéologie, art, aval, bibliographie etc.). Chaque article comprend, après l’entrée, la ou les définitions, précédée(s), si nécessaire, d’une mention de domaine; quelques remarques, séparées par des barres verticales, peuvent porter sur les différentes approches ou méthodes utilisant le même terme avec des nuances voire des acceptions différentes (par ex. pour ce qui concerne la philologie «traditionnelle» et la critique génétique ou encore la New Philology; on verra entre autres l’entrée codicologie). Seuls les renvois bibliographiques essentiels trouvent place à l’intérieur des articles, les autres étant réunis dans une bibliographie d’ensemble dont on apprécie l’étendue et la mise à jour (17-43). La visée pédagogique poursuivie par F. D. me paraît parfaitement atteinte: la brièveté des articles ne va pas à l’encontre de la clarté; et malgré le caractère nécessairement technique du contenu, aucun jargon n’est affiché. Une seule observation d’ensemble: un système de repérage simple (par exemple un astérisque) aurait permis de renvoyer rapidement d’un article à l’autre, par exemple entre homéotéleute et saut du même au même; s’il est vrai que dans certains articles ces signes seraient certainement (trop) nombreux, ils seraient surtout utiles pour signaler la présence - ou, en creux, l’absence - de certaines entrées; il est vrai d’autre part que le lecteur curieux n’aura aucun mal à se promener agréablement d’un article à l’autre en fonction de ses intérêts, la présentation alphabétique simplifiant indubitablement toute recherche, et la «Liste des entrées» fournie dans les dernières pages facilitant ultérieurement une consultation rapide. Pour une œuvre de ce genre, qui comble une lacune importante et dont la valeur ne fait aucun doute, il peut paraître mesquin de signaler quelques absences: ainsi, on se demande pourquoi traitement du texte ne figure pas (alors que toilette du texte est prévu), ainsi que des termes ayant trait à la description matérielle des témoins (certes, pour ceux-ci le Vocabulaire codicologique de Denis Muzerelle, en ligne [http: / / vocabulaire.irht.cnrs.fr/ ], fournit aujourd’hui un outil aussi riche qu’incontournable). En contrepartie, signalons un intérêt majeur du livre de F. D., à savoir la prise en compte de l’édition de textes tant anciens que modernes, basée sur des témoins manuscrits, certes, mais aussi imprimés, ce qui encourage à franchir le pas entre transmission médiévale et moderne des œuvres. Maria Colombo Timelli H Alain Corbellari, Des fabliaux et des hommes. Narration brève et matérialisme au Moyen Âge, Genève (Droz) 2015, 204 p. (Publications romanes et françaises CCLXIV) En dix chapitres articulés chacun autour d’une thématique (archétypes, légendes urbaines, transmissions, merveilles, rêves, calembours, monologues, naïvetés, escroqueries, marges), Alain Corbellari propose dans cet ouvrage une compilation actualisée et enrichie de différentes études proposées par ailleurs. Cependant, dans leur regroupement en volume, celles-ci prennent une dimension particulière à travers le fil rouge que veille à mettre en exergue l’auteur: la question du matérialisme. Ce postulat épistémologique permet une lecture plus aisée de l’ensemble puisque les différents chapitres se font désormais écho. Si le médiéviste traditionnel peut se trouver Besprechungen - Comptes rendus 289 quelquefois un peu décontenancé par les correspondances qui sont proposées (avec des points de comparaison modernes comme, par exemple, Pierre Bellemare, p. 42, ou la bande dessinée, p. 61 - référence aux «sales blagues» de Vuillemin dans L’Echo des savanes ou au Principe des littératures dessinées de Harry, et non Henry, Morgan), ces «concordances des temps», chères à Jean-Noël Jeanneney, permettent d’éclairer certaines lectures avec un regard nouveau mais permettent aussi une meilleure vulgarisation des thématiques traitées. On pourrait parfois reprocher à l’auteur un grand écart avec son matériau premier, notamment dans le premier chapitre essentiellement consacré à Léon Bloy. L’hiatus temporel a beau être audacieux, il n’en reste pas moins que cette comparaison permet de relire les fabliaux avec d’autres enjeux, notamment leur rôle exemplaire. Par le biais de la fiction, Bloy cherche à atteindre les profondeurs de la nature humaine, comme l’ont fait d’une certaine manière les fabliaux avant lui. Le ton de ses anecdotes n’est ainsi pas sans rappeler «l’esthétique du fait divers» (28). Le fait divers se propage, comme au Moyen Âge les fabliaux se colportent, et tous deux, pour Corbellari, se rapprochent de la rumeur et des légendes urbaines. Cette dernière locution, pour anachronique qu’elle puisse paraître, correspond pourtant assez bien aux fabliaux: ils sont présentés comme authentiques, ont un lien avec le quotidien, possèdent un caractère narratif évident et illustrent souvent les dangers de la civilisation. Même si leurs sources sont parfois bien plus anciennes, les fabliaux insistent souvent sur les marques de véracité de leurs propos et tentent d’en persuader leurs auditeurs/ lecteurs. Pour Corbellari, ce type d’écrit «réalise la fusion de l’histoire drôle et de la légende urbaine» (51) puisqu’il vise à faire réfléchir sur les dangers du monde. Aux confins parfois de propos proches des «brèves de comptoir» ou de ceux tenus au «Café du Commerce» (61), les fabliaux visent à «stigmatiser certaines catégories professionnelles dont [la société] peut faire les boucs émissaires de ses mécontentements de classe» (62). Les stéréotypes récurrents sur le meunier médiéval trouveraient ainsi un écho dans les clichés autour du garagiste moderne (60). Urbain, quotidien, le fabliau se veut aussi terre à terre, par des principes de solide bon sens qu’il développe. C’est pourquoi le merveilleux y est somme toute peu présent et cantonné à des dimensions parodiques. Dans le même ordre d’idées, le rêve au Moyen Âge est généralement prémonitoire ou porteur d’un symbolisme certain (76), sauf dans les fabliaux dans lesquels ce sont surtout les femmes qui rêvent. Selon Corbellari, il ne faut pas y voir là seulement une vision diabolisée de la féminité mais bien la preuve du bon sens, du réalisme féminin. Le jeu de mot, à l’époque médiévale, sert souvent à «l’explication étymologique du monde» (102) mais il est finalement peu employé dans les fabliaux puisqu’ils récusent d’une certaine manière une lecture transcendante du monde, lui préférant un réalisme bien plus tangible. Par exemple, dans Boivin de Provins, la dénonciation de l’argent qui lie et détruit la société est patente (111). Le jeu dialogues/ monologues pose ainsi la question de la performativité pour, au final, insister sur la personnalité du personnage débrouillard. Ce type de caractère se retrouve dans l’utilisation de nombre de personnages proches de la figure du trickster (filou, fripon, rusé; voir Trubert, p. 124 s. ou Amis le Prêtre, p. 140 s.). À la marge de ce type de récit, les dits narratifs professionnels (comme les dits parisiens et ceux liés aux activités pratiques) utilisent abondamment les énumérations afin de proposer une «littérature comique à la fois parodique et démystifiante qui tourne le réel en bourrique tout en se donnant les gants d’en mimer la plate description» (171). Avec le fabliau, il ne s’agit pas de «promener un miroir le long du chemin» comme le dira plus tard Stendhal à propos du roman pour tendre vers une littérature du réel, un réalisme au sens que l’on donne à ce mot aujourd’hui. C’est pourquoi Alain Corbellari préfère à cette notion celle de matérialisme qui, il faut l’avouer, est en effet rendue de plus en plus juste et Besprechungen - Comptes rendus 290 1 Cf. unsere Besprechung hier. 2 Cf. hierzu Wille 2015: 1. perceptible au fil de ce recueil: les fabliaux refusent en effet le surnaturel pour mettre au premier plan les appétits et les besoins corporels, le profit immédiat et le carpe diem (173). De ce fait, il est logique qu’ils fassent une «consommation effrénée d’objets» (18) qui participent davantage selon l’auteur à une «narration volontiers fétichiste» plutôt qu’ils ne se présentent comme des «indicateurs d’une réalité qui se dérobe de toutes parts sous l’avalanche des rebondissements et des retournements de situation» (18). Il ne s’agit donc pas, pour l’auteur, d’opposer deux postulats philosophiques et esthétiques: idéalisme (majoritaire dans la littérature du Moyen Âge, 19) contre réalisme (c’est-à-dire narration plus crédible, p. 18). Au contraire, en s’axant davantage sur les mécanismes d’écriture que sur leurs effets supposés, en mettant l’accent sur la littérarité de ces récits, il s’attache à en démontrer les mécanismes qui insistent sur certaines spécificités du fabliau français. Partant, l’auteur dégage un certain état d’esprit qui sous-tend tous ces récits à portée plus exemplaire - donc matérielle, concrète, utile - que doctrinaire. Ce double mouvement entre effets de réel et stratégies d’écriture est justement celui qui est annoncé dès le titre de ce recueil. Cet ouvrage constitue une nouvelle approche de la lecture des fabliaux, dont Corbellari retrace un rapide historique de la réception depuis l’Ancien Régime. L’auteur y met en évidence, de manière plutôt convaincante, cette notion de matérialisme et relativise dès lors une partie des traditionnels «poncifs» du genre comme leur grossièreté, leur vulgarité ou leur obscénité. Laurent Bozard H Clara Wille, Prophetie und Politik. Die Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii des Alanus Flandrensis. Edition mit Übersetzung und Kommentar, 2 vol., Bern (Peter Lang) 2015, vi + 864 p. (Lateinische Sprache und Literatur des Mittelalters 49). Merlinus redivivus! Merlin scheint gegenwärtig Hochkonjunktur zu haben. Nach der erstmaligen Edition des Merlin en prose nach dem Ms. BN fr. 24394 durch Corinne Füg-Pierreville 1 nun auch noch die Zürcher Dissertation von Clara Wille, die die Explanatio zusammen mit der Prophetia Merlini nicht nur allgemein zugänglich macht, sondern in einer exzellenten Edition Standards setzt! Die beiden Arbeiten ergänzen sich in geradezu idealer Weise und überschneiden sich kaum. Die Explanatio ist der umfangreichste Kommentar der Prophetia Merlini (auch unter dem Namen Libellus Merlini bekannt) und einer der wenigen, der sämtliche Prophezeiungen abdeckt. Schon 1134 verfasst bzw. in Umlauf gebracht, stellt das Libellus eine Art «Vorabdruck» des Mittelteils der Historia Regum Britanniae von Galfried von Monmouth dar. Die HRB hatte gleich einen Riesenerfolg und damit auch die «Prophezeiungen», und es setzte sofort eine fast hektische exegetische Aktivität ein 2 . Autor scheint Alanus Flandrensis, Bischof von Auxerre und Schüler von Bernhard von Clairvaux zu sein, wie die Verfasserin in der Einleitung umsichtig und überzeugend darlegt. Überliefert ist die Explanatio in 3 Handschriften (P = Paris, V = Valenciennes, H = Den Haag) sowie in einem Druck vom Anfang des 17. Jh, der bis jetzt der einzig mögliche Textzugang war. Wille legt mit ihrer Dissertation erstmals eine moderne kritische Edition vor. Und es sei gleich eingangs gesagt: eine Ausgabe von höchster Qualität.
